La jeune pousse Sezame, établie à Nice, suscite un intérêt grandissant dans le secteur de l’hôtellerie de luxe. Dans une publication publiée sur LinkedIn, l’équipe annonce une levée de fonds de 1,3 million d’euros. Après avoir patienté six mois avant de divulguer l’information, elle dévoile désormais son ambition : rendre accessibles les infrastructures d’hôtels haut de gamme à un public plus large, bien au-delà du simple hébergement.

Sezame : 1,3 M€ pour accélérer la transformation de l’hôtellerie de luxe

Lorsqu’on évoque les hôtels de prestige, on imagine souvent des établissements qui misent principalement sur leurs chambres somptueuses et leurs suites panoramiques. Or, ces complexes proposent généralement une palette de services bien plus vaste : restaurants gastronomiques, spas, piscines intérieures, salons de détente, espaces dédiés à des événements privés ou professionnels, etc.

La vision de Sezame consiste à valoriser ces infrastructures au quotidien. L’idée n’est pas seulement de louer des chambres à une clientèle fortunée ou d’affaires, mais de rendre ces lieux accessibles à tous ceux qui souhaitent profiter d’un moment d’exception (un brunch gastronomique, une séance de yoga dans un cadre prestigieux, ou encore un afterwork dans un lounge habituellement réservé aux résidents de l’hôtel).

Selon Jean-Baptiste Pinthon, cofondateur, ce financement de 1,3 M€ a une portée double. D’une part, il s’agit de consolider la position de Sezame sur le marché français, en renforçant la plateforme numérique et en étoffant l’équipe. D’autre part, la société entend élargir son rayonnement à l’international, afin de convaincre les acteurs du luxe de s’approprier cette nouvelle approche de l’hôtellerie. La start-up espère ainsi accélérer la mutation du secteur, déjà entamée depuis la crise du Covid-19, vers un modèle davantage axé sur l’expérience et la diversification des revenus.

Bien que l’annonce officielle date du 12 mars, l’équipe explique avoir souhaité attendre près de six mois avant de divulguer publiquement ce succès. La raison ? Démontrer que cette somme n’est pas seulement un argument marketing, mais un levier concret pour développer de nouvelles fonctionnalités, affiner les partenariats stratégiques et poser les bases d’une croissance pérenne. Cette démarche témoigne d’une volonté de transparence vis-à-vis des investisseurs, des hôteliers et des utilisateurs.

Une approche axée sur l’expérience : les hôtels ne se limitent plus au séjour

Avant l’ère de la numérisation massive, un hôtel de luxe s’adressait essentiellement à une clientèle internationale, souvent composée de touristes à fort pouvoir d’achat ou de voyageurs d’affaires. On égrenait alors les services complémentaires (massages, service en chambre, piscine chauffée, etc.) comme des atouts valorisant les nuitées. Pourtant, il est de plus en plus évident que ces espaces peuvent vivre tout au long de la journée, voire de l’année, sans se restreindre aux seuls résidents.

Le changement de paradigme impulsé par Sezame relève d’une double observation. D’un côté, de nombreux établissements peinent à amortir leurs infrastructures haut de gamme, car celles-ci restent souvent sous-exploitées. De l’autre, un public local ou régional aspire à vivre des expériences exclusives, sans pour autant passer la nuit à l’hôtel. En connectant ces deux mondes, la start-up niçoise entend bouleverser les schémas existants, tout en alimentant un nouveau flux de revenus pour les hôteliers.

La plateforme Sezame, accessible via un site web ou une application, permet de réserver à la carte des prestations variées : déjeuner gastronomique, soin en spa, séance de fitness, accès à une piscine privée ou location d’un rooftop pour un événement personnel. Cette flexibilité séduit autant les particuliers que les entreprises, qui peuvent organiser des réunions ou des séminaires dans un cadre prestigieux. D’un point de vue financier, cette approche offre aux hôtels la possibilité d’augmenter leur chiffre d’affaires, souvent encore trop dépendant du taux d’occupation des chambres.

Sezame met en relation les établissements hôteliers de luxe et des clients en quête de services haut de gamme, sans nécessairement passer la nuit sur place. La plateforme gère la réservation, le paiement, et propose aux hôtels un tableau de bord pour optimiser l’occupation de leurs espaces.

Pour l’utilisateur final, l’attrait principal réside dans la simplicité d’accès à des lieux habituellement perçus comme très exclusifs. Réserver un massage dans un palace n’était pas impossible auparavant, mais c’était rarement un réflexe. Avec une solution tout-en-un, Sezame baisse les barrières d’entrée et encourage les établissements à ouvrir leurs portes à un public plus vaste. Sur le plan marketing, cela permet aux hôtels de bénéficier d’une nouvelle visibilité, hors des traditionnels canaux de réservation axés sur l’hébergement (type Booking ou Expedia).

