La startup Tilla révolutionne la logistique maritime
Découvrez comment Tilla transforme la logistique d'équipage maritime grâce à l'IA et une levée de fonds de 2 millions d'euros.

Le secteur maritime mondial vit une mutation sans précédent. Les grandes compagnies de transport, les armateurs et les professionnels des services maritimes cherchent de plus en plus à doper leur productivité et à réduire leurs coûts. Alors que la digitalisation gagne du terrain, une question demeure : comment simplifier et automatiser les nombreux processus liés à la relève d’équipage, souvent gérés de manière archaïque par email, téléphone ou tableurs ? C’est ici que la startup berlinoise Tilla suscite l’intérêt. Elle a récemment levé 2 millions d’euros pour apporter une réponse audacieuse et tournée vers l’intelligence artificielle, promettant des gains considérables dans la logistique maritime.
Les enjeux d’une logistique d’équipage encore sous-exploitée
Le transport maritime assure environ 90% des échanges mondiaux de marchandises (source interne Tilla). Ce poids économique majeur ne s’accompagne pas toujours d’une modernisation numérique à la hauteur, notamment dans la gestion des relèves d’équipage. Chaque année, près de 10 millions de relèves sont organisées à l’échelle planétaire, avec des coûts directs estimés à plus de 12 milliards de dollars (un peu plus de 11 milliards d’euros).
Au cœur de ce défi logistique, on retrouve une kyrielle de paramètres inévitables : réservations aériennes, formalités de visas, compatibilité avec les cadences portuaires ou encore contraintes réglementaires locales. C’est un maquis administratif dans lequel il est facile de perdre du temps et de l’argent. Les méthodes traditionnelles, souvent basées sur des outils imprécis et manuels, occasionnent des erreurs gourmandes en ressources. À titre d’exemple, un navire immobilisé dans un port pour retard d’équipage peut coûter plusieurs dizaines de milliers d’euros par jour.
Face à cela, la France n’est pas en reste. Même si l’Hexagone dispose de hubs maritimes importants (Le Havre, Marseille-Fos, Saint-Nazaire), la gestion du personnel embarqué reste largement perfectible. La prise de conscience est croissante au sein des acteurs du maritime français, en particulier depuis la crise sanitaire liée au COVID-19, qui a rappelé la fragilité d’un système trop dépendant des processus manuels.
Le secteur maritime emploie des termes parfois méconnus. Par exemple, on parle d’« armateur » pour désigner la société propriétaire (ou opératrice) du navire, tandis que le « shipping » couvre l’ensemble des activités logistiques associées. Le vocabulaire technique (NOR, laytime, charter party, etc.) peut différer d’un port à l’autre, soulignant d’autant plus la complexité d’une relève d’équipage internationale.
Pour de nombreuses compagnies, la décision de passer au numérique semble inévitable tant l’impact sur la compétitivité est majeur. Dans cette mouvance, les plateformes automatisées, dotées d’algorithmes de planification, représentent un nouveau levier de performance. Les armateurs se tournent alors vers des solutions telles que Tilla, espérant gagner en souplesse et en visibilité sur l’intégralité du cycle de la relève d’équipage.
Un acteur en forte croissance : le parcours de Tilla
Tilla a vu le jour en 2021 à Berlin, s’inscrivant directement dans la logique de Flagship Founders, un venture studio spécialisé dans les outils numériques destinés au secteur maritime. Dès son lancement, la jeune pousse a voulu répondre à un problème concret : comment orchestrer et automatiser l’ensemble du processus de relève, depuis la planification jusqu’à la réservation des vols, en passant par la gestion documentaire des marins ?
Fondée par Niklas Weidmann et Narayan Venkatesh, Tilla assume son positionnement axé sur la technologie. L’entreprise s’appuie sur une solution SaaS (Software as a Service) qui agrège et croise des données essentielles : horaires portuaires, informations aériennes, tarifs des aéroports, exigences administratives pour les visas, etc. Le tout repose sur une architecture pensée pour travailler en temps réel, ce qui permet de recommander automatiquement l’option la plus efficiente pour chaque relève.
