Les Français partagés sur l'ultra fast fashion : un tournant imminent
Une majorité soutient des mesures pour réguler l'ultra fast fashion, découvrons les chiffres et les implications pour 2026.

26 % des Français ont acheté de l’ultra fast fashion ces derniers mois, mais 69 % souhaitent freiner son expansion. Entre arbitrages budgétaires et exigences climatiques, la fracture s’affiche au grand jour, alors que Shein s’invite aux Galeries Lafayette et au BHV Marais. En toile de fond, des leviers fiscaux et réglementaires se dessinent pour 2026, avec un coût potentiel pour les modèles importés à faible valeur.
Consommation vestimentaire 2025 : arbitrages des Français entre prix et impact
Le dernier panorama de consommation met en évidence une double dynamique. D’un côté, l’ultra fast fashion progresse via des plateformes d’origine chinoise, tirée par des prix cassés et des collections renouvelées au rythme de l’algorithme. De l’autre, l’opinion publique soutient des garde-fous pour en limiter l’empreinte environnementale et sociale.
Selon un sondage cité par plusieurs médias, 26 % des répondants ont acheté des articles d’ultra fast fashion récemment, en grande partie chez Shein ou Temu. En parallèle, les marques de fast fashion dites traditionnelles (Zara, H&M, Kiabi) rassemblent 48 % des achats, loin devant les vêtements de supermarché (13 %), le haut de gamme (11 %) et le luxe (2 %). Ces chiffres illustrent une pyramide des prix qui structure l’acte d’achat autant que les valeurs affichées.
Le soutien aux contre-mesures est lui aussi net. 69 % des Français se prononcent en faveur d’outils pour freiner l’expansion de l’ultra fast fashion, notamment par de nouvelles règles ou des taxes.
Parmi les leviers testés, 45 % appuient des taxes élevées sur les petits colis importés, et 44 % soutiennent une réduction de TVA en faveur des marques produisant en France ou en Europe. Le signal envoyé au décideur public est clair : encourager une production plus responsable tout en renchérissant les envois de faible valeur dont les plateformes tirent une partie de leur avantage.
Lecture économique des chiffres-clés
Le couple 26 % d’acheteurs ultra fast fashion et 69 % favorables à des mesures restrictives révèle une élasticité-prix forte, mais aussi une conscience environnementale. La faisabilité politique d’un durcissement fiscal s’en trouve renforcée, tandis que la rentabilité unitaire des paniers de faible valeur d’importation devient le point d’impact le plus probable.
Fiscalité des petits colis : cap annoncé dans le PLF 2026
Le projet de loi de finances pour 2026 prépare un dispositif de taxation des colis de moins de 150 euros, fréquemment mobilisés par les plateformes françaises ou étrangères pour expédier à bas coût. L’objectif affiché est de corriger des écarts concurrentiels liés aux envois de très faible valeur et aux volumes fragmentés. Dans l’habillement, cette mécanique irrigue une large partie des modèles logistiques transfrontières à bas prix.
Sur le plan économique, une taxation additionnelle pèse directement sur la marge brute des paniers unitaires de très faible montant. Elle change l’équation de coûts du dernier kilomètre, de l’emballage unitaire et des retours.
Elle pourrait remettre en question l’attrait des micro-commandes, cœur de l’entonnoir d’acquisition des plateformes d’ultra fast fashion. À l’inverse, elle ouvre une fenêtre de compétitivité relative pour les acteurs qui produisent ou finissent en Europe, si l’effet prix est partiellement compensé par des gains logistiques ou du marketing de proximité.
- Incidence à la caisse : renchérissement prévisible des tickets moyens très bas, premiers touchés par un droit spécifique.
- Impacts supply chain : arbitrages sur la consolidation des colis, les stocks tampon et la politique de retours gratuits.
- Marketing : repositionnement possible vers les paniers multiproduits et des offres packagées.
Les plateformes optimisent l’acheminement en lots de faible valeur pour éviter les coûts d’entrée élevés par colis. L’ajout d’une taxe spécifique réduit l’intérêt des expéditions unitaires, incite à regrouper les commandes et peut déplacer les investissements vers des hubs européens pour améliorer le time-to-market. Pour la distribution physique, l’effet de substitution vers le click and collect local pourrait s’amplifier.
Proposition de loi au Sénat : encadrement de l’ultra fast fashion
Le 2 juin 2025, une proposition de loi a été examinée au Sénat pour freiner la fast fashion, avec un ciblage explicite des plateformes à très grand volume et à faible prix unitaire. Selon la communication publique, le texte vise à ralentir l’importation massive de vêtements bon marché depuis la Chine et à rehausser les exigences environnementales applicables au secteur.
