En France, le secteur agricole est en pleine mutation, porté par la transition agro-environnementale et la croissance des solutions connectées. Dans cette dynamique, le groupe Isagri, éditeur de solutions numériques, franchit une nouvelle étape stratégique.

Avec l’acquisition de la start-up lilloise Sencrop, il ambitionne de s’imposer comme un leader européen de l’agro-météo innovante, tout en renforçant sa présence à l’international.

Un rapprochement stratégique pour consolider l’offre agro-météo

Le groupe Isagri, fondé en 1983 et basé à Tillé (Oise), a officialisé, fin décembre 2024, le rachat à 100 % de la start-up Sencrop, créée en 2016. Spécialisé dans l’édition de logiciels pour l’agriculture, Isagri compte environ 3 000 salariés et réalise un chiffre d’affaires annuel de l’ordre de 340 millions d’euros.

En parallèle, Sencrop a développé des stations météo connectées qui se sont rapidement imposées sur le marché, avec plus de 35 000 unités installées auprès d’exploitants agricoles.

Cette transaction, dont le montant n’a pas été communiqué, s’inscrit dans la stratégie d’Isagri consistant à cibler les nouvelles technologies à fort potentiel. Déjà présent dans l’agro-météo via son pôle Météus (qui revendique 5 000 stations), Isagri accélère sur le plan européen en intégrant l’expertise de Sencrop. L’objectif : développer des solutions toujours plus performantes pour faciliter le quotidien des agriculteurs, optimiser leurs intrants, réduire leurs coûts et concilier performance économique et respect de l’environnement.

Pour l’heure, les bureaux et l’équipe dirigeante de Sencrop restent maintenus. Selon Martin Ducroquet, cofondateur de la jeune pousse, cette acquisition constitue un relais de croissance, notamment à un moment où le financement de la tech s’est complexifié. Avec un chiffre d’affaires d’environ 8 millions d’euros et 80 collaborateurs, la pépite lilloise poursuit son aventure entrepreneuriale, adossée désormais à un acteur industriel majeur.

Un coup d’œil sur les résultats et la dynamique financière

Au-delà du volet purement stratégique, cette acquisition suscite un vif intérêt sur le plan financier. Isagri reste un groupe familial non coté, ce qui lui permet d’agir rapidement et de financer ses acquisitions sur fonds propres. L’entreprise dégage un chiffre d’affaires global d’environ 340 millions d’euros pour le dernier exercice clos et affiche une rentabilité solide, laquelle lui sert de socle pour consolider son positionnement sur le marché agricole français et étranger.

Pour Sencrop, la finalisation de cette opération s’apparente à un nouveau cycle de développement.

Après plusieurs levées de fonds (dont une de 18 millions de dollars en 2022), la start-up mise sur la force de frappe commerciale et la solidité financière d’Isagri afin de poursuivre son ascension.

La jeune pousse revendique une croissance à deux chiffres, autour de 35 % en 2024. L’alliance entre les deux entités permettra sans doute une mutualisation des investissements en recherche et développement, un atout majeur à l’heure où les solutions connectées se multiplient dans le secteur agricole.

Le groupe Isagri envisage déjà 10 à 20 % de croissance annuelle sur ce segment agro-météo, illustrant ainsi son optimisme quant à la demande future. Les revenus combinés issus de Météus et de Sencrop pourraient rapidement devenir un pilier stratégique, notamment via la commercialisation d’une station météo commune, prévue en 2025, visant un large déploiement mondial.

Le marché de l’agro-météo intègre l’acquisition et l’analyse de données climatiques pour aider les agriculteurs à prendre de meilleures décisions. Au-delà du matériel, les solutions incluent des plateformes numériques, des applications prédictives et des services de conseil ciblés.

Une vague d’acquisitions pour Isagri

L’année 2024 aura été particulièrement dynamique pour le groupe Isagri, qui a multiplié les acquisitions au deuxième semestre : Filosoft (Portugal), Top 1 Nuevas Tecnologias (Espagne), Agroplus (Suisse), Bobbee (France) ou encore Crisalid (France). Ces achats successifs témoignent d’une volonté d’élargir le portefeuille d’offres, tout en renforçant la proximité avec les exploitants, tant sur les plans géographiques que technologiques.

Le rachat de Sencrop, finalisé en décembre 2024, vient ainsi compléter cet ensemble, avec un positionnement innovation marqué. L’approche d’Isagri est limpide : se constituer un écosystème complet, allant du logiciel de gestion agricole jusqu’aux solutions connectées d’aide à la décision, en passant par la téléphonie et l’information terrain. Au regard de la transition agro-environnementale en cours et des enjeux de compétitivité pour les exploitants, disposer d’offres globales semble essentiel pour se distinguer.

