77 % des Français sont favorables à une transparence des salaires. Ces chiffres proviennent d’une étude conduite par Glassdoor. Mais alors, pourquoi le sujet du salaire est-il toujours aussi complexe ? Serait-il révélateur d’une inégalité salariale en entreprise ? 

Et toi, tu gagnes combien ? 

De la sphère privée…

Et toi, tu gagnes combien ?” Cette question peut se poser dans le cercle privé. Certains sont frileux à l’idée de révéler le salaire qu’ils touchent. Gêné de gagner trop ou pas assez ? Peur de la comparaison ? 

Les raisons de ne pas révéler le fameux salaire gagné chaque mois, ce que valent ces 35 heures par semaine, sont très nombreuses. Mais sont-elles toujours aussi valables ? 

Alors, penser que le salaire est de l’ordre du privé, oui pourquoi pas, mais à condition d’accepter que le cacher puisse être révélateur d’un montant anormal qu’il soit trop bas ou bien supérieur à votre entourage. 

…au monde de l’entreprise

Il est facile en un simple coup d’œil de supposer qui gagne plus, qui gagne moins, sans connaître pour autant avec précision les chiffres exacts inscrits minutieusement sur les bulletins de salaires de chacun. 

Et dans les autres pays, les choses sont-elles aussi rigides ? Est-il mal vu de se demander combien on gagne en entreprise ? 

Certains pays comme la Norvège, permettent aux citoyens d’accéder aux bulletins de paie de l’individu de leur choix. Le but ? Pouvoir prendre connaissance de ses revenus qui appartiennent donc au domaine public. Si cette démarche n’est pas anonyme, elle montre toutefois une différence de traitement et de perception du terrain confidentiel en ce qui concerne le revenu salarial. 

En France, parler librement de ce sujet devrait peut-être être encouragé. Pour les collaborateurs travaillant au même poste, avec les mêmes fonctions, un écart justifié par une ancienneté est synonyme de promesse. Les nouveaux arrivés peuvent estimer leurs évolutions en fonction de leurs aînés. Il peut ainsi s’agir d’une source de motivation pour les salariés qui savent qu’une évolution arrivera. 

Cela peut également permettre de rectifier rapidement certaines incohérences jusqu’alors non conscientisées. Échanger simplement sur le sujet permettrait aux collaborateurs de comprendre les conditions nécessaires pour obtenir par exemple une augmentation. Or si les collaborateurs ne parlent pas de ce sujet, cela peut devenir une source de tension.

Transparence des salaires : mais que dit la loi ? 

Au niveau juridique, les réglementations tendent progressivement à changer, en atteste la loi PACTE

Cette loi, en vigueur depuis 2019 a en effet imposé une nouvelle mesure qui vise à une plus grande transparence des salaires : l’obligation de révéler certains écarts salariaux pour les entreprises de plus de 1000 salariés. Comment ? En dévoilant, la différence de salaire entre les dirigeants et le revenu médian de l’ensemble des collaborateurs de l’entreprise. 

Plus largement, une transparence permettrait de lutter contre l’inégalité. En réalité, la loi stipule déjà clairement que l’inégalité des salaires est prohibée. De fait, l’article L3221-4 du Code du travail précise que “Sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse ». À ce titre, depuis toujours, deux collaborateurs au même poste et à compétences égales, devraient recevoir le même salaire mensuel de base. 

Enfin, l’index d’égalité salariale, un outil déployé en 2018, entend lutter contre les inégalités salariales. Il oblige les entreprises de plus de 50 collaborateurs à transmettre plusieurs indicateurs. Lesquels permettent de mesurer leur implication dans la diminution des écarts de salaire et favorisant une plus grande transparence : 

  • écart des salaires hommes-femmes,
  • écart des augmentations hommes-femmes,
  • parité des plus hauts salaires de l’entreprise, 
  • nombre de femmes augmentées à leur retour de congé maternité. 

