Air France-KLM dévoile un bilan financier prometteur pour 2025
Analyse approfondie du premier trimestre 2025 d’Air France-KLM, entre amélioration notable de la rentabilité et atouts financiers pour affronter l’avenir.

Air France-KLM démarre l’année 2025 sur une note prometteuse. Les activités du groupe affichent une dynamique de croissance, tandis que les réservations pour la saison estivale semblent soutenir la trésorerie. Dans un contexte où la concurrence internationale se fait toujours plus vive, l’entreprise parvient néanmoins à préserver des leviers financiers solides. Les prochains mois seront décisifs pour confirmer cette tendance ascendante.
Un regard global sur la performance
Sur les trois premiers mois de 2025, le chiffre d’affaires du Groupe Air France-KLM s’élève à 7,2 milliards d’euros, marquant une progression de +7,7 % comparé à l’exercice précédent. Cette hausse se reflète dans quasiment tous les pôles d’activité : le transport passagers, le cargo et la maintenance.
Malgré la persistance de coûts unitaires en légère augmentation (+2,1 %) et des incertitudes liées aux charges aéroportuaires ou encore à l’inflation, le résultat d’exploitation amorce un redressement solide. Il passe de -489 millions d’euros au premier trimestre 2024 à -328 millions d’euros aujourd’hui, soit une amélioration de 161 millions d’euros. En conséquence, la marge d’exploitation se hisse à -4,6 %. Même si ces chiffres restent négatifs, la tendance demeure encourageante pour un premier trimestre traditionnellement plus creux dans le secteur aérien.
Sur le front de la trésorerie, Air France-KLM enregistre un cash-flow d’exploitation libre ajusté positif de 783 millions d’euros. Cette performance témoigne d’un redressement de la demande passagers et d’une maîtrise progressive des charges liées au carburant, en baisse par rapport à l’année précédente. La réduction de l’endettement financier de 741 millions d’euros sur le trimestre, dont 515 millions d’euros remboursés sur une obligation via la trésorerie du Groupe, traduit également une volonté de continuer à assainir la structure financière.
Le levier d’endettement (dette nette / EBITDA) s’établit à 1,6x, conforme aux cibles que le Groupe s’est fixées pour les années à venir. En parallèle, les liquidités disponibles (9,3 milliards d’euros) offrent un matelas de sécurité confortable face aux aléas du marché. Cette situation demeure un signe de robustesse, compte tenu des tensions actuelles sur le coût du travail et l’environnement opérationnel.
Tendances essentielles : trafic et capacités
Au cours du premier trimestre 2025, Air France-KLM a transporté 21,8 millions de passagers, représentant une hausse de 4,5 % par rapport à l’année précédente. La capacité (exprimée en sièges-kilomètres offerts) progresse de +3,8 %, tandis que le trafic (passagers-kilomètres transportés) s’apprécie de +3,3 %, portant le coefficient de remplissage global à 86,0 %.
Dans le détail, la recette unitaire (ou yield) connaît un élan de +3,0 % à change constant. Les performances sont soutenues par le segment Passage, en particulier sur le réseau long-courrier, notamment l’Atlantique Nord, ainsi que par le fret (Cargo) dont le remplissage bénéficie d’un trafic en provenance d’Asie plus favorable.
Toutefois, on observe un certain décalage de performance en fonction des routes. Alors que les lignes vers les États-Unis affichent des yields élevés, la croissance sur l’Afrique se montre plus modeste, notamment sous l’effet du Ramadan et d’un positionnement des vols légèrement différent cette année. Les Caraïbes et l’Océan Indien ont également subi une forte concurrence tarifaire en raison d’un accroissement important de la capacité. Les vols court et moyen-courriers connaissent des disparités : une réduction sur le segment court-courrier et une expansion sur le moyen-courrier, le tout agrémenté par un déséquilibre ponctuel entre l’offre et la demande.
Analyse détaillée des principaux ratios financiers
Pour saisir l'importance de ces résultats et mesurer la viabilité de la performance, plusieurs ratios financiers se montrent particulièrement révélateurs.
