À Strasbourg, Woodlight passe à l’étape d’après et prépare la pré-production de ses premières plantes bioluminescentes. Née en 2018 autour d’une intuition simple mais radicale, l’entreprise de Rose-Marie et Ghislain Auclair avance vers un éclairage sans prise électrique, rendu possible par la biologie. Après des années de R&D, la start-up annonce de nouveaux tests et un premier lot en vue d’une commercialisation attendue cet hiver.

Bioluminescence appliquée : l’ambition éclairante de woodlight

Woodlight s’attaque à un angle mort de la transition énergétique : la lumière elle-même. En modifiant génétiquement des plantes pour qu’elles émettent leur propre lumière, la jeune pousse vise à bâtir une alternative complémentaire aux LED, avec une source qui ne consomme ni électricité ni matériaux critiques en phase d’usage. Le mécanisme s’inspire de phénomènes naturels tels que ceux observés chez les lucioles ou certains organismes marins, où des enzymes comme la luciférase déclenchent une émission lumineuse à température ambiante.

Ce positionnement s’inscrit dans un mouvement plus large d’innovation verte, où les solutions de sobriété énergétique abordent non seulement la production d’électricité, mais aussi la façon dont elle est consommée. La lumière, qui représente environ 5 % de la consommation électrique mondiale, reste un levier de gains environnementaux si l’on diversifie les options d’éclairage, y compris par le vivant, dès lors que la sécurité biologique et l’innocuité sont garanties.

Bioluminescence, de quoi parle-t-on vraiment

La bioluminescence est une émission de lumière par un organisme vivant via une réaction chimique contrôlée par des enzymes. Particularité clé : elle ne produit pas de chaleur et peut fonctionner sans alimentation électrique. Appliquée aux plantes, la technologie vise une émission diffuse et continue, avec des paramètres à valider comme l’intensité lumineuse, la stabilité dans le temps et l’impact sur la physiologie du végétal.

La luciférase catalyse l’oxydation de la luciférine en présence d’oxygène. Cette réaction libère de l’énergie sous forme de photons. Dans un organisme végétal, l’enjeu consiste à intégrer et à réguler les gènes nécessaires, tout en maintenant la santé de la plante. Les paramètres de flux lumineux, de couleur et de durée d’émission dépendent du design biologique et des conditions de culture.

Feuille de route 2025 : tests, pré-production et premiers lots

L’entreprise annonce une séquence décisive d’ici la fin de l’année. Objectif affiché : confirmer en conditions contrôlées les performances observées au laboratoire, avant d’ouvrir la voie à une mise sur le marché en période hivernale. Cette étape opérationnelle est portée par un financement récent de 500 000 euros, destiné aux essais et à la pré-production d’un premier lot de plantes bioluminescentes (Actu.fr).

Tests en salle noire : ce qu’il faut mesurer

Les essais en salle noire visent à valider l’émission lumineuse de façon rigoureuse. Pour une solution d’éclairage basée sur le vivant, trois sujets priment :

  • Intensité et homogénéité de la lumière émise sur la durée d’observation.
  • Durée de vie et stabilité des performances, en relation avec le cycle de développement de la plante.
  • Innocuité environnementale, incluant la maîtrise des flux biologiques et le respect des cadres de biosécurité.

La start-up indique que les mesures doivent permettre de statuer sur la capacité des végétaux à fournir un éclairage doux mais exploitable, pour des usages d’ambiance en intérieur ou de signalisation urbaine légère. La pré-production a vocation à consolider les protocoles de culture et à sécuriser la répétabilité des résultats.

Calendrier opérationnel : jalons clés

  • Fin 2025 : campagnes d’essais en environnement contrôlé afin de stabiliser les paramètres d’usage.
  • Courant du trimestre suivant : validation des lots pilotes, avec retours d’expérience sur la maintenance et la robustesse.
  • Hiver 2025-2026 : commercialisation visée, sur des volumes limités et orientés vers des usages tests et pré-séries (Actu.fr).

Ce que Woodlight devra démontrer

Trois points structurant la crédibilité marché :

  1. Reproductibilité des performances d’un lot à l’autre.
  2. Maîtrise du cycle de vie de la plante, avec un cadre d’usage explicite.
  3. Protocoles de biosécurité en environnement réel, alignés avec les exigences européennes.

Capitaux mobilisés et signal aux marchés

En 2023, Woodlight a sécurisé une première levée de 850 000 euros, qui a soutenu le passage de la recherche fondamentale aux prototypes. En septembre 2025, la start-up a annoncé un complément de 500 000 euros auprès d’un cercle restreint de partenaires privés, avec un fléchage clair vers les tests et la pré-production en vue d’une première commercialisation cet hiver (Actu.fr). Les investisseurs restent non dévoilés, ce qui n’est pas rare à ce stade pour des opérations ciblées sur des tickets limités et orientées produit.

Ce séquencement du financement est typique des trajectoires deeptech. La première enveloppe installe les bases scientifiques et la preuve de concept.

