Les Confitures du Climont : déménagement et innovation à Maisonsgoutte
Découvrez comment Les Confitures du Climont s'agrandissent à Maisonsgoutte tout en préservant leur savoir-faire artisanal.

Quitter ses Vosges alsaciennes pour s’agrandir mais sans sacrifier l’artisanat. C’est l’équation que s’apprêtent à résoudre Les Confitures du Climont, qui transfèrent leur outil de production de Ranrupt à Maisonsgoutte. À la clé, une montée en puissance maîtrisée, une expérience de visite repensée et des investissements lourds pour une PME alsacienne qui vient de franchir le cap du million d’euros de chiffre d’affaires annuel.
Cap industriel en alsace centrale : un transfert calibré et daté
Installée depuis près de quatre décennies à Ranrupt (Bas-Rhin), l’entreprise familiale va stopper sa production sur le site historique le 11 septembre 2025. La fabrication sera relocalisée à Maisonsgoutte, à une dizaine de kilomètres, dans un bâtiment de plus de 1 000 m² de plain-pied, pensé pour l’accueil du public et pour la sécurité au travail.
Le choix du plain-pied répond à une double logique. D’abord, optimiser les flux de matières et d’équipes dans un atelier artisanal où la manutention manuelle demeure déterminante. Ensuite, satisfaire aux exigences d’accessibilité et d’accueil en qualité d’établissement recevant du public, avec des parcours de visite plus fluides et inclusifs.
L’entreprise, qui emploie entre 10 et 19 salariés selon la saison, vise un socle de production plus efficace, sans industrialisation lourde. Le savoir-faire reste centré sur des recettes à base de fruits et sucre uniquement, sans additifs ni conservateurs, une signature qui forge la marque et son ancrage auprès des visiteurs comme des détaillants.
Agenda opérationnel du déménagement
Jusqu’au 31 août : visites commentées gratuites et dégustations au site de Ranrupt.
Du 1er au 11 septembre : dernier accueil des visiteurs à Ranrupt.
À partir du 11 septembre 2025 : arrêt définitif de la production à Ranrupt et bascule vers Maisonsgoutte, avec un parcours de visite repensé.
Au-delà du gain d’espace, c’est le parcours d’accueil qui est refondu. La collection du MuséoBus, véhicule emblématique consacré à l’histoire de la confiture, est appelée à rejoindre le nouveau site et à y être intégrée sous une forme pérenne, en mettant fin à son exploitation itinérante. Objectif : renforcer la cohérence entre récit patrimonial et exposition des gestes de fabrication.
Effet volume et accueil du public : un levier direct sur la marge
Le site de Maisonsgoutte doit permettre de multiplier par 2,5 la capacité d’accueil des visiteurs. À ce jour, Les Confitures du Climont reçoivent environ 36 000 personnes par an. Demain, le potentiel théorique frôlera les 90 000 visiteurs, avec un parcours pédagogique stabilisé et un espace boutique dimensionné en conséquence.
Cette montée en puissance touche directement la marge. Dans l’agroalimentaire artisanal à fort ancrage touristique, l’accueil sur site stimule à la fois la vente au détail, la notoriété et la récurrence de commandes en ligne. En améliorant la lisibilité du parcours et le confort de visite, l’entreprise peut augmenter le temps de présence et le taux de conversion en boutique, tout en justifiant un élargissement de gamme sur place.
Dans les entreprises artisanales touristiques, les ventes sur site peuvent contribuer fortement à la marge, car elles évitent une partie des coûts logistiques et commerciaux du B2B. Avec un trafic multiplié et un parcours immersif, l’augmentation du panier moyen et du taux de conversion est un levier immédiat. À Maisonsgoutte, l’intégration du patrimoine (MuséoBus reconfiguré) renforce l’engagement et peut améliorer le passage en caisse.
La refonte de l’accueil présente aussi une utilité RH. Un flux mieux étalé, des zones de démonstration dimensionnées et un espace boutique repensé facilitent la répartition des tâches, réduisent la pénibilité physique et optimisent le temps de conseil. Pour une TPE artisanale, chaque minute réallouée à la production est un gain de productivité.
Financement, normes et organisation : la mécanique des 3 millions d’euros
Le transfert s’appuie sur un programme d’investissement de 3 millions d’euros, appuyé par des aides publiques à hauteur d’environ 500 000 euros émanant notamment de la Région Grand Est et de la CARSAT pour les équipements de sécurité et d’ergonomie. L’entreprise indique que cet enveloppe couvre le foncier, l’aménagement, les équipements et la réingénierie de l’accueil du public.
La structure de financement s’inscrit dans une logique classique pour une PME de niche : capitaux propres renforcés par un recours à l’endettement bancaire, complétés par des dispositifs d’aide et de prévention des risques professionnels. L’enjeu est de préserver la trésorerie courante tout en finançant une montée en puissance industrielle graduelle.
Les CARSAT attribuent des aides ciblées pour la prévention des risques professionnels. Dans une confiturerie, cela couvre par exemple l’ergonomie des postes de cuisson, la manutention, les systèmes antidérapants, les dispositifs de captation des vapeurs ou encore l’outillage limitant les gestes répétitifs. La logique est double : réduire les accidents et l’absentéisme, et améliorer l’efficacité du travail.
