Safran, acteur mondial de premier plan dans l’industrie aéronautique et de la défense, dévoile ses résultats du premier trimestre 2025. Derrière une progression notable de son chiffre d’affaires, le Groupe affiche de solides ambitions pour l’année en cours, malgré un contexte mondial complexe marqué par la reprise progressive des échanges internationaux et par un climat concurrentiel exigeant.

Évolution globale du chiffre d’affaires et tendances marquantes

Au cours du premier trimestre 2025, le chiffre d’affaires ajusté du Groupe a atteint 7 257 millions d’euros, signant une hausse de 16,7 % par rapport à la même période l’an passé. En tenant compte des seules activités opérationnelles (hors effets de change et de périmètre), la croissance organique s’établit à 13,9 %.

Cette progression repose sur deux piliers majeurs : l’essor des services dans le domaine civil, où les ventes de pièces de rechange et de contrats de maintenance ont été dynamiques, et la bonne tenue des segments de la défense et de l’équipement aéronautique. Safran table ainsi sur l’accélération continue de ces activités pour atteindre ses perspectives annuelles, malgré l’incertitude liée à d’éventuels droits de douane.

En parallèle, le Groupe s’attache à sécuriser son dispositif de couvertures de change, afin d’anticiper les fluctuations du marché des devises. Il veille également à maintenir des capacités de production solides, en misant sur son réseau de fournisseurs et sur une bonne gestion de ses stocks.

Analyse détaillée par divisions

Les performances de Safran résultent de la contribution variée de ses trois grandes divisions : Propulsion, Équipements & Défense, et Aircraft Interiors. Chacune enregistre une croissance, parfois à deux chiffres, au premier trimestre 2025.

Le chiffre d’affaires ajusté reflète la performance économique réelle du Groupe, neutralisant l’impact des couvertures de change et de la valorisation des instruments dérivés. Il permet une meilleure comparabilité avec les concurrents et une appréhension plus juste de la création de valeur.

Propulsion

Avec un chiffre d’affaires de 3 684 millions d’euros au premier trimestre 2025 (contre 3 097 millions d’euros au T1 2024), la division Propulsion s’octroie une hausse de 19 % en publié, dont 16,4 % en organique. La commercialisation de pièces de rechange civiles, notamment pour les gammes CFM56 et moteurs de forte puissance, s’avère particulièrement contributive. Les activités militaires et hélicoptères suivent également la tendance à la hausse grâce à un niveau de services accru.

Au chapitre des livraisons moteurs, 319 moteurs LEAP ont été expédiés, contre 367 à la même période en 2024. Paradoxalement, cette baisse de volume n’a pas freiné la croissance globale : le Groupe bénéficie d’un mix clients plus favorable et d’une demande de services en après-vente plus dynamique.

Équipements & Défense

Côté Équipements & Défense, le chiffre d’affaires s’est accru de 13,9 % en publié (soit +10,8 % en organique), avoisinant 2 783 millions d’euros au T1 2025. Les segments de nacelles, d’atterrissage et d’avionique progressent, tant en première monte qu’en services. Les ventes liées à la défense intègrent les systèmes terrestres, la propulsion et le guidage, tandis que l’avionique profite de l’augmentation des livraisons dans les programmes spatiaux.

La croissance des activités de services (+13,2 %) s’explique par la hausse de la demande en pièces de rechange pour l’atterrissage et les systèmes embarqués. Parallèlement, la première monte profite de la livraison de nacelles pour le G700 et l’A320neo, ainsi que de l’expansion de l’offre sur le marché de la défense.

Aircraft Interiors

Enfin, la division Aircraft Interiors a totalisé 788 millions d’euros de chiffre d’affaires, contre 676 millions d’euros un an plus tôt. La croissance organique se situe à 13,8 %. Elle est alimentée par la bonne santé de l’après-vente Cabin, mais aussi par les livraisons de sièges de classe Affaires, en net rebond (704 unités contre 242 au premier trimestre 2024).

Sur un plan plus global, le segment Interiors dépasse même de 8 % ses niveaux d’activité du premier trimestre 2019, confirmant la reprise post-pandémique et l’appétit des compagnies aériennes pour le confort à bord.

Les sièges premium, notamment en classe Affaires, représentent un enjeu majeur pour les compagnies aériennes. Leur marge est souvent plus élevée, et le renouvellement régulier des cabines assure une forte demande en équipements de confort, ce qui explique l’excellente progression de Safran sur ce segment.

