Le plan Genesis d’Atos : un nouvel horizon pour le numérique
Nouveau plan quadriennal, recentrage sur l’IA et la cybersécurité : Atos accélère son ambition de croissance durable et redéfinit le futur du numérique.

Sur la scène française du numérique, Atos amorce une nouvelle ère stratégique aux promesses ambitieuses. Cette annonce met en lumière le plan “Genesis”, un programme à quatre ans destiné à bâtir un modèle rentable et durable, en capitalisant sur l’IA, la sécurité et l’optimisation des coûts.
Atos en mutation : un bref rappel contextuel
Depuis quelques années, le Groupe Atos traverse une période de transformations intenses, motivées par la nécessité de s’adapter à l’évolution rapide du secteur numérique. L’essor du cloud, le renforcement de la cybersécurité, l’intégration croissante de l’intelligence artificielle (IA) dans les processus d’entreprise et l’exigence de durabilité ont conduit l’entreprise à repenser son positionnement.
L’objectif d’Atos est clair : retrouver une croissance solide, générer davantage de revenus et parvenir à une marge d’exploitation enviable. Le plan “Genesis” se greffe sur le redressement financier finalisé fin 2024 et vise à faire émerger une organisation mieux calibrée, recentrée sur ses projets les plus porteurs.
Parallèlement à cette ambition, Atos se doit de confirmer son rôle de leader dans la fourniture de services numériques sécurisés, en s’appuyant sur un vaste portefeuille. Les dirigeants affirment vouloir transformer la structure actuelle du Groupe afin de préserver ce qui fait sa force (expertise en transformation numérique, puissance en cybersécurité) tout en réduisant les segments d’activité jugés moins prometteurs. Cette ligne directrice, mélange de rationalisation et d’audace, s’inscrit dans une perspective de long terme.
Bon à savoir : la nouvelle ère post-restructuration
La restructuration financière d’Atos a officiellement été clôturée en 2024. Cette étape a été cruciale pour redéfinir la stratégie. Le plan “Genesis” s’appuie désormais sur un bilan stabilisé, permettant au Groupe de cibler plus efficacement ses investissements et ses projets de croissance à moyen terme.
Dans un paysage concurrentiel où les solutions numériques end-to-end sont plébiscitées, Atos met particulièrement l’accent sur son offre en IA et en données. Cette orientation est présentée comme un moyen d’augmenter de manière significative le chiffre d’affaires, tout en contribuant à la diffusion de services à forte valeur ajoutée.
Les grandes ambitions du plan “Genesis”
Le nom “Genesis” recouvre un projet stratégique de quatre ans, qui doit propulser Atos au rang de “partenaire technologique mondial alimenté par l’IA”, selon les mots de la direction. Concrètement, la société vise pour 2028 :
- 9 à 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires.
- 10 % de marge d’exploitation (marge opérationnelle) à l’horizon 2028.
- Une structure de dette mieux maîtrisée pour renouer avec un profil de crédit de qualité investissement.
Il s’agit donc de doper la rentabilité et d’accélérer la croissance organique, tout en poursuivant des opportunités d’acquisitions ciblées. Dans le contexte actuel, où la tendance à la spécialisation s’intensifie (cloud, IA, sécurité, etc.), Atos cherche à solidifier ses positions clés, tout en stimulant l’innovation.
Si la trajectoire de chiffre d’affaires annoncée représente une nette progression, le Groupe estime que l’expansion sera tirée par la montée en puissance de la cybersécurité, du cloud hybride et de l’IA appliquée à une large palette de secteurs industriels (finance, santé, énergie, etc.). L’entreprise souligne l’importance de rester compétitive face à d’autres géants du marché, ce qui implique un fort investissement en R&D et des équipes d’experts renforcées.
Les décideurs d’Atos considèrent que le Groupe est “à un point d’inflexion”. Cette nouvelle phase doit permettre de capitaliser sur les savoir-faire techniques de longue date et la relation de proximité entretenue avec de grands comptes internationaux. Tout en clarifiant la structure et la gouvernance, l’initiative “Genesis” met en avant le potentiel de synergie entre différentes offres, dans un marché exigeant et hyperconcurrentiel.
Atos prévoit d’augmenter significativement son effectif dédié à l’IA, passant d’environ 2 000 experts à 10 000 d’ici 2028. Le Groupe affirme vouloir être un acteur majeur en matière de mise en œuvre de l’IA appliquée à des scénarios industriels (suivi prédictif, maintenance, business intelligence).
