Covid-19 : le télétravail est-il obligatoire ?
L’exécutif semble laisser entendre que le télétravail est obligatoire en temps de Covid. On fait le point sur la loi et les risques pour l’employeur.
Depuis le début de la pandémie de la Covid-19, le télétravail est devenu quasiment obligatoire. Élisabeth Borne, la ministre du Travail, a d’ailleurs remis l’accent sur ce point le mois dernier, en proclamant que le travail à domicile devait rester « la règle pour toutes les activités qui le permettent ». Or, le télétravail est-il réellement obligatoire ? Un employeur peut-il l’imposer à son salarié ? La loi prévoit-elle des sanctions en cas de refus de télétravail de la part d’un employeur ou d’un salarié ? Zoom sur les principales interrogations autour de l’obligation de télétravail en temps de pandémie.
Le télétravail est-il obligatoire ?
Le télétravail, une obligation légale ?
Que ce soit clair, aujourd’hui, la loi ne peut pas imposer aux entreprises de placer leurs salariés en télétravail. En effet, pour le moment, aucun texte législatif ne prévoit un recours systématique à ce mode de travail. Pour cela, il faudrait que le Parlement vote une nouvelle loi en ce sens.
Néanmoins, quand bien même les députés parviendraient à faire approuver un tel texte, il y aurait fort à parier qu’il serait retoqué par le Conseil constitutionnel. Autrement dit, ce texte serait très probablement annulé ou révoqué pour motif de violation de la liberté d’entreprendre et d’intrusion dans les contrats de travail.
Le télétravail est-il obligatoire en temps de Covid ?
Il est d’ailleurs intéressant de noter que, comme la loi ne mentionne pas la mise en place obligatoire du travail à domicile, le gouvernement n’utilise pas le terme d’obligation lorsqu’il se réfère au télétravail. Il préfère plutôt parler de règle, de généralisation ou d’un recours quasi obligatoire à ce mode de travail.
Par conséquent, le télétravail n’est pas une obligation pour l’employeur. Cependant, si l’employeur oblige ses salariés à venir travailler dans l’entreprise alors qu’ils peuvent réaliser leurs missions à domicile, il engage sa responsabilité. Cela veut dire qu’il s’expose à des poursuites si on établit qu’il met en danger la santé de ses employés. C’est par exemple le cas s’il n’a pas organisé ou respecté de protocole sanitaire.
Le gouvernement encourage donc vivement le télétravail, afin de limiter les risques de contagion liés à la propagation actuelle du virus de la Covid-19. C’est pourquoi il a insisté pour que les employeurs mettent en œuvre le travail à domicile, dès que la nature du travail le permet.
Refus du télétravail en temps de Covid
De la part de l’employeur
En temps normal comme en temps de Covid, un employeur a le droit de refuser le travail à domicile pour ses salariés. Il devra toutefois justifier cette décision en montrant que la présence du salarié est indispensable dans l’entreprise.
Cependant, il faut savoir que même si un employeur a le droit de refuser le télétravail pendant la crise sanitaire, il s’expose à des sanctions. En effet, si un employé est contaminé sur son lieu de travail alors qu’il pouvait effectuer ses missions à domicile, son employeur risque une sanction civile ou administrative pour manquement à la sécurité des salariés.
De la part du salarié
En temps normal, le salarié peut refuser de faire du télétravail si son employeur le lui demande. Le code du Travail prévoit effectivement que le télétravail ne puisse être mis en place que s’il y a un commun accord entre l’employeur et l’employé. En aucun cas ce refus ne peut justifier un licenciement.
Cependant, en temps de crise, comme celle que nous connaissons aujourd’hui avec le coronavirus, un salarié ne peut pas refuser de travailler depuis chez lui, car il s’agit-là d’un cas de force majeure. Par conséquent, s’il s’y oppose, le salarié risque un licenciement.
Télétravail obligatoire : quelle sanction en cas de manquement ?
Le premier ministre, Jean Castex, a annoncé que le gouvernement contrôlera les entreprises pour vérifier qu’elles ont bien recours au travail à domicile si les missions des employés le permettent. Il a également informé qu’il y aurait des sanctions si les entreprises ne jouent pas le jeu.
Or, pour le moment, l’exécutif n’a donné aucune précision sur le type de contrôle, les moyens alloués ou encore, la nature des sanctions. Tout pousse à croire que si sanction il y a, elle aura lieu a postériori. En d’autres termes, il faudra qu’un salarié contaminé par le coronavirus arrive à prouver que la contagion s’est produite au sein de l’entreprise, par manquement au protocole sanitaire de la part de l’employeur.
Dans ces conditions, il pourrait y avoir des sanctions civiles ou administratives à l’encontre de l’employeur, au motif que ce dernier a manqué à son devoir de sécurité envers ses salariés. Ce sera alors au juge de déterminer s’il y a eu faute et le cas échéant, de prononcer une sanction.
Comment mettre un salarié en télétravail en temps de Covid ?
Bien que le gouvernement ait encouragé toutes les entreprises qui le pouvaient à mettre en place le télétravail, cette modalité reste tout de même encadrée par la loi. Les entreprises qui pratiquent le travail à domicile doivent donc respecter plusieurs obligations.
Il faudra notamment qu’elles fournissent le matériel dont le salarié a besoin pour réaliser ses missions au quotidien. Elles devront également veiller à sa santé physique et mentale, ainsi qu’à sa sécurité. Par ailleurs, elles seront dans l’obligation de prendre en charge certains frais professionnels. Enfin, il faudra qu’elles définissent clairement les objectifs à atteindre pour le salarié, et qu’elles respectent son droit à la déconnexion.
Une nouvelle loi sur le télétravail ?
Compte tenu de l’augmentation du travail à domicile, accélérée par les confinements à répétition, les partenaires sociaux négocient depuis plusieurs mois avec le gouvernement pour améliorer la loi sur le télétravail. En décembre, la ministre du Travail avait d’ailleurs laissé entendre qu’ils pourraient bientôt définir eux-mêmes le nombre de jours autorisés en présentiel et à distance, en temps de pandémie.
Or, le nombre de contagions au coronavirus ne s’améliorant pas, il semble que le gouvernement garde la main sur cette question. À ce jour, aucune date n’est fixée pour discuter sérieusement des conditions de mise en place du télétravail.