Comment Mulliez Richebé s'adapte aux enjeux modernes ?
Découvrez la transformation de Mulliez Richebé à Chéreng, entre modernisation et préservation de l'héritage familial.

À Chéreng, une PME centenaire ajuste sa trajectoire sans renier son héritage. Depuis juillet 2024, Thomas Mulliez pilote Mulliez Richebé, spécialiste des emballages en carton et de la PLV, avec un cap clair : moderniser l’outil, structurer la RSE et envisager des rapprochements ciblés. Un mouvement de fond qui illustre la maturité des entreprises familiales industrielles de la région lilloise.
Passage de relais et gouvernance réaffirmée chez mulliez richebé
Le transfert de la direction de Bruno Mulliez à son fils Thomas s’est opéré à l’été 2024. L’opération entérine la poursuite d’un modèle patrimonial construit sur plus d’un siècle, tout en ouvrant la voie à des décisions d’investissement plus offensives et à une gouvernance de proximité.
À taille humaine, l’entreprise réunit 45 salariés autour d’un savoir-faire double : la conception et la production d’emballages en carton et la fabrication de PLV pour le point de vente. Ce positionnement hybride, historiquement stabilisé, constitue aujourd’hui un amortisseur face aux cycles sectoriels.
Qui est thomas mulliez ?
Formé à l’EDHEC à Lille, Thomas Mulliez a d’abord créé et revendu une plateforme de vente en ligne de vins, Melchior, incubée chez Euratechnologies. Ce parcours entrepreneurial lui a donné une connaissance fine des exigences opérationnelles et commerciales d’une PME numérique, des arbitrages de trésorerie et des logiques d’acquisition client.
Arrivé chez Mulliez Richebé en 2019 pour un essai, il a progressivement pris la main sur les décisions industrielles et l’organisation commerciale. Son credo : pragmatisme d’exécution et amélioration continue, en assumant la réalité du pilotage année après année dans une structure compacte.
Une transmission organisée, inscrite dans la durée
La transmission s’est faite par rachat du fils au père, garantissant la stabilité du capital et la continuité du modèle familial. L’entreprise revendique un chiffre d’affaires d’environ 9 millions d’euros et une clientèle ancrée majoritairement dans les Hauts-de-France, ce qui lui confère une forte densité relationnelle avec les donneurs d’ordres régionaux.
À l’échelle du territoire, le relais générationnel vient conforter l’ancrage industriel de Chéreng, avec une promesse : réinvestir régulièrement dans un outil orienté productivité et qualité, sans dilution de la culture d’atelier.
Ce que change une gouvernance familiale court-terme + long-terme
Dans une PME détenue et dirigée par un membre de la famille, les arbitrages se décident vite et s’inscrivent dans le temps long. Concrètement :
- Cycle de décision plus rapide pour les achats industriels.
- Vision patrimoniale des investissements, limitée par une dette mesurée.
- Cohérence sociale plus forte grâce à la stabilité du leadership.
Cap industriel et productivité : effets des investissements 2023 à 2025
Le cœur de la stratégie passe par l’atelier. Mulliez Richebé a acquis une ligne combinée de découpe, impression et collage de carton entrée en production en 2023. Capacité visée : 12 000 cartons par heure, contre 3 000 auparavant. L’écart de cadence change l’équation des coûts unitaires et des délais de livraison.
Le ticket global s’élève à 2 millions d’euros. L’opération a été soutenue par la Métropole Européenne de Lille à hauteur de 100 000 euros et par Finorpa via un prêt d’honneur du même montant. La politique d’entretien annuel demeure soutenue, autour de 350 000 euros, avec un cycle d’investissement lourd tous les 5 à 6 ans.
Un saut de cadence qui se traduit en compétitivité
Multiplier par quatre le débit nominal crée un double levier : absorbtion plus souple des pics de commandes et meilleure disponibilité des équipes pour des réglages fins améliorant la qualité. L’enjeu devient la stabilité des séries et la réduction des arrêts, souvent plus déterminants que la seule vitesse théorique.