Une plateforme ouverte à l’intelligence artificielle
Dans un marché longtemps caractérisé par des conservatismes technologiques, Tilla fait le pari de l’IA pour fluidifier les échanges et anticiper les scénarios complexes. L’algorithme, nourri par de vastes jeux de données, est capable de formuler des préconisations pertinentes et d’optimiser la logistique d’équipage. Il peut repérer, par exemple, le meilleur moment pour réaliser une relève, ou suggérer un port alternatif plus avantageux financièrement.
Cette approche séduit déjà plusieurs compagnies réputées (Peter Döhle Schiffahrts-KG, Essberger, EXMAR…) qui constatent, selon les données de Tilla, une réduction de 24% des coûts de relève et une accélération de 40% sur les délais de traitement administratifs (données internes Tilla). Dans un secteur où la marge est souvent sous pression, ces économies se révèlent significatives.
La jeune pousse ne se limite pas à de l’analyse prédictive. Sa feuille de route prévoit également des fonctionnalités additionnelles, comme la gestion unifiée de documents, des modules de reporting pour la facturation ou des outils de suivi en temps réel des marins. Le tout propose une intégration assez fluide avec les principaux systèmes de gestion existants chez les armateurs.
Perspectives économiques et marché mondial
L’industrie maritime, que certains nomment la blue economy, connaît actuellement un tournant décisif. Même si la digitalisation est déjà entamée dans des domaines comme la logistique portuaire ou le tracking des cargaisons, la gestion des équipages apparaît comme un angle mort. Pourtant, le personnel navigant est au centre de toutes les opérations. Sans marins, aucun navire ne lève l’ancre.
En parallèle, la croissance du transport maritime se confirme. Selon des estimations de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), le trafic pourrait continuer à progresser de 3 à 4% par an dans les prochaines années. Cette dynamique mondiale donne aux solutions comme Tilla un terrain fertile. Les acteurs de la mer, qu’ils soient en France, en Asie ou sur la côte est américaine, cherchent à pallier les difficultés administratives associées au changement d’équipage.
Le marché de la relève d’équipage, estimé à 12 milliards de dollars (près de 11 milliards d’euros), recouvre notamment :
- Les frais de vol parfois exorbitants pour positionner ou rapatrier des marins
- Les délais liés à la gestion de visas et aux formalités douanières
- Les coûts d’opportunité engendrés par des retards de navire
L’enjeu est double : d’un côté, il faut maîtriser ces coûts en les rationalisant. De l’autre, il faut sanctuariser la sécurité et le bien-être des équipages, particulièrement exposés en période de pandémie ou de crise d’approvisionnement.
Le rôle vital des équipages
Pourquoi tant d’enjeux sur la relève d’équipage ? Les marins sont au cœur du dispositif maritime. Sans eux, pas d’acheminement à temps, pas de manœuvres sûres. Lorsque la relève est retardée pour cause de planification défaillante, le navire peut rester à quai, ce qui implique des surcoûts élevés. Dans un contexte où chaque minute compte, la compétence de l’équipage se révèle stratégique.
La France, avec sa façade maritime de 5 853 km (chiffre du ministère de la Mer), est directement concernée par ces problématiques. Les armateurs français, mais aussi les registres internationaux, se montrent attentifs à toute innovation capable d’alléger le poids logistique et de fluidifier la rotation de leurs effectifs. Tilla s’inscrit dans cette dynamique en proposant son expertise au-delà des frontières allemandes.
Une levée de fonds stratégique et définitivement tournée vers l’international
Le 29 juillet 2025, Tilla annonce un tour de financement de 2 millions d’euros, orchestré par Motion Ventures, un fonds de capital-risque basé à Singapour, spécialisé dans les solutions maritimes et logistiques. EXMAR, armateur belge actif dans le transport de gaz, participe également à l’opération en tant qu’investisseur stratégique.