Au-delà du symbole, la dimension normative est appelée à agir sur deux fronts. D’abord, la conformité environnementale des produits, avec des standards plus exigeants. Ensuite, des leviers économiques susceptibles de corriger les avantages comparatifs de la production éloignée. L’architecture exacte dépendra des arbitrages parlementaires et de l’articulation avec la future loi de finances.
Points saillants du calendrier législatif
- 2 juin 2025 : examen au Sénat d’une proposition contre la fast fashion, avec un renforcement des exigences environnementales évoqué.
- PLF 2026 en préparation : introduction envisagée d’une taxe sur les colis de moins de 150 euros et d’un traitement fiscal différencié.
- Horizon 2026 : articulation des textes budgétaires et sectoriels pour stabiliser le cadre de marché.
Définition opérationnelle et périmètre
Le ciblage de l’ultra fast fashion renvoie aux plateformes fonctionnant avec une rotation extrême des collections, des cycles de décision pilotés par la donnée, et un modèle reposant sur d’innombrables références à faible volume par référence. À ce stade, les paramètres réglementaires précis de ce périmètre restent discutés au niveau national et européen.
L’ultra fast fashion pousse à l’extrême la logique de la fast fashion : micro-séries, tests en temps réel, réassorts ultra-rapides. Les marques de fast fashion traditionnelle conservent des cycles plus longs et une distribution plus intégrée. Le haut de gamme et le luxe privilégient des volumes moindres, un sourcing plus sélectif et une valeur immatérielle accrue.
Shein dans les grands magasins parisiens : réception marché et risques réputationnels
Shein s’installe dans cinq magasins Galeries Lafayette et au BHV Marais. La greffe suscite des réactions tranchées : 52 % des Français regardent négativement l’arrivée au BHV Marais, et près d’un sur deux s’oppose à la poursuite du déploiement en France, tandis que 29 % y sont favorables. Les attributs de marque pointés par les réfractaires tiennent à la qualité perçue et à des pratiques éthiques contestées.
La conséquence la plus visible est intervenue le 8 octobre 2025 : la Banque des Territoires a renoncé au rachat des murs du BHV, décision explicitement reliée aux controverses provoquées par l’arrivée de Shein dans l’enseigne parisienne historique (L’Alsace). Sur le plan financier, ce retrait illustre le poids d’un risque réputationnel dans les décisions d’investissement immobilier, y compris pour un acteur institutionnel.
BHV Marais : décision de la Banque des Territoires
Le BHV Marais concentre un capital symbolique fort. L’annonce d’un partenariat avec une plateforme très contestée a modifié le profil de risque du site, au point de provoquer un désengagement de l’acheteur pressenti des murs. La séquence éclaire un enseignement pour le retail immobilier : le mix enseignes devient un déterminant de valorisation.
Galeries Lafayette : rajeunissement de la clientèle
Shein met en avant sa capacité à attirer les 18-34 ans. Le partenariat est présenté comme un levier de rajeunissement du trafic magasins. À court terme, l’enjeu sera de mesurer l’effet halo sur l’ensemble de l’écosystème Galeries Lafayette et l’impact sur le panier moyen du grand magasin, structurellement plus élevé que celui des plateformes.
Signal à l’écosystème retail
La controverse autour de l’implantation de Shein dans des adresses emblématiques met en évidence une nouvelle métrique extra-financière pour les bailleurs et investisseurs : la tolérance sociale des enseignes locataires. Elle peut désormais affecter le coût du capital, la liquidité des actifs et l’appétence des partenaires institutionnels.
Effets macroéconomiques : importations chinoises en hausse et pression sur la filière
Du point de vue sectoriel, la dépendance aux importations progresse. Les statistiques disponibles indiquent une hausse de 15 % des importations textiles en provenance de Chine entre 2023 et 2024.
En septembre 2025, la part de marché des importations chinoises dans le textile en France est estimée à 35 %, contre 28 % en 2023. Ce déplacement rapide du centre de gravité pèse sur la marge et l’emploi de la filière tricolore.
Le débat public traduit ce sentiment de pression. D’après un sondage, 47 % des Français considèrent que Shein nuit à l’emploi local.
En réaction, des politiques de soutien à l’innovation et à la relocalisation se déploient. France 2030 a annoncé en mai 2025 l’appui à 175 projets innovants dans la mode et les industries créatives, parmi lesquels des initiatives de relocalisation textile. Le même mois, cinq projets des Hauts-de-France ont été sélectionnés dans la dynamique de la Grande Fabrique de l’image, avec un fil conducteur éco-responsable.
Pimkie : collaboration et controverses
Des acteurs français comme Pimkie ont testé des collaborations avec Shein. Cet essai de distribution croisée n’a pas inversé le jugement d’une partie du public, qui continue d’associer l’ultra fast fashion à une pression négative sur l’appareil productif local. Pour les marques nationales, le calcul coût-opportunité intègre désormais explicitement la réaction sociale aux alliances commerciales.
