Quelle est la place des femmes dans le secteur du numérique ?

Comme chaque année, la journée internationale des droits des femmes est l’occasion de faire le point sur l’évolution de la place de la femme dans la société. Qu’en est-il des femmes dans la tech ? Sont-elles plus ou moins sous-représentées que dans les autres secteurs ?

Célébré chaque 8 mars depuis l’Année internationale de la femme de 1975, cet événement initié par l’ONU n’a de cesse de gagner en ampleur. Cette journée de mobilisation est devenue au fil des ans un rendez-vous annuel incontournable partout à travers le monde. Chaque édition se centre sur un thème, défini par les Nations unies, afin de structurer les actions de sensibilisation. Celui de cette année est le suivant : « Investir en faveur des femmes : accélérer le rythme ».

Serait-il justement temps de passer à la vitesse supérieure dans le domaine du numérique ? Mise au point sur ce secteur et la place qu’il laisse aux femmes pour s’épanouir professionnellement.

Être une femme dans la tech en 2024

Le secteur de la tech, souvent associé à l'innovation et à la croissance économique, reste cependant marqué par une sous-représentation persistante des femmes. Malgré des progrès notables au fil des années, les chiffres clés soulignent un déséquilibre significatif entre les sexes dans ce secteur clé de l'économie mondiale. Cette réalité complexe révèle des défis profonds liés :

• À la culture professionnelle ;
• À la perception des rôles de genre ;
• Et aux obstacles structurels rencontrés par les femmes dans leur parcours professionnel au sein de la tech.

Femmes dans la tech : France

La France, comme de nombreux pays, est confrontée à une faible représentation des femmes dans le domaine de la tech. Malgré des initiatives visant à encourager la diversité de genre, les statistiques confirment la réalité du quotidien de beaucoup de femmes. Selon les données de l’étude Gender Scan, seulement 17 % des effectifs de la tech française étaient des femmes en 2022, contre 22 % en Europe. Cette sous-représentation se reflète à différents niveaux, de l'éducation à l'entrepreneuriat, en passant par les postes de direction.

Des faiblesses au niveau de l'éducation et de l'orientation professionnelle

Les choix d'orientation professionnelle des jeunes filles sont souvent influencés par des stéréotypes de genre persistants. Une enquête menée en 2021 par l'école informatique Epitech, en collaboration avec Ipsos, révèle que seules 33 % des filles sont encouragées par leurs parents à s'orienter vers les métiers du numérique, contre 61 % des garçons. 

De plus, les femmes sont moins représentées dans les filières du numérique, et ce, dès l'éducation supérieure. Seulement 25 % des diplômées en Europe ont obtenu un diplôme dans les filières du numérique, et seules 13 % de ces diplômées travaillent dans le secteur. Ces disparités dans le choix des filières d'études contribuent à perpétuer le déséquilibre de genre dans le domaine de la tech.

Barrières à l'entrepreneuriat et levée de fonds

Le rapport conjoint du Boston Consulting Group et de SISTA révèle en outre que les femmes entrepreneures continuent de faire face à des défis majeurs en matière de levées de fonds. D’après lui, en 2021, 88 % des fonds étaient levés par des équipes entièrement masculines. Il souligne aussi que les hommes lèvent en moyenne 1,6 fois plus de fonds que les femmes. De plus, celles-ci lèvent 3,4 fois plus de fonds lorsqu’elles s’associent à un homme plutôt qu’à une femme. D’autre part, aucune start-up exclusivement féminine n'a levé plus de 50 millions d'euros. Autant dire que ces chiffres alarmants sont un véritable frein à la croissance des entreprises dirigées par des femmes.

Absence dans les postes de direction

Malgré des progrès, les femmes restent sous-représentées aux postes de direction dans le secteur de la tech. C’est notamment le cas des sociétés du FrenchTech120, dans lesquelles 22 % seulement des postes dirigeants étaient occupés par des femmes en 2022. Pire encore pour le noyau exécutif, où le pourcentage descend à 13 %. Ces chiffres soulignent un déséquilibre persistant aux plus hauts niveaux de responsabilité au sein des entreprises technologiques.

Stéréotypes, sexisme et discriminations

Un autre phénomène récurrent est que les femmes travaillant dans le domaine de la tech sont souvent confrontées à des comportements sexistes et à des discriminations. L'enquête Gender Scan menée par le cabinet Global Contact révèle en effet que 46 % des femmes travaillant dans le domaine du numérique ont déjà été victimes de comportements sexistes depuis le début de leur carrière. Ces obstacles contribuent ainsi à créer un environnement de travail hostile et peu inclusif pour les femmes.

