Dans un environnement économique en constante mutation, la gestion efficace des risques financiers n’est pas une option. C’est un impératif stratégique permettant d’assurer la pérennité et la croissance des organisations sur le long terme. 

Loin d'être un simple exercice de conformité comptable et réglementaire, elle s'impose comme un véritable levier de performance. Sa force ? Permettre d’anticiper les menaces potentielles, d'optimiser l'allocation des ressources au sein de votre organisation et de transformer les menaces en opportunités ! 

Découvrez les différentes facettes de la gestion des risques financiers à travers trois axes principaux : l'identification, l'analyse quantitative et la mise en place de stratégies d’atténuation adéquates (mitigation). Sans oublier les conseils de l’expert !

Cartographier le spectre des risques financiers

Avant toute tentative d’atténuation, il est indispensable d'identifier avec précision la nature et l'étendue des risques auxquels une entreprise est confrontée. 

Cette première étape, fondamentale, repose sur une analyse méthodique et exhaustive de l'environnement interne et externe de l'organisation. 

Parce que chaque entreprise est unique, l’analyse doit être personnalisée au maximum en fonction de leurs forces et faiblesses et selon les opportunités et les menaces de leur marché. 

Des outils en stratégie d’entreprise existent pour vous aider. Vous pourrez notamment vous reposer sur les matrices de Porter ou de Pestel. L’idée est d’avoir une image sincère et fidèle de votre société sur les menaces qui pourraient entraîner des conséquences financières importantes pour votre activité. 

Il peut s’agir : 

  • D’un risque climatique qui impacterait votre activité opérationnelle ; 
  • D’un projet de restructuration ;
  • D'un litige technique ou commercial ; 
  • D’une provision liée à des garanties ; 
  • D’une provision pour risques sociaux ;
  • Etc. 

Attention cependant à ne pas surestimer vos provisions ! En effet, l’administration fiscale et vos auditeurs, le cas échéant, seront vigilants à la justification que vous fournirez pour chaque provision. En cas d’abus, vous pourriez être reconnu coupable de manipulation des états financiers et subir une correction ou même un redressement avec pénalité.

Risques de marché : la volatilité comme nouvelle norme

Les fluctuations imprévisibles des marchés financiers constituent une source majeure d'incertitude pour les entreprises. Les crises financières et géopolitiques se multiplient, et les cycles économiques sont de plus en plus rapides. 

Les variations des taux d'intérêt, des taux de change, des prix des matières premières ou encore des cours boursiers peuvent impacter significativement la rentabilité et la situation financière d'une organisation. À cela, s’ajoutent les réactions gouvernementales et des banques centrales qui activent différents leviers sur leur politique monétaire et qui apportent leur lot de fluctuation. Une entreprise fortement endettée, par exemple, sera particulièrement exposée à une hausse des taux d'intérêt, qui augmentera le coût de sa dette et pourrait fragiliser sa structure financière et sa solvabilité à court terme. 

Ainsi, avant toute chose, les organisations doivent identifier les facteurs externes qui sont susceptibles de les impacter en profondeur.

Risques de crédit : se prémunir contre le risque de défaut

Accorder des délais de paiement à ses clients fait partie intégrante de l'activité commerciale de nombreuses entreprises. C’est un levier facile à activer pour les équipes commerciales, qui peut, dans bien des situations, s’avérer capital dans un jeu de négociation. 

Cependant, cette pratique expose inévitablement au risque de crédit. La survenance d'un défaut de paiement, en plus de générer une perte financière directe, peut fragiliser la trésorerie de l'entreprise et impacter sa capacité à honorer ses propres engagements à court terme. 

L'évaluation rigoureuse de la solvabilité des clients, notamment avec l'utilisation d'instruments d'assurance-crédit ou de plateforme de référencement tel qu’Infonet.fr, combiné à la mise en place de procédures de recouvrement efficaces, sont autant de mesures à mettre en œuvre pour mitiger ce risque. 

Exemple d’indicateurs clés disponibles sur Infonet.fr

Trop souvent, les organisations se concentrent sur leurs performances opérationnelles et leur rentabilité, mais ils en oublient dès lors le management de leur SUBI

Afin de prémunir le risque de défaut et en conformité avec le principe de prudence qui prévaut en comptabilité, vous devez mettre en place une procédure de dépréciation des créances clients. 

Le mécanisme est simple : dès lors qu’une créance excède une certaine durée pour être payée, ou si un risque est identifié (par exemple, un de vos clients entre dans une procédure de sauvegarde), vous devez déprécier tout ou une partie de cette créance. 

         Indicateur disponible sur Infonet.fr
 

Bon à savoir

Sur Infonet, plateforme de données légales et financières à destination des entreprises, vous pouvez retrouver des indicateurs clés, tels que les délais de paiement d’une entreprise, son niveau d’endettement, son risque de défaillance, le risque d’impayé ou encore les procédures collectives en cours.

