Le délit d’initié est une manœuvre anti-concurrentielle utilisée en bourse. Elle consiste en l’utilisation frauduleuse d’informations confidentielles dans le but de faire des profits ou d’éviter les pertes. Il existe différents types de délits d’initié. Dans tous les cas, de lourdes sanctions pénales sont prévues par la loi.

Qu’est-ce que le délit d’initié ?

Le délit d’initié est une fraude qui consiste en l’exploitation abusive d’informations confidentielles en vue de réaliser des transactions en bourse

Plus concrètement, ce délit repose sur des opérations boursières dont le but est d’éviter une perte ou de générer des profits. Elles peuvent être menées soit par des personnes interposées, soit directement, mais toujours avant que le reste des actionnaires n’ait eu accès à l’information confidentielle.

Parce qu’elle donne l’avantage à l’initié sur les marchés financiers, cette manœuvre anti-concurrentielle est passible d’une condamnation pénale. La pratique est responsable d’une dérégulation des marchés et est donc punie par la loi (Code pénal). En quelques jours seulement, une telle fraude peut causer des fluctuations de la valeur des actions d’une entreprise cotée.

Quels sont les différents types de délits d’initié ?

Le délit d’initié direct 

Il correspond aux personnes les plus influentes des entreprises, telles que les PDG ou directeur financier. Elles sont soumises à une « présomption d’initiation ». Cela signifie qu’elles n’ont pas le droit d’opérer en bourse sur les titres des sociétés qu’elles possèdent. Cette interdiction s’étend également aux entreprises auxquelles elles participent. En effet, leur statut leur donnant accès à des informations confidentielles, elles se trouvent dans une position de supériorité. 

Le délit d’initié indirect

Les initiés indirects sont toutes les personnes qui peuvent accéder à des informations confidentielles par le biais de la fonction qu’elles occupent, y compris si elles ne participent pas aux décisions majeures de la compagnie. Par exemple, on peut citer les comptables ou encore les employés des banques.

Le délit d’initié potentiel

On parle ici de personnes externes aux sociétés, mais qui ont la possibilité d’accéder, de façon temporaire, à des informations confidentielles. Par exemple, c’est le cas des membres de la famille d’un cadre de l’entreprise, ou encore de prestataires de services.

Quelle sanction résulte d’un tel délit ?

Le délit d’initié est pénalement répréhensible. La peine n’est pas la même si le délit concerne une personne morale ou une personne physique. 

Ainsi, les personnes morales sont passibles d’une peine pouvant aller jusqu’à 5 ans de prison et 100 millions d’euros d’amende. Elles peuvent en outre être placées sous contrôle judiciaire. Enfin, elles peuvent perdre le droit d’exercer l’activité à l’origine de l’infraction. 

Les personnes physiques, quant à elles, peuvent être condamnées à 2 ans d’emprisonnement et 1,5 million d’euros d’amende. 

Enfin, au même titre que le délit d’initié, la complicité est, elle aussi, condamnée. La personne agissant au service d’un initié sera donc punie par la loi.

L’élément matériel du délit d’initié

L’élément matériel est défini par l’article L465-1 CMF, selon lequel le délit d’initié consiste à pour un initié à utiliser une information privilégiée sur le marché boursier.

L’élément matériel se subdivise donc en trois éléments :

  • Une information privilégiée
  • Détenue par un initié
  • Réalisation d’une opération sur le marché.

La notion d’information privilégiée

Cette notion est utilisée dans l’article L465-1 du CMF qui indique que l’initié « dispose d’informations privilégiées sur la situation d’un émetteur de titre sur le marché boursier ».

C’est la jurisprudence qui a du définir ce qu’est une information privilégiée. Cela n’a pas été facile pour des raisons de preuves, en effet il y a souvent des poursuites pour délit d’initié, mais celle-ci n’aboutissent que rarement. La Cour de cassation a élaboré deux critères : une information privilégiée doit être confidentielle et précise.

La confidentialité de l’information

L’information privilégiée est l’information que détient l’initié avant que le public n’en ait connaissance. Le privilège consiste en la connaissance d’une information alors qu’elle n’est pas accessible au plus grand nombre.

La question s’est posée de savoir si la confidentialité de l’information suppose que cette dernière ne soit connue que par une personne.

La Cour de cassation dans un arrêt du 29 nov. 2000 indique que l’information demeure confidentielle même si elle est connue par plusieurs personnes dès lors que ces personnes ne représentent qu’une fraction limitée par rapport à l’ensemble des partenaires du marché boursier.

Il s’agissait d’une information concernant la situation d’une banque, cette information avait été donnée dans une lettre interne à la banque qui était destinée à tous les chefs de service.

Cass. Com., 23 mars 2010 : Le CAC d’une SA constate qu’il y a des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation. Il déclenche une procédure d’alerte. Le Président du CA cède ses titres. Il est poursuivi pour délit d’initié, pour se défendre il invoque que l’information n’était pas confidentielle, il considère que tout le monde savait que la société était en difficulté. L’AMF a considéré que l’information était confidentielle car certes tout le monde connaissait les difficultés de la société, mais personne ne connaissait le déclenchement d’une procédure d’alerte.

La précision de l’information

Une information précise est une information qui est « immédiatement utilisable sur le marché ».

On distingue donc l’information privilégiée de la rumeur par sa précision.

La jurisprudence exige qu’il y ait des éléments objectifs dans l’information.

Il a par exemple était jugé qu’une information est précise lorsque l’on indique le montant des pertes réalisées par une société, ou qu’un projet d’OPA, un projet d’augmentation de capital était une information précise.

La question s’est posée de savoir comment il fallait apprécier les éléments objectifs relatifs à la précision de l’information. Si on apprécie de manière subjective cela signifie que le juge va analyser la précision de l’information au regarde de celui qui la reçoit, de manière objective on l’apprécie au regard de son contenu.

La Cour de cassation a tranché dans un arrêt de la chambre criminelle du 26 juin 1995. Il s’agissait de poursuites contre des dirigeants ayant vendus leurs titres après diffusion dans un cercle restreint du chiffre d’affaire consolidé déficitaire de la société. Des banques qui détenaient des titres avaient également vendu.

Dans cette affaire, les juges du fond avaient considérés que dans tous les cas l’information était précise parce que les destinataires de cette information étaient des banquiers et pour un banquier dire que la société est déficitaire est suffisamment précis (appréciation subjective). La Cour de cassation a cassé la décision de la Cour d’appel en indiquant que « la précision de l’information doit être appréciée uniquement au regard de son contenu, indépendamment des qualités et compétences de celui qui la reçoit ».

La détermination des personnes initiées

L’initié peut aussi bien être une personne morale qu’une personne physique. Il s’agit de la personne qui détient l’information privilégiée. L’article L465-1 du CMF distingue trois catégories d’initiés :

  • Les initiés directs ou initiés primaires, ce sont les dirigeants de SA.
  • Les initiés indirects ou initiés secondaires.
  • Les autres.