La suivante finance la montée en maturité industrielle, sous contraintes réglementaires et avec une attention portée aux coûts variables de culture et de distribution. Dans l’écosystème français, l’intérêt pour ces technologies s’inscrit dans un contexte d’annonces d’investissements record au service de la réindustrialisation et de l’innovation durable, illustré par les engagements communiqués au Sommet Choose France 2025, avec 40,8 milliards d’euros d’investissements et 53 projets annoncés (DGE).

Sans dévoiler de ligne budgétaire, ce type d’enveloppe finance classiquement : l’équipement d’essais en environnement contrôlé, l’extension des capacités de culture, la constitution de lots pilotes, la qualification de fournisseurs et les premiers jalons qualité. S’y ajoutent des dépenses réglementaires et de propriété intellectuelle, selon les priorités retenues.

Ancrage scientifique et réseau d’appui

La trajectoire de Woodlight s’appuie sur un socle académique local et national. Université de Strasbourg et CNRS sont cités parmi les partenaires qui épaulent les travaux en biologie moléculaire et génétique végétale. Ces coopérations garantissent l’accès à des compétences et des plateformes indispensables à l’amélioration des souches et aux tests d’innocuité.

Depuis 2025, la jeune pousse bénéficie aussi de l’accompagnement de l’incubateur Orange. Au-delà du mentorat, ce type de programme peut accélérer la structuration commerciale et l’accès à des terrains d’expérimentation encadrés, éléments déterminants quand il s’agit d’orchestrer des pilotes dans des lieux accueillant du public. La capacité à passer du laboratoire au terrain est une compétence aussi stratégique que la science elle-même pour un acteur qui ambitionne d’éclairer des espaces urbains, même de façon d’ambiance.

Incubation et industrialisation : ce que cela change

  • Réseautage vers des acheteurs publics et privés susceptibles de tester la solution.
  • Accès à des expertises en conformité, sécurité et parcours client.
  • Montée en qualité via des routines industrielles et des outils de suivi.

France 2030, point de repère utile

Lancé en 2021, le programme France 2030 soutient l’innovation sur des filières stratégiques. Woodlight n’est pas annoncé comme lauréat à ce stade. En revanche, l’existence d’appels à projets dédiés aux technologies vertes et aux sciences, régulièrement publiés, structure un environnement d’aides et de cofinancements potentiels pour des projets de développement et d’industrialisation.

Genèse et vision : de l’idée au terrain

Woodlight est créée en 2018 à Strasbourg par Rose-Marie et Ghislain Auclair, deux biologistes qui ont voulu transformer l’intuition de la bioluminescence en cas d’usage concret. Très tôt, l’entreprise s’intéresse à la ville et à l’éclairage d’appoint.

Un article de 2019 souligne déjà cette orientation, avec l’objectif de réduire la pollution lumineuse et les émissions associées à l’éclairage urbain en intégrant des plants lumineux aux espaces publics. En 2022, les efforts environnementaux de la start-up sont de nouveau mis en lumière dans la presse, avec l’idée d’un éclairage naturel et doux, en cohérence avec la transition écologique.

Les fondateurs, aux commandes de la r&d

À la tête du projet, Rose-Marie et Ghislain Auclair ont misé sur une trajectoire longue, typique des innovations de rupture biologique. Leur rôle ne se limite pas à l’invention.

La construction de la filière, la sécurisation des partenariats scientifiques et l’alignement réglementaire sont à ce stade des contributions tout aussi stratégiques. La communication restreinte autour des détails techniques évite d’exposer la propriété intellectuelle, tout en maintenant un cap clair sur la preuve d’usage à court terme.

Les collectivités cherchent des solutions d’éclairage économe et acceptable socialement. Une source lumineuse végétale peut répondre à des besoins d’ambiance, de balisage discret ou de signalétique douce, là où l’intensité requise est faible et où la qualité d’expérience prime. À condition toutefois de démontrer la maîtrise des risques biologiques et l’entretien.

Cas d’usage, contraintes réglementaires et réalités de mise en œuvre

Les applications potentielles se déclinent en trois familles : éclairage urbain d’ambiance et de balisage, jardins et intérieurs décoratifs, zones rurales peu électrifiées où l’apport d’une source lumineuse autonome, même modeste, est utile. La direction prise dès 2019, qui visait une intégration en ville, reste d’actualité à l’heure des tests préindustriels.

Scénarios d’usage à court terme

  • Signalisation douce dans des parcs, allées et zones piétonnes, pour créer un repère visuel nocturne sans intensité excessive.
  • Ambiance d’intérieur pour des espaces d’accueil ou d’événementiel, avec une composante esthétique différenciante.
  • Balisage temporaire d’itinéraires ou installations éphémères, lorsque l’accès à l’électricité est limité.

Ces scénarios supposent des protocoles d’installation et de maintenance adaptés au vivant. La chaîne de valeur diffère de celle d’un équipement électrique. La formation, le renouvellement et la logistique de culture deviennent des paramètres centraux du coût total de possession.

