Travail à distance : quel protocole respecter ?
Avec l'arrivée massive du télétravail dans notre société, vous vous demandez certainement si une indemnisation est obligatoire ? Tour d'horizon.
Grèves des transports, crise sanitaire… Vous avez été nombreux à recourir au télétravail en entreprise pour faire face à tous ces incidents. Mais y a-t-il une obligation de verser une indemnisation de télétravail à vos employés ?
Preuve de sa démocratisation, selon l’INSEE, seuls 3 % des salariés pratiquaient le télétravail au moins une fois par semaine en 2017. Trois ans plus tard, ils étaient 34 %, soit plus d’un tiers !
Avec cette arrivée de télétravail de longue durée, vous vous interrogez certainement sur l’organisation de cette pratique, les obligations ainsi que la prise en charge ou non de l’indemnisation de votre télétravailleur. Si vos employés pratiquent le télétravail une ou plusieurs fois par semaine, êtes-vous tenu de rembourser une partie des frais de consommation énergétique générés ? Des indemnités sont-elles à verser ? On vous répond dans ce focus !
Sur quelle base mettre en place le travail à domicile ?
Selon le Code du travail, le télétravail est une forme d’organisation dans laquelle une mission, qui pourrait être réalisée par l’employé au sein des locaux de l’entreprise, se réalise finalement :
- Volontairement ;
- En dehors des locaux de l’entreprise ;
- Et en se servant des technologies de l’information et de la communication.
Ainsi, l’expérimentation du télétravail doit reposer sur la base du volontariat, tant du côté du salarié que de l’employeur.
Il faut savoir que vous êtes libre de refuser l’usage de la pratique du télétravail à votre salarié, mais ce refus doit être motivé. C’est notamment le cas si votre employé ne dispose pas d’un accès de réseau internet chez lui ou si la nature de son activité implique le traitement de données sensibles ou confidentielles, rendant la réalisation de cet exercice impossible en dehors des locaux sécurisés de la société.
Inversement, vous ne pouvez pas imposer le télétravail à vos salariés. Néanmoins, il existe deux exceptions :
- En cas de force majeur ;
- Ou bien de situation exceptionnelle.
Le télétravail est devenu chose commune depuis mars 2020 et la mise en place du premier confinement imposé par le Gouvernement, en vue de respecter le protocole sanitaire. Depuis cet événement, le Gouvernement rappelle de manière régulière que suivant l’évolution de l’état sanitaire, le télétravail est la prescription à suivre.
Dans ce cas, il s’agit simplement d’un aménagement des conditions de travail. Il n’y a pas de modification du contrat de travail.
Par ailleurs, grâce aux ordonnances de la loi sur le renforcement du dialogue social de 2017, vous n’avez plus l’obligation de faire une modification du contrat de travail professionnel pour pratiquer le télétravail. Cette loi a fortement simplifié et démocratisé le recours au télétravail. Elle a aussi précisé de nombreuses règles sur l’organisation du travail ; par exemple, les obligations de l’employeur et la prise en charge des frais.
Comment le télétravail est-il encadré ?
Trois accords différents rendent légalement possible le télétravail dans une entreprise. Le travail à domicile peut effectivement être encadré :
- Via un accord collectif ;
- Via une charte rédigée par l’employeur ;
- Ou bien par un simple accord entre l’employeur et son salarié. Il faut que celui-ci soit formalisé par tout moyen (mail, accord oral, etc.).
Dans le cas où le télétravail devient régulier, il est vivement recommandé de recourir à un accord collectif ou bien à une charte, afin d’en préciser les détails :
- Quelles sont les conditions de passage en télétravail ?
- Quelles sont les modalités de contrôle du temps de travail ?
- Quand est-ce que l’employeur pourra contacter son salarié en télétravail ?
Êtes-vous obligés d’indemniser d’un salarié en télétravail ?
Que dit la loi sur l’indemnisation du télétravail ?
L’accord National Interprofessionnel du 19 juillet 2005 prévoyait que l’employeur était tenu de prendre en charge tous les coûts de l’employé concernant l’exercice de son télétravail, et ainsi de lui verser une indemnisation. Cela comprenait par exemple le coût des différents matériels, logiciels, abonnements, communications et outils, tout comme leur maintenance.
Toutefois, l’article qui garantissait cet accord a été supprimé par l’ordonnance du 22 septembre 2017. Depuis, aucune disposition légale n’impose à l’employeur un quelconque soutien des frais.
Ainsi, les conditions de prise en charge de l’indemnité devraient théoriquement se prévoir dans les accords collectifs et les chartes qui encadrent la réalisation du télétravail.
L’article L4122-2 du Code du travail précise en outre que ce n’est pas au salarié de supporter les frais lorsqu’il y a une imposition du télétravail. Il spécifie en effet que les mesures prises concernant la santé et la sécurité au travail ne doivent engager aucune charge financière pour les employés.
Assurément, cela pourrait donc constituer une injustice que de faire payer les frais d’exercice du télétravail au salarié, surtout lorsque c’est l’employeur qui a imposé cette pratique. Toutefois, ces incohérences et ce vide législatif n’indiquent pas que l’employeur est concerné par cette obligation.
Cependant, même si le Gouvernement rappelle qu’en cas d’absence de charte ou bien d’accord collectif, l’employeur n’a aucune obligation de supporter ces frais, il va de soi que dans le contexte actuel, la préconisation est telle que les entreprises s’adaptent et prennent en charge les frais des salariés en télétravail, leur versant ainsi une indemnisation.
