Comment Eurotunnel transforme son approvisionnement énergétique ?
Découvrez le projet solaire d'Eurotunnel à Coquelles, engagé vers une énergie décarbonée et durable pour ses opérations ferroviaires.

Sur le littoral du Pas-de-Calais, Eurotunnel accélère sa mue énergétique. En misant sur un parc solaire dimensionné pour un site ferroviaire à haute intensité électrique, l’opérateur du tunnel sous la Manche veut conjuguer sécurité d’approvisionnement, maîtrise des coûts et réduction des émissions. Un pari industriel de 50 millions d’euros, à la fois technologique et opérationnel, qui redessine la manière d’alimenter un hub de transport stratégique.
Un investissement ciblé pour sécuriser l’énergie d’un hub ferroviaire
Le terminal de Coquelles s’apprête à accueillir un parc photovoltaïque d’ampleur, adossé à une architecture d’autoconsommation pensée pour les flux ferroviaires. L’effort financier annoncé, 50 millions d’euros, vise un déploiement de 80 000 panneaux et l’atteinte d’une couverture d’environ 12 % des besoins électriques du site à l’horizon 2028, avec une mise en service progressive.
Le message est clair du côté de Getlink, maison mère d’Eurotunnel. La production locale d’électricité doit amortir la volatilité des prix, réduire l’exposition aux pics de marché et répondre à la hausse structurelle des besoins liée aux trafics et aux systèmes de sécurité. Cette énergie consommée au plus près de l’usage constitue aussi un levier de performance opérationnelle.
Pour les trains, la disponibilité d’une puissance stable conditionne les cadences. En ciblant la traction ferroviaire et les auxiliaires de site, Eurotunnel fait le choix d’une énergie décarbonée pilotée à l’échelle industrielle. Cette orientation s’inscrit dans une trajectoire bas-carbone qui touche désormais la conduite même des opérations.
Repères clés du programme solaire d’Eurotunnel
Ce qu’il faut retenir pour mesurer l’ampleur du chantier et ses effets :
- Investissement : 50 millions d’euros.
- Équipements : environ 80 000 modules photovoltaïques.
- Puissance totale : 48 MWc.
- Emprise foncière : 55 hectares sur Coquelles, Fréthun et Peuplingues.
- Part des besoins du site : près de 12 % couverts à terme.
- Rythme ferroviaire : environ 400 trains par jour.
- Emplois mobilisés : jusqu’à 200 personnes durant 2,5 ans de chantier.
- Calendrier : mise en service progressive jusqu’en 2028.
Ces paramètres traduisent une logique d’outil industriel. Au-delà de l’image de la ferme solaire, c’est la continuité de service qui est visée avec un pilotage énergétique aligné sur les besoins ferroviaires, la maintenance et la sûreté d’exploitation.
Une architecture solaire à l’échelle du site : 55 hectares, 48 mwc, trois communes
Le projet s’étend sur 55 hectares répartis entre Coquelles, Fréthun et Peuplingues. La calibration est pensée pour des usages présents et futurs, tout en respectant les contraintes d’emprise, de visibilité et de coactivité avec les infrastructures existantes.
Avec 48 MWc de puissance installée, la centrale bascule le terminal dans une catégorie rarement atteinte pour un acteur du transport. L’enjeu n’est pas uniquement de produire, mais d’optimiser le couple production-consommation à l’échelle du site, en tenant compte des profils horaires et saisonniers.
Comprendre le mwc et la réalité opérationnelle
Le mégawatt-crête mesure la puissance maximale des panneaux dans des conditions standardisées. Pour le responsable d’un site ferroviaire, l’important réside dans l’énergie utile et sa disponibilité aux bonnes heures. Tout l’enjeu consiste donc à marier la courbe de production solaire avec les pics de traction et de systèmes.
Cette adéquation nécessite des onduleurs dimensionnés, des protections électriques adaptées et un pilotage énergétique fin. Elle s’appuie aussi sur des espaces bien orientés, des réglages d’inclinaison et une maintenance préventive calibrée pour un environnement côtier et venteux.
MWc indique la puissance nominale de l’installation. MWh traduit l’énergie réellement produite sur une période. Le facteur de charge rapporte l’énergie produite à l’énergie qui aurait été générée si la centrale fonctionnait à puissance maximale en continu. Pour un site industriel, le pilotage consiste à maximiser l’énergie autoconsommée au moment où la demande interne est la plus forte.
La répartition sur trois communes relève aussi d’une logique de maillage. Elle permet de limiter les contraintes locales, de valoriser des zones peu exploitées et d’optimiser le câblage pour raccorder les blocs de production aux sous-stations internes.
Power to traction : l’alimentation directe des caténaires comme levier d’efficacité
Getlink revendique une première dans le ferroviaire en alimentant directement la traction par de l’électricité solaire locale. L’innovation, dite power to traction, repose sur un schéma court entre la production photovoltaïque et les équipements d’alimentation des caténaires.