De la transparence à l’égalité des salaires : en parler pour mieux l’atteindre ? 

 

16,5 %. C’est l’écart de salaire entre les hommes-femmes en 2021. 

Pour rappel, à compétences et travail égal, un même salaire doit être appliqué sans distinction d’âge, d’origine ou de sexe. Or, le sujet des différences de salaires hommes-femmes reste un sujet de société. Un problème qui n’a pour l’heure pas encore trouvé de réponse adaptée même si la plupart des entreprises veillent à travailler au respect de cette égalité. 

Mais comment ouvrir les yeux sur une discrimination salariale en entreprise si personne ne parle de son salaire ? 

Parler, adopter une transparence sur les salaires de chacun des collaborateurs permet de mettre progressivement fin à un phénomène discriminatoire qui dénote une injustice encore bien présente. 

Transparence salariale : comment s’y prendre ? 

Moins de blabla, plus de concret 

La grille de salaire fait partie des solutions pour mettre fin aux inégalités salariales et permettre la transparence des salaires.  

En effet, la grille de salaires permet notamment aux employés de se situer sur l’échelle globale de l’entreprise. Ils peuvent alors faire le point sur leur évolution et peut-être se rassurer quant à la place qu’ils occupent. Mettant ainsi fin à un possible sentiment d’injustice véhiculé par des rumeurs et des bruits de couloir. 

La grille salariale, un outil qui ne laisse plus de place à l’imagination 

Qui ne s’est jamais demandé combien gagne Alexis, l’office manager ou Suzy, la DRH ?

Avec une grille salariale, les suppositions peuvent enfin s’arrêter, suppositions qui sont vectrices de tension palpable. 

À l’instar d’OpenClassrooms, ou Shine, certaines entreprises ont choisi d’adopter la transparence des salaires. Pour ce faire, elles ont créé une grille salariale, accessible à tous les collaborateurs. Évidemment, la présence d’un tel outil suppose que les salaires respectent cette grille.

Grille salariale : de l’idée à la mise en application 

Une grille salariale présente l’ensemble des postes de l’entreprise, rassemblés en grands types et en sous-ensembles. À chaque poste, le salaire minimum, le salaire maximum et le salaire médian, sont associés. 

Ensuite, la plupart du temps, des variations apparaissent clairement. Notamment les évolutions en fonction de l’ancienneté des collaborateurs ou de leur schéma familial. Par exemple, quand un collaborateur a une personne à charge ou plus, il obtient une compensation qui fait donc évoluer son salaire. L’idée ? Que les salaires soient décryptés et que tous les membres d’une entreprise soient soumis aux mêmes règlementations

La transparence à l’embauche : afficher le salaire offert 

Alan, a aussi décidé d’appliquer une politique stricte qui commence dès l’embauche. La start-up a choisi de dévoiler au candidat le salaire qui lui sera offert, au poste qui l’intéresse. 

De cette manière, le professionnel sait à quoi s’attendre et peut s’il le souhaite renoncer directement à cet emploi. Cela évite ainsi une perte de temps pour les deux parties. Cette transparence dès l’embauche permet, en conséquence, d’optimiser le processus de recrutement, d’une part. Mais aussi et surtout, d’opérer une transparence des salaires et de placer tous les candidats sur un même pied d’égalité, d’autre part. 

En appliquant cette politique, la start-up passe peut-être à côté de talents refusant le salaire proposé. Mais elle reste intègre et instaure une politique des salaires juste et claire… 

Optimisation du temps : la fin de la négociation ? 

Avec la grille salariale, un salarié entrant sait directement, à quel salaire il est destiné, selon le poste qu’il intègre. De cette façon, le processus de recrutement incluant les négociations de salaires est allégé, car la partie de négociation n’existe plus ou du moins, elle en est fortement diminuée. 