Au-delà de la cadence, la ligne intégrée réduit les manipulations entre postes. Moins de manutention, c’est moins de rebut, moins de micro-accidents et des délais plus lisibles pour le client final. Dans un environnement où la PLV obéit à des temps courts liés aux campagnes marketing, la fiabilité du planning vaut autant qu’un prix compétitif.
Un chantier immobilier ciblé sur la coopération
Un chantier d’aménagement interne, chiffré à 1 million d’euros, doit étendre le bureau d’études et moderniser un bâtiment. Objectif affirmé : mieux relier les fonctions conception et production, notamment via un réfectoire commun pensé comme lieu d’échanges informels. Une manière de décloisonner sans multiplier les strates hiérarchiques.
Ce choix architectural n’est pas anecdotique : rapprocher méthodes, devis et atelier donne plus d’itérations rapides sur les prototypes, un enjeu clé pour la PLV où la coordination avec les équipes marketing clientes est souvent serrée.
La vitesse nominale n’est qu’un indicateur. Ce qui compte :
- Taux de disponibilité : limiter les arrêts planifiés et non planifiés.
- Qualité en sortie : moins de rebut et de retouches en bout de ligne.
- Cadencement amont : approvisionnement en carton et encres sans goulot.
- Réglages rapides : temps de changement de format et de cliché réduit.
En pratique, une ligne à 12 000 u/h peut livrer 7 000 à 9 000 u/h stabilisés si les flux, le personnel et les formats sont bien orchestrés.
MEL et Finorpa : deux briques financières complémentaires
Pour un projet industriel, les aides publiques et para publiques s’additionnent sans se substituer :
- MEL : subvention d’investissement conditionnée à l’impact local et à la modernisation productive.
- Finorpa : prêt d’honneur facilitant l’effet de levier bancaire, sans dilution du capital.
- Dette bancaire : reste le socle, calibré sur les flux de trésorerie projetés.
Cette architecture réduit le coût moyen du capital et améliore la soutenabilité des capex lourds pour une PME.
Un mix d’activité équilibré : 55 % emballages, 45 % plv
Le modèle de Mulliez Richebé repose sur un équilibre d’activité : environ 55 % du chiffre d’affaires en emballages carton et 45 % en PLV. Le premier segment donne du volume récurrent, la PLV apporte des marges plus dynamiques mais cycliques car liées aux campagnes commerciales.
La géographie des comptes demeure régionale. Ce raccourcissement des flux limite les coûts logistiques et renforce l’argument environnemental. Pour certains clients, le facteur distance pèse désormais autant que le prix, surtout lorsque les délais sont contraints.
Carton : compétitivité face aux alternatives
Le carton, souvent à base de matières recyclées, progresse comme solution par défaut pour les emballages secondaires et tertiaires. Les arguments clés sont connus : recyclabilité, poids contenu, qualité d’impression. La limite se situe sur les usages exigeant une barrière technique, où des traitements spécifiques ou des combinaisons de matériaux restent nécessaires.
Pour une PME, l’avantage concurrentiel se niche dans la souplesse de séries et la co-conception. Les outils de PAO/DAO, couplés à une ligne performante, réduisent les coûts de mise en production sur des volumes intermédiaires, un terrain où les acteurs de très grande taille sont moins agiles.
Plv : réactivité et qualité perçue
La PLV répond à des préoccupations marketing : capter l’attention, respecter la charte, être au sol dans les délais. Les arbitrages se font entre esthétique, durabilité et coût. En pratique, une capacité d’échantillonnage rapide, une colorimétrie maîtrisée et un montage intuitif sont des critères déterminants dans les appels d’offres.
L’alignement des cadences avec l’agenda des campagnes reste un facteur de succès. Les semaines de pointe imposent des plannings tendus, où les retards se paient cash. La nouvelle ligne confère un avantage en temps de traversée, atout directement monétisable.
Deux logiques coexistent et se complètent :
- Réemploi : des emballages conçus pour plusieurs cycles, efficaces sur des boucles logistiques courtes et maîtrisées.
- Recyclé : des flux massifiés, alimentés par les filières REP et le tri, adaptés aux volumes importants.
Pour une PME, proposer les deux options selon l’usage client permet d’optimiser coût total et empreinte carbone sans rigidifier l’offre.