Contrairement à un montage classique où l’électricité transite prioritairement par le réseau public, ce système réduit les pertes et les interfaces. Il diminue également les frais d’acheminement et les aléas de congestion. Autre atout, le pilotage peut être intégré au contrôle d’énergie du site pour accompagner le trafic en temps réel.
Fonctionnement et sécurités d’un schéma d’alimentation directe
Concrètement, la production photovoltaïque est convertie par des onduleurs avant d’être injectée vers des installations d’alimentation traction et des usages auxiliaires. Le dispositif intègre des protections spécifiques, des relais et des automatismes de découplage. L’objectif est de garantir une qualité de courant conforme aux standards ferroviaires, y compris en cas de fluctuations d’ensoleillement.
La bascule entre sources d’énergie reste essentielle pour un équipement de sécurité nationale. Les systèmes sont conçus pour prioriser la continuité par rapport à la maximisation d’autoconsommation. Cela suppose une logique de redondance, des tests dynamiques et une coordination étroite entre équipes énergie et exploitation.
La caténaire transporte l’électricité de traction au-dessus des voies pour l’alimentation des trains. L’alimenter en direct depuis une source locale, via les sous-stations, évite un aller-retour complet sur le réseau public. À la clé, des pertes en ligne réduites et une maîtrise du coût complet de l’énergie délivrée aux rames, sans compromettre les standards de sûreté électrique.
La promesse est aussi stratégique. En industrialisant l’autoconsommation à l’échelle ferroviaire, Eurotunnel avance un modèle reproductible pour d’autres hubs à forte demande électrique, dans la logistique et la mobilité.
Impact économique régional et chaîne de valeur du chantier
Le chantier s’étale sur environ deux ans et demi et mobilise jusqu’à 200 personnes. Au-delà des emplois directs, l’écosystème local bénéficie des besoins en génie civil, en voiries et réseaux, en fondations des tables photovoltaïques et en prestations de maintenance.
Sur le volet approvisionnement, une part significative des opérations relève de la logistique de précision : livraison des modules, câbles, onduleurs, transformateurs, tests d’intégration. Les phases de réception et de mise en service exigent un calendrier serré pour limiter l’impact sur l’exploitation du terminal.
Chantier et chaîne de valeur locale
La mise en œuvre s’appuie sur plusieurs maillons : études de sols et topographie, conception électrique, planification chantier, travaux d’installation, raccordements, essais et documentation d’acceptation. Chaque étape conditionne la suivante, avec un suivi QHSE renforcé pour s’aligner sur les contraintes d’un site ferroviaire international.
À terme, la maintenance préventive et corrective créera un socle d’emplois pérennes. Les contrôles thermographiques, les optimisations d’angle, l’entretien des emprises et l’actualisation des automatismes d’énergie deviennent des fonctions critiques pour garantir la performance dans la durée.
Un site autoconsommateur arbitre entre l’investissement initial et des économies d’achat d’électricité sur la durée. Les gains se matérialisent sur le coût de l’énergie, la réduction des pertes d’acheminement et une moindre exposition à la volatilité. Le vrai enjeu est la stabilité du coût unitaire délivré aux systèmes traction et auxiliaires, un levier de compétitivité sur des cycles longs.
Cette transformation alimente aussi des retombées indirectes. Le déploiement valorise des surfaces jusque-là peu productives et consolide la réputation d’une zone transfrontalière pionnière en transition énergétique. Un atout pour attirer d’autres projets industriels responsables.
Gouvernance énergétique, cap bas-carbone et dispositifs publics mobilisables
Le programme s’insère dans la stratégie climatique de Getlink, qui affiche une trajectoire de réduction d’émissions et de sécurisation énergétique. Côté finances, le groupe a rapporté un chiffre d’affaires d’environ 1,6 milliard d’euros en 2024, levier pour financer des actifs qui renforcent la résilience opérationnelle.
La dimension réglementaire n’est pas secondaire. Les installations photovoltaïques en France peuvent mobiliser diverses mesures de soutien qui renforcent l’équation économique, en particulier sur l’autoconsommation et la valorisation de l’énergie renouvelable.
Getlink : profil financier et trajectoire climat
En tant qu’opérateur d’une infrastructure critique, Getlink conjugue impératifs de sûreté, de fluidité et de performance énergétique. Le projet de Coquelles s’inscrit dans une logique de portefeuille d’actifs décarbonés au service des opérations du tunnel. Il envoie aussi un signal aux marchés sur la capacité à internaliser une part de l’énergie dans un contexte de prix parfois erratiques.
La communication autour de l’innovation power to traction conforte par ailleurs un positionnement de leadership technologique dans le transport transmanche. Les bénéfices attendus portent autant sur le plan environnemental que sur la qualité de service.
Aides et leviers réglementaires utiles au photovoltaïque
Plusieurs dispositifs peuvent améliorer la rentabilité des projets solaires en France, selon la taille et l’usage :
- Autoconsommation avec ou sans injection, selon les profils de consommation.
- Appels d’offres dédiés pour les grandes toitures et centrales au sol, avec critères environnementaux et de prix.
- Cadres de raccordement et schémas spécifiques pour les sites industriels.
- Optimisations fiscales selon l’usage du foncier et la nature juridique de l’installation.
