La trajectoire actuelle de Danone, leader mondial des produits alimentaires et de la nutrition spécialisée, suscite une vraie curiosité chez de nombreux observateurs. L’évolution de ses ventes, l’orientation de ses marges et la place grandissante de l’innovation dessinent un profil financier complexe mais porteur de potentiel. Cet article propose un décryptage complet et accessible pour éclairer les principaux résultats et suggérer des améliorations stratégiques.

Un contexte de croissance tempérée et un positionnement solide

Depuis plusieurs trimestres, Danone affiche une croissance solide sur la base du like-for-like, c’est-à-dire hors effets de périmètre et de change. L’objectif pour 2025 consiste à enregistrer une progression annuelle des ventes comprise entre +3% et +5%, accompagnée d’une hausse plus rapide du résultat opérationnel récurrent. Selon le dernier extrait publié, l’exercice 2024 avait clôturé sur un taux de marge opérationnelle récurrente de 13,0%, marquant un progrès par rapport à 2023, et le premier trimestre 2025 a confirmé un élan favorable avec +4,3% de croissance en base LFL.

Cette performance de début 2025, alliée à la confirmation des prévisions annuelles, reflète, selon le top management de Danone, la pertinence d’un portefeuille porté sur la santé, la nutrition et une avancée à la fois volumique et prix. Les différentes divisions (Essential Dairy & Plant-Based ou EDP, Specialized Nutrition et Eaux) suivent des dynamiques hétérogènes mais positives, malgré certaines divergences géographiques. On observe notamment des écarts de rythme entre l’Europe, plus mature, et des zones émergentes comme la Chine, l’Indonésie ou le Mexique, qui se révèlent parfois plus volatiles mais recèlent un fort potentiel.

Les opérations de cession de marques telles que Horizon Organic et Michel & Augustin en 2024 ont eu pour effet de réduire légèrement le périmètre de chiffre d’affaires global. En parallèle, l’acquisition récente d’une participation majoritaire dans Kate Farms, spécialiste américain de la nutrition médicale à base végétale, illustre la volonté de s’ancrer sur des segments très ciblés et en forte croissance. La situation globale de Danone reste donc relativement bien équilibrée, malgré un environnement international incertain et des pressions inflationnistes sur les coûts.

L’évolution du ratio d’endettement et la hausse du free cash flow soulignent également une volonté de générer plus de marge de manœuvre financière. En fin d’année 2024, la dette nette est descendue à 8,6 milliards d’euros, contre 10,2 milliards précédemment. On perçoit une discipline accrue en matière de dépenses d’investissement et un meilleur pilotage du besoin en fonds de roulement (BFR), qui se traduit par un free cash flow record (3,0 milliards d’euros en 2024). Dans la mesure où le management s’est engagé à poursuivre cette dynamique, on peut s’attendre à une diminution graduelle de l’effet de levier, tout en maintenant l’élan d’innovation.

Qu’est-ce que le like-for-like (LFL) ?

Le like-for-like, ou croissance organique, exclut les effets de change et les variations de périmètre liées aux acquisitions et cessions. Cela permet de mesurer la progression « à périmètre identique » et d’apprécier la croissance intrinsèque de l’activité.

Dans la suite de cet article, nous allons examiner les ventes, comprendre la rentabilité opérationnelle et nettes, illustrer certaines données dans un tableau de synthèse, puis évoquer les perspectives à moyen terme. Nous proposerons ensuite des recommandations pour consolider l’avance de Danone dans un contexte sectoriel exigeant.

Dynamique des ventes et évolution du mix-produit

Sur le front commercial, Danone a réalisé en 2024 un chiffre d’affaires total d’environ 27,4 milliards d’euros en base LFL (+4,3%). Sur ce même exercice, la dynamique est portée par un mix équilibré entre croissance volume et ajustement tarifaire. Au premier trimestre 2025, le groupe a renouvelé cet élan, enregistrant +4,3% en base LFL, avec +1,9% de l’effet volume/mix et +2,4% sur la composante prix.

En complément, le groupe souligne que la croissance rapportée (ou reported) a été pénalisée par un impact de périmètre négatif à hauteur de -3,0%. Celui-ci résulte majoritairement de la vente de certaines marques (p. ex. Horizon Organic désengagée du périmètre dès avril 2024). Les fluctuations de change (Forex) ont également pesé, en raison de la dépréciation de plusieurs devises émergentes (peso mexicain, real brésilien, peso argentin, livre turque) par rapport à l’euro. Malgré tout, Danone a su compenser partiellement ce frein via une montée en gamme et une répercussion raisonnée de l’inflation dans ses tarifs.