Les chiffres à retenir

Les femmes du numérique : États-Unis

À présent, petit tour d’horizon du côté des Américains. L’environnement de travail y est-il plus favorable pour les femmes du digital ? Il semblerait que le constat soit similaire outre-Atlantique. En effet, le chemin vers la parité y est tout autant semé d'embûches. 

La place des femmes dans la tech américaine

En 2024, les femmes représentent environ 33 % des salariés du numérique aux États-Unis. Bien que le nombre de femmes dans la tech ait augmenté au fil des ans, cette croissance est restée modeste. Il y avait 27,6 % de femmes dans le secteur en 2022, soit une augmentation d'à peine 0,9 % par rapport à l'année précédente. Cette sous-représentation se reflète également dans les grandes entreprises technologiques, où les femmes occupent seulement 33 % des postes.

Le fossé entre hommes et femmes dans la tech est également flagrant dans les postes de direction. Seulement 26,5 % des postes de cadres et cadres seniors dans les entreprises du S&P 500 sont occupés par des femmes. De plus, pour chaque 100 hommes promus à un poste de manager, seules 86 femmes le sont aussi.

Concernant les postes techniques, les hommes occupent 75 % des emplois, tandis que les femmes n'en occupent que le quart. Cette disparité est encore plus évidente dans les domaines spécifiques, comme l'ingénierie logicielle, où les femmes ne représentent que 14 % de la main-d'œuvre totale.

L'inégalité de rémunération est un autre défi majeur aux États-Unis. Les femmes dans la tech gagnent en moyenne plus de 15 000 dollars (environ 14 000 euros) de moins que leurs homologues masculins chaque année. De plus, 30 % des femmes de plus de 35 ans occupent toujours des postes techniques en tant que juniors, malgré des compétences avancées en développement de logiciel. Les hommes ne sont quant à eux que 5 % à se trouver dans cette situation.

Microagressions et déséquilibre entre travail et vie personnelle

Ces difficultés d’évolution s’ajoutent à d’autres obstacles auxquels les femmes font face au cours de leur carrière professionnelle. C’est notamment le cas des microagressions, auxquelles un grand nombre d’entre elles sont confrontées quotidiennement. 19 % reconnaissent avoir déjà été cataloguées à cause de stéréotypes sexistes, tandis que 64 % se sont déjà fait couper la parole en réunion par leurs homologues masculins. 

Cela ajouté au fait que 66 % des femmes ne bénéficient pas de plan de carrière clairement défini au sein de leur entreprise, contribue à les orienter petit à petit vers un autre chemin. 57 % des femmes du secteur des technologies, des médias et des télécommunications (TMT) prévoient d’ailleurs de quitter leur emploi dans les deux prochaines années, en raison notamment d'un déséquilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.

Les femmes de la tech dans la pratique

Le secteur du digital a connu un essor sans précédent ces dernières décennies. La présence et la participation des femmes dans ce domaine demeurent cependant un sujet de préoccupation majeur.

Des lacunes dans le système d’orientation professionnelle

L'une des premières barrières auxquelles les femmes sont confrontées dans le secteur de la technologie est le système d'orientation professionnelle. Selon une étude de la Grande École du Numérique (GEN), groupement d'intérêt public du gouvernement, les diplômées en informatique sont peu nombreuses en France. Effectivement, alors que les femmes représentent 57 % des diplômes de l’enseignement supérieur, seuls 25 % d’entre eux concernent les filières de la tech. Le système d'orientation professionnelle actuel défavorise en effet l’accès des femmes à la technologie pour plusieurs raisons. 

Tout d'abord, il existe des stéréotypes de genre qui influencent les choix de formation des jeunes filles, les orientant souvent vers des domaines non techniques. D’après l’observatoire sur la féminisation des métiers du numérique (Epitech & Ipsos), 76 % des lycéens associent les métiers du digital aux hommes. 38 % des lycéennes pensent même qu’elles trouveraient difficilement leur place dans cette filière. En outre, le manque de modèles féminins dans le secteur de la technologie et l'absence de programmes d'orientation spécifiquement adaptés aux filles contribuent à perpétuer cette sous-représentation.

Des obstacles qui s’accumulent pour les femmes dans la tech

Bien que des progrès aient été réalisés ces dernières décennies, les femmes dans la tech continuent de faire face à des défis significatifs en matière d'accès aux postes et d’évolution de carrière. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène. Zoom sur les principaux obstacles.

