À Morlaix, une start-up place la science au bout des doigts des chercheurs comme des marins. FairScope transforme un prototype communautaire en un produit industriel accessible, tout en restant fidèle à une logique open source et frugale. Son microscope digital PlanktoScope, fabriqué en bambou et vendu à un prix contenu, bouscule un marché dominé par des équipements coûteux.

FairScope, ancrage breton et accélération industrielle

Fondée début 2023 par Thibaut Pollina et David Le Guen, FairScope s’est structurée à Morlaix autour d’un produit unique et déjà mondial, le PlanktoScope. L’entreprise compte sept salariés et ambitionne une montée en cadence rapide, s’appuyant sur des partenaires régionaux et nationaux de premier plan.

Le parcours d’amorçage s’est orchestré via l’incubateur d’IMT Atlantique à Brest dès 2023, avec un accompagnement du Technopôle Brest-Iroise, de Bpifrance, du Pôle Mer Bretagne Atlantique et de l’ESA BIC Nord à Plouzané. Ce socle institutionnel structure un passage de l’expérimentation à la production, sans renier l’ADN open source du projet originel.

IMT Atlantique et ESA BIC Nord : leviers d’amorçage

Incubation académique, réseau industriel maritime et apport méthodologique forment un trio déterminant pour la transition de l’objet de laboratoire vers une version industrialisée. L’ESA BIC Nord a ajouté un volet technique utile aux déploiements en environnements sévères, cohérents avec des usages sur bouées, drones ou bateaux.

Bpifrance et Pôle Mer Bretagne Atlantique : effet réseau

Au-delà du financement, l’effet réseau est clé : visibilité auprès des laboratoires, accès aux clusters maritimes, consolidation de la chaîne de valeur locale. L’effet d’entraînement breton s’illustre par une proximité entre industriels, universités et fablabs, propice à l’itération rapide.

Repères chiffrés à retenir

FairScope revendique une empreinte internationale pour un produit open source industrialisé.

  • Plus de 26 pays concernés par les ventes.
  • Plus de 320 unités déployées auprès de 116 laboratoires.
  • 7 salariés à Morlaix.
  • Chiffre d’affaires 2024 de 560 000 euros.
  • Objectif 2026 à 1 million d’euros.

Le PlanktoScope, différenciation par le prix et la frugalité

Le PlanktoScope vise le cœur des usages scientifiques sans les coûts prohibitifs des équipements haut de gamme. Proposé à moins de 5 000 dollars, soit environ vingt fois moins cher que des références industrielles équivalentes, il s’adresse aux laboratoires, ONG, acteurs de l’aquaculture et communautés citoyennes désireuses de cartographier le plancton rapidement et à coûts maîtrisés.

La conception en bambou et la fabrication locale réduisent l’empreinte matérielle tout en facilitant la maintenance. La logique open source permet à une communauté internationale de contribuer aux améliorations, modules et protocoles, sans verrouillage propriétaire.

Bambou et fabrication locale : empreinte réduite

Le choix de matériaux biosourcés répond au double impératif de robustesse et de sobriété. À l’usage, cela simplifie la réparabilité et l’adaptation aux environnements maritimes, la mer demeurant un milieu contraint où la fiabilité et la continuité de service priment.

Interface, image et échantillonnage

L’appareil est conçu pour la captation d’images haute résolution et l’analyse d’échantillons de plancton en environnement varié. La promesse d’usage repose sur la simplicité d’assemblage, l’accès aux pièces et la documentation ouverte, gages d’adoptabilité dans des contextes très hétérogènes, des laboratoires universitaires aux expéditions en mer.

Métriques Valeur Évolution
Prix public indicatif Moins de 5 000 dollars Positionné 20x moins cher
Unités vendues Plus de 320 Cumulatif
Laboratoires clients 116 Cumulatif
Pays Plus de 26 Cumulatif
Chiffre d’affaires 2024 560 000 euros n.c.
Objectif CA 2026 1 million d’euros Objectif

La valeur n’est pas seulement dans le plan technique publié. FairScope commercialise un objet industrialisé avec assemblage, contrôle qualité, documentation prête à l’emploi, support et délai garanti. La version open source coexiste avec un produit fini sécurisé, standardisé et maintenu, ce que les laboratoires privilégient pour des raisons de fiabilité et de conformité opérationnelle.