Indemnisation télétravail : Quels sont les frais pris en charge par l’employeur ?
En toute logique, le télétravail va causer des frais supplémentaires pour le salarié. Par exemple : achat et équipement en fourniture et matériel informatique, consommation de chauffage, d’électricité et d’internet, etc.
Dans le même cas que si l’employé avait été à l’origine de coûts liés à l’exercice de son activité professionnelle dans les locaux de l’entreprise, l’employeur doit indemniserl’employé si son activité en télétravail engendre des frais.
Les frais pouvant faire l’objet d’un remboursement sont :
- Les charges fixes et variables liées à l’utilisation de son local d’habitation. Par exemple : Le loyer, la taxe d’habitation, l’électricité, ou encore le chauffage…
- Les fournitures, qui concernent notamment le papier et les cartouches d’imprimantes, le second écran…
- Les frais rattachés à la télécommunication comme internet ou le téléphone.
De ce fait, si l’employé doit faire l’achat d’un ordinateur, d’une imprimante, de cartouches d’encre pour réaliser ses missions en télétravail, vous aurez l’obligation de lui rembourser ces frais, par le biais d’une indemnité ; le tout, sous présentation d’un justificatif.
Toutefois, la situation est plus complexe s’il s’agit d’un abonnement Internet ou téléphonique. Si l’employé possède un abonnement forfaitaire illimité, alors la note finale sera la même, quel que soit son niveau de consommation. Dans ce cas, il est difficile d’attribuer une part aux frais de l’employeur.
En cas de doute, vous pouvez toujours avoir recours à des professionnels qui vous accompagneront.
Frais réels ou base forfaitaire : quelle forme prend l’indemnisation d’un salarié en télétravail ?
Théoriquement, les frais sollicités par l’employé dans le cadre de son activité professionnelle pourront faire l’objet d’un remboursement. Celui-ci pourra se réaliser sur une base :
- De frais réels, avec la présentation de justificatifs ;
- Forfaitaire, déterminé par l’URSSAF.
Voici la liste transmise par l’URSSAF concernant les montants forfaitaires par employé, basés sur leur temps télétravaillé.
Somme versée mensuellement | Salariés concernés |
10 euros par mois | Montant adressé aux salariés réalisant un jour de télétravail / semaine |
20 euros par mois | Montant adressé aux salariés réalisant deux jours de télétravail / semaine |
30 euros par mois | Montant adressé aux salariés réalisant trois jours de télétravail / semaine |
40 euros par mois | Montant adressé aux salariés réalisant quatre jours de télétravail / semaine |
50 euros par mois | Montant adressé aux salariés réalisant cinq jours de télétravail / semaine |
Ces indemnisations forfaitaires bénéficient d’une exonération automatique de cotisations sociales.
Si les frais engagés par l’employé sont plus importants que ces montants forfaitaires, l’employeur devra le rembourser à hauteur des frais réels engagés sous la présentation de justificatifs. Ce versement bénéficiera d’une exonération de cotisations et de charges sociales. La condition est qu’un justificatif devra être associé à la demande de remboursement.
Cette indemnisation forfaitaire peut aussi prendre la forme d’une indemnité d’occupation de domicile pour l’employé en télétravail chez lui. C’est notamment le cas quand l’employé est en télétravail suite à la demande de son employeur et qu’aucun local professionnel ne lui est dédié.
Cependant, lors de la crise sanitaire, les employeurs disposaient en règle générale de bureaux, de locaux, et étaient incités, voire forcés par le Gouvernement, à mettre leurs salariés en télétravail. De ce fait, il ne s’agissait pas d’une volonté de l’employeur à proprement parler. Dans ce cas, il semblerait que vous ne soyez pas contraint de verser une allocation supplémentaire au profit de vos employés en télétravail à domicile.
Quels sont les avantages que garde le télétravailleur ?
La pratique du télétravail ne supprime pas les avantages des employés obtenus dans l’exercice de leurs fonctions en présentiel. De ce fait, que les salariés exercent leur activité dans les locaux ou à l’extérieur, leurs droits restent les mêmes. Ainsi, si l’employé profite habituellement de tickets restaurants, son droit restera le même en télétravail.
Néanmoins, la question des frais de transport fait davantage débat. En effet, le financement des frais de transport est généralement à votre charge ; et ce, même si le salarié travaille quelques jours par semaine à distance.
Cependant, en cas de période de confinement, vous n’avez pas l’obligation de prendre en charge les frais de transport de vos salariés en télétravail en continu. Cela s’explique par le fait qu’ils n’effectuent aucun trajet professionnel en transport en commun sur la période d’abonnement. Toutefois, le Gouvernement a demandé aux entreprises de poursuivre le remboursement de ces frais. Cela concernait notamment les abonnements annuels ou encore les situations où le salarié n’était pas en mesure de suspendre son abonnement.
Véritablement, il est difficile d’évaluer les obligations de chacun. La démocratisation du télétravail fait apparaître de nouvelles questions et problématiques jusque-là inexistantes. De nombreuses décisions dépendent encore de discussions et de dialogues entre les syndicats et les partenaires sociaux.
Ainsi, le cadre législatif de cette nouvelle structure d’organisation du travail est à former.
C’est la raison pour laquelle il est important de vous faire suivre par des professionnels, comme des avocats spécialisés en droit social. Ils pourront vous conseiller, vous guider et interpréter les jurisprudences.