99% des données sont consultables gratuitement !

Risques opérationnels : anticiper les dysfonctionnements et les événements imprévus

Au-delà des risques financiers externes, les entreprises sont également exposées à des risques liés à leurs propres opérations internes. Défaillances des systèmes informatiques, erreurs humaines, fraudes, accidents industriels... Les sources de risques opérationnels sont multiples et peuvent avoir des conséquences financières considérables. 

L'audit régulier des processus internes, la mise en place de plans de continuité d'activité et la sensibilisation des collaborateurs aux enjeux de la sécurité et de la conformité sont autant de leviers pour limiter l'occurrence et l'impact de ces événements indésirables. 

Face à autant de risques, il est recommandé aux dirigeants d’être proactifs sur ces sujets. De même, la direction financière joue un rôle crucial pour chiffrer les menaces qui pourraient peser sur l’entreprise. 

Risques de liquidité : maintenir l'équilibre financier à court terme

Le risque de liquidité se matérialise lorsque l'entreprise n'est plus en mesure de faire face à ses engagements financiers à court terme, faute de trésorerie disponible. 

Une gestion inadéquate du besoin en fonds de roulement, un décalage important entre les encaissements et les décaissements, ou encore un accès restreint aux financements externes peuvent conduire à une situation de crise de liquidité. 

La mise en place d'un tableau de bord de trésorerie prévisionnel, la négociation de lignes de crédit confirmées avec les banques et l'optimisation de la gestion du besoin en fonds de roulement constituent des mesures préventives essentielles. 

Différentes techniques existent pour évaluer le besoin de trésorerie dont doit disposer une entreprise pour faire face à ce risque de liquidité. Selon votre secteur et la saisonnalité de votre activité, il peut dès lors être judicieux d’avoir recours à différents comptes de réserve pour pallier un dysfonctionnement. 

Attention cependant à ne pas trop stocker d’argent non plus ! Rappelez-vous que de l’argent qui dort sur un compte bancaire non seulement perd de la valeur avec l’inflation, mais représente également un manque à gagner à défaut d’être investi dans votre entreprise pour générer de la valeur à long terme. 

Se prêter à un exercice de modélisation pour déterminer votre WACC (Weigthed Average Cost of Capital) vous permettra de déterminer le point mort en dessous duquel votre argent « perd » de la valeur. 

Prenons un exemple. Votre WACC est de 4%. Cela est dû notamment à la rentabilité qu’attendent vos investisseurs comme ROI (Return on Investment), au coût de vos emprunts, et plus globalement au coût de votre financement. Si un investissement vous rapporte moins de 4% net (qui peut notamment être calculé avec la VAN ou Valeur Actuelle Nette), dès lors, vous ne créez pas de richesse. Ce point de bascule doit vous permettre de savoir quand et comment investir. 

Risques réglementaires et juridiques : évoluer dans un environnement complexe et mouvant

Le cadre réglementaire et juridique dans lequel évoluent les entreprises ne cesse d’évoluer. De nouvelles lois, réglementations, normes comptables ou environnementales sont régulièrement adoptées, complexifiant la gestion des risques et exposant les entreprises à de nouvelles sanctions financières, poursuites judiciaires ou atteintes à leur réputation. 

Comment mitiger ce risque ? Différentes solutions, cumulables, existent : 

  • La mise en place d'une veille juridique et réglementaire efficace, 
  • La formation des collaborateurs,
  • Et la collaboration avec des experts juridiques externes. 

Gardez par ailleurs à l’esprit que le principe de prudence doit s’appliquer dès lors qu’un risque est identifié, et cela s’applique aussi pour les risques : 

  • fiscaux,
  • réglementaires 
  • et légaux. 

Ainsi, dès lors qu’un litige quelconque intervient, vous vous devez de provisionner vos comptes.  

Mesurer l'impact et l'incertitude : quantifier les risques financiers

L'identification des risques ne constitue qu'une première étape. Il est ensuite nécessaire de les analyser en profondeur afin de déterminer leur probabilité de survenance et leur impact potentiel sur les performances financières de l'entreprise. 

Analyse de sensibilité : identifier les variables clés

L'analyse de sensibilité est une technique permettant d'évaluer l'impact de la variation d'un paramètre clé sur un indicateur de performance donné. Par exemple, une entreprise exportatrice pourra analyser l'impact d'une variation de 10% du taux de change euro-dollar sur son chiffre d'affaires ou sa marge nette. 

Cette analyse permet d’identifier les variables clés dont les variations sont susceptibles d'avoir l'impact le plus important sur la performance de l'entreprise. En fonction de la probabilité d’un scénario plutôt qu’un autre, le montant de la provision sera ajusté. 

