Quelles tendances émergent pour la restauration en été 2025 ?
Découvrez les enjeux clés de la restauration en été 2025 : performance inégale et adaptation aux nouvelles demandes des clients.

L’été 2025 n’a pas tenu toutes ses promesses pour une partie de la restauration française. Les chiffres tombent et dressent un tableau contrasté, où les établissements accessibles aux ménages pâtissent d’un arbitrage plus serré des dépenses alors que le haut de gamme azuréen affiche de belles performances. La recomposition de la demande se lit dans les comptes, les flux touristiques et les procédures des tribunaux.
Choc d’activité sur la restauration commerciale en 2025
Le semestre s’achève sur un repli marqué pour la restauration traditionnelle. Les données sectorielles font état de 4 000 dirigeants privés d’emploi au premier semestre, tandis que l’activité des tables régionales recule de 6,1 %.
Dans le Sud, la pression financière se traduit dans les greffes. Les procédures collectives progressent de 21 % au deuxième trimestre, signe d’une trésorerie mise à l’épreuve par la saison et des remboursements devenus plus lourds.
La demande touristique n’a pas suffi à compenser. La fréquentation des hébergements collectifs touristiques s’est contractée de 1,5 % au premier trimestre 2025 sur un an, un signal précurseur qui pèse ensuite sur la restauration de destination et de passage (Insee).
Pour les professionnels, l’équation se complique. Le panier moyen diminue, l’élasticité aux prix s’accroît et la montée des coûts d’exploitation rogne les marges. Les établissements qui avaient repoussé les hausses tarifaires doivent désormais arbitrer entre volume et rentabilité.
Chiffres clés à retenir été 2025
Le secteur traverse une zone de turbulences, avec de forts écarts de performance selon le positionnement:
- 4 000 chefs d’entreprise de la restauration sans emploi au S1.
- -6,1 % d’activité pour la restauration traditionnelle régionale.
- +21 % de procédures collectives dans le Sud au T2.
- -1,5 % de fréquentation des hébergements collectifs touristiques au T1 2025 sur un an (Insee).
Le terme recouvre trois régimes principaux du Code de commerce: sauvegarde, redressement judiciaire, liquidation judiciaire. Leur hausse traduit une montée du risque de liquidité et de solvabilité. Dans la restauration, elle reflète souvent une accumulation de charges fixes élevées, une saisonnalité plus heurtée et un déséquilibre entre prix de vente et coûts matières/énergie.
Côte d’azur, l’exception haut de gamme qui amortit la saison
À rebours de la moyenne nationale, la Côte d’Azur enregistre une saison solide sur les segments premium. Les restaurants haut de gamme, dotés d’une carte onéreuse et d’un service renforcé, ont capté une dépense internationale soutenue.
Le taux d’occupation hôtelier moyen atteint 85 % sur la Riviera, avec des pics à 92 % en août à Cannes et Nice. La clientèle internationale constitue environ 60 % des visiteurs en août, un socle qui a nourri les notes de restaurant et les additions de bar.
Ce différentiel de performance s’explique par un pouvoir d’achat importé et une appétence pour les expériences à forte valeur ajoutée. Les clients nord-américains se distinguent par un panier quotidien estimé à 175 euros, contre 70 euros pour un visiteur français moyen, une amplitude qui change l’équilibre d’exploitation pour un même nombre de couverts.
Umih nice côte d’azur, le point de terrain
Selon Éric Abihssira, vice-président de l’UMIH et président de la Fédération Hôtellerie Restauration et Tourisme Nice Côte d’Azur, la saison a souri aux maisons capables de valoriser une carte ambitieuse. La combinaison gastronomie, localisation et service a permis de maintenir le rythme de réservation et de préserver les prix.
À l’inverse, les établissements de gamme intermédiaire situés hors flux majeurs ont davantage subi la contraction du ticket moyen. Ils ont redoublé d’efforts sur les opérations commerciales sans toujours retrouver le niveau d’avant-crise.
Aéroport nice côte d’azur, connectivité et mix de clientèle
Le hub azuréen alimente ce dynamisme avec un réseau de 122 destinations internationales. Cette connectivité élargit le bassin de visiteurs à haut potentiel de dépense et fluidifie les arrivées en haute saison.
La dépense étrangère constitue ainsi un amortisseur macroéconomique. Les autorités rappellent que le tourisme figure parmi les leviers de croissance en 2025, porté par la hausse des recettes liées aux visiteurs non résidents (gouvernement).
Augmenter le ticket moyen ne repose pas uniquement sur les prix. La structuration de la carte, la proposition de vins au verre premium, les suggestions de plats signature et les formats d’expérience jouent autant, à condition d’être alignés avec l’attente d’un segment précis de clientèle. Sur la Côte d’Azur, l’alignement entre produit et appétit de dépense a été déterminant.