Bon à savoir : dispositifs de soutien aux entreprises innovantes

En France, plusieurs structures publiques ou mixtes comme Bpifrance, l’IRD ou encore des fonds d’investissement dédiés (Demeter, JVP, etc.) soutiennent la croissance et la R&D des start-up agtech. Sencrop en est un exemple, ayant bénéficié de levées de fonds conséquentes pour accélérer sur l’agriculture connectée.

L’histoire de Sencrop : du Village by CA à l’essor européen

Créée en 2016 par Martin Ducroquet et Michaël Bruniaux, Sencrop a démarré son parcours dans l’incubateur Village by CA à Euratechnologies, à Lille. L’idée initiale : mettre au point des stations météo connectées et ultra-localisées pour accompagner les agriculteurs dans leurs décisions quotidiennes (irrigation, traitements phytosanitaires, planification des semis, etc.). En quelques années, la jeune pousse a connu un développement significatif.

La recette de son succès repose sur plusieurs piliers : des capteurs simples à installer et à utiliser, un réseau de distribution qui s’appuie sur des partenariats locaux et une politique de R&D soutenue. Les utilisateurs bénéficient de données météorologiques fiables, actualisées en temps réel et centralisées dans une plateforme intuitive. Cet écosystème vise à optimiser la production agricole tout en réduisant l’empreinte environnementale.

Avant son acquisition par Isagri, Sencrop avait déjà levé des fonds à plusieurs reprises, notamment en 2017 (1,4 million d’euros) et en 2022 (18 millions de dollars). Ces ressources lui ont permis d’améliorer ses stations, d’étoffer son offre de services (solution d’irrigation, prévision des maladies, etc.) et de s’implanter dans plus de 30 pays.

Stations météo connectées : dispositifs installés dans les champs, capables de capter la température, l’humidité, la pluviométrie, la vitesse du vent, etc. Les données sont transmises en temps réel pour une analyse instantanée.

Plateformes cloud : espace numérique où sont stockées, croisées et traitées les données pour en tirer des indicateurs de performance et des prévisions.

Focus sur le concept Sencrop : au cœur de l’agriculture connectée

Sencrop se positionne sur l’agriculture de précision. Autrefois, les agriculteurs devaient effectuer régulièrement des tours de plaine pour surveiller leurs cultures : une tâche chronophage et coûteuse. Avec les données recueillies par les stations météo connectées, ils ajustent désormais leurs interventions (irrigation, fertilisation, traitements phytosanitaires) en fonction de la situation réelle sur le terrain.

Cette approche optimise les rendements et réduit l’usage d’intrants, contribuant ainsi à une agriculture plus durable et rentable. La pertinence des capteurs installés directement au niveau des parcelles permet d’obtenir des mesures localisées, bien plus fiables que les estimations régionales ou départementales. Sencrop entend ainsi être un catalyseur de changement, en aidant le monde agricole à concilier productivité et respect de l’environnement.

Grâce à cet avantage compétitif, la start-up a su convaincre de nombreux investisseurs. De plus, l’entreprise propose divers modules adaptés à des filières agricoles spécialisées : céréales, maraîchage, viticulture ou encore arboriculture. Elle a également su développer des partenariats internationaux, avec des institutions et des groupes coopératifs.

Bon à savoir : l’impact environnemental

L’agriculture connectée contribue à mieux cibler les actions sur le terrain. En ajustant précisément les volumes d’eau et de produits phytosanitaires, les exploitants réduisent le gaspillage et limitent la pollution. Cette démarche participe à la transition vers une agriculture plus raisonnée, en ligne avec les enjeux climatiques actuels.

Anatomie financière : pourquoi ce rachat était intéressant pour Isagri et Sencrop

Si le montant de l’opération n’est pas divulgué, certains facteurs de rentabilité et de valorisation peuvent être déduits en observant les comptes ou en tenant compte des mécanismes habituels du private equity en France. Isagri, en tant que société solide et rentable, a pu mobiliser ses propres fonds pour concrétiser ce rachat. L’entreprise, dirigée depuis plus de 40 ans par la famille Savalle, vise la croissance externe comme levier majeur de son plan stratégique.

Pour Sencrop, l’association à Isagri facilite la poursuite de la R&D, coûteuse et fondamentale dans la course à l’innovation. Les start-up de la French Tech, notamment dans le secteur agtech, doivent fréquemment procéder à des levées de fonds pour maintenir leur avance technologique. Dans un contexte de resserrement des financements, une adossement industriel constitue parfois la meilleure option de long terme.