Avec ce nouveau tour, la startup berlinoise porte le total de ses fonds levés à 4 millions d’euros depuis 2021. Il s’agit d’un choix opportun, car le marché montre des signaux forts de demande pour des plateformes numériques à même de transformer le secteur. Cette ambition se retrouve dans les mots d’Ariane Saverys, directrice générale adjointe d’EXMAR, qui met en avant la pertinence de la solution et la confiance placée dans l’équipe fondatrice de Tilla.
Grâce à cette levée de fonds, la société ambitionne de renforcer son outil technologique (dont l’introduction de nouvelles briques d’IA) et de se projeter vers l’Asie-Pacifique, région considérée comme un carrefour clé du commerce maritime mondial. Tilla vise également l’agglomération méditerranéenne, où plusieurs ports majeurs (Barcelone, Marseille, Gênes) pourraient être des passerelles stratégiques.
Dans sa-phase d’internationalisation, Tilla cherche à se rapprocher des acteurs portuaires locaux, notamment les autorités portuaires et les compagnies aériennes régionales, afin de nouer des partenariats à long terme. Cette approche pragmatique facilite l’intégration de données en temps réel et la négociation de tarifs préférentiels pour les vols, d’où un gain de compétitivité pour toutes les parties impliquées.
Dès lors, trois axes d’investissement prioritaires se dessinent :
- La consolidation des fonctionnalités IA, avec un accent particulier sur la planification prédictive
- L’élargissement des implantations géographiques dans les zones maritimes stratégiques
- Le renforcement des effectifs techniques et commerciaux, pour soutenir une croissance accélérée
Selon les fondateurs, l’objectif demeure clair : « Devenir le leader mondial de la relève d’équipage et transformer durablement la logistique maritime. »
Comparatif chiffré : où Tilla se démarque
Le monde de la martech (maritime tech) actualise régulièrement ses solutions, avec des acteurs comme cTeleport, Navis ou Bearing.ai. Tous tentent d’apporter plus d’automatisation dans l’exploitation des navires. Pour souligner la spécificité de Tilla, un tableau comparatif peu détaillé offre un aperçu des gains potentiels rapportés par la startup berlinoise selon les retours de ses clients.
Ces performances chiffrées indiquent la capacité de Tilla à répondre à un besoin réel du secteur. Néanmoins, la concurrence ne reste pas inerte. D’autres solutions, parfois plus spécialisées dans le volet « réservation de vols » ou dans l’agrégation purement documentaire, se positionnent également. Tilla cherche donc à proposer une plateforme unifiée couvrant l’ensemble du cycle de gestion, sans obliger les opérateurs maritimes à multiplier les logiciels.
Un système SaaS pensé pour l’opérationnel
Au-delà des chiffres, la force de la solution Tilla réside dans la facilité d’intégration. Les marins, les responsables RH et les partenaires portuaires peuvent accéder à l’interface en ligne depuis n’importe quel appareil connecté. La plateforme centralise toutes les données, ce qui évite les allers-retours permanents entre différents services et réduit considérablement les risques d’oubli d’information critique.
La gestion documentaire se trouve, elle aussi, mieux rationalisée. Les marins ont souvent besoin de certificats médicaux, de documents de qualification ou de visas maritimes. Tilla permet non seulement de stocker ces pièces justificatives, mais également de suivre leurs dates d’expiration et d’initier automatiquement les démarches de renouvellement. Grâce à une collecte structurée des informations, l’entreprise fluidifie les audits et vérifications légales.