Reste la question du retour sur investissement. L’augmentation de la capacité d’accueil et la rationalisation des flux doivent améliorer la marge sur ventes directes et stabiliser les coûts de production par pot. En parallèle, l’atelier de plain-pied limite les pertes de rendement liées au port de charges et aux déplacements d’étage, tout en réduisant les coûts liés aux arrêts de travail pour TMS.
Au plan réglementaire, l’ouverture à Maisonsgoutte s’inscrira dans le cadre des obligations d’accessibilité ERP, de sécurité incendie et de traçabilité sanitaire. Dans l’agroalimentaire artisanal, la lisibilité des procédures HACCP et la bonne maîtrise des températures sont des marqueurs clés, avec un intérêt concret : moins de non-qualité, moins de pertes et une meilleure réputation auprès des prescripteurs religieux ou touristiques.
Labels comme actifs immatériels
Le titre de Meilleur Confiturier de France et le label Entreprise du Patrimoine Vivant participent d’un capital immatériel monétisable : ils soutiennent la politique de prix, la capacité d’exporter des savoir-faire et légitiment le positionnement premium en boutique. Ces reconnaissances facilitent aussi les partenariats industriels ciblés et l’accès à certaines offres régionales.
Marque, propriété intellectuelle et montée en gamme : la "crufiture" en fer de lance
Sous la direction de Perrine Hilberer, qui a repris le fonds de commerce familial en 2016, la confiturerie a mis l’accent sur l’innovation de produit tout en préservant l’ADN artisanal. Le meilleur exemple est la Crufiture, confiture crue bénéficiant d’un brevet à l’échelle européenne. Cette protection confère un avantage concurrentiel clair sur un segment où la naturalité et la faible transformation séduisent un public croissant.
Longtemps produite en petites quantités, la Crufiture a changé d’échelle via un partenariat industriel régional avec Colin Ingrédients. Cette alliance a permis d’accroître les volumes, de professionnaliser certains volets techniques et de relocaliser la production en Alsace, alignant cohérence de marque et empreinte terroir.
Colin ingrédients : stratégie et résultats
Basée dans le Bas-Rhin, la société Colin Ingrédients a réalisé 51,3 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023 (chiffres communiqués par Colin Ingrédients). Pour Les Confitures du Climont, cette alliance apporte des capacités de process complémentaires et une sécurisation des approvisionnements. Elle crée une passerelle entre l’artisanat d’excellence et une ingénierie d’ingrédients à plus grande échelle.
Pour une TPE, l’intérêt est d’accéder à des compétences d’industrialisation très ciblées sans basculer dans une logique de volume pur. L’entreprise garde la main sur ses recettes, ses matières premières et le contrôle qualité, tandis que son partenaire contribue ponctuellement sur des postes à forte intensité technique.
Un brevet peut couvrir un procédé de fabrication spécifique, un mode de conservation ou le profil physico-chimique d’un produit, sous réserve de nouveauté, d’activité inventive et d’application industrielle. Pour une confiture crue, la protection peut viser un procédé respectant certaines températures, temps et conditions d’assemblage, assurant texture et stabilité sans additifs.
L’effet marque se lit aussi à l’export de réputation, quand bien même le cœur des ventes demeure régional. En ancrant la Crufiture dans une démarche de propriété intellectuelle et de production locale, Les Confitures du Climont renforcent la différenciation et la barriérisation concurrentielle, au bénéfice de la marge et de la visibilité.
Histoire et gouvernance : un modèle familial qui se professionnalise
Créée en 1985 par Fabrice Krencker, instituteur passionné de fruits, la confiturerie a bâti sa réputation sur la régularité de ses cuissons et l’exigence des matières. La transmission opérée en 2016 à sa fille, Perrine Hilberer, a marqué une nouvelle étape : ouverture à des partenariats, développement de gammes, structuration de l’accueil du public et renforcement de la marque.
Cette évolution ne s’est pas faite au détriment de l’esprit artisanal. Les process restent manuels sur les étapes clés pour la tenue de la texture, tandis que la qualité sanitaire et l’expérience de visite ont été professionnalisées. L’entreprise a notamment structuré ses créneaux de visites pour valoriser pédagogiquement les gestes du confiturier et la sélection des fruits.
Les confitures du climont : stratégie et résultats
La maison alsacienne annonce avoir dépassé pour la première fois 1 M€ de chiffre d’affaires en 2024, tout en conservant un effectif contenu. Le modèle économique s’articule autour de trois piliers : ventes sur site et tourisme de savoir-faire, distribution sélective avec des détaillants et spécialités différenciantes comme la Crufiture. Ce triptyque soutient la montée en gamme et nourrit le projet de Maisonsgoutte.
Le déménagement mobilise des compétences d’ingénierie peu communes à ce niveau d’effectif : planification des flux, conception de circuits visiteurs, mise aux normes, sécurité incendie, accessibilité, et intégration de la collection du MuséoBus. L’entreprise y voit un investissement d’alignement entre promesse de marque et réalité opérationnelle.