Open source, cadre juridique et stratégie de capture de valeur

Si les plans du PlanktoScope sont ouverts, la stratégie de FairScope consiste à capturer la valeur par le matériel prêt à l’emploi, les services et les innovations incrémentales. Ce modèle suppose un équilibre fin entre transparence et industrialisation pour conserver un avantage de coût et de qualité tout en fédérant les contributeurs.

Sur le plan juridique, un dispositif open source implique des choix de licence pour la documentation et les fichiers de conception, un encadrement des marques et une gestion des contributions communautaires. En Europe, la commercialisation d’équipements scientifiques impose par ailleurs des vérifications de conformité applicables au type d’appareil concerné. Aucune information publique n’indique la nature des marquages ou attestations mobilisés par FairScope à ce stade.

Marque, documentation et contributions

Les entreprises open hardware protègent typiquement la marque et l’identité visuelle, tout en ouvrant les plans. Les contributions de la communauté nécessitent des modalités de gouvernance claires afin d’éviter les conflits de propriété ou les divergences techniques. FairScope annonce plus de 1 000 contributeurs sur l’écosystème PlanktoScope, un signe de maturité communautaire qui nourrit l’itération produit.

L’open hardware désigne des plans et spécifications publiés permettant à des tiers de fabriquer un objet. À l’inverse d’un simple partage de code, il requiert une documentation matérielle exhaustive. Le modèle économique s’appuie alors sur la qualité d’assemblage, le support, la distribution et la fiabilité du produit fini.

Traction marché, communauté mondiale et relais académiques

La dynamique commerciale est portée par une communauté très active de scientifiques, navigateurs et makers. Le PlanktoScope est utilisé dans l’UE, aux États-Unis et au Japon, mais aussi dans des pays aux budgets restreints comme l’Inde ou le Cambodge. La science participative et les besoins opérationnels des fermes marines ou ports côtiers constituent des terrains d’adoption naturels.

Cette transversalité s’appuie sur des relais académiques et des consortiums engagés pour une observation du plancton à grande échelle, en particulier dans des campagnes de mesures en mer.

Sorbonne et Stanford : crédibilité académique

Des partenariats avec la Sorbonne et Stanford renforcent la pertinence scientifique du dispositif. Les laboratoires y voient une opportunité de densifier les points d’échantillonnage avec un investissement allégé, tout en standardisant la collecte d’images et de données.

PlanktonPlanet : science ouverte et logistique marine

Le consortium PlanktonPlanet accélère le déploiement auprès de navigateurs et de communautés locales. Les retours terrain alimentent des améliorations rapides, depuis la conception mécanique jusqu’aux protocoles d’échantillonnage, dans une logique d’itération continue.

Chaîne de valeur de la donnée planctonique

Pour les acteurs économiques et publics, le plancton fournit des indicateurs précoces sur l’état des écosystèmes marins.

  1. Collecte d’images haute résolution via PlanktoScope sur bouées, bateaux, rivages.
  2. Traitement local ou déporté pour qualifier la biodiversité planctonique.
  3. Décision pour l’aquaculture et la surveillance côtière, avec adaptation des pratiques selon les signaux détectés.

Une base d’utilisateurs diversifiés permet de tester en situation réelle et de signaler rapidement des défauts ou pistes d’amélioration. Ce cycle court d’itération, propre aux écosystèmes ouverts, limite les coûts de R&D internes et accélère la maturité produit.

Équation économique : revenus 2024, cible 2026 et montée en gamme

FairScope a réalisé 560 000 euros de chiffre d’affaires en 2024, avec un objectif de 1 million d’euros d’ici 2026. Le volume déjà engagé, plus de 320 unités sur 116 laboratoires et plus de 26 pays, valide un product-market fit rare pour un matériel scientifique open source.