Refonte organisationnelle et gouvernance en toute simplicité
L’un des points clés du nouveau plan est de simplifier la structure du Groupe. Atos, historiquement formé de différentes entités (avec parfois des chevauchements ou des redondances), a décidé de se recentrer autour de deux marques fortes :
- Atos, axé sur la prestation de services en six lignes d’activité (Cloud & Modern Infrastructure, Cyberservices, Données & IA, Applications digitales, Plateformes intelligentes et Digital Workplace).
- Eviden, dédié aux produits, avec quatre verticales : produits de cybersécurité, HPC (informatique avancée), systèmes critiques et solutions d’IA de vision.
Cette rationalisation vise à répondre à deux enjeux majeurs :
- Diminuer la complexité interne pour être plus réactif et plus lisible auprès des investisseurs et des clients.
- Concentrer les efforts sur les activités à forte valeur ajoutée et à haut potentiel de croissance.
Un autre pan essentiel consiste à renforcer l’implantation géographique du Groupe. Celui-ci va se structurer autour de six pôles régionaux majeurs (France ; Allemagne, Autriche et Europe de l’Est ; Benelux & Nordiques ; Royaume-Uni & Irlande ; Amérique du Nord ; Marchés internationaux). Dans le même temps, Atos souhaite se désengager de zones moins stratégiques, conformément aux critères de rentabilité et de croissance. L’entreprise évoque une sortie de certains pays pour se focaliser sur des marchés matures ou à forte demande.
Cet allègement organisationnel se double d’une gouvernance plus claire. Le nouveau dispositif hiérarchique vise à empêcher toute confusion entre les lignes d’activité et les grandes régions. Cela doit également simplifier la prise de décision et accélérer les actions sur le terrain. Le président-directeur général, Philippe Salle, s’entoure d’une équipe dirigeante renouvelée, chacun étant chargé d’un périmètre clairement identifié (business lines, régions, centres de delivery, etc.).
Atos adopte un schéma d’organisation où les décisions sont prises plus localement. Les régions clés, dotées d’un pouvoir de pilotage renforcé, supervisent la performance et ajustent les offres selon les particularités du marché local.
Stratégies de réduction des coûts et d’investissements ciblés
Sur le plan financier, l’entreprise mise sur un solide programme de réduction des charges pour “adaptation à la taille actuelle” et convergence vers un modèle industriel. L’objectif déclaré est de réduire de 5 % la base de coûts d’ici 2028. Plusieurs leviers sont évoqués :
- Diminution des effectifs là où la création de valeur est moins forte ou redondante.
- Optimisation du delivery avec davantage de recours à des centres de services partagés, et une montée en compétences sur les technologies automatisées.
- Gestion plus stricte des contrats et limitation des charges discrétionnaires.
Cette rationalisation est censée dégager des marges financières suffisantes pour réinvestir dans les technologies stratégiques, spécialement l’IA et la cybersécurité. En parallèle, le Groupe annonce 500 millions d’euros consacrés à la R&D au cours des quatre prochaines années, ainsi qu’un budget de 100 millions de dollars dédié à des start-ups et écosystèmes d’innovation (IA générative, cybersécurité avancée, solutions quantiques, etc.).
Afin de ne pas subir la compétition d’acteurs américains ou asiatiques capables d’investir massivement, Atos mise sur la création de produits et services différenciés capables d’“industrialiser l’IA à grande échelle”. De fait, le succès financier futur s’appuiera sur la capacité de l’entreprise à démontrer une valeur ajoutée concrète pour les clients, que ce soit en gain de productivité, en sécurisation de processus critiques ou en optimisation de l’exploitation des données.
Point sur la recherche et l'innovation chez Atos
En parallèle du plan de réduction des coûts, Atos ambitionne de renforcer ses compétences en R&D. Les secteurs jugés moteurs, comme la cybersécurité et l’IA, bénéficieront de partenariats ciblés avec des laboratoires et des entreprises spécialisées. L’entreprise compte notamment mettre en place un nouveau CTO (Chief Technology Officer) pour piloter ce pôle stratégique.
La place centrale de l’IA et des data pour la croissance
Au cœur du plan “Genesis”, l’intelligence artificielle occupe une position privilégiée. Atos crée une ligne d’activité dédiée, “Données & IA”, pour répondre à la demande d’outils analytiques et de solutions basées sur des algorithmes avancés. Cette orientation s’aligne sur la dynamique globale : de nombreuses entreprises veulent désormais automatiser leurs processus, enrichir leurs chaînes de valeur et exploiter leurs données pour prendre des décisions plus éclairées.
