+7,9 % au premier semestre 2025 : l’e-commerce français continue de progresser malgré des arbitrages de consommation serrés. Portée par les services et un rebond des biens non alimentaires, la vente en ligne confirme sa capacité à capter la demande lorsque les budgets se tendent, tout en adaptant ses modèles logistiques et marketing aux nouvelles attentes numériques des acheteurs.

Une expansion mesurée mais solide au premier semestre 2025

La Fédération de l’e-commerce et de la vente à distance indique une hausse de 7,9 % des ventes en ligne au S1 2025 par rapport à la même période de 2024. Ce rythme, un peu inférieur à celui constaté l’an dernier, s’inscrit néanmoins dans une trajectoire de consolidation commerciale. L’écosystème numérique démontre ainsi sa résilience, en absorbant les variations de pouvoir d’achat et les contraintes opérationnelles qui pèsent encore sur la chaîne de valeur du retail (Fevad, 15 septembre 2025).

Le signal est double. D’une part, la progression globale confirme l’ancrage du canal digital dans les usages d’achat du quotidien. D’autre part, la décomposition des revenus met en lumière des moteurs de croissance différenciés, avec des secteurs surperformants et d’autres plus étales.

Métriques Valeur Évolution
Croissance des ventes e-commerce S1 2025 +7,9 % vs S1 2024
Chiffre d’affaires des produits +4 % vs S1 2024
Chiffre d’affaires des services +10 % vs S1 2024
Transactions en ligne +11,3 % vs S1 2024
Panier moyen 67 € légère baisse vs S1 2024

La Fevad résume cette dynamique en soulignant une double inflexion positive sur les biens et un maintien de la traction sur les services. Elle rappelle que la reprise des produits non alimentaires s’installe, alors que les services prolongent leur tendance haussière. Comme l’a précisé Marc Lolivier, l’adaptation des e-commerçants aux nouveaux usages passe par la personnalisation et la rapidité de livraison, deux attributs décisifs pour convertir des paniers plus souvent, même à des montants unitaires un peu inférieurs.

Le suivi s’appuie sur des panels de sites marchands et des analyses de trafic et de transaction. Les évolutions trimestrielles et semestrielles comparent les périodes équivalentes, ce qui permet d’isoler un effet volume. L’absence de niveau d’activité en euros dans les extraits rend la lecture centrée sur les taux de croissance et non sur les bases absolues.

Produits et services, deux moteurs distincts pour la croissance

La lecture fine du premier semestre fait apparaître une dichotomie singulière. Côté produits, la hausse de 4 % traduit une normalisation des ventes de biens non alimentaires, portée par quelques segments très actifs. Côté services, la progression de 10 % témoigne d’une appétence renforcée pour les prestations digitalisées, notamment dans le voyage et la mobilité.

Plusieurs catégories tirent le panier vers le haut en biens :

  • sport et équipements liés au bien-être,
  • électronique et électroménager, en ligne avec une demande pour des foyers plus équipés,
  • meuble et décoration, en soutien à l’aménagement intérieur.

À l’inverse, l’habillement et la beauté apparaissent stables. Le secteur doit composer avec une concurrence physique réactivée et des stratégies promotionnelles en ligne qui limitent la valeur unitaire des commandes.

Dans les services, la reprise se matérialise particulièrement dans le voyage, l’hébergement et le transport. Les plateformes de réservation enregistrent un rattrapage marqué au printemps 2025, formalisant la normalisation post-crise sanitaire et l’accélération des usages numériques de planification et d’achat.

Segments porteurs au S1 2025

Les catégories les plus dynamiques sur la période sont le sport, l’électronique, l’électroménager, le meuble et la décoration. L’habillement et la beauté restent stables. Côté services, le voyage, l’hébergement et le transport dominent la croissance.

Usage et valeur : commandes plus fréquentes, panier à 67 euros

Le volume de transactions en ligne a progressé de 11,3 % sur un an. Ce gain de fréquence traduit l’attractivité des offres et une optimisation des tunnels d’achat.

En miroir, le panier moyen se replie à 67 euros, en léger retrait par rapport au S1 2024. Les consommateurs composent avec des hausses de prix passées et arbitrent en faveur d’achats plus fractionnés. Le schéma est cohérent avec la montée des applications et les mécanismes de fidélisation qui privilégient des commandes répétées, livrées plus vite, à ticket inférieur.

Ces tendances ne remettent pas en cause la trajectoire globale. Elles renvoient à une réalité opérationnelle bien connue des directions financières du retail en ligne : mieux vaut une cadence soutenue de paniers maîtrisés qu’une dépendance à des paniers élevés mais trop sporadiques. La structure de marge se joue alors sur l’optimisation logistique, la réduction des coûts d’acquisition et la maîtrise des retours.