Du point de vue de la rentabilité opérationnelle, Sencrop indique être rentable sur certaines activités. Cependant, l’investissement dans les développements technologiques reste important, avec une portée internationale. Dans un environnement globalisé, où les solutions agtech ont un potentiel mondial, le fait d’intégrer la structure d’un groupe familial de taille intermédiaire offre à Sencrop un cadre financier rassurant et un accès direct au marché des clients d’Isagri.

Ambition mondiale : l’essor de la nouvelle station commune

L’année 2025 marquera le lancement d’une station météo commune, issue du rapprochement entre Météus (filiale d’Isagri) et Sencrop. L’idée repose sur la fusion des compétences : améliorer la précision des relevés, enrichir l’application mobile, intégrer des fonctionnalités prédictives, voire s’ouvrir à des outils d’intelligence artificielle. Le groupe se fixe un objectif de croissance annuelle compris entre 10 % et 20 % sur ce segment.

À l’international, Isagri est déjà présent dans 50 pays, dont certains en dehors de l’Europe. La situation légale en matière de réglementation agro-météo est relativement clémente : il existe peu de barrières administratives pour l’export. Au-delà de l’Union européenne, l’Amérique du Nord fait figure de cible stratégique, offrant de vastes terrains agricoles. Le groupe pourra s’appuyer sur la notoriété de Sencrop, déjà implanté dans plus de 30 pays.

En termes de synergies, l’appui du réseau commercial d’Isagri permettra une diffusion accélérée des stations Sencrop, tandis que les applications mobiles bénéficieront d’une mutualisation des ressources en R&D. À plus long terme, Isagri envisage d’intégrer l’agro-météo à un écosystème plus large, englobant la téléphonie agricole, les systèmes d’information, la gestion comptable et l’analyse de données big data.

Un cadre légal et réglementaire pour les entreprises françaises

D’un point de vue légal, cette acquisition respecte les règles françaises en matière de droit des sociétés et de contrôle des concentrations. Les opérations entre deux entités privées de taille intermédiaire ne font pas l’objet d’une notification préalable obligatoire à l’Autorité de la concurrence, en l’absence de franchissement de seuils significatifs. Toutefois, le rachat a été formalisé par des audits financiers et juridiques afin de sécuriser l’investissement.

La structuration du groupe Isagri, en tant que société anonyme à capital familial, autorise une grande flexibilité dans la validation des opérations de croissance externe. Les obligations légales en termes de gouvernance d’entreprise et de transparence restent néanmoins en vigueur : publication des comptes, gestion des relations de travail, respects de la propriété intellectuelle, etc.

Pour Sencrop, les brevets déposés ainsi que la protection de ses savoir-faire technologiques sont préservés. Les contrats de travail des salariés, basés à Lille, sont transférés automatiquement suivant le principe de la continuité de l’entreprise. L’objectif affiché par Isagri étant de conserver l’identité propre à la start-up tout en amplifiant son rayonnement.

 Les termes-clés à retenir côté juridique

Due diligence : ensemble des audits préalables permettant de s’assurer de la situation financière, juridique et opérationnelle d’une cible avant acquisition.

Garanties d’actif et de passif : clauses habituelles dans un contrat de cession, visant à protéger l’acquéreur contre d’éventuelles inconnues sur la santé financière de la cible.

Capital familial : mode de détention des actions où une famille, souvent fondatrice, reste majoritaire.

Des chiffres clés pour comprendre l’impact économique

Afin de mieux illustrer la portée économique de ce rapprochement, voici quelques données financières et opérationnelles :

  • Chiffre d’affaires Isagri : 340 millions d’euros environ.
  • Effectif total Isagri : 3 000 collaborateurs.
  • Chiffre d’affaires Sencrop : 8 millions d’euros.
  • Effectif Sencrop : 80 employés.
  • Nombre de stations Sencrop : 35 000 installées.
  • Objectif de croissance annuelle sur l’agro-météo : 10 à 20 %.

Le poids global du marché de l’agriculture connectée est en pleine expansion, grâce à l’essor des objets connectés et à une meilleure prise en compte des enjeux liés au changement climatique. Les exploitants recherchent des informations météorologiques fines pour optimiser leurs revenus et respecter les normes environnementales grandissantes.