L’appétence du marché pour les produits laitiers, en particulier les alternatives végétales et la nutrition infantile, demeure un accélérateur essentiel. Les innovations autour de la nutrition médicale et la diversification EDP (Essential Dairy & Plant-Based) semblent porter leurs fruits, en dépit de l’inertie du segment Eaux dans certaines zones géographiques. La direction souligne cependant que les conditions climatiques influencent beaucoup la consommation d’eau embouteillée, entraînant des variations saisonnières marquées.

Par ailleurs, l’Amérique du Nord a bénéficié d’effets de prix anticipés, reflétant la stratégie tarifaire mise en place pour absorber partiellement l’inflation sur les matières premières et le transport. Au total, la répartition des ventes par zone géographique demeure équilibrée : environ 35% en Europe, 25% en Amérique du Nord et le reste réparti entre l’Asie (Chine, Indonésie, autres pays) et l’Amérique latine.

La saisonnalité affecte fortement la catégorie Waters et, dans une moindre mesure, la Specialized Nutrition. Les périodes estivales et les festivals peuvent stimuler les volumes, alors que les mois plus froids pèsent sur la demande.

Ce profil de ventes crée une base solide pour 2025, année qui devrait confirmer la progression prévue de +3% à +5% en rythme organique. De nombreux analystes misent sur la capacité du groupe à poursuivre le développement dans les catégories jugées prioritaires (produits à forte valeur ajoutée, médicalisé, infantile et végétal) qui protègent en partie les marges.

Analyse de la marge opérationnelle et rentabilité globale

Selon les publications antérieures, la marge opérationnelle récurrente (Operational Margin) pour l’exercice 2024 s’est établie à 13,0%, alors qu’elle n’était que de 12,69% au premier semestre 2024. Au premier semestre 2023, elle affichait 12,24%. Ce léger rattrapage s’explique par la fin des ajustements tarifaires amorcés en 2023, conjuguée à des gains de productivité record. Par la suite, Danone a réinvesti une partie de ces gains dans l’A&P (Advertising & Promotion), le renforcement de la R&D (notamment sur les produits de nutrition spécialisée) et le développement des compétences en interne.

Pour comprendre la qualité de cette rentabilité, il est crucial d’examiner la contribution de chaque catégorie de produits. Si la marge sur EDP est relativement stable, la Specialized Nutrition présente souvent des taux de marge plus attractifs, grâce à un positionnement premium et à de moindres élasticités prix. À l’inverse, la catégorie Eaux peut se montrer plus volatile, car soumise à des prix des matières premières (bouteilles PET, par exemple) et à la saisonnalité évoquée plus haut. Toutefois, la direction a rappelé que la fixation des prix viserait principalement à couvrir les pressions inflationnistes, sans dégrader durablement les volumes.

Sur le plan net, l’EPS (Earnings Per Share) récurrent pour 2024 a progressé de +2,5% à 3,63 €, soutenu par la hausse du résultat opérationnel et par une gestion prudente de la charge financière (-305 millions d’euros). On note également la stabilité du taux effectif d’imposition autour de 27%. Les cessions opérées en 2024 ont entraîné des gains non-récurrents, qui ont gonflé le résultat net publié, portant l’EPS « Reported » à 3,13 €. Toutefois, ces effets non-récurrents (une charge de -179 millions d’euros, contre -1 438 millions en 2023) n’ont pas vocation à se reproduire en 2025.

Pour analyser la marge opérationnelle, on peut rappeler la formule synthétique :

Marge opérationnelle = (Résultat opérationnel ÷ Chiffre d’affaires) × 100

Avec, en 2024, environ 13% de marge, Danone se positionne dans le sillage d’autres grands acteurs de l’agroalimentaire, mais en dessous de certains concurrents spécialisés dans le « snacking » ou le luxe alimentaire, qui peuvent afficher des taux de 15% à 20%. L’enjeu pour Danone sera donc de poursuivre la rationalisation des coûts (via la productivité et l’optimisation des processus) tout en maintenant son niveau d’investissements publicitaires et R&D, considéré comme un levier clé pour la croissance future.