Atos a identifié plusieurs cas d’usage concrets :
- Maintenance prédictive dans l’industrie (manufacturier, aérospatial…).
- Détection et prévention des fraudes dans le secteur bancaire.
- Anticipation des besoins en logistique et optimisation de la chaîne d’approvisionnement.
- Amélioration des services de santé via l’analyse de données cliniques.
L’entreprise prévoit d’accélérer la formation de ses équipes, avec un objectif de certification IA pour 100 % des collaborateurs d’ici 2026. La volonté affichée est de faire infuser la culture de la donnée à tous les niveaux, y compris pour les métiers moins spécialisés. En plus d’accroître le nombre d’experts IA, Atos veut mobiliser cette expertise à l’intérieur même de ses projets cloud, sécurité, applications métier et consulting.
La politique d’investissement soutient directement cette ambition. Pour tenir sa promesse de devenir “le partenaire technologique alimenté par l’IA”, l’entreprise devra continuer à innover pour garder une longueur d’avance. Dans un marché saturé de solutions concurrentes, la différenciation se fera par l’adaptation fine aux besoins sectoriels et la sécurisation des offres (compliance, gestion des identités, etc.).
L’IA générative se base sur des modèles capables de produire du contenu neuf (textes, images, code, etc.) à partir de données existantes. Elle présente des atouts considérables pour créer rapidement des prototypes, automatiser des tâches répétitives ou concevoir des solutions d’aide à la décision ultra-performantes.
Les retombées financières prévues et trajectoires à moyen terme
Afin d’éclairer les marchés et de rassurer les investisseurs, Atos a dévoilé des indications précises sur sa trajectoire financière. Après une clôture 2024 encore marquée par l’achèvement de la restructuration, l’exercice 2025 devrait selon le Groupe se traduire par :
- 8,5 milliards d’euros de recettes, en retrait par rapport à 2024 (9,6 milliards), essentiellement à cause de la réorganisation du périmètre et de la mise à l’écart de certains contrats jugés peu rentables.
- 4 % de marge d’exploitation, représentant 2 points de plus qu’en 2024.
- Un flux de trésorerie net avant remboursement de la dette de -350 millions d’euros, traduisant encore les coûts de transformation.
À partir de 2026, Atos anticipe le retour à une croissance organique positive, et une amélioration des flux de trésorerie avant dette et opérations de fusions-acquisitions. L’objectif est de stabiliser la structure financière, puis d’enclencher un cycle de désendettement massif en tirant profit d’une rentabilité accrue.
Cap sur 2028 : en supposant, d’une part, la finalisation de la cession d’activités comme l’informatique avancée et, d’autre part, le recentrage sur les zones les plus rentables, le chiffre d’affaires du Groupe pourrait atteindre entre 8,5 et 9 milliards d’euros. Par le biais de nouvelles acquisitions ciblées, il pourrait même grimper jusqu’à 9-10 milliards de dollars. Cette expansion s’accompagnerait d’une marge d’exploitation proche de 10 % et d’un ratio de levier inférieur à 1,5x la dette nette/EBITDA.
Enfin, aucune politique de distribution de dividendes n’est envisagée avant 2028. L’allocation du capital sera orientée vers le désendettement et les opérations stratégiques, pour maintenir un bilan robuste. Dans une optique de consolidation sectorielle, Atos pourrait envisager des rapprochements, mais toujours “de manière disciplinée”.
Un point sur les cessions potentielles
Si la vente de segments d’activité reste une option, elle est dorénavant gérée de façon sélective. En novembre 2024, l’État français a transmis une offre non contraignante pour l’acquisition de 100 % de la branche informatique avancée, valorisée entre 500 et 625 millions d’euros. Une exclusivité est en cours jusqu’au 31 mai 2025. Les discussions se poursuivent, laissant présager un possible accord dans les prochains mois.
D’autres scénarios de cession, tels que les produits de cybersécurité et les systèmes critiques, ont été reportés. La direction estime vraisemblablement que ces pôles pourraient encore contribuer à la valeur globale et souhaite prendre le temps de mesurer les impacts financiers et stratégiques avant toute décision définitive.
Du point de vue économique, céder certains actifs à faible rentabilité ou ne s’intégrant plus dans la mission principale pourrait améliorer la lisibilité d’Atos aux yeux du marché. En revanche, toute sortie doit être suffisamment avantageuse pour préserver la crédibilité du plan “Genesis” et renforcer le recentrage autour de l’IA, de la sécurité et des offres numériques end-to-end.
