Comment Olikrom transforme l'aéronautique avec ses pigments ?
Découvrez comment Olikrom utilise des pigments intelligents pour révolutionner le contrôle qualité dans l'aéronautique et la défense.

Une PME bordelaise fait bouger les lignes dans l’aéronautique et la défense. Olikrom, connue pour ses revêtements photoluminescents, installe désormais ses pigments intelligents au cœur des chaînes de traitement anticorrosion.
En juin 2025, l’entreprise a dévoilé au Bourget une innovation qui matérialise l’invisible et facilite les contrôles qualité à grande échelle. Une stratégie assumée, ancrée dans la souveraineté industrielle et l’excellence chimique française.
De la route aux airs : olikrom change d’échelle et d’horizon
Installée à Pessac, près de Bordeaux, Olikrom a bâti sa réputation avec des revêtements photoluminescents pour le marquage routier. Le principe est simple et redoutablement efficace : les pigments se chargent la journée en lumière naturelle, puis restituent une lueur la nuit, améliorant la visibilité pour les cyclistes et les piétons. Cette première brique a structuré un savoir-faire rare dans le pilotage de la lumière et des stimuli physiques.
L’entreprise n’est toutefois plus cantonnée à la voirie. Elle conçoit désormais des pigments réactifs capables de changer d’état ou de couleur sous contrainte.
Ces matériaux intelligents adressent des secteurs variés tels que la santé, la cosmétique, l’industrie, le luxe et, plus récemment, l’aéronautique, le spatial et la défense. Ce glissement sectoriel n’était pas évident il y a dix ans, mais il consacre une trajectoire d’industrialisation méthodique.
À la tête de l’entreprise, Jean-François Létard, chimiste issu de l’Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux, défend une vision résolument appliquée : développer des formulations exploitables par les industriels, sur lignes existantes, sans rupture de process. Le positionnement gagne en pertinence à mesure que les besoins de contrôle, de détection et de traçabilité s’intensifient dans les filières sensibles.
Le profil Olikrom en bref
Fondation et ADN : spin-off portée par un chercheur en chimie des matériaux, ancrée dans l’ICMCB à Bordeaux.
Equipe : environ 20 salariés, avec un socle de compétences en chimie des pigments et en industrialisation.
Capacités : développement de pigments sensibles aux contraintes physiques et chimiques, intégrables dans des peintures, vernis ou bains de traitement.
Positionnement : du marquage routier à l’aérospatial et à la défense, avec une logique d’adjuvants ajoutés à des procédés existants.
Ces pigments sont élaborés pour réagir à un stimulus cible : variation de température, choc mécanique, contrainte chimique ou exposition lumineuse. Ils passent d’un état à l’autre de manière réversible ou irréversible selon l’objectif. L’intérêt industriel tient dans la détection visuelle immédiate d’un événement sinon invisible, par exemple un début de corrosion ou une fuite étanche à l’œil nu.
Visiokrom au bourget 2025 : rendre visible l’anticorrosion sur pièce
Quatre années de R et D ont abouti à VisioKrom, présenté au Salon international de l’aéronautique et de l’espace du Bourget en juin 2025. La promesse est ciblée et concrète : un adjuvant coloré à ajouter aux traitements de surface afin de visualiser la bonne application des protections anticorrosion et faciliter les contrôles qualité.
VisioKrom s’intègre aux bains existants utilisés sur des pièces métalliques, notamment en aluminium, sans altérer les propriétés de la pièce. Une fois déposé, l’adjuvant révèle la couverture du traitement, ce qui aide à détecter les manques, les surépaisseurs ou les défauts d’adhésion. La solution a été validée à l’échelle industrielle et fait l’objet d’une protection par brevet, ce qui lui confère un avantage compétitif sur des marchés très normés.
Olikrom insiste sur un choix stratégique : plutôt que de courir après des opportunités, l’entreprise a laissé les besoins affluer jusqu’à elle pour concevoir un produit parfaitement ajusté. Cette approche tirée par la demande explique en partie la maturité du produit au moment de sa présentation.
Les traitements anticorrosion sont souvent incolores, en particulier les alternatives au chrome hexavalent. Les contrôleurs s’appuient alors sur des procédures indirectes, longues et coûteuses.
Un adjuvant qui colorise l’interface facilite l’inspection visuelle, améliore la répétabilité des contrôles et réduit le risque de non-conformités tardives. Sur des pièces critiques, gagner en certitude dès la première passe est un levier financier majeur.
Fin des autorisations du chrome VI et bascule industrielle
Le chrome hexavalent, longtemps utilisé pour ses performances anticorrosion, est classé toxique. Sous REACH, plusieurs autorisations sont arrivées à échéance en 2024 dans l’Union européenne. De nombreux sites ont dû substituer vers des solutions basées sur le chrome trivalent. Ces alternatives sont moins dangereuses, mais souvent incolores, d’où l’intérêt d’un adjuvant de visualisation.
