Le programme de clémence est un élément crucial dans la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles entre entreprises. C’est pourquoi il est important de mesurer son ampleur dans le domaine du droit de la concurrence. Connaître son rôle permet par ailleurs de comprendre pourquoi les sociétés devraient y avoir recours. Qu’il s’agisse de leur propre intérêt ou de celui du consommateur, les avantages de cette procédure sont considérables.

En quoi consistent les programmes de clémence ?

Ces dispositifs légaux sont régis par l’Autorité de la concurrence. À échelle européenne, un programme similaire a été mis en place par la Commission européenne. L’objectif de ces procédures est d’encourager les entreprises impliquées dans des ententes anticoncurrentielles ou des cartels à coopérer dans la détection et la lutte contre ces pratiques illégales. Elles permettent aux sociétés de bénéficier d'une réduction d'amendes, voire d'une immunité totale. En contrepartie, ces dernières s’engagent à coopérer activement dans l’enquête et à fournir des preuves.

Ententes et programme de clémence

Dans ce cas précis, les ententes font référence à des pratiques illégales de la part des entreprises. Elles ont pour particularité de nuire à l'équilibre du marché en restreignant la libre concurrence. Elles ont lieu lorsque les sociétés concluent des accords pour mener à bien des activités interdites par la loi. Il peut s’agir d’ententes de fixation des prix, de collusion, ou bien de répartition de marchés ou de clients. La manipulation des offres d'appel d'offres pour fausser la concurrence est une autre pratique illégale sanctionnable par la loi. Un cartel peut également englober toute autre pratique violant les lois antitrust. 

Pour lutter contre ce type de comportements contraires au droit de la concurrence, l'Autorité a mis en place des procédures. Elles visent à dissuader les cartels et à promouvoir une concurrence saine. Cela permet aussi de renforcer l'application de la loi en matière de concurrence.

C’est là que le programme de clémence entre en jeu. Cette politique gouvernementale incite les entreprises à dénoncer leurs pratiques anticoncurrentielles. Elle a pour vocation d’encourager la coopération des sociétés impliquées dans des ententes illégales. Il leur suffit de divulguer ces activités illicites et de coopérer avec les autorités de régulation. En échange, elles bénéficient d'une exonération totale ou partielle de sanctions. 

Pourquoi recourir au programme de clémence ?

En prenant en compte le fait que ces actions illégales peuvent être mises en lumière à tout moment, il est préférable d’avouer les faits au plus tôt. Il est effectivement difficile d’instaurer une relation de pleine confiance entre 2 entreprises concurrentes. Si les choses tournent mal, il n’y a absolument aucune garantie que l’une ne trahira pas l’autre pour préserver ses intérêts.

La logique de la procédure

La procédure de clémence fait directement écho au « dilemme du prisonnier », célèbre théorie du mathématicien Albert Tucker. Celle-ci met en exergue le fait que, en l’absence de coopération mutuelle, la poursuite de l’intérêt individuel nuit au collectif. Autrement dit, si les 2 parties coopèrent et qu’aucune d’entre elles ne trahit l’autre, la peine est minimale, faute de preuves. En revanche, si l’une d’entre elles prend la décision de dénoncer l’autre en premier, la peine maximale revient à celle qui a choisi de se taire. Les entreprises fautives ont donc tout intérêt à recourir à la clémence en dénonçant en premier le cartel ou l’entente. Elles ont ainsi l’opportunité de bénéficier d'une immunité totale ou d'une réduction partielle des amendes. 

Le tableau ci-dessous a pour but de clarifier la logique du concept avec un exemple concret. À noter que les montants des sanctions encourues qui apparaissent sont fictifs. Ils ne servent qu’à illustrer l’exemple.

  Entreprise B
Se tait Dénonce
Entreprise A Se tait Amende de 100 000 euros pour A et B Exonération totale pour B et amende de 1 million d’euros pour A
Dénonce Exonération totale pour A et amende de 1 million d’euros pour B Amende de 500 000 euros pour A et B

Dans quel intérêt ?

Les avantages du programme de clémence pour l’entreprise sont nombreux. Parmi eux : 

  • Préservation de sa réputation ;
  • Limitation des dommages financiers et des poursuites judiciaires ;
  • Minimisation des perturbations opérationnelles et des coûts associés ;
  • Renforcement de la crédibilité vis-à-vis des autorités ;
  • Gain de confiance envers les consommateurs ;
  • Consolidation de l’éthique commerciale au sein de l’entreprise.

Les conséquences des pratiques anticoncurrentielles

Les méthodes anticoncurrentielles, telles que les ententes ou les cartels, nuisent directement aux consommateurs. À long terme, elles sont également préjudiciables pour les entreprises.

Pour les consommateurs

En restreignant la concurrence, les entreprises favorisent une hausse des prix et une diminution de la qualité des produits. Les consommateurs se retrouvent par ailleurs face à un choix restreint de produits. C’est pourquoi il est primordial, pour préserver les intérêts des consommateurs, de rétablir au plus tôt une concurrence saine sur le marché.

Pour les entreprises

À court terme, l’instauration d’un cartel peut évidemment supposer un intérêt certain pour les sociétés impliquées dans des pratiques anticoncurrentielles. Les conséquences peuvent néanmoins être désastreuses et se faire ressentir à très long terme. Outre les amendes considérables, les dommages que provoque ce type de comportement peuvent être irréversibles. La réputation et la crédibilité de l’entreprise sont effectivement remises en question lorsque survient un tel évènement. Enfreindre les règles du droit de la concurrence en prenant une mauvaise décision stratégique est loin d’être anodin et peut se payer très cher.