SPIE s’offre SD Fiber : nouvelle frontière pour la fibre européenne et les compteurs connectés
SPIE acquiert SD Fiber, muscle son offre FttX Suisse‑Allemagne et mise sur les compteurs intelligents : enjeux, synergies et perspectives à court terme.

La transaction annoncée ce 1er juillet 2025 positionne SPIE sur une trajectoire d’expansion décisive : en rachetant la quasi‑totalité de SD Fiber, le groupe français consolide son avance dans la fibre optique tout en ouvrant un nouveau front sur le marché des compteurs intelligents. Cette opération marque une étape charnière pour la numérisation des infrastructures énergétiques européennes.
Une prise de contrôle minutieusement calibrée
SPIE va acquérir 96 % du capital de SD Fiber, laissant 4 % entre les mains de l’équipe dirigeante zurichoise, garante de la continuité opérationnelle. Même si le prix n’a pas été dévoilé, la cible a généré 70 M€ de chiffre d’affaires en 2024 pour quelque 340 collaborateurs. Le montage capitalistique, classique chez SPIE depuis les intégrations d’ICG (2023) ou Robur (2024), permet de préserver l’agilité managériale tout en sécurisant les synergies technologiques grâce à un pilotage resserré depuis la plate‑forme Germany – Switzerland – Austria (GSA).
Les chiffres clés de l'opération
- 96 % du capital acquis
- 70 M€ de CA 2024
- 340 salariés
- Position géographique : Suisse alémanique & sud de l’Allemagne
- Expertise : FTTS, FTTB, FTTH & smart meters.
SD Fiber : portrait d’un artisan de la connectivité
Née à Dietikon (canton de Zurich), SD Fiber s’est forgé une réputation de prestataire “clé en main” capable de gérer l’ensemble de la chaîne de valeur FttX, de la conception à la maintenance. Sa double compétence – fibre et compteurs communicants – répond à la convergence énergie‑donnée que les régulateurs européens encouragent. Son implantation transfrontalière lui confère une proximité logistique avec les cantons à haute densité de réseaux et les Länder allemands en quête d’accélération vers le très haut débit.
On regroupe sous FttX (“Fiber to the *X*”) différentes configurations : FTTS (jusqu’au trottoir), FTTB (jusqu’à l’immeuble) et FTTH (jusqu’au logement). Plus la fibre s’approche de l’utilisateur final, plus le débit et la stabilité augmentent, au prix d’un investissement civil élevé.
Pourquoi la Suisse et le Bade‑Wurtemberg comptent
Avec un taux de couverture FTTH qui devrait atteindre 57 % des foyers suisses fin 2025, la Confédération fait figure de laboratoire européen, tandis que le Land de Bade‑Wurtemberg, à cheval sur l’axe industriel Stuttgart‑Fribourg, multiplie les partenariats publics‑privés pour rattraper son retard. La présence de SD Fiber sur ces deux marchés limite l’exposition au risque de saturation commerciale et garantit à SPIE un carnet de commandes résilient.
Au‑delà des travaux de génie civil, les opérateurs doivent composer avec : les contraintes topographiques (montagne vs. plaine), la protection du patrimoine dans les centres historiques, et la pénurie de main‑d’œuvre qualifiée, enjeu que SPIE compte atténuer via son centre de formation interne.
Synergies technologiques et relais de croissance
La jonction des portefeuilles ouvre deux relais immédiats : d’une part, la mutualisation des chaînes d’approvisionnement en câble et équipements optiques ; d’autre part, la capacité à proposer des offres “fibre + compteurs intelligents” aux collectivités qui cherchent à orchestrer la flexibilité du réseau électrique. En Europe, la pénétration des smart meters franchit à peine les deux tiers du parc résidentiel : l’avance de SD Fiber sur la pose d’unités dernier‑kilomètre constitue donc un différenciateur commercial majeur pour SPIE.
Smart metering en quelques repères
D’ici 2030, l’Union européenne prévoit 266 millions de compteurs échanges installés, soit 92 % de taux de pénétration, pour un investissement cumulé estimé à 47 milliards €. Les gains attendus portent sur la flexibilité du réseau, la facturation à l’heure réelle et la réduction des pertes techniques.
Architecture de gouvernance post‑acquisition
La future entité sera logée dans le périmètre “Germany – Switzerland – Austria”, sous la direction de Pierre Savoy pour la Suisse et de Markus Holzke pour la zone GSA. Le maintien de Jure Karazda à la tête de SD Fiber assure la préservation du capital humain et la continuité des contrats en cours, tandis qu’un comité d’intégration pilotera la convergence des systèmes ERP et des standards HSE. Cette organisation matricielle, déjà éprouvée sur d’autres fusions, réduit les risques d’inertie et accélère la montée en charge des synergies.
T3 2025 : obtention des autorisations antitrust • T4 2025 : closing financier • S1 2026 : convergence des achats • S2 2026 : reporting consolidé au niveau Groupe.
SPIE : trajectoire d’un consolidateur européen
Avec un chiffre d’affaires historique de 9,9 milliards € en 2024, SPIE affiche une croissance de +13,7 % et une marge EBITA record de 7,2 %. Le modèle “asset‑light” du groupe lui permet de financer des acquisitions ciblées sans alourdir son bilan : le ratio d’endettement net demeure inférieur à 1,6 × EBITDA malgré un pipeline de deals soutenu. La stratégie consiste à s’emparer de niches technologiques (climat froid, data centers, réseaux industriels) pour bâtir un portefeuille résistant aux cycles macroéconomiques.
Les grandes étapes de SPIE depuis 2018
- 2018 : entrée renforcée dans les énergies renouvelables
- 2020 : acquisition de Cimlec
- 2022 : création du cluster “Data & Communications”
- 2023 : intégration d’ICG
- 2024 : rachat de Robur
- 2025 : SD Fiber
Risques, garde‑fous et opportunités
Trois risques majeurs sont identifiés :
- La saturation temporaire des chaînes de production de fibre optique susceptible d’étirer les délais ;
- La concurrence des modèles “open‑access network” portés par des fonds d’infrastructure ;
- L’inflation des salaires techniques. En miroir, les opportunités couvrent la mutualisation de la data des compteurs avec les opérateurs d’énergie, la valorisation de la connectivité ferroviaire transfrontalière et l’adossement à de nouveaux plans nationaux de relance orientés “connectivité verte”.
La bourse et les investisseurs scrutent le dossier
Depuis le début de l’année, l’action SPIE gagne +8 %, soutenue par la perspective d’une dilution limitée et d’un relèvement de guidance 2025. Les analystes saluent surtout le potentiel de marge supplémentaire : chaque point de part de marché FttH capté en Suisse pourrait générer 1 M€ de résultat opérationnel additionnel d’ici 2027 selon les estimations internes. Les ratings ESG, eux, valorisent l’impact positif des réseaux fibre sur la sobriété énergétique et la réduction des déplacements.
Cap sur l'avenir numérique européen
À moyen terme, l’union SPIE‑SD Fiber pourrait devenir un “hub” d’expertise capillarisant les projets FttX du Benelux, de l’Autriche, puis de l’Italie du Nord. En tirant parti de ses 55 000 collaborateurs et d’une culture d’ingénierie éprouvée, SPIE accélère la bascule vers une Europe connectée, efficiente et bas‑carbone.
Cette acquisition, en apparence locale, installe en réalité un domino stratégique capable de redessiner le paysage des infrastructures numériques du continent.