Règles ogm et biosécurité : cap à tenir

Parce que la technologie implique une intervention génétique, les réglementations européennes sur les OGM et les dispositifs nationaux associés s’appliquent. Les partenariats scientifiques cités, notamment avec le CNRS, sont un atout pour formaliser et auditer les bonnes pratiques, de la culture à l’usage. L’entreprise met en avant la conformité aux normes en vigueur comme un critère de déploiement inconditionnel.

  • Traçabilité des lots et contrôle des flux biologiques.
  • Confinement et modalités précises de culture et d’implantation.
  • Communication claire auprès des utilisateurs et des autorités locales.

L’acceptabilité publique sera d’autant plus élevée que les bénéfices environnementaux et la maîtrise des risques seront lisibles. Les tests programmés d’ici la fin de 2025 sont structurants pour objectiver ces éléments.

Le statut OGM introduit des exigences supplémentaires : dossiers techniques, protocoles encadrés, signalement des sites d’essai, procédures d’évaluation des risques. Pour une application d’éclairage, cela se traduit par des périmètres d’usage définis, la prévention de disséminations non souhaitées et une gouvernance partagée avec les autorités compétentes.

Lecture économique : chaîne de valeur et attractivité d’une lumière vivante

Le pari de Woodlight n’est pas de concurrencer les luminaires sur la puissance, mais d’introduire une catégorie d’éclairage autonome, faible intensité, forte valeur d’usage. Sa proposition s’apprécie par des critères distincts de la performance watt-lumen traditionnelle, avec des bénéfices potentiels en CO2 évité lors de l’usage, une dimension esthétique et un capital d’attention inédit pour les lieux qui les adoptent.

Qui achète, pourquoi et comment décider

  • Collectivités locales qui cherchent des balisages nocturnes économes et acceptables, dans des parcs ou parcours.
  • Acteurs du retail, de l’hôtellerie et de l’événementiel attirés par un dispositif différenciant.
  • Particuliers éco-responsables en quête d’objets lumineux vivants pour l’intérieur.

La décision d’achat reposera sur des preuves concrètes issues des lots pilotes : durée d’émission, facilité d’entretien, protocole de remplacement, périmètre d’usage autorisé. La performance ne se mesure pas uniquement à l’intensité, mais aussi à la stabilité et à l’expérience produite par l’objet vivant dans son environnement.

Scénario type pour une collectivité pilote

Un territoire peut lancer une expérimentation limitée sur quelques sites balisés, avec un protocole défini de suivi hebdomadaire. Les métriques incluent l’intensité perçue dans un laps de temps donné, l’évolution selon la météo et la saison, la maintenance nécessaire et le retour d’expérience des usagers. Ce scénario permet de valider la pertinence d’un déploiement plus large, sans engager d’emblée des volumes importants.

Repères chiffrés et étapes clés

Éléments confirmés à ce jour :

  1. 2018 : création à Strasbourg par Rose-Marie et Ghislain Auclair.
  2. 2019 : intention d’usage urbain et réduction de la pollution lumineuse déjà affirmée.
  3. 2022 : mise en avant médiatique des bénéfices environnementaux potentiels.
  4. 2023 : levée de fonds de 850 000 euros.
  5. Septembre 2025 : nouveau financement de 500 000 euros pour tests et pré-production, avec une commercialisation visée hiver 2025-2026.

Gouvernance d’innovation : ce que révèle la trajectoire

La séquence suivie par Woodlight met en lumière une gouvernance prudente et orientée impacts. Peu de promesses chiffrées sur des performances commerciales en amont, beaucoup de communications centrées sur la validation scientifique, la conformité et les jalons mesurables. Cette approche est adaptée à un produit qui touche au vivant, sous contrainte d’acceptabilité et de conformité.

La visibilité offerte par des relais académiques et un incubateur d’envergure facilite l’accès à des dialogues avec des prescripteurs industriels et des collectivités. Les tests en conditions contrôlées seront la pierre angulaire de la décision d’achat, mais également de la stratégie de propriété intellectuelle et de la sécurisation de la chaîne d’approvisionnement végétale, deux sujets critiques avant tout déploiement massif.

Points de vigilance pour les acteurs économiques

  • Encadrement réglementaire des sites d’essai et zones de déploiement.
  • Capacité de production à stabiliser, entre culture, contrôle qualité et logistique.
  • Maintenance et remplacement, qui définissent le coût total d’usage.
  • Communication auprès du public sur les bénéfices et les limites du dispositif.

Ce que surveiller d’ici l’hiver 2025

Les prochains mois serviront de révélateur. Seront déterminants : la tenue des performances en salle noire, la capacité à sortir des lots homogènes et la formalisation de protocoles d’usage compatibles avec les cadres OGM. La commercialisation visée cet hiver marquera un tournant si les preuves d’usage et de conformité sont au rendez-vous.

Au-delà de l’objet technologique, la réussite de Woodlight dira quelque chose de l’aptitude du marché français à adopter des solutions de lumière basées sur le vivant. Le dossier concentre science, régulation et design d’expérience. C’est précisément à cette intersection que se jouent les innovations durables les plus exigeantes.

Affaire à suivre d’ici aux premiers retours de pré-production.