L’importance de la durabilité et du facteur ESG
Dans un monde où la responsabilité sociétale et environnementale devient un critère déterminant, Atos met en avant ses engagements ESG (Environnement, Social, Gouvernance). Le Groupe se revendique comme un acteur déjà exemplaire, cité dans diverses notations (EcoVadis Platinum, inclusion dans l’Annuaire mondial du développement durable, etc.).
Les principales priorités incluent :
- La neutralité carbone à l’horizon 2050, avec l’accompagnement des clients dans leur propre trajectoire de décarbonation.
- L’inclusion numérique, l’amélioration de la diversité au sein des effectifs et la prévention des discriminations.
- Le développement de procédés écologiques plus sobres, tant pour les infrastructures (centres de données, par exemple) que pour l’intégration logicielle.
Atos entend démontrer que les solutions digitales contribuent à réduire l’empreinte carbone globale, à condition d’être pensées dans une logique d’optimisation énergétique et de cycle de vie. La direction précise qu’elle souhaite renforcer la gouvernance ESG via un contrôle interne exigeant, en y associant les différentes business units. Selon elle, la durabilité ne doit pas être un simple argument marketing, mais un pilier de la transformation.
Enjeux ESG : un capital immatériel essentiel
Dans les appels d’offres, les acheteurs demandent de plus en plus de preuves d’engagement en matière de responsabilité sociétale. L’avance d’Atos dans le domaine de la décarbonation et de l’ESG représente un atout commercial et un levier de compétitivité.
Regard sur le Groupe Atos : passé, présent et ambitions futures
Qui est Atos ? Créé à la fin des années 90 par fusion de plusieurs entités, Atos s’est imposé comme un poids lourd du numérique européen. Fort d’environ 74 000 salariés, le Groupe se distingue par ses compétences en cybersécurité, en services informatiques décarbonés et en intégration de solutions complexes. Présent dans plus de 60 pays, Atos a contribué au développement de nombreux projets critiques, du secteur public à l’industrie spatiale, en passant par le secteur bancaire.
Au fil du temps, la société a multiplié les acquisitions pour se diversifier (notamment le rachat de Bull ou encore des activités IT de Siemens), développant des expertises en HPC (supercalculateurs), en solutions de paiement électronique ou en cloud computing. Cependant, la croissance forte a aussi généré une certaine complexité organisationnelle. Le plan “Genesis” s’inscrit dans la continuité du mouvement de regroupement et de simplification initié depuis quelques années.
Après avoir traversé des années plus difficiles, Atos s’efforce désormais de rassurer les marchés financiers avec une feuille de route cohérente, associée à un leadership renouvelé. Le nouveau PDG, Philippe Salle, décrit un projet ambitieux, mais réalisable. Son pari : miser sur les talents hautement qualifiés, optimiser la structure de coûts et accélérer la proposition de valeurs nouvelles (IA, cloud, cybersécurité, etc.).
La réputation du Groupe est notamment portée par son expérience dans la gestion de contrats complexes pour le secteur public, dans le pilotage de centres de données à large échelle et dans la sécurisation de systèmes stratégiques. Toutefois, la concurrence demeure féroce, avec des entreprises comme IBM, Accenture, Capgemini ou encore des “pure players” du cloud (AWS, Azure) et de l’IA.
Où va Atos ?
Le plan “Genesis” se présente comme un tournant stratégique pour un acteur majeur du paysage IT français. À l’aube de 2028, Atos vise à se repositionner en champion incontournable de la transformation numérique, fort de son savoir-faire en cybersécurité et de sa capacité à manier l’intelligence artificielle à grande échelle.
Les objectifs chiffrés, qui peuvent paraître ambitieux, s’inscrivent dans une démarche globale visant à renforcer la rentabilité, tandis que l’entreprise consolide ses relations historiques avec certains clients grands comptes. Les réorganisations envisagées, bien que délicates, offrent au Groupe l’opportunité de s’alléger et de s’adapter à un marché en mutation rapide.
Entre la montée en puissance de l’IA générative, la nécessité de maîtriser la sécurité des infrastructures et la vitalité des segments comme le cloud ou la donnée, Atos a décidé de jouer la carte de l’hyper-spécialisation. Son ambition de devenir un partenaire technologique mondial guidé par l’IA reflète un positionnement dans l’air du temps, sans pour autant négliger la robustesse de ses savoir-faire historiques.
À travers ce programme de transformation, Atos redéfinit ses priorités et se prépare à incarner l’un des piliers stratégiques de la technologie en France et en Europe.