À Rennes, Skyld sécurise les modèles d’IA avec une ambition assumée de deeptech. Fondée en 2023 par la cryptographe Marie Paindavoine, la jeune pousse a levé 1,5 million d’euros la même année pour industrialiser son "antivol" à destination des algorithmes. Dans un marché où les financements 2024 fléchissent, l’IA reste un îlot de résistance, ce qui positionne Skyld au bon endroit, au bon moment.

Qui est Skyld : ancrage rennais et ADN cryptographique

Skyld est une start-up deeptech installée à Rennes, en Bretagne. L’entreprise est dirigée par sa fondatrice, Marie Paindavoine, docteure en cryptographie, qui en a posé les bases techniques et la vision.

Sa spécialité est nette : protéger les modèles d’IA contre le vol, la rétro‑ingénierie et les manipulations malveillantes. L’équipe compte 6 salariés. Le chiffre d’affaires n’est pas communiqué.

L’entreprise répond à une demande croissante des acteurs français et européens pour des solutions de sécurisation de modèles. Sa proposition de valeur s’adresse aux organisations pour lesquelles l’IA constitue un actif stratégique, en particulier lorsque les algorithmes intègrent des données sensibles ou rares, ou lorsqu’ils alimentent des fonctionnalités critiques.

La dirigeante le résume par une alerte courte et claire : « L’adoption de l’IA progresse plus vite que sa sécurisation. Il est urgent d’inverser cette tendance afin d’assurer la confiance dans les algorithmes. »

La protection d’un modèle d’IA implique la défense d’un actif intangible issu de données et d’entraînement. Contrairement à un code source, un modèle peut être exposé via une API, donc vulnérable à des attaques d’extraction, de manipulation de poids ou de vol de paramètres. L’approche cryptographique vise à verrouiller ces surfaces d’attaque sans dégrader la performance opérationnelle.

Tour de table 2023 de 1,5 million d'euros : objectifs et investisseurs

En 2023, Skyld a complété une levée de 1,5 million d’euros. Le tour a été réalisé auprès d’Auriga Cyber Ventures, BNP Développement, Bloomhaus, Sodero, ainsi que plusieurs business angels. L’objectif affiché de l’opération est double : accélérer la R&D et structurer la commercialisation de la technologie.

Pour une start-up deeptech au stade d’industrialisation, un financement de cette taille permet d’allonger l’horizon de développement, de renforcer la propriété intellectuelle et d’amorcer une présence commerciale auprès de premiers clients. Le positionnement de Skyld, à la croisée de la cryptographie appliquée et de la cybersécurité, appelle un effort soutenu d’ingénierie pour concilier sécurité, coût de calcul et intégration dans les chaînes logicielles existantes.

Investisseurs au capital de Skyld

Tour de table 2023 de 1,5 million d’euros :

  • Auriga Cyber Ventures
  • BNP Développement
  • Bloomhaus
  • Sodero
  • Plusieurs business angels

Feuille de route d’utilisation des fonds

Skyld a indiqué que les montants collectés servent à accélérer le développement et la commercialisation de sa solution de protection des modèles. Traduction opérationnelle attendue : renforcement de l’équipe technique, consolidation des preuves de concept, et premières intégrations avec des clients pilotes dans des secteurs sensibles.

Un « antivol » pour modèles d'IA : principes cryptographiques et cas d'usage

La technologie de Skyld agit comme un antivol pour modèles d’IA. Elle vise à empêcher le vol de modèles, la rétro‑ingénierie des paramètres et les manipulations de l’algorithme. La brique scientifique repose sur des principes de cryptographie pour sécuriser les artefacts produits par l’entraînement, avec un enjeu clé : préserver la performance et la latence tout en ajoutant une couche de défense robuste.

Cette proposition est déjà déployée dans des environnements où la confidentialité et l’intégrité des modèles sont essentielles. Skyld indique des usages en santé, en défense et pour des systèmes de mobilités autonomes. La cible commerciale se concentre sur des entreprises innovantes en France et en Europe.

Déploiements en santé, défense et mobilités autonomes : enjeux opérationnels

Dans la santé, un modèle d’IA peut contribuer au diagnostic ou à l’aide à la décision clinique. Sa protection vise à éviter les extractions de paramètres ou les altérations susceptibles de générer des recommandations erronées.