Rse structurée et conformité : de la matière aux machines
La direction affiche des priorités claires. Mulliez Richebé formalise son bilan carbone, recycle la totalité de ses chutes de découpe et intègre environ 80 % de matière recyclée dans ses cartons. Le plan à court terme inclut l’isolation des locaux, la végétalisation du site et l’achat de machines évaluées aussi sur leur consommation et leur origine de fabrication.
Ces actions apportent des gains immédiats : moins de déperdition énergétique, meilleurs scores dans certains appels d’offres, amélioration des conditions de travail. Pour une PME non soumise aux obligations CSRD, c’est une façon de rester admissible chez les grands comptes qui diffusent leurs exigences ESG à leurs fournisseurs.
Agec, éco-modulations et cahiers des charges clients
La loi AGEC, avec ses évolutions, tire le marché vers la réduction des déchets, l’information du consommateur et le développement du réemploi, en particulier dans les secteurs de grande consommation. En pratique, ce sont les cahiers des charges qui accélèrent la transformation : exigences de traçabilité matière, consignes de tri, taux d’incorporation, limitation des encres et traitements spécifiques.
Les éco-modulations tarifaires dans les filières REP valorisent les choix favorables au recyclage. Pour une entreprise comme Mulliez Richebé, l’anticipation de ces critères dans la phase de conception évite des surcoûts ultérieurs sur le cycle de vie du produit.
Bilan carbone : périmètres qui comptent en emballage
Pour un fabricant de carton et PLV, l’empreinte se concentre souvent dans :
- Scope 1 : gaz et carburant des engins de manutention.
- Scope 2 : électricité des lignes d’impression et de découpe.
- Scope 3 : matériaux entrants, logistique amont et aval, fin de vie des produits.
Les leviers à fort impact incluent l’optimisation des formats pour limiter la matière, le taux d’incorporation recyclée, la compacité des palettes et l’efficience énergétique par pièce.
Les contraintes environnementales s’étendent aux intrants : encres à base aqueuse ou UV, colles sans solvants, limitation des composés controversés. Les achats ont donc un rôle stratégique : négocier des référentiels plus propres sans dégrader la tenue des impressions et la cadence de production.
Capitaux et croissance externe : options réalistes pour une pme de 9 m€
La direction se dit ouverte à la croissance externe, avec prudence. Trois pistes crédibles émergent : une structure de réemploi d’emballages compatible avec la logistique régionale, un atelier d’impression numérique pour enrichir l’offre PLV, ou un acteur de finition permettant de capter davantage de valeur en aval.
Les opérations de ce type s’évaluent en multiples raisonnés de l’EBE et postulent un plan d’intégration attentif. Le défi est humain autant que financier : préserver la proximité client et ne pas ralentir la machine opérationnelle durant la phase de bascule, toujours risquée pour une petite structure.
Cibles probables et logiques d’intégration
Dans le réemploi, l’intérêt réside dans des boucles courtes et sectorielles : cosmétique, e-commerce régional, agroalimentaire frais. Les cibles avec un SIRH et un WMS déjà en place facilitent la convergence des systèmes et la visibilité des flux.
En impression numérique, l’acquisition d’un acteur disposant d’un parc récent réduit le délai d’entrée et sécurise la colorimétrie. Pour la finition, un savoir-faire en collage spécifique ou pliage technique permet d’élargir l’offre PLV sans allonger les délais.
- Vérifier la qualité du carnet de commandes et sa récurrence par client.
- Auditer l’état réel des machines, les maintenances lourdes à venir et la disponibilité des pièces.
- Cartographier les compétences clés et le risque de départs critiques.
- Intégrer les coûts cachés : systèmes, normes, mise à niveau sécurité.
- Planifier l’après-closings : gouvernance, reporting, priorités à 90 jours.
Financements mobilisables pour une croissance ciblée
Une PME industrielle peut agréger plusieurs leviers :
- Dettes d’acquisition adaptées aux flux de trésorerie de la cible.
- Quasi-fonds propres via acteurs régionaux spécialisés.
- Subventions ou avances liées à l’emploi, la décarbonation, la relocalisation.
Le calibrage optimal combine coût du capital, calendrier de remboursement et niveau de risque d’intégration.