L’histoire de Sezame : de l’idée aux premiers partenariats

À l’origine du projet, on retrouve la volonté de revisiter l’expérience hôtelière et de la rendre plus accessible. Selon des informations partagées par l’équipe fondatrice, l’idée aurait germé en constatant que de nombreux restaurants étoilés et spas de luxe fonctionnaient souvent en deçà de leurs capacités réelles. Cette inefficience, combinée à la demande latente d’une clientèle souhaitant simplement profiter d’un moment luxueux, a convaincu les créateurs de Sezame qu’il y avait un créneau à occuper.

Afin de valider le concept, la start-up a noué des collaborations pilotes avec quelques hôtels partenaires situés sur la Côte d’Azur. Ces premiers retours, jugés très encourageants, ont poussé l’équipe à élargir son réseau. Au fil du temps, des établissements parisiens et d’autres grandes villes françaises ont montré leur intérêt pour cette solution innovante. Il est apparu que le marché ne se limitait pas aux destinations balnéaires ou touristiques : même dans des métropoles orientées business, la volonté d’optimiser les espaces et de diversifier les recettes était bien réelle.

En parallèle, la société s’est entourée d’une communauté d’investisseurs et d’experts en hôtellerie, en marketing digital et en développement international. Plusieurs business angels ont apporté leur soutien, séduits par la perspective de créer un écosystème où la proposition de valeur est claire : les hôtels ouvrent leurs portes à un public élargi et augmentent leurs revenus ; les clients accèdent à des services de qualité en quelques clics. Cette solidité du réseau a facilité la conclusion de la levée de 1,3 M€, dont l’officialisation en mars a marqué une étape majeure dans l’expansion de Sezame.

Focus sur l'hôtellerie de luxe en France

Le segment haut de gamme représente près de 20% du marché hôtelier français en termes de chiffres d’affaires. Toutefois, ces établissements font face à un défi d’optimisation de leurs espaces, souvent sous-utilisés en dehors des périodes de forte affluence touristique.

Une autre particularité de l’initiative Sezame réside dans la mutualisation des expériences. Chaque hôtel partenaire bénéficie d’un retour d’expérience global sur les meilleures pratiques et sur les offres les plus plébiscitées. Par conséquent, le réseau grandit dans une logique de coopération, tout en laissant à chaque établissement la liberté de personnaliser les expériences et de fixer ses propres tarifs.

Financement et enjeux économiques : comment Sezame déploie son capital

Les 1,3 M€ levés par Sezame ne sont pas qu’un symbole : ils doivent alimenter des chantiers précis et stratégiques. En premier lieu, la start-up souhaite développer de nouvelles fonctionnalités pour sa plateforme. Cela peut inclure une gestion plus fine des créneaux de réservation, des outils de paiement optimisés ou encore un volet analytique permettant aux hôteliers de suivre en temps réel leurs taux d’occupation et leurs performances financières.

Ensuite, Sezame prévoit de renforcer sa présence dans les grandes villes françaises, à commencer par Paris, Cannes, Lyon ou Bordeaux. L’expansion à l’international est également dans le viseur, en raison du potentiel considérable que représentent certaines destinations touristiques mondiales, comme Dubaï, Miami ou Singapour. D’un point de vue marketing, il s’agira d’attirer à la fois des hôtels emblématiques et une clientèle locale curieuse de découvrir ces univers luxueux.

D’un point de vue purement économique, cette stratégie pourrait permettre aux établissements de luxe de lisser leurs recettes sur l’année. Jusqu’à présent, la saisonnalité reste un enjeu critique : la haute saison comble les chambres, tandis que la basse saison laisse de nombreux espaces inoccupés. En ouvrant l’accès à des non-résidents, Sezame contribue à amortir les charges fixes en continu, améliorant ainsi la rentabilité globale.

La question du modèle économique se pose toutefois : Sezame se rémunère via une commission, mais l’enjeu est de ne pas dépasser un certain pourcentage au risque de décourager les hôteliers. La jeune pousse semble néanmoins confiante dans sa capacité à trouver un équilibre, misant sur un volume de transactions suffisant pour générer des marges viables. Cette perspective se fonde sur l’hypothèse d’une adoption grandissante, soutenue par la notoriété des premiers hôtels partenaires.

Souvent, la complexité de la gestion quotidienne, l’accent mis sur l’occupation des chambres et la dépendance aux OTA (Online Travel Agencies) freinent les initiatives de diversification. Des solutions comme Sezame offrent un outil dédié, simplifiant la mise en vente de services annexes.