Bilan chiffré : ratios financiers en perspective

L’examen des données financières publiées et des objectifs conforte l’idée d’une progression régulière vers plus de rentabilité et de résilience. Pour un aperçu global, voici un tableau récapitulatif reprenant certains agrégats, selon un format simplifié. Les chiffres illustratifs ci-dessous ne correspondent pas exactement aux publications officielles de Danone, mais servent à populariser l’analyse de ratios :

Ratios et agrégats N N-1
Chiffre d'affaires (M€) 27 400 26 300
Marge opérationnelle (%) 13,0% 12,3%
Résultat net (M€) 3 100 2 850
Net profit margin (%) 11,3% 10,8%
Endettement net (M€) 8 600 10 200
Free cash flow (M€) 3 000 2 633

Dans ce tableau, N pourrait correspondre à l’exercice 2024 et N-1 à l’exercice précédent, illustrant ainsi une progression du chiffre d’affaires et de la marge. Le résultat net monte d’approximativement 2,85 milliards à 3,1 milliards d’euros, et l’endettement net reflue nettement. Cette baisse de la dette nette valide la stratégie de focalisation sur les actifs à forte valeur ajoutée.

Le ratio de marge nette (Net profit margin) se calcule selon la formule :

Marge nette = (Résultat net ÷ Chiffre d’affaires) × 100

Avec 3 100 M€ de résultat net pour un chiffre d’affaires de 27 400 M€, on obtient environ 11,3%, contre 10,8% l’année précédente. Cette progression témoigne d’une politique efficace de pricing et de maîtrise des coûts, même si plusieurs observateurs estiment que l’amélioration reste contenue par rapport à la concurrence dans l’ultra-frais ou le snacking premium.

Endettement, trésorerie et structure financière

En parallèle de l’amélioration des ventes et de la marge, Danone a enregistré une forte hausse de son free cash flow, passé de 2,63 à 3,00 milliards d’euros entre 2023 et 2024. Ce résultat tient à la fois à une meilleure tenue du BFR (Besoin en Fonds de Roulement) et à la montée graduelle du résultat opérationnel. Selon la direction, la productivité accrue et la discipline d’investissement ont joué un rôle majeur dans ce « bond » de la trésorerie générée. Cela a permis de réduire la dette nette autour de 8,6 milliards d’euros.

Le ratio d’endettement, souvent mesuré sous forme de levier financier (dette nette ÷ EBITDA), s’est donc amélioré. Les cessions d’actifs non stratégiques, visant à recentrer le portefeuille, ont aussi contribué à cette décrue. Un point notable : la vente de certaines activités aux États-Unis (ex. Horizon Organic) et le remaniement intégral du périmètre en Russie ont fait baisser la base de chiffre d’affaires, mais amélioré la qualité du bilan.

Détails sur la gestion de trésorerie

En 2024, Danone a renforcé son programme de rééchelonnement de la dette, notamment via l’émission obligataire de 800 millions d’euros en avril 2025 (3,438% sur 8 ans), illustrant la solidité de son profil crédit auprès des investisseurs.

Microscopiquement, l’évolution du ratio de liquidité se calcule couramment par (Actifs à court terme) / (Passifs à court terme). Bien qu’il ne soit pas communiqué avec précision dans les documents, Danone semble maintenir un niveau confortable de liquidités pour soutenir ses activités courantes, y compris l’approvisionnement en matières premières et la gestion des créances clients. L’entreprise a, en outre, poursuivi son programme de rachat d’actions (2,7 millions de titres en mars 2025), destiné à compenser la dilution potentielle découlant des plans d’attribution d’actions aux salariés.

Premiers jalons pour une performance opérationnelle renforcée

Pour conforter sa rentabilité, Danone investit dans l’innovation et le développement de produits à forte valeur ajoutée. La consolidation de la R&D se concentre sur les segments de la nutrition spécialisée et des alternatives végétales, deux secteurs résilients même en période d’inflation. En parallèle, la direction insiste sur la « product superiority », c’est-à-dire l’excellence gustative et nutritionnelle, afin de se différencier dans des catégories parfois très concurrentielles.

Une politique de promotions plus sélective vise aussi à protéger les marges. La mise en avant de marques fortes (Activia, Actimel, Alpro, Aptamil, etc.) contribue à véhiculer une image premium, permettant de justifier une tarification plus élevée dans certains segments. Toutefois, la direction reste vigilante à ne pas surcharger le consommateur avec des hausses de prix trop fréquentes, sous peine d’éroder les volumes à moyen terme.