Clientèle française en retrait et paniers moyens sous pression
Le cœur du marché domestique s’est montré plus prudent. La fréquentation n’a pas drastiquement décroché partout, mais le panier moyen par convive s’est érodé, phénomène jugé inédit par plusieurs représentants professionnels.
Les ménages ont arbitré. Moins d’entrées, moins de bouteilles, davantage d’eau en carafe et de plats partagés. Les happy hours ont fait recette, mais ne compensent pas toujours la perte de marge unitaire, surtout à l’heure où l’énergie et les matières premières renchérissent encore.
Sur ce segment, les restaurateurs ont majoritairement choisi de ne pas répercuter intégralement les hausses de coûts, considérant qu’un passage en force tarifié aurait accéléré la défection d’une clientèle fragilisée. La discipline tarifaire, si elle a protégé le flux, a parfois creusé les déficits opérationnels.
Ce qui change concrètement dans l’assiette
Les signaux faibles deviennent des tendances lourdes pour la restauration accessible:
- Désintermédiation des extras avec suppression d’une entrée ou d’un dessert.
- Switch boissons du vin vers la bière, puis de la bière vers les softs.
- Menus défensifs centrés sur 2 plats plutôt que 3, le soir comme le midi.
- Partage et modération favorisés par la hausse perçue des prix.
Le recentrage de la dépense alimentaire s’observe aussi en déplacement. Plusieurs études de presse font état de plages moins chargées et de flux plus fluides que les étés précédents, en miroir du recul mesuré de l’activité hôtellerie-restauration sous l’effet de la vigilance budgétaire.
Pour l’hôtellerie, l’été a été sauvé par les étrangers selon des médias spécialisés, mais la demande française a néanmoins fléchi d’un cran, confirmant la fragilisation du socle domestique. Les restaurateurs absorbent directement ce changement de courbe.
Quand le volume de couverts tient alors que le panier moyen baisse, l’activité semble résiliente mais la marge opérationnelle se dégrade. À coûts fixes quasi constants, chaque euro de ticket moyen en moins réduit la capacité à couvrir loyers, énergie et masse salariale. D’où le taux plus élevé de recours aux procédures, malgré des salles parfois encore remplies.
Formats gagnants: restauration rapide et offres à budget maîtrisé
Dans cet environnement, la restauration rapide tire son épingle du jeu. Des chaînes internationales aux boulangeries en passant par les repas à emporter depuis la grande distribution, l’avantage prix et l’instantanéité séduisent une clientèle plus attentive à son budget.
Les paniers moyens plus contenus, la standardisation des recettes et la rotation rapide des tables protègent la marge unitaire. S’y ajoutent des coûts d’approvisionnement mieux négociés et des cartes pensées pour une exécution efficace, qui atténuent l’impact des intrants volatils.
Boulangeries et gms, une offre repas en essor
Les boulangeries ont enrichi leur proposition du midi et de fin d’après-midi, avec sandwiches chauds, salades, boissons et desserts packagés. Les circuits de la grande distribution déclinent des offres pique-nique et snacking qui cannibalisent occasionnellement la restauration assise, surtout dans les zones touristiques à forte sensibilité prix.
Le mouvement n’est pas conjoncturel uniquement. Selon les observations des professionnels, l’hiver 2025 a confirmé une forme de stabilisation des volumes touristiques par rapport à 2024, sans retour massif aux dépenses d’avant-choc, ce qui tend à pérenniser les arbitrages.
Chaînes internationales: l’effet échelle
Les enseignes disposant d’une logistique intégrée et d’un effet de volume ont pu contenir l’inflation alimentaire relative mieux que les indépendants. Ce différentiel de compétitivité se traduit par des prix d’appel attractifs, une communication offensive et des flux soutenus.
Leviers de résilience observés sur le terrain
Certains indépendants amortissent mieux les chocs en combinant des pratiques ciblées:
- Cartes resserrées pour maîtriser les achats et réduire les pertes.
- Plats signature à forte valeur perçue pour soutenir le ticket moyen.
- Service continu optimisé dans les zones touristiques pour lisser la demande.
- Offres à emporter alignées sur les nouveaux usages et la mobilité.
Réguler les ouvertures: la piste d’un numerus clausus sous la loupe
Face à la densification de l’offre et à la dispersion de la demande, l’UMIH relance l’idée d’un numerus clausus pour limiter les créations d’établissements, en ciblant plus particulièrement les projets conduits par des non-professionnels.
L’objectif affiché est de protéger les restaurants existants contre une dilatation de la concurrence dans un marché qui ne s’agrandit pas au même rythme. L’image est parlante: un gâteau de taille constante, des parts toujours plus fines à partager.