Stödig Shipmanagement : stratégie et résultats
Stödig Shipmanagement, un gestionnaire d’équipages actif dans plusieurs pays européens, a adopté Tilla afin de réduire le temps passé sur les relèves. Selon les responsables de Stödig, le gain en visibilité leur a permis de traiter 15% de relèves supplémentaires sans ajouter de personnel administratif. Cette montée en charge plus aisée a convaincu l’équipe dirigeante de prolonger son partenariat avec Tilla pour les deux prochaines années.
Il s’agit d’un exemple révélateur : en combinant automatisation et suivi centralisé, les entités maritimes peuvent élargir leur flotte ou multiplier les mouvements portuaires sans faire exploser leurs coûts de gestion. Chaque nouvelle relève devient un processus beaucoup moins chronophage : la plateforme suggère la meilleure option pour acheminer l’équipage, alerte sur les documents à fournir et prépare le reporting nécessaire pour les directions financières.
Des fonctionnalités assurant le suivi en temps réel
La promesse d’une réduction de 40% du temps administratif ne repose pas uniquement sur la robotisation de tâches simples. C’est aussi le fruit d’un suivi en temps réel. Grâce à des connexions aux bases de données aériennes et portuaires, Tilla sait, par exemple, anticiper un éventuel retard de vol ou un changement soudain d’horaire au port.
Cette réactivité a un impact direct sur la fiabilité des opérations. Les messages d’alerte permettent aux entreprises clientes de replacer leurs priorités : organiser un hébergement temporaire pour des marins bloqués, trouver un vol de substitution ou coordonner des formalités administratives en urgence. À l’inverse, un système manuel rend difficile une telle réactivité à grande échelle.
En France, plusieurs armateurs de taille intermédiaire se sont déclarés intéressés par ces procédés à haute valeur ajoutée. Mais pour beaucoup, la crainte demeure que la transition vers des outils dématérialisés soit trop complexe ou trop coûteuse. D’où la nécessité, pour Tilla, de souligner que l’implémentation ne requiert pas de revoir entièrement l’infrastructure interne : il s’agit d’un SaaS accessible par abonnement, dont l’intégration se veut aisée.
Bon à savoir : l’agilité SaaS
Le SaaS (Software as a Service) signifie qu’aucune installation lourde n’est nécessaire sur les serveurs des armateurs. L’ensemble fonctionne dans le cloud et propose des mises à jour automatiques. Cette agilité facilite la montée en charge et le déploiement sur plusieurs zones géographiques. Pour une compagnie maritime souhaitant rapidement tester ou adapter l’outil, c’est un avantage capital.
Pourquoi l’intelligence artificielle fait la différence
L’une des valeurs ajoutées les plus visibles pour les usagers de Tilla réside dans la dimension intelligente de la plateforme. Au lieu de se limiter à une fonction d’archivage ou de suivi d’indicateurs, l’outil repose sur l’apprentissage automatique. L’IA analyse en continu le marché des vols, la météo, les horaires de navigation, les règles portuaires, et dresse un scénario optimal.
En anticipant les potentielles disruptions (retards, grèves, fermetures de port soudaines), Tilla est en mesure de proposer des solutions alternatives. De plus, l’équipe R&D planche sur l’enrichissement de la plateforme avec des modules prédictifs encore plus précis. L’objectif : fournir aux armateurs une vision longue sur les variations possibles, qu’il s’agisse de la disponibilité des marins ou du coût des liaisons aériennes à certaines périodes.
Parmi les nombreux bénéfices, on trouve une gestion prévisionnelle du personnel. Les marins sont informés en avance des changements potentiels, ce qui leur permet de préparer plus sereinement leur départ ou leur arrivée. Les erreurs humaines, comme un oubli de visa, sont largement réduites grâce à un système qui déclenche automatiquement les procédures obligatoires.
Exmar : une coopération stratégique
Exmar, investisseur stratégique de Tilla, compte plusieurs décennies d’expérience dans le transport maritime de gaz. Leur implication témoigne de la volonté de grands acteurs établis d’adopter des solutions réactives et high tech. Selon les retours de la direction d’Exmar, la plateforme de Tilla a déjà engendré un gain substantiel dans l’organisation des relèves, aussi bien au niveau de la sûreté que des économies budgétaires.