D’autres pistes d’amélioration portent sur :

  • L’optimisation des coûts de distribution, grâce à la mutualisation des plates-formes logistiques et à la digitalisation des flux.
  • L’affûtage du plan marketing, ciblant plus précisément les marchés à fort potentiel (lactés fonctionnels, eau de source premium, nutrition médicale, etc.).
  • La réduction de l’empreinte carbone et la poursuite des engagements ESG, contribuant à renforcer la réputation de la marque et potentiellement à capter un public sensible à la responsabilité sociale et environnementale.

Dans la mesure où l’entreprise investit également dans le numérique et la data, l’une des stratégies futures pourrait être de mieux segmenter l’offre, afin de capter des niches à plus forte dynamique. L’objectif demeure d’accroître la proportion de ventes issues d’innovations récentes, ce que Danone qualifie souvent d’« innovation rate ». En s’appuyant sur des partenariats et acquisitions ciblées (tel l’exemple de Kate Farms), le groupe pourrait s’assurer une plus grande couverture des besoins clients en nutrition médicale.

Dernières actualités et implications financières

Parmi les récents développements, la finalisation du rachat partiel d’actions en mars 2025 (2,7 millions de titres acquis pour 192 millions d’euros) illustre la volonté de stabiliser le capital et d’accompagner les plans d’intéressement des employés. En avril 2025, l’émission d’un emprunt obligataire de 800 millions d’euros, à échéance 8 ans, a rencontré un large succès auprès des investisseurs, renforçant la réputation de Danone en tant qu’emprunteur fiable.

L’acquisition en mai 2025 d’une majorité de Kate Farms, un acteur américain de la nutrition organique et végétale, témoigne de la stratégie de montée en gamme sur le segment de la Specialized Nutrition. Cette transaction, bien qu’encore soumise à quelques conditions réglementaires, vient étendre l’expertise de Danone dans la nutrition spécifique pour patients et consommateurs à besoins particuliers. Les perspectives de croissance aux États-Unis, déjà identifiées comme un levier important, pourraient ainsi s’accroître encore.

Cet horizon s’accompagne néanmoins de points de vigilance. La direction avertit que la normalisation des coûts des matières premières, combinée à une volatilité persistante des devises, peut nécessiter un arbitrage fin entre la poursuite de la croissance à deux chiffres dans certaines zones et le maintien de marges robustes. De plus, le calendrier de certains lancements de produits pourrait être impacté par les délais réglementaires.

Danone investit dans des formations et dans la mobilité interne, en mettant l’accent sur la science, la nutrition et la data. Le renforcement des compétences en interne est considéré comme une clé pour la pérennité du modèle.

Du point de vue boursier, Danone pourrait bénéficier d’une meilleure valorisation en cas de surperformance de ses objectifs de croissance organique et d’une convergence de sa marge opérationnelle vers 14%. Les analystes surveillent toutefois l’évolution des parts de marché, en particulier face à des concurrents comme Nestlé, qui combine tout autant la nutrition infantile, les produits laitiers et le segment de l’eau embouteillée.

Stratégie marketing et positionnement face à la concurrence

La concurrence dans le secteur agroalimentaire reste vive, en particulier dans les univers du snacking, des boissons fonctionnelles et des laits infantiles. Danone, en insistant sur la notion de science-based innovations, se différencie par l’angle santé et bien-être, moins dépendant des effets de mode. Les marques Activia et Actimel, par exemple, sont installées de longue date, mais leur repositionnement plus scientifique (bienfaits probiotiques) assure une certaine pérennité.

Du côté de la concurrence, des groupes comme Nestlé, Unilever ou Lactalis investissent massivement pour grignoter des parts de marché, tandis que des challengers locaux (notamment sur l’eau minérale) gagnent du terrain dans certaines régions. Danone doit donc préserver la notoriété de son portefeuille tout en élargissant sa présence sur les marchés de niche. On pense notamment à la gamme végétale, où Alpro et Silk ont un avantage historique, mais subissent la concurrence de multiples startups locales.

La stratégie marketing s’appuie sur une communication centrée sur la valeur nutritive et les bénéfices concrets pour le consommateur, plutôt que sur le simple rattachement à un segment « healthy ». Cette approche, combinée à une normalisation progressive des prix de certaines matières (lait, fruits, emballages), devrait permettre une amélioration graduelle de la rentabilité globale en 2025.