Dans la foulée, la levée de fonds ouvre la voie à de futures levées, si Sezame souhaite accélérer encore davantage son expansion. Les investisseurs, conscients du potentiel de ce segment, pourraient soutenir la croissance de la plateforme, à condition que les résultats financiers et la satisfaction hôtelière continuent de s’améliorer.

Stratégie de partenariat et expansion géographique

Le choix de Nice comme base opérationnelle n’a rien d’anodin. La Côte d’Azur bénéficie d’une renommée mondiale, attirant une clientèle aisée, notamment dans des villes comme Cannes, Monaco ou Saint-Tropez. Cet environnement a permis à Sezame de mener des projets pilotes auprès d’hôtels qui incarnent l’excellence à la française, tout en se frottant à un public international.

Au-delà de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, la start-up se positionne désormais sur d’autres métropoles hexagonales. Cette expansion est rendue possible par des partenariats institutionnels et un maillage d’investisseurs convaincus que la diversification des recettes hôtelières deviendra la norme. De plus, la France, leader mondial du tourisme, offre un vivier d’établissements haut de gamme, un terrain idéal pour roder le concept avant d’attaquer des marchés étrangers.

De nouvelles destinations hors de l’Hexagone sont dans le viseur. À moyen terme, Sezame compte cibler des capitales européennes (Londres, Madrid, Rome) ou asiatiques (Singapour, Hong Kong), réputées pour leur concentration en hôtels de luxe et leur attrait auprès d’une clientèle d’affaires ou de loisir à forte valeur ajoutée. La société nourrit également l’ambition de s’allier à des chaînes hôtelières mondiales, afin de déployer rapidement son concept à grande échelle.

Les investisseurs derrière Sezame

Outre des fonds d’investissement spécialisés dans la TravelTech, plusieurs business angels expérimentés en hôtellerie, technologie et marketing participent à l’aventure. Leur expertise contribue à affiner la stratégie de Sezame et à sécuriser les futures phases d’expansion.

Il convient de noter que chaque marché cible présente ses spécificités réglementaires et culturelles. Les usages en matière de restauration, de bien-être et d’organisation d’événements diffèrent d’un pays à l’autre. La flexibilité de la plateforme Sezame, capable de s’adapter aux particularités locales, sera donc cruciale pour réussir à imposer une marque et un service uniformes, tout en tenant compte des réalités du terrain.

Analyse : vers une nouvelle ère de l’hôtellerie “expérience-first”

La démarche de Sezame s’inscrit dans un courant de fond : la recherche d’expériences occupe une place centrale dans la stratégie des acteurs du tourisme et de l’hospitalité. De plus en plus, on observe que les clients valorisent davantage les moments vécus et les souvenirs que l’aspect purement logistique du voyage. Ainsi, les hôtels de luxe, historiquement focalisés sur le service d’hébergement, sont poussés à se réinventer pour offrir des services qui se vivent au présent, sans forcément inclure la nuitée.

Le concept n’est pas entièrement nouveau. Plusieurs établissements indépendants proposaient déjà des passes journaliers pour le spa, des formules brunch ou des cocktails afterwork. Toutefois, ce qui différencie Sezame, c’est la volonté de centraliser cette offre et de la démocratiser par la technologie, tout en assurant un suivi rigoureux des performances. À la clé, un meilleur équilibre entre l’offre et la demande, et une évasion du carcan imposé par les OTA, dont le business model repose principalement sur les réservations de chambres.

Cette évolution illustre également un changement sociétal. Le succès de plateformes proposant des expériences exclusives (visites privées, ateliers culinaires, etc.) révèle un désir de la part des consommateurs d’accéder à des prestations hors norme, même de façon ponctuelle. Les frontières entre le « luxe occasionnel » et le « luxe permanent » s’estompent : on peut très bien choisir de passer une après-midi d’exception dans un palace, sans y passer la nuit. Pour l’hôtel, c’est l’opportunité de monétiser sa réputation et ses infrastructures autrement.

Sur le plan financier, cette tendance s’accompagne d’un potentiel de croissance non négligeable. Selon certaines estimations, la diversification des revenus pourrait représenter jusqu’à 30 % du chiffre d’affaires pour des établissements de très haut standing, si elle est menée de manière cohérente et soutenue par des solutions technologiques fiables. Les investisseurs y voient donc une opportunité de participer à la « plateformisation » d’un secteur encore peu digitalisé, en comparaison avec l’aviation ou la location de voitures.

Il s’agit d’un phénomène économique où un acteur centralise l’offre et la demande sur un même outil numérique, tout en prenant une commission sur chaque transaction. Ce modèle est devenu la norme pour de nombreux secteurs : retail (Amazon), mobilité (Uber), voyages (Airbnb), etc.

