À Charleville-Mézières, Armytec 3D accélère son offensive industrielle. Le GIE ardennais lance son premier produit propriétaire, le Trekkady, un porte-charge pensé pour l’usage militaire, et vise une production de 100 unités en 2027. L’enveloppe de départ, 150 000 euros sur trois ans, doit permettre de passer du prototype à la série, avec une montée en cadence dès 2026.

Trekkady : industrialisation d’un porte-charge low-tech pour 2026-2027

Le pivot stratégique est clair : sortir de la seule logique de sous-traitance pour installer un produit propriétaire au catalogue. Le Trekkady, porte-charge de 30 à 40 kg destiné aux forces militaires, synthétise cette ambition.

L’équipement répond à un cahier des charges volontairement sobre, dans une logique low-tech valorisée par les retours d’expérience récents des théâtres de conflit, notamment en Ukraine. L’objectif affiché est d’atteindre le seuil d’équilibre à 100 unités par an, avec un démarrage industriel possible en 2026 et la cible de volume fixée à 2027.

Sur le plan industriel, Armytec 3D annonce une fabrication majoritairement internalisée, avec seulement quelques pièces spécifiques sous-traitées si nécessaire. Le groupement a acquis le brevet du Trekkady, sécurisant ainsi la propriété intellectuelle et la maîtrise de la chaîne de valeur. Cette bascule vers un actif produit est clé pour la dynamique de marge, les produits en propre offrant des perspectives de rentabilité supérieures à celles des prestations de sous-traitance.

Le plan de charge se structure autour d’une montée en maturité du produit. La période 2025-2027 servira à optimiser et simplifier le design, valider les jalons d’industrialisation et adapter une ligne existante.

L’investissement global, 150 000 euros sur trois ans, couvre cette trajectoire et intègre un paiement échelonné du brevet. Armytec 3D privilégie un pilotage serré et interne de la dépense, sans ouverture du capital.

Trekkady : points saillants à retenir

  • Capacité nominale : 30 à 40 kg.
  • Modèle industriel : production majoritairement interne.
  • Dépenses prévues : 150 000 euros sur trois ans pour l’industrialisation et le brevet.
  • Équilibre : 100 unités par an.
  • Calendrier : possible lancement en 2026, objectif volume en 2027.

GIE Armytec 3D : taille critique et gouvernance industrielle

Qui est Armytec 3D ?

Créé en 2023, le GIE Armytec 3D rassemble 14 entreprises, principalement ardennaises, spécialisées dans des métiers industriels complémentaires : fonderie, bouclerie, usinage, chaudronnerie, tôlerie fine, connectique et logistique. Ensemble, ces sociétés cumulent plus de 1 000 collaborateurs pour un chiffre d’affaires supérieur à 180 millions d’euros (données communiquées par Armytec 3D). L’entité est immatriculée sous le SIREN 980223077, avec une activité orientée vers les opportunités des marchés de la Défense, une orientation confirmée en septembre 2023.

Le GIE est présidé par Guillaume Malherbe, également dirigeant de Pragma Consulting, membre du groupement. Sa feuille de route : apporter une taille critique aux PME pour se positionner face aux attentes de consolidation de la filière, en écho aux orientations du Ministère des Armées. Cette approche s’inscrit dans la volonté des donneurs d’ordres de sécuriser des partenaires capables de tenir des volumes, des délais et des exigences qualité sur plusieurs années.

Synergies industrielles et positionnement

En unissant des expertises complémentaires, Armytec 3D renforce sa capacité à couvrir un périmètre élargi de besoins, de la pièce unitaire à l’assemblage complexe. Prospection, négociation, pilotage de projets : le GIE mutualise les fonctions commerciales et techniques, apportant un flux d’affaires récurrent à ses membres. À l’automne 2023, la presse économique régionale présente Armytec 3D comme un leader français sur la production de pièces mécaniques pour la Défense, du fait d’une puissance industrielle et technologique conjuguée à une gouvernance coordonnée.

Un GIE permet à des entreprises juridiquement indépendantes de mettre en commun des moyens pour développer leurs activités. Les membres restent maîtres de leurs comptes et de leur production. Le GIE porte la prospection, la gestion de projet et la coordination, sans se substituer aux ateliers. Ce format facilite la réponse à des marchés nécessitant un panel d’expertises et des capacités de production agrégées.

Régime fiscal des GIE : ce que dit l’article 239 quater du CGI

Les GIE ne sont pas imposables sur leurs bénéfices : le résultat est réparti entre les membres, qui l’intègrent à leur propre base fiscale. Ce mécanisme, prévu par l’article 239 quater du Code général des impôts, favorise la mutualisation sans créer une couche d’imposition supplémentaire.