Analyses et enjeux pour l’avenir

En tant que journaliste spécialisé dans le monde de l’entreprise, je constate que ce mouvement de consolidation autour de l’agriculture connectée revêt plusieurs enjeux stratégiques :

  1. Innovation technologique : la course à la nouveauté implique un investissement massif en R&D. Isagri et Sencrop espèrent maintenir une avance suffisante sur un marché concurrentiel.
  2. Soutien institutionnel : les pouvoirs publics encouragent la modernisation agricole pour rendre les exploitations plus résilientes face au changement climatique.
  3. Rentabilité à long terme : la rentabilité dépendra de l’adoption des solutions par les exploitants. Le prix d’achat des stations et la plus-value agronomique devront être clairement démontrés.
  4. Dimension internationale : développer de nouveaux relais de croissance à l’étranger nécessite une excellente connaissance des spécificités locales (type de culture, contraintes climatiques, pouvoirs publics, etc.).

Sur le plan financier, la stratégie d’Isagri consiste à conquérir des parts de marché hors de l’Hexagone. Dans les années à venir, la réussite se mesurera à la capacité de l’entreprise à rentabiliser l’ensemble de ses activités, en équilibrant les investissements dans le numérique, le marketing, et la commercialisation.

Les équipes derrière le projet

Le rachat de Sencrop n’a de sens que si la convergence des talents se fait efficacement. D’une part, la direction de Sencrop, basée à Lille, conserve son mode de fonctionnement autonome et ses équipes. D’autre part, les pôles techniques, logiciels et commerciaux d’Isagri apportent leur expérience sur des projets de grande envergure. Le pôle de R&D d’Isagri compte de nombreux ingénieurs spécialisés dans l’optimisation des solutions digitales agricoles.

La réussite de cette intégration dépendra également de la capacité des collaborateurs à s’aligner sur une vision commune. Selon Philippe Seguin, directeur général d’Isagri France, le renforcement du capital humain est un élément-clé : de nouveaux postes pourraient s’ouvrir, surtout si l’ambition de déploiement international se concrétise.

Du côté de Sencrop, l’équipe fondatrice a un rôle pivot, à la fois au niveau stratégique (orientation du produit) et opérationnel (supervision de la R&D). La pérennité de l’implantation lilloise et la préservation de la culture « start-up » sont souvent jugées essentielles pour conserver l’esprit d’innovation et la rapidité d’exécution.

Le programme Horizon 2028 d’Isagri : une feuille de route ambitieuse

Le groupe Isagri s’est fixé un cap clair avec son programme Horizon 2028. Celui-ci vise à asseoir son leadership dans l’agriculture connectée, notamment en combinant data, intelligence artificielle (IA) et expertise métier. L’objectif est de proposer un portefeuille de services complet, depuis la collecte de données sur le terrain jusqu’à l’analyse prédictive et la recommandation d’actions concrètes.

Dans ce cadre, Sencrop apporte un savoir-faire précis dans l’agro-météo. Les futures stations météo, plus intelligentes et potentiellement enrichies de capteurs additionnels, viendront nourrir les algorithmes d’IA développés par Isagri. L’ensemble pourrait donner naissance à des outils capables d’anticiper les risques de gel, de sécheresse ou d’apparition de maladies, et d’orienter les agriculteurs vers des solutions réactives.

Afin d’atteindre ces objectifs, le groupe mise sur un maillage territorial large, s’appuyant sur des filiales étrangères et sur des accords de distribution. L’enjeu consiste à proposer une offre clés en main, déclinable selon les spécificités locales : type de culture, variations climatiques, réglementation, etc. À terme, Isagri souhaite se positionner comme une référence mondiale de l’agtech, au-delà du seul marché européen.

Le rôle du financement et des partenaires institutionnels

Dans le domaine agricole, les financements publics et privés jouent un rôle crucial. La transition écologique des exploitations nécessite des investissements de long terme, auxquels répondent en partie la Politique agricole commune (PAC), les dispositifs régionaux ou encore Bpifrance. Pour aller plus loin, les groupes privés comme Isagri recourent à des solutions de financement pour soutenir leur R&D et leurs acquisitions.

En parallèle, l’implication de fonds d’investissement spécialisés dans l’agtech (ex. : Demeter, Breega, JVP) participe à l’émergence de jeunes pousses innovantes. Sencrop illustre parfaitement cette dynamique, grâce à l’accompagnement de plusieurs investisseurs (IRD Management, NCI Waterstart, EIT Food, etc.). En rejoignant Isagri, l’entreprise s’assure de la pérennité de ses ressources financières et d’un accès élargi à de nouveaux marchés.

Cette synergie est cruciale : les professionnels de l’agriculture recherchent des fournisseurs solides, capables d’assurer le suivi technique et commercial de leurs équipements. Intégrer l’écosystème Isagri permet à Sencrop de bénéficier d’une force de vente élargie, d’un support logistique à l’échelle internationale et d’une image de marque renforcée.

