Obligation de télétravail et coronavirus : ce qui change pour l’employeur
Même un an après le début de la pandémie, quand on est employeur, l’obligation quasi systématique du télétravail suscite encore de nombreuses interrogations.
En cette période de crise sanitaire, le télétravail est devenu une obligation qu’un employeur ne peut plus ignorer. C’est du moins ce qu’a répété le gouvernement le mois dernier : le travail à domicile reste la règle. Or, tout juste un an après le début du premier confinement, la mise en place rapide de ce mode de travail soulève toujours un certain nombre d’interrogations. Nombreux sont les employeurs qui se posent encore des questions sur leurs obligations concernant le travail à distance en temps de Covid. Infonet fait le point dans cet article.
Qui a droit au télétravail ?
Les différentes catégories de travailleurs
On distingue trois catégories de travailleurs :
- Les travailleurs qui peuvent réaliser leurs missions à distance ;
- Les travailleurs qui peuvent réaliser une partie de leurs missions à distance ;
- Ceux qui ne peuvent réaliser aucune de leurs missions à distance.
Dans le cadre de la crise sanitaire actuelle, le gouvernement a exigé que les entreprises mettent en place le télétravail à 100 % pour la première catégorie de travailleurs. En ce qui concerne la deuxième catégorie de travailleurs, la semaine de travail doit être organisée de manière hybride : une partie à domicile et l’autre partie dans les locaux de l’entreprise. Enfin, la dernière catégorie de travailleurs n’aura pas d’autre choix que de se rendre sur son lieu de travail. Leurs entreprises devront néanmoins instaurer un protocole sanitaire strict.
À noter : ces mesures s’appliquent à tous types de salariés, peu importe la nature de leur contrat (CDI, CDD…) ou leur temps de travail (temps complet, temps partiel…)
Toutefois, depuis le 7 janvier 2021, il est possible pour les salariés qui travaillaient alors à distance de revenir sur leur lieu de travail, à raison d’une journée par semaine. L’objectif est de veiller à la santé mentale de ces salariés qui souffrent de solitude. Élisabeth Borne, la ministre du Travail, a effectivement mis en lumière des études qui « montrent que plus de six salariés sur dix en télétravail à 100 % depuis novembre souhaitent revenir dans l’entreprise au moins une journée par semaine ».
Dès lors, ce retour à temps partiel au sein des entreprises peut se faire, mais à deux conditions. D’une part, c’est le salarié qui devra en faire la demande. D’autre part, l’employeur devra donner son accord.
Télétravail à la demande du salarié
En temps normal comme en temps de Covid, un salarié peut demander à son employeur de réaliser ses missions en télétravail. Il peut faire cette demande par n’importe quel moyen (oral ou écrit).
Dès lors, l’employeur a la possibilité d’accepter ou de refuser. S’il accepte, le salarié peut commencer à travailler à distance. L’employeur devra tout de même respecter un certain nombre d’obligations.
L’employeur est néanmoins tout à fait en droit de refuser de mettre son employé en télétravail. Dans ce cas, il devra justifier son refus.
À noter : si un employeur refuse le télétravail à un salarié alors qu’il peut réaliser ses missions à distance, il engage sa responsabilité en cas de contamination du salarié par le coronavirus sur le lieu de travail, pour manquement à la sécurité du salarié.
Quelles sont les règles du télétravail ?
Si selon le gouvernement, le télétravail est devenu la règle, les entreprises ne peuvent pas le mettre en place comme elles le souhaitent. L’employeur a effectivement des droits et des obligations.
Définir les missions du salarié
Pendant le télétravail, le salarié devra effectuer les mêmes missions que celles qu’il réalise quand il est présent dans l’entreprise. L’employeur ne devra ni le décharger de certaines missions, ni le surcharger.
Pour éviter le surplus de travail, il appartiendra à l’employeur de bien définir les objectifs du salarié. Ces derniers devront être réalisables.