Carnet d’affaires : cinq négociations pluriannuelles en cours

Au-delà du Trekkady, le GIE avance sur des dossiers structurants. Cinq contrats sont actuellement en négociation, avec une visibilité pluriannuelle et une exécution en sous-traitance. Deux axes se distinguent :

  • La fabrication de systèmes de tourelles de défense anti-aériennes, qui mobilise savoir-faire mécaniques et exigences de qualité propres aux équipements de Défense.
  • Des pièces de rechange pour le secteur ferroviaire, un marché industriel exigeant en traçabilité, procédés qualifiés et tenue des délais.

Ce portefeuille témoigne de la capacité d’Armytec 3D à se caler sur les besoins des donneurs d’ordres majeurs, et à s’aligner sur les axes d’innovation promus par les institutions, notamment l’Agence de l’Innovation de Défense.

Avec l’AID : relais d’innovation et montée en maturité

Les orientations du Ministère des Armées encouragent la consolidation de la filière et l’intégration de solutions innovantes. À ce titre, la vitrine du Forum Innovation Défense 2025 met en avant des projets thématiques et des exposants, avec une feuille de route publiée le 13 août 2025 (defense.gouv.fr). Pour un GIE comme Armytec 3D, ces espaces accélèrent la rencontre entre besoins opérationnels et offres industrielles, et fluidifient l’accès aux décideurs.

Créée en 2018, l’AID soutient la R&D, l’expérimentation et les démonstrateurs. Elle finance des projets et accompagne leur montée en maturité jusqu’à l’industrialisation lorsque l’usage militaire le justifie.

En 2023, le budget de la Défense a atteint 43,9 milliards d’euros, avec une part orientée vers l’innovation (rapport gouvernemental 2023). Pour les PME et GIE, l’enjeu consiste à transformer ces soutiens en volumes récurrents.

Origine du Trekkady : du Forum Innovation Défense 2024 à l’achat de brevet

Forum Innovation Défense 2024 : déclencheur industriel

Le chemin du Trekkady vers l’industrialisation s’est accéléré lors du Forum Innovation Défense 2024. Les représentants d’Armytec 3D y découvrent une présentation portée par un commandant, autour d’un projet pour lequel deux années de R&D avaient déjà été conduites avec l’inventeur.

Aucun industriel n’avait encore pris le relais. Le GIE franchit le pas : achat du brevet et objectif de production interne.

Pour Guillaume Malherbe, l’intérêt est double. D’abord, le Trekkady coche les cases d’une solution simple, robuste et rapidement déployable, dans l’esprit du low-tech.

Ensuite, il pose la première brique d’un catalogue propriétaire qui complète les activités de sous-traitance. La combinaison des deux modèles permet de sécuriser le risque, de stabiliser la marge et d’élargir le spectre des discussions avec les donneurs d’ordres.

Les doctrines d’emploi récentes montrent l’utilité d’équipements mécaniques simples, faciles à entretenir, peu dépendants d’approvisionnements critiques et résilients en environnement dégradé. L’approche low-tech n’exclut pas la performance : elle privilégie la robustesse, la réparabilité et le coût maîtrisé, trois critères centraux pour des unités déployées et des maintenanciers sous contrainte.

Plan de financement et calendrier : 150 000 euros sur trois ans

Allocation des fonds et organisation industrielle

Le besoin estimé à 150 000 euros, étalé sur trois ans, se concentre sur quatre blocs :

  • Optimisation produit : simplification, robustification, préparation aux essais d’usage.
  • Industrialisation : adaptation d’une chaîne de production existante pour limiter l’investissement de capex et réduire le time-to-market.
  • Propriété intellectuelle : paiement échelonné du brevet et sécurisation documentaire.
  • Qualité et supply chain : gamme de contrôle, qualification des sous-ensembles spécifiques.

Le financement est géré en interne : pas d’entrée de fonds externes au capital. Cette discipline financière ménage l’indépendance du GIE et facilite l’alignement stratégique des membres. Le seuil d’équilibre est fixé à 100 Trekkady produits par an, ce qui cadre la montée en cadence et les jalons d’investissement.

Accélérateur C2IME : une audition décisive

Le projet Trekkady a été auditionné par le C2IME, l’accélérateur industriel de la Région Grand Est positionné sur les projets lorrains et territoriaux. Une décision est attendue en octobre 2025, selon Guillaume Malherbe. L’appui potentiel du C2IME viendrait conforter la trajectoire d’industrialisation et offrirait un relais en ingénierie de projet, sans dénaturer le choix de financement interne.

C2IME : apport opérationnel pour un projet comme Trekkady

  • Structuration des étapes d’industrialisation et du plan de charge.
  • Appui à la montée en compétences industrielles et à la standardisation.
  • Visibilité régionale accrue pour l’agrégation de partenaires techniques complémentaires.

