Déjouant les prévisions des experts qui prévoyaient l’explosion de leur marché à la fin de la crise de la Covid-19, les encours en NPLs des banques en France ont connu une augmentation record au premier semestre 2023. Ce mouvement français va à l’encontre de la tendance européenne et peut s'expliquer par de nombreux facteurs. Une conjoncture favorable aux investisseurs et aux entreprises spécialisées dans les services de recouvrement.

NPLs France : performances françaises dans une perspective européenne

Au cours du premier semestre 2023, les encours des banques françaises en NPLs (de l’anglais non performing loans soit prêts non performants) ont connu une augmentation de 3,2 milliards d’euros par rapport à la période précédente. Cette augmentation constitue la hausse la plus élevée au cours de ces 10 dernières années. Cette tendance va a contrario de celle observée en Europe. En effet, les ratios de créances douteuses en Europe connaissent une baisse continue depuis 10 ans. Par exemple, l’Italie et la Grèce ont particulièrement lutté contre les créances douteuses. Ces deux pays ont, depuis 2029, procédé à la cession de respectivement 72 et 61 milliards d’euros de NPLs depuis 2019.

Actuellement, la France représente 32 % des NPLs en Europe, contre 21 % seulement en 2019. De même, quatre grands groupes bancaires français figurent dans le top 10 européen des NPLs. Enfin, l’Hexagone est le pays dont le portefeuille de créances douteuses sur des petites et moyennes entreprises (PME) a augmenté le plus rapidement. Ce mouvement s’inscrit dans une tendance plus large. En effet, depuis 2019, les banques françaises connaissent une détérioration notable de leurs portefeuilles de crédits. Depuis 2019, les encours classés en stage 2 ont notamment presque doublé. 

 

Pour rappel

Le stage 2 correspond aux emprunteurs dont la situation économique s’est dégradée sans pour autant entraîner un défaut de paiement de leur part. 

Cet état de fait n’est pas sans répercussions sur les banques françaises. Ces dernières ont procédé à une augmentation significative de leur stock de provisions depuis 2019. De même, elles ont procédé à la restructuration de nombreux crédits. Par ailleurs, le taux de défaut des banques françaises après restructuration dépasse les 50 % contre une moyenne européenne située à 43 %.

Une professionnelle du secteur bancaire et sa cliente discutent d'un prêt à un bureau, pouvant évoluer en NPL.

Augmentation des NPLs France : causes

Les NPLs, ou créances douteuses, correspondent à des prêts qu’accordent les banques sans certitude quant à leur remboursement par les débiteurs. Ces créances ne sont pas sans présenter de risques pour les institutions bancaires.

Le poids croissant des NPLs dans les portefeuilles des banques françaises s’explique par plusieurs facteurs. Premièrement, les banques françaises, depuis la fin de la crise de la Covid-19, affichent une sous-performance financière chronique avec une rentabilité de leurs capitaux propres de 7,8 %. Ce taux est de 10,8 % pour la moyenne européenne. Cet état de fait est, entre autres, dû à la composition des actifs des banques françaises. Ces actifs se composent en effet en bonne partie de prêts immobiliers à taux fixes et à longue durée. D’autre part, leur passif est plus sensible que celui de leurs homologues européens, tant à l’inflation qu’aux taux courts (épargne réglementée).

Qui plus est, les banques françaises ont immobilisé 7,7 milliards d’euros de fonds propres réglementaires pour faire face à leurs créances douteuses. Ce chiffre représente une hausse d’environ 200 millions d’euros depuis 2019, ce qui représente un manque à gagner de près de 350 millions d’euros par an. 

NPL en France : perspectives et solutions

La banque centrale européenne (BCE) accorde une attention particulière au suivi du nombre de NPLs en Europe et à leur gestion. En effet, ces derniers peuvent représenter un risque pour la solidité des institutions bancaires.

Ainsi, la BCE recommande aux banques européennes : 

  • D’octroyer des prêts uniquement aux clients en mesure de rembourser leurs créances ;
  • D’assurer la gestion des prêts, en mettant en place un suivi de ces derniers dans le but de détecter rapidement les emprunteurs en difficulté et de proposer une solution à leur situation ;
  • De contacter les emprunteurs viables qui rencontrent des difficultés afin de restructurer leurs prêts ;
  • De comptabiliser en amont suffisamment de provisions pour assurer une couverture des pertes adéquate ;
  • Et de limiter leurs encours de NPL.

Une autre solution régulièrement avancée consiste en la cession de créances. Ce procédé implique, pour l’institution bancaire, de se défaire d’une partie de leur portefeuille aux profits d’investisseurs ou de recourir aux services de sociétés spécialistes du recouvrement. Au cours des dernières années, un véritable marché du NPL s’est développé en France. 

Pour procéder à la cession des crédits non performants, les banques disposent de deux solutions : 

  • La cession directe dite en « un bloc » : la banque ouvre ici un appel d’offres permettant aux investisseurs d’acheter un stock de créances douteuses ;
  • Ou la cession en « forward-flow » : l’établissement bancaire cède ici son portefeuille petit à petit sur la base d’un prix convenu par avance. 

Dans tous les cas, les investisseurs doivent procéder à un audit du portefeuille concerné. Il s’agit ici de collecter des informations et de dresser un état des lieux du stock, des caractéristiques du crédit et des risques liés au recouvrement.  

Le marché du recouvrement de crédits a encore de beaux jours devant lui avec le poids croissant du crédit non performant.