Cap sur l’Amérique du Nord et autres horizons

L’international représente un axe de développement de premier plan pour Isagri et Sencrop. Si la France est un terreau fertile pour l’agtech, compte tenu du poids de son secteur agricole, le potentiel à l’export est considérable. Les grandes plaines nord-américaines (États-Unis, Canada) ou encore les zones à forte expansion agricole comme l’Amérique latine (Brésil, Argentine) figurent dans le viseur.

La start-up lilloise disposait déjà d’équipes dédiées en Espagne, en Allemagne et au Royaume-Uni, tandis qu’Isagri est présent dans plusieurs pays. En misant sur des stations météo adaptées aux spécificités locales, la nouvelle entité combinée espère se différencier de la concurrence. Les défis sont toutefois nombreux : adaptation des outils à chaque culture, négociation avec les importateurs, logistique transcontinentale, etc.

Sur le continent nord-américain, la taille des exploitations est souvent plus importante qu’en Europe, impliquant des besoins différents (plus de stations, couverture plus vaste, relevés plus fréquents). Les agriculteurs y sont aussi très sensibles à l’innovation et au retour sur investissement. Réussir à démontrer la valeur ajoutée de la station météo connectée permettra d’accroître les parts de marché et de renforcer la présence d’Isagri et Sencrop hors du Vieux Continent.

Intégrer l’agro-météo à la chaîne de valeur : vers un écosystème global

Pour répondre aux défis de l’agriculture moderne, Isagri envisage d’intégrer la brique agro-météo dans une solution globale, couvrant l’ensemble des problématiques des exploitants. Au-delà de la simple fourniture de données climatiques, la volonté est de proposer des services d’analyse, de conseils et de gestion administrative, le tout au sein d’une interface unique.

Ainsi, un viticulteur pourrait, par exemple, recevoir une alerte en cas de risque de gel, tout en consultant, depuis la même plateforme, l’état de sa trésorerie, ses stocks de produits phytosanitaires et son agenda de travail. Les solutions cloud permettraient de synchroniser les informations en temps réel, offrant une vision complète de l’exploitation.

De telles synergies reposent sur une maîtrise avancée de la data et de la cybersécurité. Dans un monde de plus en plus interconnecté, protéger les données d’exploitation (rendements, marges, etc.) est essentiel. Isagri, acteur historique de l’informatique agricole, dispose déjà de l’expertise requise en la matière, tandis que Sencrop apporte un savoir-faire spécifique lié aux capteurs et à la transmission de données.

Sencrop : chiffres marquants et équipe fondatrice

Afin de mieux cerner la trajectoire de la start-up, revenons sur quelques jalons importants :

  • 2016 : création de Sencrop par Martin Ducroquet et Michaël Bruniaux.
  • 2017 : première levée de fonds d’1,4 million d’euros, lancement des premiers dispositifs connectés dans les parcelles agricoles.
  • 2019 : deuxième levée de fonds (10 millions de dollars), prix de l’innovation au SIMA pour le système de surveillance Leafcrop.
  • 2022 : troisième levée de fonds de 18 millions de dollars, développement de la solution Irricrop axée sur l’irrigation.
  • 2024 : rachat par Isagri, tout en conservant l’équipe d’origine.

Le binôme à l’origine de Sencrop illustre la convergence de deux profils : l’un issu du monde agricole (fils de céréalier), l’autre expert en technologies (ingénieur en informatique). Leur collaboration a permis de développer des produits adaptés à la réalité du terrain, tout en offrant une agilité propre aux start-up.

Perspectives futures

Ce rapprochement entre Isagri et Sencrop marque un temps fort pour le secteur agtech français. Dans un monde agricole en constante mutation, la demande de solutions connectées est en forte progression, portée par l’urgence environnementale, l’évolution des pratiques culturales et la recherche de rentabilité. Le mariage d’une structure familiale solide, active depuis quatre décennies, avec une jeune pousse innovante démontre que la complémentarité peut servir d’accélérateur de croissance.

Sur le plan financier, les investisseurs observent avec attention la capacité d’Isagri à digérer ces multiples acquisitions et à déployer son ambition internationale. L’essor de l’agro-météo constitue un levier de diversification, soutenu par des synergies évidentes en termes de données et de conseil. À plus long terme, on peut envisager un rapprochement encore plus grand entre le domaine météorologique, les analyses de sols, la robotique agricole et l’intelligence artificielle, ouvrant la voie à des exploitations toujours plus autonomes et respectueuses de l’environnement.

Dans ce contexte, l’acquisition de Sencrop par Isagri s’inscrit comme une étape-clé, préfigurant un écosystème agricole de demain plus technologique, plus rentable et plus durable.