Le panier moyen est une moyenne par commande, sensible aux promos et aux frais de livraison éventuels. Il ne reflète pas la valeur client totale. Un retrait du panier peut coexister avec une marge globale soutenue si la fréquence d’achat et la qualité des cohortes progressent. Sa lecture se complète avec la répétition d’achat, le taux de retour et le coût d’acquisition.

Audience et hiérarchie des plateformes au t2 2025

Le baromètre de l’audience e-commerce pour le deuxième trimestre 2025 met en évidence une moyenne de 47,5 millions de cyberacheteurs uniques par mois en France. Le classement des sites les plus visités montre une concentration marquée autour de quelques acteurs internationaux et la montée en puissance de nouvelles plateformes à très forte traction.

Dans ce palmarès, Amazon reste en tête, tandis que Temu s’installe sur le podium et Shein enregistre une progression soutenue. Amazon dépasse les 60 millions de visiteurs uniques mensuels en France, signe d’une profondeur d’audience et d’un pouvoir d’attraction considérables. Ces positions confortent une lecture duale du marché : domination des géants d’une part, et marges de croissance pour des spécialistes sur des niches à forte valeur d’autre part.

Amazon : audience et poids concurrentiel

L’empreinte d’audience d’Amazon, supérieure à 60 millions de visiteurs uniques mensuels, agit comme un aimant pour les marchands tiers et une contrainte pour les distributeurs traditionnels qui doivent composer avec des standards logistiques ambitieux et une intensité promotionnelle élevée. L’effet de réseau, la densité de l’offre et la simplicité d’usage renforcent un cercle vertueux difficile à concurrencer sur le vaste marché généraliste.

Temu et shein : trajectoires de croissance et enjeux

La montée de Temu et la progression de Shein illustrent la capacité de plateformes nativement internationales à gagner rapidement en visibilité. Ces réussites s’appuient sur des propositions tarifaires agressives et une animation commerciale soutenue. Pour l’écosystème français, la question clé porte sur la différenciation des acteurs locaux, la qualité de service et la construction d’actifs relationnels durables avec leurs communautés d’acheteurs.

Audiences et parts de marché : bien lire les indicateurs

Un trafic massif ne signifie pas une part de marché en valeur proportionnelle. La conversion, le panier, la structure de commission pour les marketplaces et la récurrence d’achat modulent le chiffre d’affaires. L’analyse stratégique requiert de croiser audience, taux de transformation et rentabilité opérationnelle par canal.

Un « visiteur unique mensuel » n’est pas un acheteur. La comparabilité dans le temps dépend des méthodes de déduplication et de l’évolution des usages mobiles. Le baromètre reste un thermomètre fiable pour les tendances d’ensemble, mais il doit être confronté aux données transactionnelles pour piloter la performance.

Repères macroéconomiques et signaux de conjoncture en france

La dynamique du e-commerce s’inscrit dans un environnement national où le commerce de détail se stabilise. En février 2025, le volume des ventes du commerce est quasi stable, à -0,1 % après -0,1 % en janvier, d’après les Informations rapides 105 de l’Insee. La progression du digital s’apparente donc à une surperformance relative du canal par rapport au commerce physique, sans effet d’éviction total mais avec un arbitrage des achats vers le numérique sur certaines catégories (Insee, Informations rapides 105).

Les données publiées par la Direction générale des Douanes mentionnent par ailleurs des exportations en hausse au premier trimestre 2025. Cette orientation, couplée à l’industrialisation des outils de vente transfrontalière, bénéficie à des entreprises françaises qui s’appuient sur des canaux en ligne pour toucher de nouveaux marchés.

Dans ce contexte, l’e-commerce représente désormais plus de 10 % du commerce de détail dans l’Hexagone. Le secteur fédère plus de 200 000 entreprises, avec des effets d’entraînement sur la logistique, les paiements et les services numériques.

Côté demande, la lecture conjointe du trafic en hausse, de la fréquence d’achat et d’un panier moyen contenu dessine un consommateur vigilant sur les prix mais fidèle aux parcours digitaux. Côté offre, le curseur de l’innovation se déplace sur des expériences plus fluides, des délais raccourcis et une sécurité renforcée. Les tendances 2025 pointent l’intégration de l’intelligence artificielle dans la personnalisation, l’essor de la livraison le jour même et la montée des contrôles biométriques pour sécuriser les transactions en ligne.

