Groupe SEB : décryptage financier complet du 1ᵉʳ trimestre 2025
Résultats T1 2025, moteurs de croissance, marges en tension : tout ce qu’il faut savoir pour comprendre la dynamique financière de Groupe SEB.

Le premier trimestre 2025 ouvre un nouveau chapitre : malgré un environnement monétaire encore heurté, Groupe SEB stabilise son chiffre d’affaires et confirme sa feuille de route, tout en absorbant un choc de marge sur son pôle Professionnel. Décryptage pédagogique et sans jargon des signaux clés à retenir.
En un coup d’œil : les chiffres qui comptent
Indicateur | T1 2024 | T1 2025 | Variation données publiées | Variation tcpc* |
Chiffre d’affaires Groupe (M€) | 1 893 | 1 906 | + 0,7 % | ‑ 0,6 % |
Grand Public (M€) | 1 635 | 1 672 | + 2,2 % | + 2,8 % |
Professionnel (M€) | 258 | 234 | ‑ 9,2 % | ‑ 21,7 % |
ROPA (M€) | 111 | 50 | ‑ 55 % | n.a. |
Marge ROPA | 5,8 % | 2,6 % | ‑ 3,2 pts | n.a. |
*tcpc : taux de change et périmètre constants.
Paysage macro‑financier : ce qui a vraiment joué
Entre la détente progressive de l’inflation en Europe, la volatilité persistante des devises émergentes et le durcissement tarifaire aux États‑Unis, la période janvier‑mars 2025 est un casse‑tête pour tous les groupes exposés au consommateur. SEB échappe à la spirale de dévalorisation grâce à deux amortisseurs essentiels : un portefeuille de produits innovants (aspirateurs laveurs, blenders haut‑de‑gamme…) et une empreinte industrielle répartie sur trois continents. L’effet devises, négatif de 7 M€ seulement, est donc contenu (‑ 0,4 % des ventes) après le trou d’air de 75 M€ observé un an plus tôt.
Bon à savoir : la mécanique tcpc
Le « tcpc » neutralise l’impact des devises et des changements de périmètre. Il met en exergue la vraie dynamique commerciale. Un chiffre d’affaires en baisse de 0,6 % tcpc mais en hausse de 0,7 % publié signifie que l’entreprise a principalement été soutenue par des effets de change et d’acquisitions.
Cartographie régionale : où la croissance est‑elle vraiment revenue ?
Asie (+ 4,2 % tcpc) redevient la locomotive, portée par un redressement chinois de + 3,5 % après deux exercices en berne. Le pilotage des stocks chez les distributeurs et le repositionnement sur les prix premium expliquent ce virage.
À l’inverse, les Amériques montrent une mosaïque de situations : si l’Amérique du Nord poursuit sa normalisation post‑Covid (+ 4,9 % tcpc), l’Amérique du Sud décroche (‑ 8,3 %), victime d’un El Niño qui avait dopé les ventes de ventilateurs en 2024.
Enfin, l’EMEA reste au vert (+ 2,5 %), tirée par l’Europe de l’Est et la Turquie malgré une livre toujours chahutée.
Zone | T1 2024 (M€) | T1 2025 (M€) | Écart publié | Écart tcpc |
EMEA | 786 | 798 | + 1,5 % | + 2,5 % |
Amériques | 246 | 235 | ‑ 4,3 % | + 0,1 % |
Asie | 603 | 639 | + 5,9 % | + 4,2 % |
Grand Public : quand l’innovation paie cash
Avec 1 672 M€ de recettes (+ 2,8 % tcpc), le pôle Grand Public représente désormais 88 % du chiffre d’affaires total. Trois moteurs sont identifiés :
- House Care 3.0 : la vague aspirateurs versatiles/laveurs dope les volumes en Europe de l’Ouest et au Royaume‑Uni.
- Smart Cooking : les blenders connectés et les friteuses sans huile engrangent des croissances à deux chiffres en Italie et Espagne.
- Small Laundry & Steam : relance confirmée en Turquie et en Pologne grâce au repositionnement premium.
Le sell‑out progresse dans la quasi‑totalité des pays, validant la stratégie d’innovation et la remontée sélective des prix.
Professionnel : un trou d’air conjoncturel
À 234 M€, le segment Professionnel fléchit de 21,7 % tcpc. La base de comparaison est trompeuse : le T1 2024 avait bénéficié de méga‑contrats en café en Chine. Hors grands contrats, l’activité est quasi stable. Le nouveau hub de Shaoxing — opérationnel T1 2026 — et une micro‑acquisition dans la maintenance renforcent la chaîne de valeur locale. La direction table sur une amélioration séquentielle dès le T2 2025.
Marge ROPA : Résultat Opérationnel d’Activité ÷ chiffre d’affaires. Elle mesure la profitabilité avant éléments non courants.
Taux de conversion de marge : variation de marge ÷ variation de chiffre d’affaires ; utile pour estimer la sensibilité de la profitabilité.