Ancrage régional : filière carton et emploi local
La force de Mulliez Richebé tient à un maillage court. Les fournisseurs de carton, d’encres et de colles, ainsi que les logisticiens, sont en grande partie situés dans un rayon restreint autour de Lille. Cette configuration réduit les aléas d’approvisionnement et soutient l’argument bas-carbone des circuits courts.
Le bassin de compétences, alimenté par des écoles techniques, centres de formation et dispositifs d’insertion, reste un atout. Sur des métiers où l’expérience atelier prime, le maintien d’un savoir-faire local limite les coûts d’intégration et sécurise la transmission interne.
La filière carton du nord : un écosystème connecté
Entre fabricants d’ondulé, imprimeurs, façonniers et distributeurs, la filière forme une chaîne où la réactivité et la qualité de communication priment. Les projets PLV, exigeants en délai, sont révélateurs de la performance de l’ensemble. La capacité à faire circuler vite les BAT, modifier un gabarit ou ajuster une palette just-in-time, devient déterminante.
Dans cette configuration, la consolidation raisonnée peut apporter de la valeur si elle sécurise des capacités critiques sans rigidifier l’ensemble. L’obsession doit rester la même : tenir le délai et le niveau de finition, à coût maîtrisé.
Mini glossaire : PLV et cartons, les termes utiles
Quelques repères pour lire les offres et fiches techniques :
- PLV : Publicité sur Lieu de Vente, supports de mise en avant produit.
- Carton ondulé : structure en cannelures offrant rigidité et légèreté.
- PAO/DAO : outils de conception et d’arts graphiques pour préparer l’impression et la découpe.
- BAT : Bon à tirer, validation finale d’impression avant lancement.
Gouvernance élargie : liens familiaux et indépendance opérationnelle
La proximité nominale avec la galaxie Mulliez nourrit parfois des attentes. Mulliez Richebé reste une entité indépendante dans son pilotage, à l’échelle d’une PME. Le nom ouvre des portes, mais il impose surtout un niveau d’exigence. La compétitivité est jugée au prix, au délai et à la qualité, pas au patronyme.
La direction assume cette ligne : utiliser le réseau quand il crée du sens, privilégier la discipline économique au quotidien. C’est un arbitrage sain pour une industrie où la marge s’obtient autant par le détail opérationnel que par la conquête commerciale.
Qui dit nom prestigieux ne dit pas carnet de commandes garanti
Le groupe familial au sens large coiffe des enseignes diverses. Pour autant, la concurrence entre fournisseurs demeure la règle. Les directions achats recherchent des solutions fiables et standardisées, souples pour la PLV et robustes pour l’emballage, avec des critères comparables d’un appel d’offres à l’autre.
Pour Mulliez Richebé, la meilleure carte de visite reste la constance : respecter la promesse et faire simple. La modernisation de l’outil sert ce message.
La PLV est une activité de rythmes courts. La possibilité de valider un surcroît d’heures, un achat urgent de consommables ou un créneau exceptionnel d’expédition sans process lourds maintient la compétitivité. La centralisation des décisions peut, à l’inverse, allonger le délai et annihiler l’avantage local.
Cap sur 2027 : priorités opérationnelles et opportunités rationnelles
La feuille de route tient en quelques axes. Consolider la productivité de la ligne mise en service en 2023, réussir l’extension des espaces de conception pour accélérer les développements, et structurer la démarche carbone au niveau attendu par les grands comptes. En parallèle, surveiller les opportunités d’acquisitions taille PME qui renforcent le cœur de métier.
À court terme, la basse conjoncture n’empêche pas d’avancer. Les gains opérationnels financent la suite. L’entreprise bénéficie d’un ancrage régional solide, d’équipes expérimentées et d’une direction à l’aise avec le pilotage granulaire. Le trio productivité, RSE utile, et proximité métier peut suffire à la faire grandir, sans rupture ni promesse démesurée.
Sous l’impulsion de Thomas Mulliez, Mulliez Richebé joue une partition industrielle disciplinée : investir, simplifier, décarboner, pour livrer plus juste et plus vite, au service d’un ancrage régional qui demeure sa meilleure assurance.