Dans la défense, l’enjeu touche la souveraineté des capacités algorithmiques et la maîtrise des risques cyber sur des systèmes critiques. Pour les mobilités autonomes, la robustesse de l’algorithme face à des tentatives de trafic de poids ou à des manipulations devient un paramètre de sécurité fonctionnelle.

  • Extraction de modèle : tentatives d’estimer les poids via des requêtes et des réponses publiques.
  • Inversion de modèle : inférer des informations sensibles sur les données d’entraînement à partir des sorties.
  • Empoisonnement de données : injecter des exemples malveillants pour fausser l’entraînement.
  • Rétro‑ingénierie et distillation non autorisée : reproduire illicitement un modèle à partir de ses comportements.

La protection évoquée par Skyld vise à compliquer ces vecteurs tout en conservant un coût d’intégration maîtrisé.

Marché français de la sécurité IA : éclairage financier 2024 et soutiens publics

L’année 2024 a vu un recul des montants levés par les start-up en France, même si l’IA a amorti la baisse. Un recensement fait état de 7,8 milliards d’euros levés par 723 sociétés, soit 7 % de moins qu’en 2023 (Ouest‑France, janvier 2025). Un autre baromètre publie un total de 8,1 milliards d’euros, en baisse de 10 %, et confirme que l’IA est restée le principal moteur sectoriel (Option Finance, janvier 2025).

Dans ce paysage, la proposition de Skyld s’inscrit comme une brique d’infrastructure nécessaire au déploiement de l’IA en production. La sécurité des modèles devient un sujet d’investissement à part entière, notamment dans les chaînes industrielles où l’IA circule entre partenaires, fournisseurs cloud et systèmes embarqués. La multiplication des usages accroît mécaniquement la surface d’attaque, ce qui renforce l’intérêt pour des solutions de protection en profondeur.

Les initiatives publiques ajoutent un catalyseur. Le programme French Tech 2030, annoncé en 2023, accompagne des start-up deeptech sur des thématiques de souveraineté.

France 2030 a, de son côté, lancé en septembre 2025 l’appel à projets Pionniers de l’intelligence artificielle, orienté vers la R&D et des cas d’usage stratégiques. Le programme French Tech Tremplin, lancé en 2023, vise la diversité entrepreneuriale et élargit l’accès à l’innovation. Ces dispositifs peuvent indirectement bénéficier à des entreprises comme Skyld, par l’ouverture d’accès à des financements de projets, à des réseaux et à de la visibilité.

Programmes publics cités

  • French Tech 2030 : accompagnement de start-up deeptech, souveraineté technologique.
  • France 2030 : appel à projets Pionniers de l’intelligence artificielle lancé en septembre 2025, ciblant la R&D IA stratégique.
  • French Tech Tremplin : programme lancé en 2023 pour diversifier l’accès à l’entrepreneuriat innovant.

Ces initiatives structurent l’écosystème et peuvent soutenir l’industrialisation des technologies de sécurité de l’IA.

Bretagne cyber : dynamiques d'investissement et exemples comparatifs

Skyld s’inscrit dans un écosystème breton perçu comme favorable aux technologies de sécurité. La présence de start-up cyber et de financeurs spécialisés crée un effet d’entraînement pour les projets à forte intensité technologique. Les opérations récentes contribuent à la visibilité des jeunes pousses locales et témoignent de l’appétit des investisseurs pour des solutions orientées défense des actifs numériques.

Defants : stratégie et financement

La start-up rennaise Defants a levé 2 millions d’euros en 2023 pour accélérer ses solutions d’investigation numérique et de réponse à incident cyber. Ce cas illustre la vitalité d’une filière où se côtoient analyses forensiques, réponses opérationnelles et sécurité des modèles d’IA. Pour des investisseurs, la Bretagne apparaît comme une zone où les actifs technologiques trouvent des applications concrètes et des débouchés sectoriels clairs.

  • Réseaux d’acteurs favorisant les collaborations business‑tech entre start-up et grands comptes.
  • Ancrage deeptech facilitant l’émergence d’équipes hybrides en sécurité et en IA.
  • Visibilité renforcée grâce aux initiatives labellisées French Tech sur le territoire.

Ces éléments, souvent mis en avant par les jeunes pousses, contribuent à la densité du deal‑flow régional et à l’adoption de solutions en production.

Feuille de route opérationnelle jusqu'en 2026 : effectifs, secteurs ciblés et go-to-market

Skyld prévoit une accélération commerciale en France et en Europe. La société ambitionne de doubler ses effectifs d’ici 2026, passant potentiellement de 6 à 12 salariés. Cette montée en charge s’appuie sur le tour de table 2023 et sur les premiers déploiements dans des secteurs où la sécurité des modèles constitue un prérequis de mise en production.