Part du Grand Public : segment Grand Public ÷ chiffre d’affaires total. Un indicateur de diversification.
Lecture des ratios financiers : ce que disent réellement les chiffres
Ratio | Formule | T1 2024 | T1 2025 | Évolution |
Marge ROPA | ROPA ÷ CA | 5,8 % | 2,6 % | ‑ 3,2 pts |
Poids du Grand Public | Ventes Grand Public ÷ CA | 86,3 % | 87,7 % | + 1,4 pt |
Taux de pénétration Asie | CA Asie ÷ CA | 31,8 % | 33,5 % | + 1,7 pt |
Dégagement de marge Grand Public | Δ marge ÷ Δ CA | n.a. | ~ 35 % | nouveau |
À retenir : la contraction brutale de la marge ROPA (‑ 3,2 pts) est imputable pour ≈ 60 % au mix Professionnel, pour ≈ 25 % aux effets devises et le solde à l’inflation résiduelle matières premières.
Forces mises en évidence
- Résilience du pricing : hausse moyenne des prix low‑single digit sans érosion des volumes.
- Couverture géographique équilibrée : aucune région ne pèse plus d’un tiers des ventes, limitant le risque pays.
- Pipeline innovation riche : plus de 40 lancements prévus en 2025, dont trois plateformes d’appareils connectés.
Faiblesses et irritants
- Marge Professionnel cyclique : forte corrélation au timing des contrats en Asie.
- Dépendance logistique transpacifique pour certains composants clés, exposant le Groupe aux surtaxes américaines.
- Sensibilité au forex : la livre turque et le real brésilien pèsent encore sur la conversion.
Leviers d’amélioration : notre feuille de route
- Hedging devises plus dynamique : accroître la couverture sur 12 mois glissants pour écrêter les à‑coups de marge.
- Capital allocation ciblée : prioriser les CAPEX sur Shaoxing et la montée en gamme Café Professionnel pour sécuriser la marge brute.
- Éco‑systèmes de services : monétiser davantage les services après‑vente Premium (abonnements, pièces détachées reconditionnées).
- Optimisation Supply Chain Europe : relocaliser partiellement la production d’articles culinaires pour réduire les coûts de fret et l’empreinte carbone.
Focus réglementaire : les droits de douane américains sous surveillance
La Maison‑Blanche menace d’un relèvement à 25 % sur certains appareils électroménagers d’origine chinoise. SEB évalue un surcoût médian inférieur à 1 % du CA 2025, absorbable grâce à :
- un réseau industriel diversifié (17 usines Europe/Asie/Amériques) ;
- des accords d’achat locaux sur l’acier inox;
- un partage de valeur négocié avec les distributeurs nord‑américains.
Aucune alerte de liquidité n’est signalée : le groupe disposait fin 2024 d’une capacité de financement confirmée de 2 milliards d’euros, dont 1,3 milliard non tiré.
L’ADN industriel du Groupe SEB : un avantage concurrentiel souvent méconnu
Né à Selongey (Côte‑d’Or) en 1857, SEB a construit pas à pas une organisation glocale : 45 marques, 150 pays desservis, 32 000 salariés et une R&D campée autour de Lyon. Sa culture de l’intégration verticale — des plaques chauffantes aux moulages aluminium — réduit la dépendance vis‑à‑vis des fournisseurs critiques. Cette maîtrise industrielle est la clé de la montée en gamme actuelle.
Comment SEB se situe face aux pairs européens ?
Comparé à des concurrents comme De’Longhi ou Electrolux, SEB affiche une croissance organique plus régulière mais une marge opérationnelle plus sensible aux matières premières (acier, résine ABS). Son exposition au yuan et à la livre turque explique la volatilité du ROPA. À l’inverse, son pipeline d’innovations connectées est en avance d’un cycle.
La trajectoire 2025 est‑elle crédible ?
Tableau de marche annoncé : + 5 % de croissance organique et redressement de la marge ROPA. Ces objectifs supposent :
- Un mix revalorisé en Asie (Chine, Corée), avec davantage de blenders haut‑de‑gamme ;
- Une normalisation du Professionnel, portée par les nouvelles livraisons machines espresso automatiques ;
- Un contrôle tarifaire douanier qui ne dérive pas au‑delà de la prévision médiane.
À ce stade, le scénario paraît atteignable, la croissance Grand Public compensant la cyclicité du B2B.
Et après : les chantiers de long terme
Le groupe doit maintenant démontrer que sa stratégie ESG — recyclage des produits, réparabilité sur 15 ans, neutralité carbone 2040 — est un pourvoyeur de marge et non un centre de coûts. Les premiers pilotes (gamme Rowenta ReBorn) montrent un sur‑prix accepté en Allemagne et au Danemark. Reste à massifier le modèle.
Malgré un premier trimestre contrasté, les fondamentaux restent sains : innovation, couverture géographique et discipline financière offrent à SEB le socle nécessaire pour transformer un léger recul organique en tremplin vers une année 2025 en croissance rentable.