À Port-Jérôme-sur-Seine, Arlanxeo prépare l’arrêt de son unité de caoutchouc synthétique. Annoncée le 3 octobre 2025, la fermeture envisagée d’ici 2027 place 165 salariés dans l’incertitude et ravive les craintes sur la compétitivité de la chimie européenne. Le groupe, contrôlé par Aramco, met en avant une demande durablement faible et des coûts élevés, sur fond de pression réglementaire accrue.

Fermeture d’Arlanxeo à Port-Jérôme : 165 emplois en suspens

L’industriel des élastomères synthétiques a dévoilé son intention de fermer le site de Port-Jérôme-sur-Seine en Seine-Maritime. La mesure, soumise au dialogue social, viserait un arrêt effectif au plus tard en 2027, selon les informations initiales communiquées par la direction. Le site fabrique des caoutchoucs destinés à des usages critiques, notamment dans l’automobile, les infrastructures électriques, les chaînes pétrolières et gazières, ainsi que le bâtiment.

Arlanxeo a réalisé environ 120 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2024 en France. L’empreinte nationale de l’entreprise inclut un second établissement à La Wantzenau (Bas-Rhin), qui n’est pas visé par l’annonce.

  • Automobile : pneumatiques, joints, durites et pièces antivibratoires.
  • Électricité : gaines et composants d’isolation.
  • Pétrole et gaz : matériaux compatibles avec des environnements contraints.
  • Construction : étanchéité et éléments d’absorption des chocs.

Ce que fabrique le site normand

Le site produit des élastomères synthétiques entrants dans la composition de pièces soumises à des contraintes mécaniques et thermiques. Les qualités recherchées sont l’élasticité, la résistance chimique et la durabilité pour des applications industrielles exigeantes.

Métriques Valeur Évolution
Emplois menacés à Port-Jérôme 165 n. a.
Chiffre d’affaires France (2024) 120 M€ non communiqué
Production chimique UE (2024) -2,5 % année sur année
Indice de production chimique France (2023-2024) -5 % glissement annuel

Le bassin de Port-Jérôme, proche du Havre, concentre raffineries, chimie de spécialités et activités parapétrolières. La fermeture annoncée d’Arlanxeo s’ajoute à celle des activités chimiques d’ExxonMobil, intervenue antérieurement sur la zone, fragilisant un tissu d’emplois industriels qualifiés et des sous-traitants spécialisés.

Causes invoquées par la direction : demande atone et coûts en hausse

Dans un communiqué du 3 octobre 2025, Stephan van Santbrink, PDG d’Arlanxeo, motive le projet par une « demande faible persistante » et une « compétitivité en baisse » de la chimie européenne. La direction cite trois facteurs convergents : hausse des coûts, déséquilibres des marchés mondiaux, pression réglementaire accrue.

Le site normand est qualifié de « structurellement déficitaire ». Malgré des actions internes d’amélioration, aucune solution jugée viable n’a été retenue pour rétablir la profitabilité.

Arlanxeo opère environ une vingtaine de sites dans huit pays. La France demeure présente avec l’usine de La Wantzenau, tandis que Port-Jérôme est désormais sur la sellette dans le cadre d’une procédure de consultation sociale et d’éventuelles alternatives industrielles si elles venaient à émerger.

Port-Jérôme : chronologie et périmètre

  • 3 octobre 2025 : annonce du projet de fermeture et ouverture d’une phase d’information-consultation avec les représentants du personnel.
  • Horizon 2027 : échéance visée pour l’arrêt, sous réserve des discussions sociales et administratives.
  • Périmètre : 165 emplois sur le site normand, fonctions de production et support associées.

Périmètre juridique annoncé

L’entreprise prévoit un plan de sauvegarde de l’emploi pour accompagner les salariés affectés par le projet d’arrêt. Une période d’information et de consultation avec les représentants du personnel a été déclenchée, préalable à tout dépôt de dossier auprès de l’administration.

Onde de choc dans la chimie européenne : perte de compétitivité et pression réglementaire

La fermeture d’Arlanxeo s’inscrit dans une période tendue pour la chimie européenne, confrontée à une concurrence asiatique agressive et à une facture énergétique historique depuis la guerre en Ukraine. Selon les chiffres sectoriels, la production chimique en Europe a reculé de 2,5 % en 2024, quand l’Asie progressait de 4 %, creusant davantage l’écart de compétitivité (Cefic, 2025). En France, l’INSEE indique une baisse de 5 % de l’indice de production chimique entre 2023 et 2024.

Ces arbitrages industriels s’ajoutent à des décisions antérieures dans le même bassin d’emploi. Les observateurs pointent un effet boule de neige : repli de la demande en aval, coûts d’énergie durablement élevés, normes plus strictes, ainsi que des capacités additionnelles mises en service en Asie, souvent à coûts de revient plus bas.

Effets d’entraînement pour l’automobile et la construction

Le caoutchouc synthétique d’Arlanxeo alimente des chaînes de valeur sensibles où la stabilité d’approvisionnement prime. L’automobile représente environ 40 % de la demande d’élastomères d’Arlanxeo.

Le basculement vers l’électrification ne supprime pas ces besoins, mais les recompose : pneumatiques, pièces d’étanchéité, gestion thermique. Les coûts de reprise logistique depuis des sites extra-européens et l’intégration qualité sont des sujets immédiats pour les équipementiers.

  • Dépendance géographique : réallocation d’approvisionnements potentiellement plus lointains.
  • Coûts de substitution : recalibrage des qualifications matériaux et certifications.
  • Délais : allongement de la chaîne logistique en import, risque de tensions sur les stocks.