Une inégalité salariale qui peine à s’effacer

En dépit de compétences et de qualifications équivalentes, les femmes dans la tech sont confrontées à une inégalité salariale persistante. Pour ce qui est de la rémunération, elles gagnaient en moyenne 19% de moins que leurs homologues masculins en 2022. Le rapport de 50inTech démontre par ailleurs que cet écart salarial était en moyenne de 15 % dans les autres secteurs. Cette disparité salariale constitue de ce fait un obstacle majeur à la pleine participation des femmes dans la tech.

Des promotions qui se font rares

Une autre problématique importante est la faible quantité de femmes à des postes de direction au sein des entreprises technologiques. Les statistiques révèlent que seulement 18% des femmes occupent des postes de direction dans les entreprises du numérique en France. Cette situation entrave non seulement la progression professionnelle des femmes, mais limite également leur influence dans la prise de décision au sein de ces organisations.

Le harcèlement au travail : un fléau qui subsiste

Les comportements sexistes, tels que le harcèlement sexuel ou encore les propos discriminants, demeurent un problème préoccupant pour les femmes dans la tech. Selon l’étude de Global Contact, 46 % des travailleuses de la tech déclarent avoir déjà été victimes de ce type de comportements au cours de leur carrière. Ce chiffre est 8 points au-dessus de la moyenne des autres secteurs. Ce phénomène contribue à créer un environnement hostile et peu inclusif, dissuadant de nombreuses femmes de poursuivre une carrière dans ce domaine.

Comment encourager la féminisation du secteur numérique ?

Dans un contexte où la technologie et le numérique occupent une place croissante dans notre société, la participation des femmes dans ce secteur reste encore en deçà des attentes. Une analyse approfondie s'impose alors pour comprendre les défis auxquels les femmes sont confrontées dans la tech. Cette compréhension est essentielle pour proposer des solutions visant à encourager leur présence et leur épanouissement.

Promouvoir les métiers du numérique dès le plus jeune âge

Une approche clé pour promouvoir la féminisation du secteur numérique consiste à sensibiliser les jeunes filles aux métiers de la tech, et ce, dès leur plus jeune âge. Selon l’étude de l’école Epitech, les lycéennes manquent souvent de confiance en elles concernant le choix de leur orientation professionnelle. Elles sont effectivement 43 % à penser qu’elles n’ont pas le niveau nécessaire pour s’engager dans ce type de filière lorsqu’elles ont une moyenne supérieure à 14/20 dans les matières scientifiques. Les garçons, bien plus sûrs d’eux, sont en revanche 78 % à penser avoir le niveau pour intégrer une école d’informatique. 

Il est par conséquent essentiel de mieux informer les élèves sur les compétences requises pour intégrer un cursus informatique. Rassurer les jeunes femmes sur ce qui les attend permettrait ainsi de multiplier les chances qu’elles choisissent ce type de formation. Cela réduirait par la même occasion l’effet de masculinisation de la filière tech. C’est pourquoi il ne faut pas hésiter à adopter des initiatives éducatives et des programmes visant à briser les stéréotypes de genre. Promouvoir la diversité dans le choix des carrières est un point clé à ne pas négliger.

Analyser les motifs de départ pour améliorer les conditions de travail

Un autre problème récurrent dans le numérique est la fuite des talents féminins. Il est de ce fait primordial de comprendre leurs motifs de départ, afin d'adopter des mesures favorisant leur rétention. Pourquoi les femmes partent-elles ? Au bout de combien de temps démissionnent-elles ? Une promotion aurait-elle pu inverser la tendance ? Réaliser des enquêtes sur ce qui les pousse à quitter l’entreprise est sans doute la clé pour identifier les lacunes de l’entreprise.

Selon une étude menée aux États-Unis par Girls Who Code et Accenture, quasiment une femme sur deux quittait le secteur de la tech avant ses 35 ans en 2019. La proportion se situe néanmoins à une sur cinq pour les autres secteurs ; preuve d’une véritable défaillance du côté du numérique.

Pour inverser cette tendance, il peut être nécessaire de mettre en place des politiques de ressources humaines qui favorisent l'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Il peut notamment s’agir de :

• Télétravail ;
• Horaires flexibles ;
• Soutien parental, comme des congés maternité généreux ou encore un service de garde d’enfants sur le lieu de travail ;
• Mentorat visant à encadrer l’évolution professionnelle.