Dans la foulée de cet investissement, Exmar pourrait aussi servir d’ambassadeur de la solution Tilla dans le segment du transport de gaz, un marché particulièrement technique où la sécurité revêt une importance primordiale. Cet aspect démontre la pertinence d’une collaboration accrue entre Tilla et les poids lourds historiques du shipping.
Le rôle de Motion Ventures : un atout singapourien
L’autre acteur central de la levée de fonds est Motion Ventures. Basé à Singapour, ce fonds n’est pas seulement un pourvoyeur de capital. Il apporte aussi son expertise propre au secteur maritime, ainsi qu’un réseau mondial. Le choix de Singapour n’est pas anodin : la cité-État se veut un hub international pour le shipping, rejoint par une activité portuaire intense et une volonté de promouvoir l’innovation numérique. Ainsi, Tilla profite potentiellement de contacts directs avec les ports, les compagnies maritimes ou encore les autorités locales, ce qui pourrait soutenir son expansion en Asie du Sud-Est.
Les fondateurs de Tilla affichent une conviction : « Singapour est un carrefour qui va nous rapprocher de nos futurs clients en Asie, où la démographie et la croissance économique renforcent la demande de transport maritime. » En nouant un partenariat avec Motion Ventures, la startup berlinoise s’assure un tremplin pour percer dans la région la plus dynamique en matière de commerce maritime.
Quelles limites et quels défis pour Tilla ?
Aussi séduisante soit-elle, la proposition de valeur de Tilla n’est pas exempte de contraintes. D’abord, la culture conservatrice de l’industrie maritime peut freiner l’adoption des technologies SaaS. Beaucoup d’acteurs, surtout dans les armements traditionnels, s’accommodent encore de feuilles Excel, voire de planifications manuelles. Convaincre ces entreprises de migrer vers un outil entièrement numérique requiert du temps et un travail pédagogique poussé.
Ensuite, la concurrence s’étoffe rapidement. Si Tilla propose une plateforme « tout-en-un », d’autres acteurs misent sur une spécialisation plus fine. cTeleport, par exemple, met en avant un algorithme d’optimisation des vols qui peut se greffer à d’autres systèmes. Les armateurs disposant déjà de modules performants pour certaines tâches administratives peuvent être tentés de se tourner vers des solutions très ciblées. Tilla devra donc constamment innover afin de conserver un avantage compétitif clair.
D’un point de vue juridique, l’entrée sur de nouveaux marchés implique une connaissance précise des réglementations locales, spécialement en matière de droit du travail maritime. Les pays de la zone APAC ou du Bassin méditerranéen peuvent imposer des règles spécifiques. Tilla doit adapter sa plateforme aux particularités de chaque juridiction, ce qui alourdit inévitablement la charge de développement.
Kaiko Systems : un autre exemple d’innovation maritime
Pour illustrer le dynamisme de la martech, Kaiko Systems déploie des solutions de maintenance prédictive et d’analyse de données pour les navires. Même si son cœur de métier diffère de celui de Tilla, Kaiko Systems participe à la même tendance : la volonté d’exploiter la data pour augmenter l’efficience dans tous les volets de l’exploitation maritime.
Cette pluralité d’innovations souligne l’important rattrapage numérique du secteur. Elle démontre aussi l’évolution rapide des attentes des armateurs, de plus en plus enclins à renouveler leurs outils, à condition qu’ils y voient un ROI (retour sur investissement) tangible et rapide.
Quelques commentaires sur l’attraction des talents
Tilla n’est pas uniquement focalisée sur la technologie. Le succès opérationnel exige également une organisation interne solide. L’entreprise reconnaît l’importance d’attirer des talents capables de développer des solutions IA robustes, de mener les négociations avec les aéroports et les compagnies aériennes, ou encore de conseiller les clients sur le plan des ressources humaines.