La marge brute correspond à la différence entre le chiffre d’affaires et le coût des ventes (ou charges directes). La marge d’exploitation se calcule en divisant le résultat d’exploitation par le chiffre d’affaires. Enfin, la rentabilité nette mesure le pourcentage du chiffre d’affaires qui se transforme en bénéfice net.
Ci-dessous, nous mettons en exergue quelques ratios notables du premier trimestre 2025 :
- Marge d’exploitation : -328 M€ / 7,2 Md€ = -4,6 %. Malgré un solde négatif, la marge s’améliore sensiblement (environ +2,5 points vs. T1 2024).
- Ratio de trésorerie : On évalue la solidité de la trésorerie à travers les 9,3 Md€ de liquidités disponibles, gage de sécurité en cas de retournement de conjoncture.
- Levier d’endettement : La dette nette (6,9 Md€) se situe dans une trajectoire descendante, affichant un ratio dette nette / EBITDA de 1,6x, en cohérence avec la fourchette cible (1,5x à 2,0x).
L’examen de ces indicateurs suggère que le Groupe parvient à renforcer sa structure financière, grâce notamment à un contrôle serré de la capacité et à la persistance d’une demande passagers soutenue sur certains segments clés. La diminution du coût du carburant par rapport à l’an passé a également joué un rôle dans l’amélioration de la marge d’exploitation.
Points forts : un socle de croissance maintenu
Plusieurs éléments ressortent en faveur de la solidité du Groupe :
- Résilience de la demande passagers : L’amélioration continue du coefficient de remplissage (+3,3 % de trafic pour +3,8 % de capacité) témoigne d’un fort appétit des voyageurs. Les lignes transatlantiques sont particulièrement porteuses.
- Forte génération de trésorerie : Le cash-flow d’exploitation libre ajusté, à 783 M€, permet de couvrir les investissements et de réduire l’endettement.
- Position financière solide : La liquidité à 9,3 Md€ reste au-dessus du seuil cible de 6 à 8 Md€, offrant de la flexibilité pour saisir des opportunités futures (acquisition d’appareils de dernière génération, diversification, etc.).
- Capacités opérationnelles modernisées : La part d’avions de nouvelle génération progresse, avec 28 % de la flotte renouvelée. Les livraisons d’appareils plus économes en carburant (A220, A320neo, A350, etc.) limitent partiellement l’impact de l’inflation et des charges aéroportuaires.
Faiblesses et défis à anticiper
Malgré le regain d’optimisme, certains signaux invitent à la prudence :
- Coût unitaire en hausse de +2,1 %: Cette progression, certes partiellement compensée par des gains de productivité, reflète l’envolée des charges aéroportuaires, la régulation du trafic aérien et l’inflation générale sur la masse salariale.
- Volatilité du trafic : Certains événements géopolitiques et l’évolution des mesures sanitaires (dans certaines régions) peuvent créer des perturbations de dernière minute, affectant la planification.
- Concurrence renforcée sur certaines liaisons : Les transporteurs low-cost et les compagnies du Golfe continuent de faire pression sur les tarifs, notamment en Europe et en Asie-Moyen-Orient.
- Saisonnalité accrue pour Transavia : L’augmentation de capacité (+13,6 %) sur le segment loisirs se heurte à un coefficient de remplissage en léger recul (-2 points), érodant son résultat d’exploitation.
Bon à savoir
La saisonnalité dans le transport aérien est un facteur déterminant. Les compagnies adaptent souvent leur offre de vols pour répondre à une demande fluctuante, concentrée principalement sur certaines périodes (vacances d’été, fêtes de fin d’année). Un déséquilibre entre capacité et trafic sur certaines destinations engendre une pression sur les tarifs et peut peser sur le résultat d’exploitation.
