VivaTech 2025 : comment la RATP redéfinit la mobilité urbaine
Maintenance prédictive, IA éthique et confort voyageur : plongez dans les coulisses des 15 projets RATP dévoilés à Viva Technology 2025.

Une entrée remarquée sur le salon de la tech parisienne
Sur un stand de 300 m² (Hall 1 J38), le groupe RATP orchestre, du 11 au 14 juin 2025, sa neuvième participation consécutive à Viva Technology, le grand raout de l’innovation qui réunit cette année plus de 150 000 visiteurs. Troisième opérateur mondial des transports urbains, la régie publique française compte bien démontrer que l’innovation n’est pas l’apanage des jeunes pousses mais un moteur historique, capable de propulser un exploitant centenaire vers la mobilité de demain.
VivaTech 2025 en quelques chiffres
- 2 000 exposants
- 11 ha de surface d’exposition
- 1 200 investisseurs présents
- 45 % de visiteurs internationaux
- 50 % de solutions à impact environnemental direct
Pourquoi la RATP fait de VivaTech son laboratoire à ciel ouvert
Désormais dotée de plus de 300 projets d’innovation actifs, la RATP a institutionnalisé la R&D comme levier de transformation interne : maintenance, ressources humaines, sécurité et relation client sont désormais pilotées sous le prisme de la data. Cette année, quinze start‑up incubées ou codéveloppées se greffent au stand pour démontrer un principe : innover vite et à coût maîtrisé, sans multiplier les cycles d’intégration.
La maintenance prédictive consiste à exploiter des données en temps réel (capteurs IoT, télémesure, historique de panne) afin d’anticiper une défaillance. Les algorithmes de machine learning déclenchent des alertes avant la rupture de service, réduisant de 40 % en moyenne les arrêts imprévus d’équipement.
Focus sur cinq innovations dévoilées cette année
1. Programme de maintenance prédictive
Né sur le RER A, le dispositif équipe désormais les lignes 1, 4, 11 et 14. L’IA interne extrapole la durée de vie de 8 000 composants critiques et permet d’abaisser de 12 % le temps moyen d’indisponibilité. Œuvre conjointe des départements « Industrial Performance » et « Data Factory », il s’appuie sur l’accélérateur d’algorithmes GPU inauguré à Sucy‑en‑Brie en 2023.
2. Formation immersive des agents
Grâce à un casque de réalité augmentée, les mainteneurs répètent les gestes techniques sur jumeau numérique d’un escalier mécanique ou d’un aiguillage sans immobiliser l’installation physique. Bilan : 30 % de réduction des coûts pédagogiques et un taux de mémorisation des procédures multiplié par deux.
3. Vestes rafraîchissantes Technifresh
Testées l’été 2024 sur quatre lignes, ces vestes à gel hydro‑actif abaissent la température corporelle de 5 °C à 8 °C durant dix heures. Une généralisation est prévue en 2025 pour anticiper les pics de chaleur, enjeu majeur dans des cabines de conduite dépourvues de climatisation centralisée.
4. « DetectIA Tag »
Installé dans deux tunnels pilotes, le système photographie puis analyse en <7 secondes> les flancs de chaque rame afin de repérer les tags. Avec 99 % de précision sur 155 000 voitures scannées, l’outil optimise la planification des équipes propreté et génère un historique judiciaire utile aux services de sûreté.
5. « Mon client IA »
L’agent de station se confronte à des scénarios de crise (personne malvoyante égarée, flux interrompu pour colis suspect…). L’IA génère des dialogues non scriptés, calibrés selon la charte relationnelle, afin d’entraîner les postures de gestion de stress. Un premier lot de quatre scénarios entre en expérimentation terrain au T3 2025.
L’intelligence artificielle, nouveau moteur de compétitivité
Au‑delà des cas d’usage vitrines, la stratégie de la RATP est d’intégrer l’IA dans son core business. Elle vient d’ouvrir un centre d’excellence « Trusted AI » aligné sur l’IA Act européen et la doctrine « no black box » exigée par la CNIL. Les algorithmes déployés en production sont passés au crible par un comité éthique mixte, ce qui positionne la RATP comme modèle de conformité by design.
• IA analytique : détecte des corrélations (maintenance, fraude).
• IA générative : crée du contenu (voix de synthèse, textes, images).
• IA explicable : apporte une justification compréhensible par l’humain.