Respecter le droit à la déconnexion et les horaires de travail
En télétravail, le salarié devra respecter les horaires de travail. Il devra, en outre, rester joignable pendant ces plages horaires. Quant à l’employeur, il devra veiller à ce que son employé respecte bien une pause de onze heures entre chaque journée de travail.
De plus, il faudra que l’employeur respecte le droit à la déconnexion de ses salariés à distance. Cela signifie qu’il ne pourra pas les solliciter en dehors de leurs heures de travail.
À noter : dans le cadre de la crise sanitaire actuelle, l’employeur n’est pas dans l’obligation de faire signer un avenant au contrat pour mettre ses salariés en télétravail.
L’obligation de l’employeur vis à vis du matériel
Si l’employeur met en place le télétravail dans son entreprise, il aura l’obligation d’équiper ses employés. Ainsi, il devra s’assurer qu’ils disposent d’un équipement mobilier ou informatique adéquat pour mener à bien leurs missions, tout en respectant les règles de santé au travail.
Si les salariés le préfèrent, ils peuvent utiliser leurs propres équipements, mobilier ou informatique. Dans ce cas, l’employeur sera responsable de la protection des données de son entreprise. S’il adopte ce système, il est fortement conseillé qu’il sécurise l’outil du travailleur et opte pour un cloisonnement des comptes.
Télétravail : contrôle de l’employeur
Contrôle de la navigation internet
Un employeur est tout à fait en droit de contrôler ses salariés qui travaillent à domicile. D’une part, il peut surveiller la navigation internet de ses employés. D’un côté, cela lui permet de voir s’ils effectuent correctement leurs missions. De l’autre, c’est une manière pour lui de contrer de possibles activités illégales. L’employeur est effectivement considéré comme un fournisseur d’accès internet et par là, responsable de l’activité de ses salariés.
L’employeur peut donc conserver les adresses internet que les employés ont consultées pendant un an. Par contre, il n’a pas le droit de faire des captures d’écran. Autrement dit, l’employeur aura accès à l’URL de la page web mais pas à son contenu.
À noter : si l’employeur met en place ces dispositifs, il a l’obligation d’en informer les salariés.
Contrôle des données
D’autre part, l’employeur peut contrôler les données des salariés qui travaillent à domicile. Cependant, la loi encadre strictement ce contrôle, notamment par le RGPD. Si l’employeur souhaite instaurer un tel contrôle, il devra donc faire intervenir le délégué à la protection des données de son entreprise.
Il devra informer les salariés des raisons pour lesquelles il collecte leurs données personnelles, de leur destination, de leur durée de conservation et du nom du responsable du traitement de ces données. Il devra également leur faire part de la justification légale du dispositif, de leur possibilité de recours auprès de la CNIL, ainsi que de leurs droits d’accès, de rectification et d’oubli.
Le télétravail et l’obligation de sécurité
En temps normal, l’employeur doit veiller à la santé mentale et physique de ses salariés. Il doit aussi maintenir leur sécurité.
Ces obligations s’appliquent également en temps de crise, d’autant plus en temps de crise sanitaire. L’employeur devra donc s’assurer que le salarié en télétravail dispose d’un lieu de travail conforme et d’équipements de qualité. Il devra porter une attention particulière à l’ergonomie du mobilier. Il pourra aussi faire parvenir aux services de santé du travail la liste des salariés qui travaillent à domicile, de manière à ce qu’ils puissent avoir un suivi particulier au télétravail (travail sur écran, posture, déconnexion…).
L’obligation pour l’employeur de prendre en charge les frais de télétravail
Frais professionnels
Le télétravail engendre des frais : connexion internet, matériel, mobilier… On dit qu’il s’agit de frais professionnels. Ce sont des dépenses nécessaires à la bonne réalisation du travail des salariés.