La prochaine étape annoncée est une version in situ du PlanktoScope capable de fonctionner de manière autonome sur des bouées, drones ou bateaux. Ce segment répond à des besoins récurrents en surveillance littorale et aquaculture, marchés en croissance où la continuité de mesure et la robustesse priment.

Pourquoi la frugalité d’ingénierie crée un avantage prix

En réduisant la complexité à l’essentiel, l’entreprise couvre « 90 % des besoins » avec un objectif de robustesse et de simplicité. Le bénéfice économique est direct : coûts d’acquisition et coûts de possession réduits, accessibilité budgétaire pour des structures qui n’avaient pas les moyens d’équiper des réseaux d’observation étendus.

Segments clients visés par la version in situ

  • Collectivités et agences impliquées dans la qualité de l’eau et la surveillance des côtes.
  • Opérateurs d’aquaculture soucieux d’anticiper les risques biologiques et d’optimiser les cycles d’élevage.
  • Programmes de recherche intensifs en données, désirant multiplier les stations d’observation.

Industrialisation et qualité en volume, sécurisation de la chaîne d’approvisionnement des composants, capacité de support client à l’international, et maintien de la cohérence open source face aux demandes de personnalisation. L’entreprise doit orchestrer ces dimensions sans information publique indiquant des difficultés spécifiques à ce stade.

Politiques publiques : France 2030, French Tech 2030 et dynamique maritime

Le positionnement de FairScope résonne avec les priorités nationales de France 2030 et de French Tech 2030, où l’industrialisation de technologies frugales et écologiques est encouragée. En octobre 2025, l’État a annoncé 147 lauréats dans le cadre des concours d’innovation de France 2030 lors d’un événement à la Seine Musicale. Le communiqué du 14 octobre 2025 ne précise pas de lien particulier avec FairScope, mais confirme la dynamique de soutien public aux innovations technologiques à impact (source officielle, 14 octobre 2025).

Dans cet environnement, les régions littorales comme la Bretagne s’affirment comme des pôles d’excellence pour les technologies marines. Les organisations d’appui déjà citées, dont le Pôle Mer Bretagne Atlantique et le Technopôle Brest-Iroise, favorisent l’alignement entre logiques de recherche, besoins industriels et financements d’accélération.

Sélection 2025 : 147 projets mis en avant par l’État

La volumétrie de la cohorte 2025 illustre la volonté d’accélérer des filières où la France peut bâtir un avantage compétitif. La science ouverte portée par des entreprises comme FairScope s’inscrit dans cette recherche de résilience industrielle et de sobriété des chaînes de production.

Pourquoi l’innovation maritime attire les capitaux publics

Les enjeux maritimes combinent sécurité environnementale, économie bleue et souveraineté des données de mesure. Des solutions capables de densifier l’observation à bas coût facilitent la décision publique, l’alerte précoce et la planification des usages du littoral.

La rentabilité ne tient pas qu’au prix. Elle s’appuie sur une exécution industrielle rigoureuse, une distribution internationale agile et des coûts de R&D mutualisés avec la communauté. L’objectif annoncé de 1 million d’euros en 2026 illustre une trajectoire où la croissance organique s’appuie sur des cas d’usage concrets et récurrents.

Cap sur l’in situ et l’aquaculture : la prochaine bascule de valeur

FairScope s’apprête à lancer une version in situ du PlanktoScope, pensée pour des déploiements autonomes sur bouées, drones ou bateaux. Ce positionnement ouvre l’accès à des contrats récurrents dans la surveillance littorale et l’aquaculture, où la granularité temporelle des mesures prime sur la seule précision unitaire.

Combinant fabrication locale en bambou, documentation ouverte et un prix d’acquisition contenu, l’entreprise bretonne installe un standard de fait pour la démocratisation de l’observation planctonique. Elle montre qu’un produit open source peut devenir un actif industriel lorsqu’il répond à un besoin opérationnel clair et qu’il est porté par un écosystème solide.

Le pari de FairScope est simple : rendre l’observation du vivant plus accessible, pour une science plus utile et mieux partagée.