Comparaisons sectorielles et focus sur la performance boursière

Par rapport à d’autres géants de l’agroalimentaire, Danone affiche un PER (Price Earnings Ratio) généralement un peu plus faible, reflétant à la fois les défis de croissance et la spécificité du portefeuille. La rotation d’actifs opère depuis 2022 avec la sortie d’activités jugées non stratégiques et la montée dans la nutrition spécialisée. Cette réallocation ne s’est pas faite sans heurts, comme en témoigne la faiblesse passagère du cours de bourse au moment des annonces de cessions.

Au plan sectoriel, l’agroalimentaire demeure une industrie relativement résiliente, avec une demande soutenue par la croissance démographique et l’urbanisation, notamment dans les pays émergents. Cependant, la pression sur les marges s’accentue depuis plusieurs années : la volatilité des matières premières agricoles, la hausse des coûts de transport et d’emballage, ainsi que les exigences renforcées des distributeurs, pèsent sur la rentabilité. Danone a fait le choix d’investir de manière ciblée, tout en concentrant ses efforts sur la réduction des coûts superflus. Cette stratégie, si elle est poursuivie de façon cohérente, devrait créer un socle de rentabilité solide à moyen terme.

En Bourse, la valorisation dépendra également de la capacité à maintenir un taux de croissance organique supérieur à +3%, de tendre vers une marge opérationnelle proche de 15% d’ici deux ou trois ans et de déployer un pilotage efficace des marques. Dans ce contexte, l’acquisition de Kate Farms pourrait, si elle est bien intégrée, constituer un catalyseur d’ici la fin 2025, à condition de répondre aux objectifs d’élargissement du marché américain.

Pistes de croissance externe et diversification

Outre Kate Farms, on peut envisager que Danone poursuive sa stratégie d’acquisitions ciblées. Les segments de la nutrition spécialisée, y compris la nutrition infantile et médicale, restent plus lucratifs et se prêtent bien à un déploiement mondial, avec un fort potentiel en Asie-Pacifique. L’expérience acquise dans des marchés matures (Europe, Amérique du Nord) facilite la duplication des modèles sur des marchés émergents, où la demande pour des produits plus sains progresse.

La diversification pourrait également concerner des boissons fonctionnelles à base végétale, segment en plein essor dans les pays anglo-saxons. L’offre Eaux, quant à elle, nécessite un rééquilibrage marketing, car le groupe a choisi de limiter certaines promotions en 2025 pour préserver les marges, face à des ventes freinées par la météo au Mexique et en Indonésie. À plus long terme, l’innovation sur des packagings durables (bouteilles en PET recyclé, voire solutions sans plastique) représente déjà un vecteur de différenciation sur le marché.

On observera l’évolution de la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) de Danone, dont la réputation s’est bâtie depuis des décennies sur le lien fort entre résultats financiers et démarche sociale. La volonté de continuer à investir dans des projets d’économie circulaire, de chaîne d’approvisionnement équitable ou de soutien aux couches les plus fragiles de la population trouvera à la fois écho dans la presse et auprès des nouveaux investisseurs, de plus en plus sensibles à ces questions.

Rationalisation des coûts et enjeux de productivité

Pour rester compétitif, Danone mise sur une politique d’efficacité opérationnelle qui combine automatisation, digitalisation et réduction des coûts fixes. Les plans de transformation mis en œuvre en Europe et aux États-Unis incluent une réorganisation des sites de production et une négociation des contrats de sous-traitance pour réduire le nombre d’opérateurs. S’y ajoutent des outils de data analytics pour optimiser la logistique et anticiper, par exemple, la dynamique des ventes en période de pics saisonniers.

Cette stratégie est cruciale pour absorber la volatilité des coûts de matières premières, notamment le lait, le sucre et certaines protéines végétales, dont les cours peuvent fluctuer sensiblement d’un semestre à l’autre. En 2024, Danone a bénéficié d’un certain répit sur le coût de quelques matières. Mais pour 2025, la Direction anticipe un retour à une inflation modérée, nécessitant un dosage subtil entre hausses de prix ciblées et discipline sur les dépenses.