Panorama général des livraisons : le point sur les programmes aéronautiques

Si l’on s’intéresse spécifiquement aux unités livrées sur la période, plusieurs tendances émergent :

  • Moteurs LEAP : 319 unités contre 367 en 2024, soit une baisse de 13 % en volume.
  • Moteurs CFM56 : 12 unités, stable par rapport à l’exercice précédent.
  • Nacelles A320neo : 155 livraisons, en hausse de 15 %.
  • Trains d’atterrissage A320 : 171 livraisons (+2 %).
  • Sièges de classe Affaires : 704 unités (contre 242 au T1 2024, soit x2,9).

Sur d’autres lignes de produits, les évolutions restent contrastées : si les moteurs de forte puissance reculent légèrement en volume (-14 %), les nacelles pour l’A330neo et certains systèmes de défense affichent une progression encourageante.

Bon à savoir

Safran ne se limite pas qu’aux moteurs d’avions de ligne. Le Groupe est également un acteur clé dans la propulsion militaire, les équipements de télémétrie et les systèmes d’atterrissage pour une large gamme d’appareils civils et militaires.

Analyse des principaux ratios financiers

Pour vulgariser des indicateurs souvent complexes, il est judicieux de présenter quelques ratios permettant d’évaluer la santé financière de l’entreprise. Les données chiffrées officielles pour le premier trimestre n’intègrent toutefois pas toutes les composantes (coûts, résultat net, etc.) nécessaires au calcul de chaque ratio. Néanmoins, il est possible de dresser des tendances partielles.

  • Marge brute : La marge brute (marge brute / chiffre d’affaires) reflète le potentiel de génération de bénéfices avant la prise en compte des frais généraux et commerciaux. Sans publication précise du coût des ventes au T1 2025, nous pouvons néanmoins estimer que Safran conserve une marge brute compétitive. Historiquement, le Groupe se situe entre 25 % et 30 %, une fourchette qui pourrait légèrement progresser avec la montée en gamme des offres de services.
  • Marge d’exploitation (ou marge opérationnelle) : La marge d’exploitation correspond au résultat d’exploitation (EBIT) rapporté au chiffre d’affaires. Pour 2025, Safran anticipe un résultat opérationnel courant avoisinant 4,8 à 4,9 milliards d’euros, ce qui, au regard des prévisions de chiffre d’affaires annuel, pourrait s’établir autour de 17-18 %. Cette estimation, à confirmer en fin d’année, illustre la bonne résistance des activités face aux tensions inflationnistes et logistiques.
  • Rentabilité nette : La rentabilité nette (résultat net / chiffre d’affaires) dépendra également d’éléments hors exploitation comme les charges financières, la fiscalité ou encore d’éventuels effets de périmètre. Avec un niveau d’endettement raisonnable, Safran pourrait prolonger sa trajectoire positive en 2025. La remontée de l’aviation civile post-crise soutient l’ensemble de ces indicateurs de rentabilité.
  • Endettement et ratio de liquidité : La réduction de la dette, notamment via le remboursement anticipé des OCEANE 2028, représente un signal fort. L’entreprise améliore ainsi son levier financier et diminue son exposition à des coûts d’intérêts élevés. En parallèle, la disponibilité d’une trésorerie suffisante pour faire face à ses engagements de court terme devrait se traduire par un ratio de liquidité confortable.

Une OCEANE (obligation convertible en actions nouvelles ou existantes) est un titre de dette qui peut être converti en actions de la société émettrice. Safran a opté pour un remboursement anticipé de ses OCEANE 2028 (soft call option) afin de réduire son endettement et de simplifier sa structure de capitaux propres.

Observations clés sur les forces et faiblesses

La lecture de ces résultats trimestriels met en exergue plusieurs aspects significatifs :

Des points forts tangibles :

  • Reprise solide de l’activité civile, portée par la vente de pièces de rechange et de services.
  • Diversification des marchés : défense, hélicoptères, aviation d’affaires.
  • Maîtrise du change grâce à un portefeuille de couvertures important (54,1 milliards de dollars).
  • Endettement maîtrisé grâce au remboursement anticipé d’obligations convertibles.