Repères macro à retenir pour les directions financières

  1. Commerce de détail quasi stable début 2025 en volume, ce qui valorise la croissance spécifique du canal en ligne.
  2. Exportations mieux orientées au T1 2025, appui pour les ventes cross-border et les marketplaces opérant en Europe.
  3. Poids du e-commerce au-delà de 10 % du retail, avec un tissu de plus de 200 000 entreprises et des effets sur l’emploi logistique.

Cadre opérationnel et réglementaire : marges sous pression, innovation accélérée

Si la trajectoire 2025 est positive, plusieurs contraintes structurent les arbitrages des directions financières et juridiques :

  • Coûts logistiques : la promesse d’ultra-rapidité sollicite fortement le dernier kilomètre et le traitement des retours. En période d’inflation résiduelle des intrants, toute dérive pèse sur la marge unitaire.
  • Acquisition client : l’augmentation du coût média et la saturation publicitaire poussent à privilégier la fidélisation et la valorisation des bases CRM, plutôt qu’un « tout acquisition » inefficace.
  • Concurrence internationale : l’intensification des plateformes venues d’Asie impose aux acteurs français de renforcer leurs différenciations de service, de qualité et de sourcing.
  • Protection des données et conformité : les obligations renforcées en matière de transparence et de sécurité exigent des investissements continus dans la gouvernance des données et la lutte anti-fraude.

Les inflexions réglementaires et le soutien public à la transformation numérique sont mis en avant par les autorités économiques. L’objectif est clair : maintenir la compétitivité des acteurs français en encourageant l’innovation à fort impact business et en accompagnant l’industrialisation des services numériques, du paiement à la logistique.

Dans le même temps, les signaux du marché valident la priorité donnée à l’expérience. Les initiatives d’IA générative pour le merchandising, les parcours clients contextualisés et les modes de livraison accélérés ne sont pas des options accessoires. Elles déterminent l’élasticité de la demande et conditionnent la trajectoire de marge, en substituant des paniers moins élevés mais plus fréquents à des pics de chiffre d’affaires moins récurrents.

IA et personnalisation : hausse du taux de conversion et des ventes additionnelles. Sécurité biométrique : réduction de la fraude et amélioration de la confiance. Livraison le jour même : avantage compétitif sur les catégories d’achat impulsif et de dépannage, à condition de maîtriser les coûts fixes et le maillage logistique.

Gouvernance de marché et concentrations : ce que signifie la course à l’audience

La concentration de l’audience sur quelques plateformes reflète des effets d’échelle puissants. Pour les marques et retailers français, plusieurs choix stratégiques s’imposent :

  • Aller chercher du volume via les marketplaces dominantes, pour capter de l’audience et accélérer l’écoulement des stocks, au prix d’une dépendance aux règles de place et d’une pression sur les marges.
  • Construire un actif propriétaire en cultivant des communautés, des abonnements, des services différenciants et une identité de marque forte, quitte à accepter un développement plus sélectif mais plus contrôlable.
  • Opérer des portefeuilles multicanaux combinant vente directe, marketplaces et retail physique, afin d’arbitrer au fil des saisons entre volume, prix moyen et rentabilité.

La trajectoire 2025 suggère qu’aucune stratégie unique ne s’impose, si ce n’est la recherche d’un équilibre dynamique entre croissance et profitabilité. Les projections sectorielles évoquent une contribution de l’e-commerce pouvant atteindre 150 milliards d’euros sur l’ensemble de l’année, sous réserve d’une fin d’exercice porteuse et de la maîtrise des coûts logistiques.

Trois leviers pour défendre la marge en 2025

  1. Optimiser le mix canal en privilégiant les canaux à coût de distribution inférieur quand la saisonnalité le permet.
  2. Réduire les retours via des fiches produits enrichies, des guides de taille et des politiques d’essai mieux ciblées.
  3. Capitaliser sur le CRM pour stimuler la récurrence, amortir les coûts d’acquisition et accroître la valeur vie client.

Ce que prépare la fin d’année 2025

Le second semestre concentre traditionnellement les pics d’activité. Les fêtes, la montée du m-commerce et l’amélioration des parcours applicatifs devraient soutenir le volume de transactions, avec un panier moyen toujours observé de près. Les signaux disponibles laissent entrevoir une accélération saisonnière, dans la continuité d’un premier semestre où le digital a une nouvelle fois fait mieux que le commerce physique.

Au-delà des chiffres, l’enjeu de la fin 2025 sera d’adosser cette croissance à des fondamentaux opérationnels robustes : coûts maîtrisés, conformité renforcée, différenciation servicielle. C’est à cette condition que l’e-commerce français convertira l’audience et la fréquence d’achat en performances financières durables.

Le tempo est donné : plus vite, plus proche, plus sûr, mais toujours plus rentable.