Le secteur de la construction est aussi concerné, notamment sur les produits de jointage et d’étanchéité. Dans l’énergie, la tenue chimique des matériaux aux hydrocarbures et hautes températures demeure un enjeu de performance où les élastomères spécialisés jouent un rôle critique.

Le coût du gaz et de l’électricité reste supérieur à celui des zones concurrentes, et les dispositifs d’atténuation ne compensent pas entièrement l’écart. Sur des procédés thermointensifs typiques de la chimie, la ligne énergie est un poste de coût stratégique et le différentiel de prix se répercute sur les marges et les décisions d’investissement.

Emploi et droit social : déroulé du PSE et enjeux de reclassement

La direction d’Arlanxeo Elastomères France a indiqué l’ouverture d’un processus d’information-consultation auprès des représentants du personnel et l’élaboration d’un PSE. Les syndicats, de leur côté, ont annoncé vouloir vérifier si le projet ne correspond pas à une délocalisation dissimulée vers des sites plus compétitifs, notamment en Asie, compte tenu des arguments de coûts avancés.

Juridiquement, un PSE s’apprécie au regard des efforts de reclassement interne et des mesures d’accompagnement proposées. L’administration est amenée à contrôler la qualité du plan, tandis que la collectivité locale étudie les leviers de soutien à la reconversion.

La préfecture de Seine-Maritime peut contribuer à mobiliser des outils visant à limiter la casse sociale et à favoriser la revitalisation économique. Des précédents dans la zone illustrent que des programmes de revitalisation ont permis la création d’emplois nouveaux après des fermetures d’unités chimiques.

Dispositifs de soutien publics mobilisables

  • Accompagnement des transitions : appui aux salariés via dispositifs de retour à l’emploi, formations et reconversions.
  • Reclassement : priorisation des postes disponibles au sein du groupe, en France et à l’étranger, le cas échéant.
  • Revitalisation territoriale : intégration d’engagements en faveur de la création d’activités sur la zone.

Calendrier probable des étapes sociales

  1. Information du CSE et ouverture de la consultation sur le projet d’arrêt et ses impacts.
  2. Négociation ou élaboration du PSE, avec propositions de mesures d’accompagnement et de reclassement.
  3. Contrôle administratif du PSE et ajustements éventuels à la demande de l’autorité compétente.
  4. Mise en œuvre opérationnelle, incluant les dispositifs d’accompagnement des salariés éligibles.

En parallèle, des démarches territoriales peuvent démarrer pour détecter des opportunités d’implantation et des projets de réindustrialisation.

Au-delà des obligations formelles, l’efficacité d’un PSE se mesure à la qualité des parcours proposés : cartographie des compétences, passerelles vers des métiers voisins, formations certifiantes, soutien à la mobilité géographique lorsque pertinent. Pour les entreprises, la traçabilité des recherches de reclassement et l’anticipation des besoins locaux sont des déterminants clés du contrôle administratif.

Arlanxeo et Aramco : positionnement industriel et empreinte française

Arlanxeo est née en 2016 d’une coentreprise entre Lanxess et Saudi Aramco. En 2018, l’entreprise est devenue filiale à 100 % d’Aramco.

Le groupe saoudien, qui compte plus de 75 000 salariés, affiche un leadership mondial dans l’énergie et les produits chimiques. Arlanxeo s’est spécialisée dans la production d’élastomères synthétiques, avec une capacité mondiale dépassant 1,5 million de tonnes par an d’après ses données d’entreprise.

En France, Arlanxeo emploie environ 300 personnes au total, dont les effectifs répartis entre le site normand et celui de La Wantzenau. Le projet de fermeture de Port-Jérôme constituerait un choc industriel pour l’écosystème normand, déjà fragilisé par des arrêts d’activité antérieurs dans la chimie et la pétrochimie.

La Wantzenau : maintien de la présence industrielle

Le site de La Wantzenau, en Alsace, est l’autre pilier d’Arlanxeo en France. Il n’est pas inclus dans l’annonce de fermeture. Le maintien de cette base industrielle française est un enjeu de continuité d’approvisionnement pour des clients tricolores et transfrontaliers et pourrait jouer un rôle dans d’éventuels reclassements internes.

Arlanxeo, sous l’égide d’Aramco, peut arbitrer ses volumes vers des zones en croissance plus rapide, y compris en Asie ou au Moyen-Orient. De tels mouvements répondent à la logique économique de l’industrie des commodités chimiques, où l’échelle, le coût de l’énergie et la proximité des marchés clients déterminent souvent l’affectation des capacités.

Quitter Port-Jérôme : quels signaux pour l’UE

Le retrait d’une unité de caoutchouc synthétique sur le sol français envoie un signal de basculement des capacités. Il interroge l’avantage comparatif de l’UE sur des segments énergivores et à marges sous pression. Les politiques publiques orientées vers la transition énergétique et la réduction des coûts de production conditionneront la trajectoire des sites restants.

Quel cap pour la filière chimique française à court terme

La filière appelle des réponses ciblées sur les coûts de l’énergie, la compétitivité hors prix et l’investissement productif. Les organisations professionnelles insistent sur la nécessité d’outils de transition énergétique et d’allègements fiscaux pour maintenir en France des productions de base indispensables aux chaînes industrielles. Au niveau politique, l’exécutif a plaidé pour une stratégie industrielle européenne afin de redonner de l’oxygène aux sites exposés à la concurrence internationale.

La trajectoire d’Arlanxeo à Port-Jérôme sera scrutée à l’aune du dialogue social et de la capacité du territoire à convertir le choc en opportunité de requalification industrielle. Les prochains mois, rythmés par les consultations, diront si un compromis peut atténuer l’impact pour les salariés et l’écosystème local.

Un test grandeur nature pour la résilience industrielle française et la cohérence des politiques publiques en période de recomposition mondiale.