Des faiblesses ou menaces potentielles :

  • Risques liés aux droits de douane : l’incertitude pèse sur la rentabilité future.
  • Dépendance à la chaîne d’approvisionnement : la production de certains moteurs (LEAP notamment) exige une synchronisation fine avec les partenaires.
  • Complexité administrative : l’acquisition des activités d’actionnement et de commandes de vol de Collins est soumise à plusieurs validations réglementaires, ce qui ralentit son finalisation.

Recommandations et leviers d’amélioration

Dans l’optique de consolider sa position et de poursuivre une croissance pérenne, Safran peut actionner différents leviers :

  • Maintenir et renforcer sa chaîne d’approvisionnement : diversifier les sources d’approvisionnement pour limiter les ruptures de stock et améliorer la flexibilité industrielle.
  • Négocier les droits de douane : continuer à solliciter des rétrocessions ou des exemptions et optimiser l’usage des zones franches pour limiter l’impact éventuel de surtaxes.
  • Optimiser les coûts et la productivité : investir dans les innovations industrielles (robotisation, intelligence artificielle) afin d’accroître l’efficacité et la qualité de production.
  • Accentuer le service après-vente : le marché des services et de la maintenance génère des marges plus stables, atténuant les variations conjoncturelles.

Focus sur la gestion du risque de change

Dans un environnement où le dollar peut fluctuer sensiblement, Safran a mis en place une politique de couvertures couvrant plusieurs années (jusqu’en 2028, voire au-delà). L’enjeu : sécuriser ses marges et son chiffre d’affaires en neutralisant l’impact des variations EUR/USD.

Au 31 mars 2025, le portefeuille atteint 54,1 milliards de dollars, légèrement en retrait par rapport à décembre 2024 (54,7 milliards). À titre d’exemple, l’exposition nette de l’année 2025 (14 milliards de dollars) est couverte à 1,12 $, alors même que le taux spot moyen du T1 2025 ressort à 1,05.

Exercice

Taux spot moyen (EUR/USD) Taux couvert (EUR/USD) Exposition nette couverte
T1 2025 1,05 1,12 14 Mds $
2026-2028 (objectif) Non communiqué 1,12 14 Mds $ / an
2029 Non disponible En cours de couverture Non disponible

Cette politique de couverture permet de limiter les effets négatifs d’une appréciation du dollar sur les coûts libellés en euros, ou d’une dépréciation du dollar sur les revenus facturés en devise américaine. Bien que complexe à mettre en place, elle fournit une meilleure visibilité à moyen-long terme.

Zoom sur l’actualité juridique et financière de Safran

Plusieurs événements ont marqué la vie de Safran au cours du premier trimestre 2025 :

  • Remboursement anticipé des OCEANE 2028 : Au 28 février 2025, Safran a annoncé le remboursement anticipé de ses obligations convertibles à échéance 2028, pour un montant nominal initial de 730 millions d’euros. Après conversion de 93,3 % des titres en actions existantes, seuls 49 millions d’euros ont finalement été remboursés en numéraire. Cette opération réduit la dette du Groupe sans grever significativement sa trésorerie.
  • Programme de rachat d’actions : Entre janvier et avril 2025, Safran a procédé au rachat de 1,5 million d’actions environ, dont 0,23 million ont été réaffectées à un programme d’annulation. L’objectif consiste à soutenir le cours de l’action et à renforcer la création de valeur pour les actionnaires à long terme, notamment en réduisant le nombre de titres en circulation.
  • Projet d’acquisition des activités d’actionnement et de commandes de vol de Collins : Le Groupe est engagé dans l’acquisition de certains actifs de Collins Aerospace, sous réserve d’un accord avec les autorités de concurrence européenne et britannique. Des discussions ont cours autour de la cession potentielle des activités d’actionnement électromécanique de Safran en Amérique du Nord à Woodward, afin de lever les obstacles éventuels à la concurrence. Les validations officielles sont toujours attendues.
  • Dividende et perspectives 2025 : Le Conseil d’administration de Safran propose pour l’exercice 2024 un dividende de 2,90 euros par action, en hausse de 32 % par rapport à celui de 2023. Il sera soumis au vote lors de l’Assemblée générale du 22 mai 2025. L’entreprise confirme ses perspectives pour l’année, tablant sur :
    • 10 % de croissance du chiffre d’affaires.
    • 4,8-4,9 milliards d’euros de résultat opérationnel courant.
    • 3,0-3,2 milliards d’euros de cash-flow libre, malgré un impact négatif d’environ 380-400 millions lié à la surtaxe sur les grandes entreprises.