Néanmoins, cette évolution n’est pas exempte de défis. La mise en place d’une politique tarifaire harmonieuse, la gestion de la marque et la préservation de l’image d’exclusivité comptent parmi les préoccupations majeures des hôtels de luxe. L’équation reste délicate : comment ouvrir l’accès à des espaces prestigieux sans renier l’aspect « sélect » qui fait la réputation de ce type d’établissement ? Sezame mise sur une approche mesurée et sur un contrôle qualitatif permanent pour concilier ces objectifs antagonistes.

Nouvelles fonctionnalités

Dans la foulée de cette levée de fonds, Sezame prévoit d’introduire plusieurs nouvelles briques technologiques pour affiner l’expérience utilisateur. Parmi les pistes évoquées, on retrouve l’intégration de la réalité virtuelle pour présenter de façon immersive certains espaces (piscine, salle de réception, bar panoramique), ou encore l’ajout de recommandations personnalisées en fonction des préférences de l’utilisateur.

D’autres axes de développement concernent la création de programmes de fidélité exclusifs, permettant aux clients récurrents d’accéder à des privilèges ou à des réductions sur les prestations. Du point de vue des hôtels, ces fonctionnalités renforcent la relation client et peuvent inciter un usager occasionnel à devenir un habitué, d’autant plus si l’expérience initiale a été réussie.

La start-up ne cache pas non plus son intérêt pour les évolutions réglementaires et culturelles de certains marchés émergents. Dans des régions où le tourisme croît à grande vitesse, la demande en hôtels de luxe explose, mais la gestion des infrastructures reste souvent perfectible. Sezame pourrait s’y implanter en amont, nouant des partenariats avec des chaînes hôtelières locales pour proposer un outil clé en main, depuis la réservation jusqu’au service après-vente.

Cette expansion internationale implique cependant de se conformer à différentes législations, notamment en matière de protection des données. Les questions liées à la confidentialité et à la sécurité des paiements en ligne sont particulièrement sensibles, surtout lorsque les transactions impliquent des montants conséquents ou des prestations de luxe. La capacité à respecter le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) et les autres normes de protection de la vie privée à l’étranger sera un facteur déterminant pour assoir la crédibilité de Sezame.

Chiffres à retenir

1,3 M€ : montant de la levée de fonds annoncée officiellement en mars.
6 mois : durée d’attente avant la communication publique, pour structurer la croissance et valider l’usage des fonds.
30 % : part potentielle du CA des hôtels de luxe issue de la diversification (selon des estimations d’experts du secteur).

Enfin, la société pourrait explorer des synergies avec d’autres plateformes spécialisées dans la billetterie, les activités touristiques ou encore le transport. Imaginez un package permettant de réserver à la fois un repas dans un restaurant étoilé, un soin spa, et un trajet en limousine : un rêve pour certains voyageurs, une source de revenus additionnels pour les hôtels, et un marché porteur pour les intermédiaires. Ainsi, Sezame pourrait évoluer vers un écosystème plus large, dédié aux loisirs de luxe ou aux événements d’entreprise premium.

Envisager la suite : cap sur la maturité du modèle

Alors que la start-up niçoise se fait connaître en France et ambitionne un déploiement international, la question du changement d’échelle se pose. Pour réussir, il lui faudra maintenir une cohérence entre le positionnement haut de gamme, la qualité du service et l’ouverture à un public plus large. Les premiers retours laissent entrevoir un potentiel de croissance solide, à condition d’éviter un dévoiement du concept au profit de stratégies marketing trop agressives.

Sur le plan financier, il s’agira également de prouver que la commission perçue suffit à soutenir la rentabilité de la plateforme, tout en restant acceptable pour des établissements habitués aux marges élevées de l’hôtellerie de luxe. Un défi de taille, mais qui pourrait être relevé grâce à l’intérêt grandissant des acteurs du secteur. La digitalisation des services hôteliers suscite un engouement croissant, et Sezame pourrait capitaliser sur ce mouvement pour asseoir son leadership en France, avant de s’attaquer à l’Europe et au reste du monde.

En toile de fond, cette aventure entrepreneuriale témoigne également d’une évolution profonde dans la perception du luxe. De plus en plus, les voyageurs ou les consommateurs occasionnels se disent prêts à investir dans une expérience unique, plutôt que dans un séjour classique. L’hôtellerie devient alors un espace de vie, de divertissement, parfois même de travail, et non plus seulement un lieu de passage temporaire.

Grâce à cette levée de fonds de 1,3 M€ et à son approche résolument tournée vers l’ouverture de l’hôtellerie de luxe, Sezame semble bien placée pour accompagner cette transformation et faire de la France un épicentre de l’innovation dans ce secteur en pleine métamorphose.