Gardez toujours en tête que toutes vos décisions doivent être justifiées et solidement justifiables en cas de contrôle. Une simple appréciation personnelle ou une crainte qui ne repose sur aucun élément tangible et chiffré pourra donner lieu à un redressement par les services fiscaux. De plus, vous prenez le risque de manipuler vos états financiers, ce qui pourrait biaiser vos analyses de la situation réelle de votre entreprise. 

Simulation de Monte-Carlo et les confrontations probabilistes

La simulation de Monte-Carlo est une méthode statistique permettant de modéliser des situations complexes et incertaines. 

Elle consiste à générer un grand nombre de scénarios aléatoires, en faisant varier les paramètres clés selon des distributions de probabilité prédéfinies. L'analyse des résultats de ces simulations permet d'obtenir une estimation de la distribution de probabilité d'un indicateur de performance donné, et ainsi de mieux appréhender l'incertitude inhérente aux projections financières

S’il n’est pas envisageable de faire reposer une provision uniquement sur une projection probabiliste, il peut être intéressant pour le management de se confronter à des scénarios parfois difficilement imaginables. Cet exercice ne doit pas vous permettre de comptabiliser une écriture comptable, mais bien de vous préparer à différents scénarios afin de gagner en réactivité le jour où vous y seriez confronté. 

Analyse de scénarios : se préparer aux différents futurs possibles

L'analyse de scénarios consiste à élaborer un nombre limité de scénarios plausibles (optimiste, pessimiste, central), chacun reposant sur des hypothèses macroéconomiques et sectorielles spécifiques. Pour chaque scénario, l'impact sur les états financiers de l'entreprise est ensuite évalué. 

Cette approche permet d'identifier les risques et opportunités associés à chaque scénario, et d'élaborer des plans d'action adaptés en fonction de l'évolution du contexte économique. 

Ici encore, il n’est pas question de comptabiliser une provision pour risques et charges à partir de vos hypothèses et projections. Profitez de cette occasion également pour impliquer l’ensemble des services de votre organisation, vous gagnerez en fiabilité et en réalisme dans la projection de vos scénarii. 

Maîtriser l'incertitude : déployer des stratégies de mitigation des risques

Une fois les risques identifiés et analysés, il est essentiel de mettre en place des stratégies de mitigation efficaces pour limiter l'impact potentiel des risques sur les performances de votre organisation. Le choix de la stratégie que vous adopterez dépendra bien entendu de la nature du risque, de son niveau de criticité, mais aussi des ressources que vous pouvez mobiliser au sein de l'entreprise. 

Stratégie de l’évitement : renoncer pour mieux se protéger

L'évitement consiste à renoncer à une activité ou à une transaction présentant un niveau de risque jugé inacceptable. En effet, cette réflexion est particulièrement adaptée lorsque l’organisation se place en situation de croissance. 

Vous vous engagez dans une procédure de croissance externe en rachetant un concurrent ? Vous hésitez à étendre votre activité dans un pays étranger ? Prenez le temps de mesurer les risques, les pros et les cons. 

Par exemple, une entreprise peut décider de ne pas s'implanter dans un pays présentant un risque politique trop élevé, ou de ne pas commercialiser un produit présentant des risques importants en matière de sécurité ou d'environnement.

L'évitement est une stratégie radicale qui permet d'éliminer totalement le risque, mais qui peut également priver l'entreprise d'opportunités de croissance. Si vous prenez la décision de vous engager dans un projet à risque, vous devez dès lors appliquer les prochaines étapes avec une attention particulière.

Stratégie de la réduction : minimiser l'impact potentiel d’un risque avéré

La réduction du risque consiste à mettre en place des mesures pour diminuer la probabilité de survenance du risque ou son impact potentiel. 

Par exemple, une entreprise peut diversifier ses clients pour réduire son exposition au risque de crédit lié à un client unique, ou mettre en place des procédures de contrôle interne renforcées pour limiter le risque d'erreurs ou de fraudes. 

Si vous craignez pour votre réputation, vous pourrez par exemple engager un processus de contrôle interne robuste sur la qualité de vos fournisseurs afin de vous assurer le respect du droit international. L’Oréal, par exemple, impose à l’ensemble de ses fournisseurs une charte éthique stricte, renforcée par des audits réguliers, afin de lutter contre le travail des enfants ou bien l’exploitation de peuple autochtone. 

Pour assurer le bien-être de vos collaborateurs, mettez en place une stratégie transparente de dénonciation des abus, des comportements discriminatoires ou des comportements anti-éthique au travers d’outils anonymes de dénonciation. 

La stratégie de la réduction du risque est particulièrement efficace lorsque cette dernière intervient en amont de la concrétisation de ce risque et avant que les premiers impacts soient avérés pour votre organisation. 