Ces objectifs, certes ambitieux, prennent appui sur une estimation de croissance des livraisons de moteurs LEAP (+15 à +20 %), sur une hausse d’environ 10 à 12 % du chiffre d’affaires lié aux pièces de rechange civiles et sur un taux de change spot EUR/USD moyen autour de 1,10. Ils restent soumis à l’évolution de la chaîne logistique et à la question des droits de douane.

Regards sur l’histoire et l’expertise de Safran

Fort de ses 100 000 collaborateurs à travers le monde et d’une expertise souvent reconnue dans les secteurs de la propulsion aéronautique et spatiale, Safran a su, au fil des décennies, diversifier ses savoir-faire. Né de la fusion entre la Sagem et la Snecma en 2005, le Groupe est aujourd’hui un pilier de l’industrie de haute technologie en France et dans le monde.

Il se distingue par ses efforts en recherche et développement, notamment pour concilier performance et respect de l’environnement. De fait, Safran travaille sur des programmes de motorisation plus écologiques (réduction de la consommation de carburant, intégration de matériaux durables) et sur des solutions d’anticipation des contraintes futures, telles que l’hybridation électrique dans l’aéronautique ou l’optimisation des moteurs spatiaux.

Synthèse financière trimestrielle : tableau récapitulatif

Bien qu’il ne s’agisse que du premier trimestre, Safran affiche déjà des résultats encourageants. Le tableau ci-dessous réunit les principaux chiffres clés, en vue de rendre cette lecture plus accessible aux publics non spécialisés.

Indicateurs

T1 2024 (en M€) T1 2025 (en M€) Évolution
Chiffre d'affaires (Ajusté) 6 220 7 257 +16,7 %
Propulsion 3 097 3 684 +19 %
Équipements & Défense 2 444 2 783 +13,9 %
Aircraft Interiors 676 788 +16,6 %

Ces données confirment l’effet combiné d’une reprise soutenue du trafic aérien et d’une activité de services en pleine expansion. Safran tire parti d’une diversification intra-sectorielle (hélicoptères, avions militaires, aviation d’affaires, etc.) qui lui offre une résilience face aux aléas conjoncturels.

Le mot de la direction et perspectives d’avenir

Dans le cadre d’une intervention récente, le Directeur Général de Safran, Olivier Andriès, a souligné l’engagement du Groupe à atténuer l’impact économique des droits de douane et à soutenir le développement de ses unités les plus prometteuses. L’équipe dirigeante reste confiante quant au respect des objectifs 2025, hors effet potentiel d’une fiscalité internationale plus lourde.

Par ailleurs, le Groupe entend maintenir sa feuille de route d’innovation focalisée sur la diminution de l’empreinte carbone de l’aéronautique et la modernisation des systèmes de défense. Le recentrage sur les technologies “propres” et l’extension de l’offre de services (maintenance prédictive, location de moteurs, etc.) ouvrent des perspectives favorables dans un marché aérien de plus en plus attentif aux enjeux environnementaux.

Enfin, le rachat partiel d’actions témoigne de la volonté de Safran de redistribuer de la valeur à ses actionnaires tout en conservant la flexibilité nécessaire pour de futurs investissements.

Une “soft call option” autorise l’émetteur d’une obligation convertible à rembourser par anticipation l’intégralité de l’émission, dès lors que certaines conditions sont remplies (par exemple, si le cours de l’action dépasse un certain seuil). Cela permet au Groupe de maîtriser son coût d’endettement et de réduire sa dette plus rapidement.

Pour aller plus loin

Le bilan de Safran après ces trois premiers mois de 2025 est donc très positif. L’entreprise dispose d’atouts solides pour maintenir son cap, appuyée par un marché aéronautique en reprise et un secteur de la défense porté par des besoins grandissants de modernisation. Si l’avenir demeure tributaire de paramètres exogènes (politique douanière, volatilité des changes, validation réglementaire de projets d’acquisition), la stratégie de couverture et de recentrage de Safran sur la R&D verte lui confère un avantage concurrentiel. Au regard de ces avancées, on peut raisonnablement parier sur une trajectoire de croissance durable et un maintien de la rentabilité, alliant rigueur financière et ambition technologique.