Focus sur l’empreinte carbone et le renouvellement de la flotte
Au-delà des indicateurs financiers, le secteur aérien est confronté à des exigences croissantes en matière de développement durable. Air France-KLM s’est fixé pour ambition de réduire de 30 % ses émissions de gaz à effet de serre (GES) par tonne-kilomètre transportée d’ici à 2030 (par rapport à 2019), et d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.
Les difficultés rencontrées dans le renouvellement de la flotte (tensions sur la chaîne d’approvisionnement, problèmes moteurs, retards de livraison) n’altèrent pas la volonté du Groupe de faire monter la proportion d’appareils de dernière génération à 80 % d’ici à 2030. Ces avions (A350, A220, A320neo, Embraer 195-E2) affichent une consommation de carburant réduite de 15 à 31 % par passager-kilomètre, et un niveau sonore inférieur à celui des appareils précédents.
Néanmoins, Air France-KLM signale que les temps de vol rallongés sur certaines routes – en raison de facteurs géopolitiques – viennent alourdir la consommation de kérosène. Ce phénomène, couplé à des reports de capacités sur la maintenance, souligne l’importance de maintenir une gestion très réactive de la flotte afin d’optimiser les coûts, tout en répondant à l’objectif de décarbonation.
Zoom sur la stratégie d’investissement
D’après les perspectives annoncées, le Groupe confirme un programme d’investissements net compris entre 3,2 et 3,4 milliards d’euros pour 2025. L’idée est de poursuivre la montée en gamme des cabines passagers (comme le déploiement des nouvelles classes Premium), de moderniser la flotte et de soutenir l’innovation technologique dans le domaine de la maintenance.
De plus, le développement de Transavia, qui reste la filiale low-cost, demeure un axe stratégique. Malgré une rentabilité parfois affectée par la saisonnalité, cette filiale élargit le spectre de clientèles potentiellement attirées par le Groupe, accroissant la compétitivité face aux transporteurs à bas coûts sur le moyen-courrier européen.
Le Groupe Air France-KLM à la loupe
Air France-KLM est né de la fusion entre la compagnie française et son homologue néerlandaise. Aujourd’hui, il s’agit d’un acteur majeur du transport aérien mondial, proposant un large éventail de destinations à travers ses hubs de Paris-Charles de Gaulle et Amsterdam-Schiphol. Au fil des années, le Groupe a déployé une stratégie de hubs multiples, visant à optimiser les correspondances et à alimenter un trafic long-courrier plus rentable.
En 2025, ses différentes entités (Air France, KLM, Transavia et des marques régionales) opèrent un vaste réseau aussi bien sur le segment loisirs que sur celui du voyage d’affaires. L’activité Cargo, étroitement liée aux flux mondiaux de marchandises, joue également un rôle déterminant dans la diversification des revenus.
Indicateur clé | Valeur T1 2025 | Variation vs. T1 2024 | Commentaire principal |
Chiffre d'affaires | 7,2 Md€ | +7,7 % | Hausse portée par Passage & Cargo |
Résultat d'exploitation | -328 M€ | +161 M€ | Marge à -4,6 %, nette amélioration |
Cash-flow d'exploitation libre ajusté | 783 M€ | +190 M€ | Forte génération de trésorerie |
Levier d’endettement | 1,6x | -0,2 pt | Conforme aux ambitions du Groupe |
Liquidités totales | 9,3 Md€ | -0,1 Md€ | Capacité de résilience élevée |
Recommandations et axes d’amélioration
Les performances du premier trimestre 2025 offrent un terreau favorable, mais certaines axes de progression méritent d’être soulignés pour pérenniser cette dynamique :
- Optimiser la gestion des capacités : Poursuivre une planification rigoureuse pour éviter la surcapacité sur les zones de trafic moins dynamiques, comme l’Afrique au moment du Ramadan ou les destinations loisirs déjà saturées en offre.
- Accentuer la réduction de l’empreinte carbone : Les engagements environnementaux sont devenus un critère de choix pour de nombreux passagers. Des efforts supplémentaires pour accélérer le renouvellement de la flotte et l’utilisation de carburants alternatifs (SAF) pourraient renforcer l’attrait du Groupe.