Financement : quand Île‑de‑France Mobilités met la main au portefeuille
Les projets exposés sont cofinancés pour partie par l’autorité organisatrice. Le budget innovation 2025 atteint 110 M€, dont 22 M€ issus de la région : l’effort vise principalement l’industrialisation de la maintenance prédictive et l’automatisation du métro. Le programme s’inscrit dans la trajectoire d’investissement global de 2,66 Md€ annoncée pour 2024, en hausse de 4,7 % sur un an.
Une coalition de quinze start‑up triées sur le volet
Capteurs IoT, jumeaux numériques ou encore batteries organiques à faible empreinte carbone : la sélection hétérogène traduit la volonté de RATP Capital Innovation de combiner réduction de l’impact environnemental et rentabilité opérationnelle. Contrairement à un stand vitrine classique, chaque jeune pousse bénéficie d’un contrat pilote avec un département métier, garantissant un terrain d’expérimentation dès la sortie du salon, et donc un retour d’expérience rapide pour l’écosystème.
RATP : chiffres‑clés 2024
- Chiffre d’affaires : 7,1 Md€ (+10 %)
- Investissements : 2,66 Md€ (+4,7 %)
- Résultat net : 204 M€
- Effectif global : 71 000 salariés
- Présence : 15 pays
- Classement mondial : n°3 opérateur urbain
Quels bénéfices concrets pour les voyageurs ?
À court terme, la promesse est la suivante : moins de pannes, moins d’incivilités, plus de confort thermique. D’ici fin 2025, la maintenance prédictive doit réduire de 20 % la durée moyenne des interruptions, tandis que « DetectIA Tag » vise +15 % de réactivité en propreté et +8 % de signalement de vandalismes. L’entreprise table aussi sur une économie de 4 GWh d’énergie grâce à l’usage combiné de capteurs et d’IA pour l’éclairage des stations.
Regards croisés : experts, usagers et syndicats s’expriment
La RATP « passe le cap de la POC‑mania » en privilégiant des déploiements à l’échelle, un choix vertueux car le gain n’est plus théorique. Les usagers interrogés par l’association Plus de Trains soulignent déjà l’amélioration de la disponibilité des ascenseurs (+9 % en 2024). Les représentants syndicaux restent toutefois vigilants sur la charge cognitive induite par la multiplication des outils numériques.
Enjeux réglementaires et RSE
Avec l’IA Act européen (publication attendue à l’automne 2025) et la loi française pour un numérique responsable, l’innovation doit désormais rimer avec responsabilité algorithmique. La RATP, opérateur au statut d’EPIC, élabore un cadre interne de certification hybride (digital compliance + cybersécurité + éthique) avant la mise en production. Ce cadre s’appuie sur le retour d’expérience des Jeux de Paris 2024, où la régie a déployé pour la première fois une chaîne d’audit temps réel sur les flux vidéo sensibles.
Les coulisses d'un opérateur centenaire toujours disruptif
Créée en 1949, la Régie Autonome des Transports Parisiens hérite d’un réseau plus que centenaire mais le modernise à coups d’innovations : métro sur pneus (1951), automatisation de la ligne 14 (1998) puis de la ligne 1 (2012). À VivaTech 2025, l’entreprise tient à rappeler que l’avance technologique est historique et non contingente au numérique. En 2030, 100 % des lignes devraient être équipées de solutions de maintenance prédictive, confirmant cette trajectoire long terme.
Cadre légal à retenir
- Règlement IA Act (UE) : obligations de transparence et d'évaluation des risques.
- RGPD & Loi Informatique et Libertés : protection des données voyageurs.
- Décret du 11 avril 2024 sur la cybersécurité des opérateurs essentiels dans le transport.
Quelles perspectives après VivaTech ?
Les équipes innovation envisagent déjà la déclinaison des projets pour l’international, notamment Riyad et Alger, deux réseaux exploités par le groupe. En parallèle, une enveloppe de 55 M€ est réservée à la transition énergétique des dépôts : bus électriques, bornes H2 et microgrid. Si l’IA est le carburant du moment, la sobriété énergétique reste l’axe stratégique qui pèsera sur la facture d’exploitation ; la RATP affiche l’ambition d’une réduction de 25 % de ses émissions directes d’ici 2030.
En mettant la technologie au service d’une mobilité inclusive, la RATP prouve qu’une entreprise publique peut combiner performance opérationnelle, exigence éthique et expérience client augmentée.