Réglementation et traçabilité : sécuriser la chaîne de valeur aéronautique
L’aéronautique vit au rythme d’un corpus normatif dense et évolutif. Face au recentrage réglementaire, le passage au chrome trivalent s’est accéléré. La contrainte ne porte pas seulement sur la chimie, mais sur la preuve du bon traitement. Les maîtres d’œuvre, les rangs 1 et 2, et les ateliers de maintenance ont besoin d’une traçabilité explicite et auditable.
Le bénéfice économique d’une visualisation immédiate se mesure en taux de rebut, en temps de cycle et en coûts de garantie. En maintenance aéronautique, défaire un traitement coûte cher et retarde le retour en service d’un appareil. Un signal visuel qui atteste la conformité dès l’application est un raccourci opérationnel, surtout lorsqu’il s’intègre sans requalification lourde.
La capacité à équiper des lignes de traitement existantes sans impacter la performance mécanique ou la corrosion de fond est un point de bascule. C’est là que la chimie de formulation et la granularité des pigments d’Olikrom font la différence, en garantissant compatibilité, stabilité et neutralité fonctionnelle.
Chrome VI : excellente tenue anticorrosion, mais toxicité élevée et restrictions croissantes.
Chrome III : alternative moins dangereuse, répondant aux exigences de substitution. Principal frein opérationnel : son caractère incolore qui complique les contrôles visuels et la preuve d’application. Un adjuvant colorant, neutre sur les performances, comble ce manque avec un impact process limité.
Thales bordeaux et airbus : des usages concrets de pigments intelligents
Le recentrage d’Olikrom vers l’aérospatial ne s’est pas fait en chambre. Il est le fruit de commandes venues du terrain, portées par des industriels confrontés à des bascules réglementaires et à la montée des exigences qualité.
Thales bordeaux : bascule anticipée et demande ciblée
En 2021, le site bordelais de Thales approche Olikrom avec une problématique claire : comment sécuriser les contrôles lors du passage aux traitements sans chrome VI. Le groupe fait face à des échéances réglementaires rapprochées et à une pression d’industrialisation. La demande visait une solution intégrable aux bains, capable de révéler l’interface métallique traitée, sans modifier les caractéristiques de la pièce.
Les travaux débutent dans un cadre applicatif et finissent par produire ce qui deviendra VisioKrom. La logique suivie est illustrative d’un développement conduit par l’usage et non par la technologie pour elle-même. Le chantier technologique et l’évaluation industrielle ont été menés en vue d’une validation à l’échelle et d’une réplicabilité multi-sites.
Airbus : détection précoce de la corrosion et maintenance prédictive
De son côté, Airbus a sollicité Olikrom pour des revêtements capables de signaler les premiers signes de corrosion, avant qu’ils ne menacent la structure. L’objectif poursuivi est d’anticiper la dégradation, en permettant un remplacement préventif du revêtement plutôt qu’une intervention lourde et tardive.
Dans ce cas d’usage, les pigments servent de capteurs passifs. Ils rendent visibles les signaux faibles que les contrôles traditionnels détectent difficilement, améliorant ainsi la planification de maintenance et la disponibilité flotte. Ce type de solution peut aussi s’articuler avec des dispositifs d’inspection automatisée, par vision, sur lignes de production.
Pourquoi la couleur compte en contrôle qualité
La détection par contraste optique reste la plus simple, rapide et universelle dans un atelier. Elle se prête à l’inspection humaine et à la vision industrielle. En outre, elle génère un enregistrement visuel directement exploitable pour les audits, la formation des opérateurs et l’amélioration continue. Dans un contexte de multiples sous-traitants, c’est un langage commun efficace.
Défense et souveraineté : un alignement avec la doctrine française
La présence d’Olikrom au Bourget 2025 s’inscrit dans un moment politique et industriel. Le Ministère des Armées a mis l’accent sur le renforcement de l’autonomie stratégique, avec des priorités couvrant l’espace, les drones et les missiles. L’idée directrice est claire : adapter les capacités militaires aux menaces contemporaines et s’appuyer sur un tissu d’innovateurs nationaux pour sécuriser les chaînes d’approvisionnement.
Olikrom a longtemps pesé le pour et le contre d’une entrée dans le secteur de la défense. La décision est aujourd’hui assumée.
Les pigments intelligents jouent sur les longueurs d’onde pour rendre visible, amplifier ou au contraire atténuer des signatures. Dans un monde d’optiques, de caméras et de satellites omniprésents, ces aptitudes deviennent des briques potentiellement déterminantes pour la furtivité ou la dissimulation contrôlée.
Le sujet engage une dimension de souveraineté : produire et contrôler la matière en France, éviter les dépendances sur des technologies critiques, consolider l’industrialisation locale des innovations de rupture. Olikrom illustre cette logique en transformant une compétence de chimie avancée en produits exploitables par les donneurs d’ordre du pays.
L’entreprise applique cinq critères cumulatifs.
- Réalité du besoin : un problème opérationnel bien posé, avec un usage clair.
- Maturité interne : capacité technique actuelle à répondre, sans diluer les forces.