La configuration d’Eurotunnel privilégie une boucle locale de consommation. Elle peut mobiliser des régimes adaptés à l’autoconsommation et aux contraintes d’une infrastructure ferroviaire sensible.
À l’échelle de l’entreprise, ces leviers s’additionnent à un pilotage interne de la demande et à un reporting climat structuré. Ils consolident la feuille de route bas-carbone, en particulier dans l’optique de la neutralité nationale à l’horizon 2050.
Le contexte solaire français en 2025 et la place du projet eurotunnel
Le parc photovoltaïque français accélère. Au 30 juin 2025, la puissance installée atteint 28,2 GW, avec 2,9 GW raccordés au premier semestre et une production en hausse de 40 % par rapport à 2024. La filière fournit 6,7 % de la consommation électrique nationale hors autoconsommation.
Dans ce paysage, la signature d’Eurotunnel est notable car elle introduit une autoconsommation à grande échelle dans le ferroviaire. Elle sort d’une logique purement réseau pour viser la traction, segment où chaque pourcentage d’énergie décarbonée pèse sur l’empreinte globale du transport.
Lecture des chiffres nationaux
Les volumes ajoutés au premier semestre 2025 confirment un palier industriel. Les centrales au sol progressent fortement, tandis que l’autoconsommation reste portée par les coûts décroissants des modules et des onduleurs. Dans ce contexte, la solution d’Eurotunnel matérialise une passerelle entre transition énergétique et infrastructures critiques à haute exigence.
Cette convergence renforce la diversification du mix électrique national et incite d’autres acteurs intensifs en énergie à intégrer la production sur site. À la clé, des bénéfices en empreinte carbone et en prévisibilité des coûts qui comptent dans les décisions d’investissement de long terme.
Les données centrales relatives à Eurotunnel proviennent d’annonces officielles du 1er septembre 2025. Les chiffres nationaux sur le photovoltaïque sont issus du tableau de bord du 29 août 2025. Ces références sont mobilisées avec parcimonie pour éclairer les ordres de grandeur clés du secteur.
En pratique, l’industrialisation de projets de cette nature suppose une articulation fine entre les standards ferroviaires, les codes de l’électricité et les règles d’urbanisme. Le modèle devient toutefois plus lisible au fur et à mesure que les retours d’expérience s’accumulent.
Cadre réglementaire, environnement et exigences de mise en service
La réussite d’un tel parc tient autant à la qualité des équipements qu’à la gestion des autorisations. Les dossiers environnementaux, les servitudes, les contraintes paysagères et les interfaces réseau exigent une préparation approfondie. Sur un site frontalier, la coordination institutionnelle est un point d’attention.
La biodiversité fait l’objet de mesures spécifiques. Le choix des zones d’implantation, la gestion de la végétation, l’évitement des périodes sensibles et le suivi écologique post-mise en service comptent parmi les éléments clés. Ces pratiques réduisent l’empreinte du chantier et favorisent l’acceptabilité locale.
Procédures techniques et raccordements spécifiques
Sur le plan électrique, l’intégration à la traction impose des essais rigoureux. Les tests de qualité de courant, de protection et d’îlotage, ainsi que la robustesse des onduleurs face aux fluctuations, font partie des jalons critiques avant réception. La documentation de sécurité doit être alignée avec les référentiels ferroviaires.
Les schémas de bascule entre sources garantissent la continuité en cas de baisse d’ensoleillement. Les paramètres d’exploitation sont progressivement ajustés lors de la mise en service fractionnée, afin de sécuriser l’adéquation entre l’offre solaire et les profils de charge du site.
Au-delà des normes habituelles, un site ferroviaire requiert une écoconception adaptée aux contraintes de sécurité et de trafic. Cela implique un design des accès de maintenance, des plans de circulation chantier, un cloisonnement clair des zones énergie et une surveillance renforcée. Les gains en disponibilité résultent d’une alliance entre qualité des composants et maîtrise des opérations.
Les délais peuvent être affectés par des ajustements administratifs. La préparation minutieuse des phases, l’anticipation des études et la mise en cohérence des plannings administrations-exploitant-entreprises limitent les risques de glissement de calendrier.
Ce que ce projet change pour le transport transmanche
En articulant un parc de 48 MWc à des usages de traction, Eurotunnel ouvre une voie nouvelle dans la gestion énergétique d’infrastructures critiques. À mesure que la production locale prendra le relais d’une partie des achats externes, le site gagnera en robustesse économique et environnementale.
À l’horizon 2028, la part d’énergie d’origine solaire embarquée dans l’exploitation quotidienne du tunnel représentera une avancée concrète vers une mobilité moins carbonée. L’initiative installe aussi un standard pour d’autres plateformes de transport qui cherchent un équilibre durable entre compétitivité et neutralité climatique.
(communiqué du 1er septembre 2025) et (Ministère, tableau de bord 29 août 2025)
En combinant autoconsommation à grande échelle et alimentation directe des caténaires, Eurotunnel transforme un poste de coût en avantage concurrentiel et inscrit l’énergie au cœur de sa performance industrielle.