FenêtréA lève murs et toits : 41 maisons pour fidéliser ses futurs salariés
À Beignon, FenêtréA investit 30 M€ dans une usine aluminium et construit 41 maisons pour ses employés, conjuguant développement industriel et attractivité RH.

À Beignon, la PME bretonne FenêtréA fait parler d’elle : alors qu’elle pose la première pierre de “Horizon Brocéliande”, lotissement destiné à ses futurs collaborateurs, l’industriel confirme qu’il investit plus de 30 M€ dans une nouvelle usine aluminium et prévoit de créer 100 emplois.
Un investissement industriel audacieux au cœur du Morbihan
FenêtréA, spécialiste des menuiseries PVC, bois et désormais aluminium, poursuit son développement depuis Beignon (56) où l’entreprise familiale emploie déjà près de 500 salariés. Son plan stratégique 2024‑2030 table sur un chiffre d’affaires de 78 M€ d’ici 2025 et s’appuie sur la construction d’une unité de 20 000 m2 consacrée aux châssis aluminium. Sur un marché ultra‑concurrentiel, l’outil industriel offrira :
- Une capacité annuelle supplémentaire estimée à 120 000 fenêtres.
- Une automatisation accrue des lignes de débit et d’assemblage.
- Une performance énergétique visant la certification ISO 50001 dès la mise en service.
Bon à savoir : l’effet “France Relance”
FenêtréA bénéficie d’un soutien de l’État via le guichet France Relance Industrie. Celui‑ci couvre jusqu’à 20 % des dépenses en matériel productif économe en énergie, accélérant la modernisation tout en sécurisant l’approvisionnement local des installateurs.
Quand la pénurie de logements freine la croissance
Le dynamisme industriel ne suffit pas : l’équation logement‑emploi est devenue critique à Beignon. Avec seulement 2 000 habitants, la commune subit :
- La pression démographique rennaise : 45 minutes de route suffisent pour rejoindre la capitale bretonne, et nombre d’actifs y travaillent tout en cherchant un cadre de vie rural.
- Une tension locative : environ 200 demandes insatisfaites, d’après la mairie.
- Un déficit de mobilités : l’absence de transport en commun adapté aux horaires d’usine laisse la voiture individuelle (et des parkings saturés) comme unique option.
• Taux de vacance locative : 1,2 % (contre 7 % au niveau national).
• Prix moyen de la maison ancienne : 2 050 €/m2 (+25 % sur 5 ans).
• Parts des résidences secondaires dans le parc : 11 %, accentuant la rareté de l’offre permanente.
Pour Dominique Lamballe, président de FenêtréA, « recruter au‑delà de 25 km sans solution de logement de proximité mène à un turn‑over systématique ». L’entreprise, qui embauche déjà 30 à 40 personnes par an, inaugurera bientôt un pic de 100 recrutements ; elle choisit donc de devenir… promoteur immobilier.
Horizon Brocéliande : un modèle d’intégration locale
La filiale Horizon Brocéliande, créée pour l’occasion, a acquis 10 900 m2 viabilisés auprès de la commune. Le programme comprend 41 maisons individuelles livrées en trois vagues :
Tranche | Livraisons prévues | Statut (loc./vente) |
---|---|---|
A | avril 2026 | 8 locations / 4 ventes |
B | avril 2027 | 8 locations / 4 ventes |
C | avril 2028 | 11 locations / 6 ventes |
Chaque maison bénéficiera d’un garage, d’un jardin et d’une isolation alignée sur la RE2020. Afin de ne pas concurrencer durablement le marché local, FenêtréA s’est engagée à revendre ou céder les lots au bout de dix ans.
Le BRS dissocie foncier et bâti : l’occupant achète la construction et loue le terrain pour une redevance modique. FenêtréA a retenu une autre voie ; toutefois, un BRS aurait pu garantir la maîtrise des prix sur 99 ans et sécuriser la dimension sociale du projet.
Impacts économiques et sociaux attendus
Au‑delà des 100 embauches, les répercussions pèsent :
- Fiscalité locale : taxes foncières supplémentaires pour la commune estimées à 45 000 € par an.
- Économie circulaire : 80 % des matériaux proviendront de fournisseurs bretons, ce qui pourrait injecter 6 M€ dans les circuits régionaux.
- Mixité sociale : en réservant 40 % des lots à la vente, la société encourage l’ancrage familial des salariés et la création de nouveaux services (crèche, commerces).