- Cadre de projet : durée, financement, gouvernance, et propriété intellectuelle revenant à Olikrom.
- Enjeu business : potentiel de marché, marge et reproductibilité industrielle.
- Filtre éthique : l’innovation doit répondre à un problème légitime, conforme aux valeurs de l’entreprise.
Ce tri serré oriente les ressources vers les projets à forte probabilité d’impact, tout en préservant le patrimoine technologique.
Gouvernance de l’innovation : propriété intellectuelle, modèle économique et éthique
Le cœur du modèle Olikrom repose sur la propriété intellectuelle des formulations. Les collaborations se structurent autour d’un partage des tâches net : l’industriel expose le besoin et contribue au financement, tandis qu’Olikrom développe la solution et conserve la maîtrise des pigments. Ce montage protège la reproductibilité et la valeur d’usage, deux actifs essentiels dans la durée.
En filigrane se joue une logique de capital immatériel. Plus l’entreprise accumule de solutions brevetées éprouvées en atelier, plus son socle de bouw-out technologique s’épaissit.
C’est un avantage concurrentiel dans les industries où l’adoption se décide autant sur des preuves de stabilité que sur des fiches techniques. La chimie de formulation est une discipline où la démonstration sur ligne réelle vaut plus que la théorie.
Sur l’éthique, la position est explicite : l’entreprise évalue l’usage final. Le double usage civil/défense engage des responsabilités. La mise en place d’un filtre éthique en amont du cycle projet réduit les angles morts et renforce la gouvernance du portefeuille d’innovations, un point scruté de près par les acheteurs publics et les grands maîtres d’œuvre.
Ce que cela change pour un directeur industriel
Moins de rejet et de retouche grâce à une inspection visuelle immédiate.
Meilleure preuve de conformité pour les audits et la relation avec les donneurs d’ordre.
Intégration process sans refonte lourde, car l’adjuvant se greffe aux bains existants.
Maîtrise de la supply chain avec une solution produite en France, facteur clé dans les secteurs souverains.
Capabilités techniques : visibilité, détection et signal contrôle à l’échelle atelier
Les pigments développés par Olikrom ne se contentent pas de colorer. Ils peuvent changer de couleur en cas de choc, signaler une variation thermique, révéler une fuite, ou au contraire effacer une signature selon l’usage. Cette palette d’effets élargit leur rôle de simples traceurs vers des capteurs passifs qui délivrent un signal directement lisible, sans alimentation ni capteur électronique.
La valeur réside dans la combinaison de trois caractéristiques : la spécificité du signal au stimulus ciblé, la stabilité dans le temps et l’innocuité fonctionnelle pour la pièce traitée. Cet équilibre est difficile et justifie l’ancrage scientifique de la société, qui s’appuie sur des connaissances fines en chimie de la matière condensée et en mise en œuvre industrielle.
De l’atelier au salon du Bourget, le message est resté constant : créer de la preuve visuelle à bas coût opérationnel. Avec des phases d’industrialisation progressive, l’entreprise arrive à proposer des solutions qui se branchent sur les process existants. Dans un contexte où les cycles de qualification sont longs, c’est un raccourci stratégique.
1. Définir le stimulus : quel événement doit être capté et à quel seuil.
2. Formuler le pigment : stabilité, compatibilité chimique, signature visuelle.
3. Tester en conditions : vieillissement, abrasion, cycles thermiques, brouillard salin.
4. Intégrer au process : dosage, dispersion, impact nul sur les caractéristiques de la pièce.
5. Valider à l’échelle : capabilité, répétabilité, auditabilité des contrôles.
Les retours d’expérience dans l’aéronautique montrent que la détection précoce d’une corrosion ou d’un défaut de traitement réduit fortement les coûts cachés de maintenance et de non-qualité. Ces coûts ne se lisent pas uniquement sur une ligne comptable. Ils affectent la disponibilité flotte, la réputation fournisseur et la fluidité logistique entre rangs de sous-traitance.
La perspective est plus large. En milieu sensible, la visualisation directe agit comme un standard minimum de preuve, particulièrement dans les transitions de formulation. Elle aide à ancrer des pratiques robustes et à mettre tout le monde au même niveau d’exigence, du laboratoire au contrôleur de ligne.
Un passage à l’échelle instructif pour l’écosystème français
VisioKrom illustre une voie pragmatique pour transformer une expertise scientifique en produit industriel. En faisant du contrôle visuel une fonctionnalité native des traitements, Olikrom met la chimie au service de la qualité et de la souveraineté, deux priorités qui s’alignent avec l’agenda technologique français.
La feuille de route s’éclaire : répondre à des besoins bien posés, protéger la propriété intellectuelle, valider en atelier et industrialiser en France. Dans un environnement où l’anticorrosion se réinvente et où la preuve devient un actif à part entière, la PME pessacaise s’est installée à la confluence de la réglementation, de la qualité et de la matérialité chimique.
Olikrom capitalise sur une science de la couleur utile aux ateliers et aux décideurs, transformant un impératif de conformité en avantage opérationnel et en levier de souveraineté industrielle.