L’écosystème du luxe français s’est donné rendez‑vous le 12 juin 2025 à Paris pour célébrer la 9ᵉ édition du LVMH Innovation Award, point d’orgue technologique de VivaTech 2025. Trois collaborations d’exception y ont été distinguées, révélant comment la créativité et la science des données irriguent déjà les Maisons du groupe.

Quand la tech redessine les codes du luxe

Fort de 82,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires (2024) et d’un portefeuille de 75 Maisons, LVMH place la culture de l’innovation au même rang que la maîtrise artisanale ou l’excellence retail. Cette stratégie se matérialise dans des programmes tels que « La Maison des Startups », mais aussi dans la sélection annuelle des lauréats de VivaTech. L’approche est claire : co‑développer des solutions capables de renforcer, au cœur même des ateliers et des boutiques, la désirabilité et la durabilité des produits.

VivaTech 2025 : un tremplin stratégique pour LVMH

Avec 165 000 participants, 13 500 start‑ups et plus de 3 200 investisseurs, VivaTech s’impose comme la première place de marché européenne pour la deep tech. Le pavillon LVMH Dreamscape y a présenté quinze projets concrets, répartis en trois axes : expérience client augmentée, attraction de marque et leadership exemplaire. Cette vitrine rassure les investisseurs en démontrant la capacité du leader mondial du luxe à intégrer rapidement les innovations issues du numérique, de la science des matériaux ou de l’IA générative.

VivaTech 2025 en chiffres

165 000 visiteurs, 13 500 start‑ups et 2,4 Md€ de retombées économiques estimées pour l’Île‑de‑France : l’événement s’affirme comme un accélérateur pour l’ensemble de la French Tech.

Trois prix, trois visions : décodage

Le jury a réparti les distinctions selon leur contribution aux objectifs stratégiques du Groupe : Best Business Prize (impact financier), Best Impact Prize (valeur sociétale et environnementale) et Most Promising Prize (potentiel de croissance). Cette segmentation reflète la grille de lecture interne de LVMH, qui évalue chaque innovation à l’aune de son ROI et de son alignement avec la feuille de route RSE.

Business : priorité à la création de valeur à court terme.
Impact : respect des critères ESG et amélioration de la chaîne d’approvisionnement.
Promising : disruptivité technologique et scalabilité mondiale.

Kahoona & Dior : l’hyperpersonnalisation sans cookie

Les équipes de Kahoona, basées à Tel‑Aviv, ont conçu un moteur de segmentation prédictive qui transforme un visiteur anonyme en profil activable en moins de 150 millisecondes, sans recourir aux third‑party cookies. Pour Dior, l’enjeu est double : contrer la hausse des coûts d’acquisition et maintenir une expérience digitale premium sur tous les marchés. Les premiers tests A/B menés au printemps 2025 affichent un taux de conversion incrémental de +12,4 % et un panier moyen majoré de 9 €.

Cadre légal : RGPD & fin des cookies

Le règlement e‑Privacy, attendu pour 2026, interdira la plupart des traceurs tiers. Les modèles de first‑party data portés par Kahoona deviennent donc essentiels pour maintenir la performance marketing.
Les Maisons qui anticipent ces évolutions réduisent d’emblée leur risque de non‑conformité.

Technique d’IA qui regroupe les utilisateurs en temps réel selon leur propension à acheter, basée sur les micro‑signaux de navigation et l’historique first‑party, sans identification nominative.

Genesis & Moët Hennessy : la vigne sous contrôle numérique

Face au stress hydrique et à l’érosion des sols, Moët Hennessy mise sur Genesis, une plateforme de cartographie agronomique fondée en 2018 à Paris. Grâce à des capteurs spectrométriques et à l’imagerie satellite Sentinel‑2, l’outil délivre un Soil Resilience Score allant de 0 à 10. Les premiers déploiements en Champagne et en Cognac laissent entrevoir une réduction de 18 % des intrants azotés sur trois millésimes.

Décryptage : CSRD & chaîne de valeur

La directive CSRD oblige, dès l’exercice 2025, les groupes de plus de 500 salariés à publier des indicateurs ESG vérifiés. Les données générées par Genesis alimentent directement les notes « E » et « S » du futur reporting.

Un sol vivant stocke jusqu’à 150 t/ha de CO₂, retient l’eau et garantit la qualité des matières premières (raison pour laquelle le secteur viticole suit de près les indicateurs de biologie des sols).

OMI & Guerlain : le jumeau numérique comme vecteur de désirabilité

La start‑up française OMI révolutionne la production visuelle en générant, à partir d’un modèle 3D, des déclinaisons infinies (packshots, filtres AR, vidéos immersives) pour e‑commerce et réseaux sociaux. Guerlain, pionnière de la fragrance virtuelle avec son Absolus d’Orient NFT, y voit un moyen de raccourcir de 40 % le time‑to‑market tout en réduisant l’empreinte carbone des shootings. La solution est par ailleurs compatible avec les formats WebP et USDZ, désormais privilégiés par Apple Vision Pro.

Un jumeau numérique est la réplique virtuelle d’un produit physique, enrichie de métadonnées (textures, comportement à la lumière), qui permet de simuler l’usage ou de générer des visuels sans avoir recours au prototype réel.

LVMH Dreamscape : laboratoire de partenariats pérennes

Situé dans le hall 1 de VivaTech, le Dreamscape matérialise l’obsession du Groupe pour la preuve par l’exemple : chaque prototype y est déjà en production ou prêt à être industrialisé. Parmi les démonstrations 2025 : un packaging circulaire développé avec Loop Industries, la réalité mixte signée Magic Leap pour Bulgari, et l’IA acoustique d’Ircam Amplify à l’œuvre chez Dior Couture.

Une alliance audacieuse avec la Formule 1

Annoncé en marge de la cérémonie, le partenariat exclusif de dix ans entre LVMH et la Formule 1 associe deux univers nourris par la quête de performance. Au‑delà du branding, l’accord prévoit un transfert de technologies sur les matériaux composites éco‑conçus et la télémesure pour la logistique. Ellen Jones, Directrice ESG de la F1, évoque déjà des synergies dans la réduction des émissions logistiques via l’analyse en temps réel des flux.

Enjeux économiques et réglementaires pour le luxe français

La croissance du luxe tricolore (prévision +5,8 % en 2025) dépend étroitement de l’aptitude des groupes à conjuguer rentabilité et conformité. Les obligations de vigilance sur les chaînes d’approvisionnement (loi n° 2017‑399) et la taxonomie européenne exigent une traçabilité fine des impacts.

Les trois start‑ups primées répondent à cette équation : amélioration du chiffre d’affaires (Kahoona), réduction des externalités (Genesis) et accélération du cycle produit (OMI).

En toile de fond, la digitalisation end‑to‑end (design, production, distribution) constitue un avantage compétitif face à la volatilité de la demande asiatique et aux tensions logistiques du canal de Suez.

Cap sur un luxe toujours plus responsable et connecté

L’édition 2025 du LVMH Innovation Award confirme que l’avenir du secteur passera moins par la multiplication des collections que par la maîtrise des données et des impacts. En récompensant à la fois la croissance, l’impact sociétal et le potentiel disruptif, LVMH installe un standard que ses concurrents devront bientôt égaler.

En fusionnant artisanat, science et éthique, le luxe français trace la voie d’une prospérité durable pour la prochaine décennie.