Effets économiques dans le Grand Est : ancrage ardennais et diversification

Un levier d’activité pour l’écosystème local

Avec plus de 1 000 emplois et un chiffre d’affaires cumulé de plus de 180 millions d’euros, les membres d’Armytec 3D pèsent dans l’économie ardennaise et au-delà. La région, à fort héritage industriel, trouve dans la Défense un relai de croissance aligné avec les objectifs de souveraineté. Le projet Trekkady s’inscrit dans cette logique, avec des retombées potentielles sur la chaîne d’approvisionnement locale et l’occupation des ateliers.

Selon l’INSEE, la Région Grand Est compte environ 200 000 entreprises. La montée des dispositifs d’innovation et d’accélération industrielle crée un environnement favorable aux groupements structurés. Armytec 3D, en se positionnant sur la Défense et en développant une offre propriétaire, consolide sa proposition de valeur auprès des grands comptes comme des institutions.

Ouverture au civil : discussions avec les pompiers des Ardennes

Le Trekkady n’est pas cantonné à l’usage militaire. Des discussions sont en cours avec les pompiers des Ardennes, ce qui élargit l’éventail d’applications potentielles. Pour le GIE, cette extension ouvre des scénarios de diversification et de lissage des volumes, tout en restant fidèle au cahier des charges d’une solution robuste, maintenable et utilisable sur le terrain par des équipes aux missions critiques.

Les caractéristiques qui servent les forces armées intéressent aussi les services civils : portage de charges sur terrain difficile, faible maintenance, mise en œuvre rapide. Selon l’issue des essais d’usage, les services d’incendie, de secours ou certaines unités de protection civile pourraient y trouver un outil d’augmentation des capacités terrain.

Gouvernance et cap industriel : de la prospection à la propriété produit

Processus commercial intégré

Le GIE a été structuré pour gérer l’ensemble de la chaîne commerciale en amont des ateliers : démarchage, qualification des besoins, négociation contractuelle, pilotage des projets. Cette organisation apporte deux bénéfices immédiats aux membres :

  • Une récurrence de commandes qui sécurise les plans de charge et l’emploi.
  • Une mutualisation des risques, en évitant la dépendance d’une PME à un ou deux donneurs d’ordres.

Avec le Trekkady, l’architecture de gouvernance intègre désormais la gestion d’un actif propriétaire : veille technique, ingénierie de production, qualité produit et amélioration continue. En pratique, le GIE organise la montée en cadence sans perturber la continuité d’exécution des contrats de sous-traitance, cœur de son activité actuelle.

Partenariats et alignement avec la filière Défense

Les appels à la consolidation de la filière, portés par le Ministère des Armées, incitent à des configurations capables d’absorber des commandes pluriannuelles. Armytec 3D coche plusieurs cases : maillage d’expertises, capacité à industrialiser rapidement, pilotage qualité et logistique. La présence sur des événements sectoriels, tels que le Forum Entreprises Défense 2025 organisé par la SIMMT, contribue à renforcer la visibilité du GIE auprès des unités clientes et des acteurs de la MCO terrestre.

Chiffres clés Armytec 3D

  • Année de création : 2023.
  • Membres : 14 entreprises, majoritairement ardennaises.
  • Effectifs cumulatifs : plus de 1 000 collaborateurs.
  • Chiffre d’affaires cumulé : plus de 180 M€.
  • SIREN : 980223077.
  • Contrats en négociation : 5, dont systèmes de tourelles anti-aériennes et pièces ferroviaires.

Un jalon pour la filière : ce que change l’arrivée d’un produit propriétaire

Le passage à un produit propriétaire est une inflexion structurante pour la trajectoire d’Armytec 3D. Il s’agit d’installer un actif qui stabilise la marge, élargit le spectre commercial et crédibilise le GIE comme développeur et non plus uniquement comme intégrateur. À court terme, la réussite se mesurera à trois marqueurs :

  • La capacité à tenir le calendrier d’industrialisation jusqu’à la première série.
  • La conversion d’intentions d’usage, côté Armée et services civils, en commandes fermes.
  • La robustesse du modèle dual, combinant sous-traitance pluriannuelle et ventes de Trekkady.

À moyen terme, Guillaume Malherbe positionne le Trekkady comme une première pierre d’un portefeuille d’équipements propriétaires. L’industrialisation servira alors de gabarit pour d’autres produits ciblés sur des besoins opérationnels simples, à forte valeur d’usage.

Cap industriel franchi par Armytec 3D

En plaçant le Trekkady sur une trajectoire d’industrialisation réaliste et financée, Armytec 3D se dote d’un atout stratégique : un produit maison, aligné avec les attentes d’efficacité et de simplicité exprimées par les forces. La décision attendue du C2IME en octobre 2025 fera office de test, mais le cap est posé, sans dépendance à un financement externe.

L’ancrage ardennais, la dynamique de sous-traitance et le développement d’actifs propriétaires forment un triptyque cohérent pour la filière. La visibilité offerte par les rendez-vous sectoriels, notamment le FID 2025 et le FED 2025, peut accélérer le passage de l’intention à la commande. Reste à transformer l’essai industriel en volume vendu et maintenu dans la durée.