La stratégie de transfert : partager la charge du risque entre différents acteurs

Le transfert du risque consiste à transférer partiellement ou totalement la responsabilité financière du risque à un tiers, généralement par le biais d'instruments financiers, tels que les contrats d'assurance ou les produits dérivés. 

Par exemple, une entreprise peut souscrire une assurance pour se protéger contre les risques d'incendie, de vol ou de responsabilité civile, ou utiliser des produits dérivés pour se couvrir contre les fluctuations des taux de change ou des taux d'intérêt. 

Autre exemple, recourir à un factor vous permet de vous protéger contre le risque de défaut de paiement, même si cela impacte votre rentabilité. 

Le transfert du risque permet de limiter l'impact financier potentiel d'un événement indésirable, mais implique généralement un coût associé à la prime d'assurance ou au prix du produit dérivé. Selon les forces de votre entreprise, vous devez donc mesurer l’impact potentiel du risque et le comparer au coût de la mise en place d’une stratégie de transfert.

La stratégie de l’acceptation : assumer le risque en connaissance de cause

L'acceptation du risque consiste à accepter le risque et ses conséquences potentielles, en mettant en place des provisions financières adéquates. 

Cette stratégie est généralement retenue pour les risques inévitables ou peu coûteux à supporter. 

La constitution de provisions permet à l'entreprise de se constituer un matelas financier pour faire face à d'éventuelles pertes futures. En cas de litige social avec un salarié, un avocat saura évaluer le risque potentiel et permettra à l’entreprise de prendre des provisions afin de refléter ce risque dans ses états financiers. De même, en cas de risque de défaut d’un client, une dépréciation des créances clients permettra de refléter ce risque. 

Gardez en tête cependant que le principe de prudence prévaut en comptabilité, et que vous devrez être en mesure de justifier toutes comptabilisations de provisions en cas de contrôle. 

Les conseils de l'expert : vers une gestion proactive des risques

Instaurer une culture du risque

Sensibilisez vos collaborateurs à l'importance de la gestion des risques et encouragez-les à signaler les menaces potentielles le plus tôt possible à leur manager. La gestion des risques ne doit pas être perçue comme la responsabilité exclusive d'une équipe dédiée, mais bien comme l'affaire de tous. Les risques peuvent être : 

  • sociaux, 
  • commerciaux, 
  • financiers,
  • légaux,
  • etc. 

En dotant vos collaborateurs d'une culture du risque solide, vous les rendrez acteurs de la prévention et de la gestion des risques au quotidien, contribuant ainsi à renforcer la résilience de votre organisation face aux évolutions de son environnement.

Formaliser le processus de gestion des risques

Définissez clairement : 

  • les rôles et les responsabilités, 
  • les méthodes d'analyse, 
  • les outils de reporting, 
  • et les indicateurs clés de suivi. 

Un processus formalisé garantit la cohérence, l’uniformisation et l'efficacité de la démarche de gestion des risques.

Nommer un responsable de la gestion des risques

La gestion des risques est l’affaire de tous. Désigner un responsable dédié à la mise en place, au pilotage et à l'animation du processus de gestion des risques au sein de l'entreprise permettra de vous assurer du maintien des procédures mises en place. 

Le responsable de la gestion des risques joue un rôle central dans la sensibilisation, la coordination et la communication autour des enjeux de risques.

Mettre en place un système de reporting régulier

Suivez en permanence l'évolution des risques, l'efficacité des mesures de mitigation mises en place et l'adéquation du dispositif de gestion des risques. 

Un reporting régulier permettra d’être rapidement prévenu en cas de dérive ou de survenance d'un risque majeur. 

Au niveau comptable, il est important, à minima une fois par an, de procéder à une analyse des provisions au bilan de vos états financiers. 

En cas de doute, n’hésitez pas à solliciter des experts du domaine pour vous fournir une estimation du risque financier potentiel (par exemple, un avocat en droit du travail sera en mesure de vous indiquer les montants engagés dans un litige social). 

Adapter les stratégies de mitigation en permanence

Revoyez et ajustez le dispositif de gestion des risques en fonction des changements de l'environnement interne et externe, de l'évolution des activités de l'entreprise et des nouvelles menaces émergentes. 

La gestion des risques est un processus dynamique et itératif qui doit s'adapter en permanence aux nouvelles réalités de votre entreprise et de son environnement.

Investir dans la gestion des risques, c'est assurer la pérennité de l'entreprise et maximiser son potentiel de développement dans un environnement économique volatil. En adoptant une approche proactive et rigoureuse et en impliquant l’ensemble des salariés, les entreprises peuvent transformer l'incertitude et les risques économiques qu’ils représentent en opportunité et prouver leur résilience.

Baptiste Dellerie, analyste FP&A Senior, Ex-auditeur financier grands comptes chez Mazars Paris.