Des efforts du gouvernement pour plus de transparence

Le gouvernement français participe également à l’amélioration de la situation des femmes dans le monde professionnel. Il a en effet mis en place plusieurs mesures, applicables à tous les secteurs. 

Egapro : l’index d’égalité professionnelle qui vise la parité hommes-femmes

Il y a, d’une part, l’instauration de l'index de l'égalité professionnelle. Cette mesure vise à assurer une plus grande transparence en matière de rémunération et à encourager les entreprises à prendre des mesures pour réduire les écarts salariaux. Toutes les entreprises de 50 salariés et plus ont l’obligation de publier cet index, dans lequel figurent les informations suivantes :

• L’écart salarial entre femmes et hommes au sein de l’entreprise ;
• La quantité d’employées qui ont obtenu une augmentation à leur retour de congé maternité ;
• L’écart entre la répartition des augmentations individuelles et des promotions ;
• Et le nombre d’employés du genre sous-représenté parmi les 10 employés qui gagnent le plus au sein de la société.

En plus de devoir publier leurs résultats, sur la plateforme Egapro et sur leur propre site, les entreprises s’engagent à remédier au plus vite aux problèmes détectés, sous peine de sanction financière.

Vers une représentation femmes-hommes équilibrée avec la Loi Rixain

Une autre loi française vise à accélérer la participation des femmes à la vie économique et professionnelle. Il s’agit de la loi Rixain, qui impose aux entreprises d’au moins 1000 salariés une représentation équilibrée entre les hommes et les femmes parmi leurs cadres dirigeants et les membres de leurs instances dirigeantes. Dans ce cas-là aussi, les sociétés se doivent de publier leurs résultats. Elles doivent en outre prendre des mesures correctives en cas de non-conformité avec la réglementation.

Quel avenir pour les femmes dans la tech ?

Toutes les sociétés ne sont malheureusement pas concernées par les nouvelles lois. Les petites entreprises peuvent donc passer entre les mailles du filet, ce qui représente un frein considérable à l’évolution de la place des femmes dans le monde du travail. 

Des améliorations notables

Malgré ces défis, des progrès sont néanmoins observés dans la féminisation du secteur de la tech. D’après une enquête de Michael Page Technology, en collaboration avec Choose Your Boss, les femmes s'orientent de plus en plus vers des métiers émergents dans l’univers de la data. Elles sont en effet 7 % à choisir des métiers de type data analyst ou encore data scientist, contre moins de 3 % pour les hommes. 

La féminisation du numérique se remarque également au niveau de la proportion croissante de postes juniors occupés par des femmes. Celle-ci est désormais à 21 %, alors qu’elle est à 9 % pour les hommes. De surcroît, l’étude de Sista & BCG souligne que la diversité de genre au sein des équipes fondatrices des start-up augmente progressivement. Ce critère a effectivement enregistré une augmentation de 9 points en 3 ans, preuve d’un changement progressif.

Promotion de la mixité et de la parité

Cependant, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour promouvoir la parité de genre dans tous les aspects de l'industrie du numérique et de la tech. Le rapport BCG et Sista a d’ailleurs démontré que les résultats des premiers tours de financement étaient meilleurs quand il s’agissait d’équipes mixtes. Celles-ci ont effectivement 1,4 fois plus de chance d’obtenir un financement, en comparaison avec les équipes entièrement masculines.

Encourager la féminisation du secteur numérique nécessite une approche globale. C’est en travaillant ensemble que les gouvernements, les entreprises et les acteurs de l'éducation peuvent contribuer à créer un environnement inclusif où les femmes sont pleinement valorisées. Pour surmonter ces défis et favoriser une participation équitable des femmes dans la tech, des mesures concrètes doivent ainsi être prises à plusieurs niveaux. 

Voici un tableau récapitulatif des solutions envisageables :

Les femmes dans la tech : le mot de la fin

La journée internationale des droits des femmes est là pour rappeler à tout un chacun que le combat n’est pas terminé. Le chemin à parcourir est encore long : un coup d’accélérateur ne serait donc pas de trop. Créer un environnement professionnel plus inclusif et équitable est à la portée de tous, à condition de maintenir les efforts communs pour faire évoluer les choses dans le bon sens. C’est en favorisant la diversité de genre et en luttant contre les stéréotypes et les discriminations que cela est possible. L'industrie du numérique peut réellement bénéficier du talent et de la créativité des femmes dans la tech. Il ne reste à présent plus qu’à agir…