- Rationaliser davantage les coûts unitaires : Même si la hausse reste limitée (+2,1 %), l’inflation et les exigences aéroportuaires imposent de creuser de nouvelles pistes d’économies, notamment via la digitalisation et l’optimisation des process de maintenance.
- Renforcer la montée en gamme : L’introduction de nouvelles cabines Premium et la refonte de l’expérience passager peuvent contribuer à stimuler les recettes unitaires. Toutefois, il est crucial de valoriser cet investissement par une communication ciblée, afin d’attirer les voyageurs à fort pouvoir d’achat.
Si Air France-KLM suit ces orientations, elle pourrait solidifier sa position dans le marché aérien européen et renforcer sa capacité à rivaliser avec les grandes alliances concurrentes. Le pilotage fin des capacités, la différenciation par la qualité de service et la continuation du désendettement apparaissent comme les garants d’une trajectoire durable.
Transavia et la question de la saisonnalité
La filiale low-cost Transavia a affiché une croissance de la capacité en sièges-kilomètres de +13,6 % au premier trimestre. Malgré cette expansion, le coefficient de remplissage a légèrement reculé, d’où un résultat d’exploitation en baisse d’environ 40 M€ sur un an. Les raisons résident notamment dans l’instabilité géopolitique sur certaines régions touristiques et dans la forte concurrence sur le marché du vol d’agrément.
Par ailleurs, l’augmentation de la taxe sur les billets d’avion aux Pays-Bas incite une partie des passagers néerlandais à partir depuis la Belgique ou l’Allemagne, induisant une érosion de la demande intérieure. Cette situation met en évidence la sensibilité extrême de la clientèle loisirs au prix.
Pour inverser la tendance, l’amélioration de la notoriété de Transavia sur de nouvelles destinations, l’exploration d’opportunités charter en collaboration avec des tour-opérateurs et la poursuite de l’optimisation des bagages payants pourraient constituer des leviers d’action. Une gestion plus flexible de la capacité, en fonction de la saison, resterait également judicieuse.
Maintenance : un pilier en expansion
L’activité Maintenance réalise un chiffre d’affaires externe en forte progression de +11,5 %, soutenu par un rebond du marché moteur et du segment MRO (Maintenance, Repair & Overhaul). Le chiffre d’affaires total (interne et externe) connaît une hausse encore plus robuste, à +15,4 %. L’amélioration continue de la productivité et la signature de contrats avec d’autres compagnies contribuent à la performance.
Ainsi, le résultat d’exploitation de la branche Maintenance gagne 36 M€, ce qui porte la marge opérationnelle à 4,6 %, en hausse de 2,3 points par rapport au premier trimestre 2024. Cette dynamique confirme l’intérêt stratégique d’une diversification des revenus au sein du Groupe, en apportant un flux supplémentaire, moins volatil que le transport passagers.
Cap vers de nouveaux horizons
Les perspectives pour 2025 restent inchangées, malgré un environnement qui demeure volatil. Le Groupe anticipe :
- Une croissance de la capacité comprise entre +4 % et +5 % (en SKO) par rapport à 2024.
- Un coût unitaire en hausse « à un chiffre bas », démontrant l’objectif de conserver une rigueur budgétaire malgré l’inflation.
- Des investissements nets de 3,2 à 3,4 milliards d’euros, consacrés en grande partie au renouvellement de la flotte et à la modernisation des cabines.
- Le maintien du levier d’endettement dans la fourchette 1,5x à 2,0x.
Pour autant, le contexte géopolitique incertain, les pressions tarifaires et l’augmentation possible des coûts opérationnels liés à la transition environnementale peuvent venir brouiller les projections. La capacité d’anticipation et la flexibilité opérationnelle seront les maîtres-mots pour convertir ce potentiel de croissance en performance durable.
Ainsi, Air France-KLM semble progresser avec assurance sur le chemin de la reprise, tout en restant attentive aux vents contraires qui pourraient se lever à tout moment.