L’éclairage RH
Le logement d’entreprise réduit le turn‑over : selon l’Observatoire français des mobilités, la fidélité d’un salarié baisse de 30 % lorsqu’il parcourt plus de 40 km par jour. À coût constant, le foncier demeure moins cher qu’un recrutement raté (estimé entre 15 000 € et 45 000 € dans l’industrie).
Cadre juridique et fiscal de l’opération immobilière
La société de projet Horizon Brocéliande opère en SAS patrimoniale. Ce choix autorise :
- L’apport initial de FenêtréA sous forme de compte courant sans immobiliser son cash‑flow industriel.
- L’ouverture éventuelle du capital à des investisseurs de territoire (collectivités, SCIC, Crédit Mutuel Arkéa) pour sécuriser la commercialisation de la tranche C.
- Un régime de TVA sur marge, optimisant la revente progressive des maisons.
Du point de vue fiscal, l’entreprise pourra amortir le bâti sur 25 ans et déduire les charges financières liées au prêt immobilier. En revanche, la détention directe du foncier s’arrête à 10 ans : au‑delà, la plus‑value latente serait réintégrée au résultat de la SAS, d’où la clause de cession graduée.
Classé en zone B2 bis du nouveau zonage ALUR, Beignon permet, sous conditions, d’obtenir 50 % d’exonération de taxe d’aménagement pour les logements locatifs sociaux. FenêtréA négocie actuellement avec la Communauté de communes pour élargir cette mesure aux maisons proposées à la location à ses salariés.
FenêtréA en chiffres et en perspective
Née en 1993, l’entreprise affiche une progression moyenne de +6 %/an sur la décennie. Son ADN :
- Découpe numérique du PVC dès 2004 : un premier virage vers l’Industrie 4.0.
- Certification Origine France Garantie obtenue en 2012.
- 85 % de ses ventes réalisées dans le grand Ouest, avec un réseau de 800 poseurs indépendants.
Le passage à l’aluminium répond à une demande croissante de châssis “couleur” sur le segment rénovation haut de gamme. Lu dans le dernier Observatoire TBC Innovations : les fenêtres alu capteraient 32 % des parts de marché françaises en 2027, contre 25 % aujourd’hui.
Des initiatives similaires ailleurs ?
Le phénomène n’est pas isolé. En France, plusieurs employeurs revitalisent leur attractivité par l’immobilier :
- Ixblue (défense‑optronique, Côtes‑d’Armor) : résidence de 56 studios livrée en 2023 à Lannion.
- Fromagerie Gillot (Orne) : achat d’un immeuble vacant pour loger 30 saisonniers.
- Lhotellier TP (Oise) : création d’un village‑chantier mobile de 120 lits sur la ligne SNCF Picardie‑Rennes.
Ces projets révèlent une mutation du rôle de l’employeur : face à l’insuffisance des politiques publiques, les entreprises endossent un rôle para‑public dans la planification urbaine.
Le regard des experts sur la stratégie “logements d’entreprise”
Pour Jean‑Christophe Boyer, économiste territorial, « l’accès au logement devient un avantage en nature. Dans les zones rurales, il pèse parfois plus que la rémunération variable ». Selon ses calculs, offrir un T3 à loyer maîtrisé équivaut à un gain net de 350 € mensuels pour le salarié, sans coût social supplémentaire côté employeur.
Côté syndical, la CFDT salue un “plus” mais réclame une charte d’attribution transparente afin d’éviter un lien de subordination renforcé par le bail.
Et maintenant : quels défis à l’horizon ?
FenêtréA devra concilier montée en puissance industrielle et gestion patrimoniale. Trois points resteront sous surveillance :
- Timing réglementaire : la mise à jour du PLUi, prévue en 2026, pourrait conditionner l’extension du parking et des dessertes routières.
- Inflation du BTP : le coût des matériaux a bondi de 18 % en deux ans ; un glissement de 5 % suffirait à rogner la marge espérée sur les ventes.
- Négociation sociale : la sélection des bénéficiaires des 41 maisons testera la cohésion interne alors que les effectifs dépasseront bientôt 600 personnes.
En conjuguant production de fenêtres et production de logements, FenêtréA illustre la nouvelle condition de l’industrie : bâtir des usines ne suffit plus, il faut désormais aussi bâtir des territoires.