La stratégie go‑to‑market peut s’articuler autour de quelques axes cohérents avec la nature du produit :

  • Preuves de valeur axées sur la compatibilité avec les workflows existants d’entraînement et d’inférence.
  • Références sectorielles dans la santé, la défense et les mobilités autonomes pour prouver la robustesse des cas d’usage complexes.
  • Partenariats potentiels avec des intégrateurs ou des fournisseurs cloud pour accélérer l’adoption sans friction technique.

En toile de fond, Skyld met en avant un indicateur préoccupant : plus de 70 % des entreprises auraient subi des violations de sécurité liées à l’IA au cours des deux dernières années. Ce chiffre, présenté comme un signal d’alarme, soutient l’argumentaire en faveur d’un budget de sécurité dédié aux modèles, au même titre que l’on protège les données ou le code.

Indicateurs à surveiller pour les directions financières

Dans une logique d’industrialisation, quelques métriques guideront les décisions budgétaires et la priorisation des chantiers :

  • Coût total d’intégration de la protection dans le cycle MLOps, incluant tests, déploiement et monitoring.
  • Impact sur la latence et le coût de calcul en production, arbitré avec les gains de sécurité.
  • Taux d’adoption par application, corrélé aux risques évités et aux exigences des clients finaux.
  • Conformité aux référentiels et aux bonnes pratiques internes, afin d’harmoniser la gestion des risques liés à l’IA.

Repères chiffrés 2024 à retenir

  • 7,8 milliards d’euros levés par 723 sociétés, soit -7 % vs 2023 (Ouest‑France, janvier 2025).
  • Un baromètre alternatif fait état de 8,1 milliards d’euros, -10 % sur un an, avec une IA demeurant pilier sectoriel (Option Finance, janvier 2025).

Pour les acteurs de la sécurité des modèles, ces tendances renforcent l’impératif de démontrer un retour sur investissement tangible et mesurable.

Le concept Skyld, entre souveraineté et adoption industrielle

La proposition de Skyld touche un point névralgique du déploiement de l’IA : la protection de l’actif modèle. En verrouillant l’accès et l’intégrité, l’entreprise s’aligne avec des attentes d’industriels désireux de limiter leurs expositions et d’accélérer leurs mises en production. Cette logique s’inscrit aussi dans la recherche de souveraineté technologique portée par des dispositifs publics ciblant la montée en gamme de l’écosystème.

À court terme, la valeur sera mesurée sur des critères concrets : capacité à réduire le risque d’exfiltration, facilité d’intégration dans la chaîne MLOps, compatibilité avec différents types de modèles et fidélité métrique des prédictions protégées. À moyen terme, l’enjeu est d’établir une réputation de fiabilité sur des secteurs où l’IA assume des responsabilités croissantes dans des décisions sensibles.

  • Réduction du risque de fuite de propriété intellectuelle contenue dans les paramètres.
  • Continuité opérationnelle face à des tentatives de sabotage ou de distillation illicite.
  • Confiance renforcée des équipes métiers et des partenaires pour élargir les cas d’usage IA.

Ces bénéfices ne remplacent pas les politiques de sécurité existantes. Ils adressent un angle jusque-là peu couvert : l’actif modèle lui‑même.

Ce que la sécurisation des modèles change pour les entreprises françaises

La sécurisation des modèles d’IA n’est plus un sujet de laboratoire. Elle devient un facteur de différenciation pour les entreprises françaises qui souhaitent exploiter l’IA à l’échelle tout en protégeant leurs actifs. Skyld, en positionnant un "antivol" adossé à la cryptographie, capte cette demande. L’essor des usages et les chiffres de marché 2024 confirment que l’IA continue de tirer l’investissement, malgré un recul agrégé des levées.

Avec des déploiements en secteurs sensibles, une feuille de route RH claire jusqu’en 2026 et des soutiens publics orientés vers l’innovation stratégique, la start-up rennaise dispose d’un terrain favorable. Les directions générales et financières regarderont la protection des modèles comme un volet désormais incontournable des plans IA, au même titre que la gouvernance des données et le monitoring des performances.

Sécuriser l’IA, c’est donner de l’élan à la confiance numérique et au passage à l’échelle des cas d’usage qui comptent.