Si le Code du travail ne spécifie rien à ce sujet, la Cour de cassation, en revanche, a clairement statué que les entreprises devaient les prendre en charge. C’est du moins la décision qu’elle a rendue dans son arrêté du 19 septembre 2013 : « les frais qu’un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent être supportés par ce dernier ; […] la clause du contrat de travail qui met à la charge du salarié les frais engagés pour les besoins de son activité professionnelle est réputée non écrite ».
Par contre, si l’employeur offre un espace de travail sécurisé et adapté à son salarié pour qu’il y réalise ses missions, mais que ce dernier préfère faire du télétravail, l’employeur n’a pas l’obligation de prendre en charge les frais professionnels.
Comment rembourser les frais de télétravail en période de Covid ?
Deux solutions existent pour prendre en charge ces frais professionnels et ce, qu’on soit en temps de crise sanitaire, ou non. La première est de les rembourser au salarié sur présentation de facture.
La seconde consiste à verser au salarié une allocation forfaitaire. Dans tous les cas, l’employeur peut exclure ces frais des cotisations sociales et de la base de CSG-CRDS.
L’employeur est-il dans l’obligation de verser une indemnité pour le télétravail en temps de Covid ?
En temps normal, l’employeur peut être amené à verser une indemnité à ses salariés qui travaillent depuis chez eux, notamment pour couvrir les frais qu’engendre l’occupation professionnelle de leur domicile. C’est l’indemnité d’occupation. Selon la nature de l’accord entre l’employeur et l’employé, d’autres indemnités peuvent venir s’y ajouter.
Or, en temps de pandémie, il n’existe aucune obligation pour l’employeur de verser une indemnité à ses salariés en télétravail. Une seule condition s’applique néanmoins : en temps normal, il propose un espace de travail adéquat à ses salariés.
Le site internet du ministère du Travail est clair à ce sujet. On peut y lire que « l’employeur n’est pas tenu de verser à son salarié une indemnité de télétravail destinée à lui rembourser les frais découlant du télétravail, sauf si l’entreprise est dotée d’un accord ou d’une charte qui la prévoit. »
L’employeur est-il dans l’obligation de maintenir les tickets repas pour les salariés en télétravail ?
Il faut savoir qu’en temps normal, un salarié en télétravail a les mêmes droits et les mêmes avantages qu’un salarié qui travaille dans l’entreprise. Par conséquent, si ces collègues ont droit à des tickets restaurants, il devra aussi en bénéficier.
Sur ce point, la législation classique s’applique même pendant la pandémie. Cela signifie qu’un salarié qui avait des tickets repas avant le covid continuera à en recevoir même si son employeur l’a placé en télétravail. Le site du ministère du Travail précise d’ailleurs que pendant la pandémie, « les droits habituels en matière de restauration sont maintenus (titres restaurant, primes de repas, etc.) ».
Télétravail et assurance employeur
Pour finir, l’employeur pourra demander au salarié de lui fournir une attestation d’assurance habitation. Il s’assurera alors que l’employé est bien couvert en cas de dommage à son domicile.
En revanche, ce sera à l’employeur d’assurer le matériel de son entreprise (ordinateur, imprimante, téléphone…). Dans le cas où l’employé désire utiliser son propre matériel, il en est le seul responsable.
Le télétravail, prôné depuis bientôt un an par l’exécutif pour endiguer la crise sanitaire, s’est parfois avéré être un véritable casse-tête pour les entreprises. Ses modalités comportent des droits et des obligations, que le gouvernement a tenté d’assouplir, afin de permettre aux employeurs de mettre en place ce mode de travail le plus simplement possible. Néanmoins, cette pratique manque encore cruellement d’un cadre législatif clair. Les partenaires sociaux sont donc actuellement en discussion. Ils espèrent que le gouvernement mettra rapidement ce sujet à l’ordre du jour pour que la loi encadre enfin précisément le télétravail.
Pour aller plus loin…
Covid-19 : le télétravail est-il obligatoire ?
L’exécutif semble laisser entendre que le télétravail est obligatoire en temps de Covid. On fait le point sur la loi et les risques pour l’employeur.