Une telle initiative poserait des questions juridiques. Entre liberté d’établissement, concurrence et pouvoirs de police des maires, l’architecture d’un dispositif de quotas demanderait des garde-fous substantiels pour résister aux recours et éviter les effets d’aubaine.
Umih, gouvernance de crise et rôle de médiation
À la tête de l’organisation, Thierry Marx porte ce débat au nom d’un tissu d’indépendants fragilisés. Le message est clair: la régulation doit éviter une course au moins-disant et préserver la qualité, l’apprentissage et la pérennité financière.
Dans la pratique, le portage territorial et sectoriel d’un tel dispositif déterminerait son efficacité. Les zones à forte tension concurrentielle seraient prioritaires, avec des critères transparents de saturation et des fenêtres de réexamen régulières.
Un numerus clausus touche à la liberté d’établissement. Sa légalité exigerait une base législative claire, une justification d’intérêt général, des critères objectifs et non discriminatoires, et un contrôle proportionné. Les outils existants comme les PLU, les autorisations ERP ou les licences alcool peuvent orienter sans constituer un quota stricto sensu.
La question n’est pas seulement juridique. Elle est économique et sociale. Limiter les ouvertures peut soutenir les revenus des actifs en place et éviter des faillites en chaîne, mais cela peut aussi restreindre l’innovation et l’entrée de concepts qui renouvellent l’offre. Le calibrage sera déterminant pour ne pas figer le marché.
Du côté des fonds de commerce, la limitation des changements de destination est évoquée pour éviter des mutations brutales de quartier. Un pilotage fin s’impose pour concilier vitalité commerciale et protection de l’écosystème existant.
Économie politique d’une fin de saison sous surveillance
Le calendrier de septembre concentre des risques d’instabilité qui pèsent sur les réservations tardives, les déplacements d’affaires et les flux de week-ends prolongés. Les professionnels guettent l’issue des débats politiques et le rythme des mobilisations sociales.
En 2024, la belle saison s’était prolongée jusqu’à fin octobre sur plusieurs façades littorales, offrant un rattrapage bienvenu. En 2025, l’issue dépendra de la météo, de la confiance des ménages et de la capacité à capter les clientèles étrangères encore présentes.
Sur le terrain, l’état d’esprit est pragmatique. Les restaurateurs misent sur un été indien pour rattraper une partie du manque à gagner, tout en préparant l’automne et l’hiver avec une gestion plus serrée du poste achats, de la masse salariale et des heures d’ouverture.
Qui est éric abihssira et pourquoi son diagnostic compte
Vice-président de l’UMIH et président de la Fédération Hôtellerie Restauration et Tourisme Nice Côte d’Azur, Éric Abihssira observe à la loupe les flux azuréens. Son constat d’une bonne tenue du haut de gamme et d’une contraction du panier moyen domestique recoupe les retours de salle et les performances hôtelières locales.
Sa lecture éclaire une segmentation de marché plus nette: capter la clientèle internationale n’est plus une option dans les destinations touristiques majeures. Elle conditionne désormais l’équilibre économique d’une partie des établissements.
Calendrier et aléas: ce que surveillent les professionnels
La fin de saison se jouera à la marge sur trois variables:
- Stabilité sociale en septembre et octobre, déterminante pour les réservations.
- Météo de l’arrière-saison, catalyseur des week-ends prolongés et des déjeuners en terrasse.
- Change euro-dollar, avec un effet direct sur le pouvoir d’achat des visiteurs nord-américains.
Les institutions publiques confirment par ailleurs la place du tourisme dans la croissance nationale. Le comité interministériel du tourisme réuni fin juillet 2025 en a fait un axe de soutien, tout en rappelant les défis de compétitivité, de formation et de durabilité du secteur.
Pour les restaurateurs, l’enjeu est d’articuler très court terme et transformation plus structurelle. Ceux qui parviennent à diversifier leurs canaux de vente, à optimiser leur carte et à mieux cibler leur clientèle sortent plus solides des épisodes de tension.
Cap sur une recomposition durable des modèles économiques
Le contraste de la saison révèle une recomposition des modèles gagnants. Les segments premium ancrés dans des destinations internationales, les formats rapides à prix contenus et les indépendants agiles dans leur proposition de valeur résistent mieux à la baisse du pouvoir d’achat domestique.
À court terme, la trajectoire de la demande étrangère restera un déterminant clé, comme la capacité à prolonger l’activité sur l’arrière-saison. À moyen terme, la question de la densité d’offre et des critères de qualité s’invitera dans le débat public, que ce soit via des outils d’urbanisme, des incitations sectorielles ou la piste discutée d’un numerus clausus.
Entre arbitrages budgétaires des ménages, appétit des visiteurs internationaux et tensions de coûts, la restauration française entre dans une phase de tri sélectif où la différenciation, l’excellence opérationnelle et l’ancrage territorial feront la différence.