De même, les demandes d’augmentation changent. Effectivement, elles sont prévues dans la grille de salaires. Elles dépendent de plusieurs facteurs détaillés tels que l’ancienneté ou l’atteinte de certains objectifs. 

L’exercice de la demande d’augmentation n’est en effet pas inné. Si certains sont très à l’aise avec, d’autres peuvent vite se sentir dépassés. 

Cela ne veut pas dire que les salaires restent figés, mais qu’en cas de modification, celle-ci doit faire changer les valeurs de la grille et être accompagnée d’une communication adéquate. 

La transparence des salaires : vaincre le syndrome de l’imposteur

Le syndrome de l’imposteur, kézako ? 

Au travail, le syndrome de l’imposteur se traduit par une dévalorisation globale. L’individu pense : 

  • qu'il n'est pas à la hauteur des attentes de son poste, 
  • qu’il ne le mérite pas, 
  • qu’il prend la place d’une personne certainement bien plus compétente, 
  • qu’un jour, ceux qu’ils l’ont embauchés se rendront compte de l’erreur de casting flagrante que tout le monde voit déjà…

Le syndrome de l’imposteur est donc un tourbillon d’idées pas forcément fondées, qui trahissent surtout chez le collaborateur un énorme manque de confiance en lui. 

Il est important de noter que les femmes sont plus sujettes que les hommes à souffrir de ce fameux syndrome. Les effets de ce dernier peuvent mener à des troubles de l’anxiété sévères et se révèlent à des moments clés comme l’entretien annuel ou une demande d’augmentation. 

La grille de salaire, un remède possible à ce syndrome ?

Ce syndrome de l’imposteur prend notamment vie à travers la question du salaire lors d’un recrutement ou d’une demande d’évolution. Il est, en effet, très difficile pour les travailleurs (en particulier pour les travailleuses), de parler de chiffres, de se vendre, quand cette personne ne se sent de base pas à la hauteur. 

Une grille de salaire permet alors d’éviter ce type de questionnements qui peut s’apparenter à une véritable souffrance pour qui en subit les foudres. De fait, les travailleurs savent d’emblée ce qu’ils valent, car ce chiffre est inscrit noir sur blanc, sur un tableau, relié à leur poste de travail. 

La transparence salariale et la présence d’une grille claire, met aussi à disposition les évolutions possibles dans le temps, le salaire maximum à espérer toucher et les fourchettes que les salariés peuvent atteindre. 

De ce fait, si Marion sait qu’au bout de trois ans d’ancienneté, son salaire sera revalorisé de 15 %, alors elle n’a qu’à attendre ces trois années. Elle ne doit plus anticiper et stresser sans savoir quoi demander, quand, si sa demande sera acceptée, et si elle le mérite vraiment. 

Transparence des salaires & marque employeur : une équipe qui gagne ? 

Une marque à l’initiative d’une politique basée sur la transparence des salaires en France sera remarquée, car pour le moment ce n’est pas la norme. De la même manière que les entreprises qui développent la semaine de quatre jours, les vacances illimitées ou d’autres nouvelles tendances managériales, toute nouveauté fait parler. 

Une entreprise qui ose s’affranchir des pratiques traditionnelles en termes de salaires sera vue comme avant-gardiste et de fait, sera médiatisée pour sa “prise de risque”. Cela entraînera alors une revalorisation de la marque employeur et donc un renforcement de son attractivité globale.  

Pour l’avenir de l’entreprise, cela peut ainsi favoriser le recrutement de nouveaux talents par les valeurs qu’elle a véhiculées. À salaire égal un collaborateur pourra ainsi, être plus susceptible de choisir l’entreprise qui pratique la transparence des salaires, à l’entreprise qui lui laisse une marge de négociation. 

La transparence des salaires permet ainsi de renforcer l’attractivité de l’entreprise. En effet, cette dernière s’intéresse au bien-être de l’ensemble de ses salariés, à leur confort, et à leur égalité.