Le ratio de productivité, mesurant le rapport entre la quantité produite et les coûts de main-d’œuvre et de ressources, constitue un indicateur internalisé par Danone pour piloter l’efficacité. Dans les précédents rapports, le groupe évoquait des seuils de productivité record. Si le management parvient à maintenir ce niveau tout en continuant à investir dans l’innovation, la marge opérationnelle pourra continuer à croître.

Vers plus de résilience malgré les incertitudes

En définitive, la trajectoire financière de Danone, traduite dans ses ambitions de +3% à +5% de croissance organique et d’un bénéfice opérationnel au moins aussi dynamique, apparaît robuste. Les indicateurs de marge et de flux de trésorerie indiquent que l’entreprise est sortie d’une période de statu quo et réoriente efficacement son portefeuille d’activités. Les nouveaux périmètres, notamment après les ventes de Horizon Organic, Wallaby et Michel & Augustin, laissent plus d’autonomie financière pour se développer sur des segments innovants et à marge plus élevée.

Pour soutenir cet élan, les synergies entre divisions (EDP, Specialized Nutrition et Eaux) se révèlent primordiales. Certaines technologies de fermentation ou de formulation peuvent être cross-fertilisées entre le pôle végétal d’Alpro et la nutrition infantile, par exemple. Dans la catégorie Eaux, des solutions packaging plus écologiques (bouteilles 100% recyclables) créent un avantage concurrentiel, en phase avec la demande sociétale croissante pour plus de durabilité.

Au cours des prochains semestres, le marché scrutera la capacité de Danone à soutenir cette trajectoire, en particulier face à la concurrence des géants de l’agroalimentaire, et à aligner son discours sur des résultats concrets en matière de RSE et de croissance rentable. Une éventuelle accélération organique au-delà de 5% marquerait un véritable tournant, positionnant Danone parmi les entreprises les plus dynamiques du secteur.

Regards croisés sur l’avenir et voies d’amélioration

Dans l’optique d’une stratégie de long terme, plusieurs piliers d’amélioration sont à retenir :

  1. Innovation clinique : en renforçant ses recherches dans la santé (famille, pédiatrie, sportifs, seniors), Danone peut affermir la rentabilité de Specialized Nutrition, un créneau moins sensible que le mass market aux variations de prix.
  2. Focus digital : l’essor du e-commerce et de la data offre des opportunités de ciblage marketing, de prévision logistique et de fidélisation consommateur. A terme, les canaux digitaux peuvent représenter une part significative du chiffre d’affaires, en particulier sur la niche « santé & bien-être ».
  3. Démarche durable : poursuivre la réduction de l’empreinte carbone, favoriser les emballages éco-conçus et la transparence sur les ingrédients renforce l’attrait de la marque, tout en limitant le risque réglementaire.
  4. Partenariats et acquisitions : en sélectionnant rigoureusement des cibles apportant une expertise ou un réseau de distribution complémentaire, Danone peut consolider son assise sur des marchés porteurs, à condition d’intégrer rapidement ces entités.

Chacune de ces pistes soutient un modèle de croissance durable et soutenable. Les conseils d’administration et les équipes dirigeantes ont clairement affiché leur volonté de faire de Danone un acteur incontournable de la nutrition au sens large, embrassant les dimensions santé, performance sportive, bien-être émotionnel et responsabilité environnementale.

Perspectives finales

Chez Danone, la vision à moyen terme s’appuie sur un socle solide : une performance opérationnelle en progression constante, une marge portée par la rationalisation des coûts et l’innovation, et une diversification opérationnelle dans des segments hautement valorisés. La cession d’actifs jugés périphériques, couplée à un ciblage plus net de la nutrition médicale et végétale, dessine un futur prometteur, à condition de maintenir le cap d’une croissance organique supérieure à +3%.

La poursuite du désendettement et la mobilisation de cash flows robustes renforcent la flexibilité nécessaire aux acquisitions stratégiques. Si les aléas macroéconomiques (inflation, taux de change, conjoncture géopolitique) persistent, la capacité de Danone à adapter rapidement sa stratégie tarifaire et à investir dans des projets à forte valeur ajoutée demeure un gage de résilience. Les premiers signaux de 2025, prometteurs avec une hausse continue des volumes et une génération de trésorerie soutenue, valident cette orientation.

À la lumière de ces évolutions, Danone possède toutes les cartes en main pour assoir durablement sa rentabilité et consolider sa place de leader innovant dans le secteur de la nutrition.