L’ultra fast fashion agit par substitutions diffuses : baisse des volumes pour des ateliers locaux, pression prix sur les intermédiaires, déflation du prêt-à-porter d’entrée de gamme. En l’absence d’obligation de transparence consolidée des chaînes d’approvisionnement, isoler l’effet net sur l’emploi devient complexe. D’où l’intérêt d’indicateurs indirects : part des importations, taux de marge des distributeurs, évolution des faillites dans l’habillement.
Qui achète sur Shein : sociologie d’un usage en ligne
Malgré une forte visibilité, 67 % des Français n’ont pas commandé sur Shein dans les six derniers mois. La marque recrute essentiellement chez les 18-34 ans : 43 % déclarent un achat récent, contre 38 % des 35-55 ans et 19 % des 55-75 ans. Cette distribution par tranche d’âge épouse l’accélération des usages de l’e-commerce chez les jeunes, dont la consommation de mode en ligne a augmenté de 22 % entre 2023 et 2024.
Le modèle de Shein s’appuie sur des micro-tickets, des renouvellements ultra fréquents et un marketing d’influence. L’entrée en grands magasins vise à convertir cette base digitale vers le physique, avec une promesse de trafic additionnel pour les hôtes. Le risque inverse est l’érosion de la proposition de valeur du grand magasin si la coexistence déstabilise l’image-prix ou l’éditorial marchand.
Shein : modèle et controverse
- Rotation extrême des références, pilotée par les données de clics et d’achats.
- Prix très bas et paniers multiproduits à valeur unitaire réduite.
- Critiques récurrentes sur l’empreinte environnementale et les pratiques sociales.
Cette combinaison expliquerait à la fois la traction des jeunes et la défiance d’une majorité de la population qui approuve des mesures de freinage, dont des taxes ou un avantage fiscal ciblé pour les productions locales. Les discussions européennes sur une TVA harmonisée pourraient aussi venir structurer l’arbitrage prix-qualité dans les années à venir.
Réduction de TVA sur les marques françaises et européennes : implications
Une baisse de TVA ciblée soutenue par 44 % des répondants serait un instrument pro-compétitivité pour la confection locale. Effets probables : signal prix positif en caisse pour les achats responsables, meilleur amortissement des coûts de production, et différenciation lisible au moment du choix. La calibration du champ d’application sera un enjeu d’équité concurrentielle.
Régulation et opinion publique : un tandem qui pèse sur la stratégie des enseignes
Sur les réseaux, la conversation se polarise et nourrit le calendrier politique. Les posts qui s’opposent à Shein pointent l’impact environnemental et la contribution fiscale présumée insuffisante. Dans les enquêtes, environ sept Français sur dix plébiscitent un ralentissement de l’expansion des géants chinois de l’habillement, confirmant la trajectoire d’un encadrement renforcé du secteur à brève échéance (Ipsos).
Pour les enseignes physiques, l’équation est délicate. L’atout trafic d’un partenaire ultra populaire peut être neutralisé par l’aversion d’une partie des clients historiques, et par le coût réputationnel auprès des investisseurs. L’épisode du BHV, avec le retrait de la Banque des Territoires, montre que la composition d’enseignes devient un risque à part entière, susceptible de modifier un deal immobilier à haute visibilité en quelques jours (L’Alsace).
Du côté de la puissance publique, le couple proposition de loi et PLF 2026 dessine un corpus de règles pour freiner les effets externes négatifs attribués à l’ultra fast fashion. Parallèlement, la mobilisation de France 2030 et la sélection de projets régionaux, notamment dans les Hauts-de-France, indiquent un appui à des filières créatives et productives orientées vers des modèles plus durables.
Trois leviers sont souvent cités par les acteurs du retail : i) des partenariats à durée déterminée avec clauses de sortie en cas de risque réputationnel avéré, ii) une éditorialisation renforcée autour d’offres responsables pour rééquilibrer l’image, iii) une pédagogie prix qui explicite la valeur d’usage et la durabilité. Sans toucher à la liberté du commerce, ces outils aident à gérer la perception.
2026 en ligne de mire : arbitrages publics et choix consommateurs
L’année 2026 devrait être un moment de vérité pour le modèle des envois à faible valeur. La taxation des petits colis, si elle est adoptée, rebattra les cartes du coût complet de l’ultra fast fashion en France. Combinée à des normes environnementales plus strictes, elle pourrait déplacer l’avantage comparatif vers des produits mieux traçables et partiellement localisés.
Reste une inconnue centrale : la capacité des ménages à absorber un renchérissement du panier habillement d’entrée de gamme. Entre contrainte budgétaire et appétence pour des achats plus responsables, la décision se fera en rayon, au clic et dans la durée. Le vote final appartient au consommateur, mais l’arbitre du cadre de jeu reste le législateur.