MuséoBus : un patrimoine itinérant appelé à s’ancrer
Le MuséoBus, qui faisait voyager l’histoire et les objets de la confiture, doit être intégré au nouveau site, avec des contenus reconfigurés. La forme itinérante disparaît au profit d’un socle muséographique stable. Cette intégration offre une narration homogène entre patrimoine, production et vente, clé pour créer un parcours rentable et fidélisant.
Dans ce contexte, le label Entreprise du Patrimoine Vivant agit comme un sceau de qualité reconnu par les territoires et le public. Combiné à un titre comme Meilleur Confiturier de France, il accélère l’effet bouche-à-oreille et conforte la prime de marque sur les segments premium, sans rompre le pacte de naturalité.
Impacts économiques et sociaux : un ancrage territorial renforcé
Le nouveau site, plus spacieux et accessible, consolide l’attractivité touristique de la vallée et densifie le maillage de visites agroalimentaires en Alsace centrale. Pour les acteurs locaux, la traction supplémentaire de visiteurs peut générer des retombées indirectes : restauration, hébergement, commerces de bouche et circuits courts.
Sur l’emploi, l’entreprise demeure à taille humaine, mais le renforcement des créneaux d’accueil et l’augmentation de la fréquentation peuvent induire des besoins ponctuels supplémentaires en conseil boutique, médiation ou logistique. Des emplois saisonniers pourraient en bénéficier, en particulier sur les périodes de pointe estivales et de fêtes.
La sécurisation des postes par l’équipement et le plain-pied est également un investissement social. Les métiers de cuisson et de conditionnement comportent des risques spécifiques : chaleur, manutention, gestes répétitifs. L’amélioration des conditions de travail contribue à la fidélisation des équipes et à la baisse de l’absentéisme.
Sans dévoiler de données internes, on peut approcher l’effet de l’accueil. Si la fréquentation passait de 36 000 à 60 000 visiteurs et que le taux de conversion boutique et le panier moyen progressaient modérément, l’effet sur le chiffre d’affaires direct sur site pourrait être significatif
. Cet ordre de grandeur vise à illustrer que l’investissement de 3 M€ est aussi un pari sur la récurrence touristique et la valeur ajoutée en boutique. Prudence toutefois : l’atteinte de la capacité cible dépendra de la lisibilité du parcours, de la saisonnalité et de la communication.
Enfin, la marque consolide sa résilience. La pluralité des canaux de vente, l’adossement à des labels de qualité et l’innovation protégée par brevet créent un amortisseur utile face aux cycles de prix des fruits, aux tensions sur l’énergie ou aux aléas de fréquentation touristique. Dans cette stratégie, Maisonsgoutte n’est pas qu’un déménagement, c’est un outil de sécurisation du modèle d’affaires.
Une trajectoire pilotée et assumée par la dirigeante
À la tête de l’entreprise depuis la reprise du fonds de commerce en 2016, Perrine Hilberer a composé une partition mêlant patrimonial et industriel. Le franchissement du million d’euros de chiffre d’affaires en 2024, la protection de la Crufiture, l’alliance avec Colin Ingrédients et l’arbitrage en faveur d’un site de plain-pied dessinent un projet cohérent, compatible avec une croissance raisonnée.
Cette gouvernance s’appuie sur des choix à la fois prudents et différenciants : conserver la maîtrise des recettes, privilégier l’ergonomie des postes pour soutenir la productivité, faire du parcours de visite un véritable actif économique, et allouer le capital à des investissements utiles pour 10 à 15 ans. La temporalité est celle du patient capital artisanal, qui misera davantage sur la qualité et la fidélisation que sur la conquête de volumes massifs.
Côté communication, la maison dose son storytelling : un patrimoine vivant, un ancrage local, des matières premières exigeantes et une pédagogie de la transformation. À Maisonsgoutte, cette narration s’incarnera dans un espace stable, cohérent du quai de déchargement à la boutique, en passant par la cuisson et l’exposition des gestes.
Derniers jours à ranrupt puis bascule vers maisonsgoutte
La séquence est balisée : visites gratuites et dégustations jusqu’au 31 août, ultime accueil du 1er au 11 septembre à Ranrupt, puis fermeture de l’atelier historique et mise en route du site de Maisonsgoutte. La maison promet un parcours plus lisible, une accessibilité renforcée et une expérience muséographique nouvelle, à la hauteur de sa réputation.
L’enjeu désormais est d’accompagner les publics dans ce changement d’adresse, sans diluer le lien affectif qui s’est tissé avec Ranrupt. Si la greffe prend, Les Confitures du Climont pourront conjuguer capacité accrue, marges mieux tenues et artisanat préservé, un triptyque rare dans l’agroalimentaire de niche.
En consolidant son capital immatériel et en investissant dans un outil d’accueil et de production plus performant, la confiturerie alsacienne illustre comment une TPE peut mettre l’immersion, l’innovation protégée et l’ergonomie au service d’une croissance maîtrisée et durable.