La stratégie de recrutement vise donc à étoffer l’équipe actuelle, encore restreinte. Cette nécessité d’embaucher rapidement constitue un chantier important, car la compétition pour les meilleurs profils tech est rude. Par ailleurs, l’enjeu n’est pas seulement technique : Tilla doit s’assurer que son équipe maîtrise les subtilités du droit maritime, des normes de sécurité, et des réalités opérationnelles à quai ou en mer.
Selon les responsables de la startup, le défi consiste à recruter des collaborateurs qui combinent des compétences informatiques avancées et une appétence pour le secteur maritime. Ce type de profils reste rare sur le marché, bien que les initiatives de formation se multiplient, notamment dans les écoles d’ingénieurs françaises ou allemandes qui commencent à proposer des cursus spécialisés dans la data appliquée au shipping.
Selon plusieurs rapporteurs industriels, le maritime subit depuis plusieurs années une pénurie de marins mais aussi de spécialistes formés à la digitalisation. Les prévisions tablent sur un déficit en officiers de marine si les nouvelles générations ne se forment pas à ces métiers. Pour les startups comme Tilla, l’accroissement de la demande en travail qualifié est donc autant un défi qu’une opportunité de différenciation.
L’exemple français : un terreau favorable mais exigeant
Sur le sol français, l’innovation maritime se renforce graduellement. Il est vrai que la crise du COVID-19 a mis un coup de projecteur sur la fragilité des chaînes d’approvisionnement. Les arrêts de navire causés par des relèves d’équipage mal organisées, ou l’impossibilité de faire descendre les marins, ont transformé la donne. Beaucoup de compagnies françaises se sont questionnées sur les moyens de fiabiliser et de digitaliser leurs opérations.
La France, via ses instances publiques, encourage la renouvelabilité des outils informatiques. Le cluster maritime français, de même que des organismes comme la Fédération des Industries Nautiques, s’intéressent à ces nouveaux services. Pour Tilla, la mise en place d’un partenariat local avec des acteurs portuaires dans l’Hexagone serait un levier de croissance.
Reste qu’il y a toujours une certaine prudence culturelle au sein des chancelleries administratives, des experts juridiques et même des syndicats maritimes, soucieux de préserver des emplois et d’éviter de confier la responsabilité de la relève d’équipage à un algorithme, si performant soit-il. C’est pourquoi Tilla insiste sur la composante « accompagnement humain » de sa solution, afin de rassurer sur les risques potentiels de la robotisation.
Vers une nouvelle norme pour la relève d’équipage
S’il est encore trop tôt pour savoir si Tilla deviendra la norme absolue dans la gestion des relèves, il est évident que l’entreprise a frappé un grand coup en levant 2 millions d’euros. Son positionnement s’avère pertinent : centraliser, automatiser et optimiser un processus qui demeure largement manuel dans l’ensemble de la chaîne maritime.
L’ambition affichée de couvrir d’ici 2026 un total de 60 000 relèves, en accompagnant toujours plus de navires, n’est pas hors de portée. Les premiers retours semblent valider la proposition, notamment lorsque Tilla annonce des réductions de coûts de 24% en moyenne, un chronomètre administratif raccourci de 40%, et un usage fluide par des armateurs majeurs comme Essberger ou Wilson.
Compte tenu des enjeux énergétiques, financiers et humains du shipping, qu’il soit en France ou ailleurs, la digitalisation est devenue un passage quasi obligé. Et à cette intersection, Tilla capitalise sur son avance en matière d’intelligence artificielle et de gestion de données pour se positionner comme l’un des fers de lance de la transformation.
La lancée de Tilla symbolise, en réalité, l’essor d’une nouvelle génération d’outils qui, en rendant la relève d’équipages plus agile et plus sécurisée, redessine déjà l’avenir du secteur maritime.