Et si la voiture de fonction redevenait un véritable levier social et financier pour les PME industrielles françaises? À Brec’h, près d’Auray, la société Cromes a répondu à la flambée des coûts de mobilité par une décision simple et visible: mettre une voiture électrique à disposition gratuite d’une grande partie de ses salariés. L’initiative, audacieuse et structurée, change déjà la vie quotidienne au travail.

Une pme bretonne donne le ton avec une flotte 100% électrique

Spécialisée dans la fabrication d’outillages pour l’injection plastique, Cromes emploie environ 70 personnes pour un chiffre d’affaires de 10 millions d’euros. Dirigée par Yoann Lemetayer et Vincent Mieuzet, l’entreprise a déployé une flotte de 36 DS3 électriques blanches, mises gratuitement à disposition des collaborateurs éligibles.

Sur 46 salariés concernés, 36 ont adhéré. La démarche ne se limite pas aux commerciaux. Elle couvre des profils de production, des fonctions supports et des techniciens. Objectif: gommer un poste de dépense récurrent qui pèse sur le pouvoir d’achat et sur la ponctualité, pour fluidifier l’organisation du travail.

Les voitures sont regroupées sur le site, sans marquage publicitaire, avec un numéro discret pour l’identification. Le choix d’une même motorisation et d’un même modèle allège les coûts, la gestion et la maintenance. Une stratégie qui rappelle les bonnes pratiques des grands comptes, transposées ici à l’échelle d’une PME.

Chiffres clés du programme Cromes

Un format resserré pour mesurer l’ambition et la précision opérationnelle.

  1. 36 véhicules électriques DS3 disponibles, pour 46 salariés éligibles.
  2. Leasing 3 ans, avec forfait annuel de 15 000 km par véhicule.
  3. 20 bornes de recharge sur site, pour une charge complète en demi-journée environ.
  4. Assurance portée par l’entreprise. Dépassements kilométriques, pneus et carrosserie à la charge des utilisateurs.
  5. Recharge sur site gratuite, simplifiant l’usage et la planification des trajets domicile-travail.

Pourquoi cromes a préféré la voiture électrique à l’augmentation individuelle

Le choix ne s’est pas fait sur un coup de tête. Les dirigeants ont multiplié les échanges avec les équipes. Le constat est revenu, régulier: les dépenses de carburant et d’entretien se sont nettement alourdies depuis la crise sanitaire, avec des pics de prix à 2 euros le litre observés en 2023.

Une augmentation générale des salaires aurait répondu partiellement à la problématique. Mais elle en multipliait d’autres: charges sociales, fiscalité, négociation au cas par cas, effets de bord sur les grilles et les primes. L’avantage en nature automobile, à l’inverse, peut être calibré, suivi et valorisé, en ciblant une dépense concrète du quotidien.

Dans les entretiens menés par la direction, la mobilité est apparue comme un irritant constant: trajets longs, imprévus mécaniques, frais d’entretien en hausse. La solution imaginée par Cromes s’est imposée comme une réponse pragmatique: proposer une voiture fiable, moderne, identique pour tous, sans surcoût à l’usage sur site.

Le regard des dirigeants: équité, lisibilité, compétitivité

Pour Yoann Lemetayer, le projet avait tout du pari risqué. Entre le coût d’achat ou de location, l’assurance et l’administration d’une flotte de près de 40 véhicules, les objections n’ont pas manqué. Mais en s’appuyant sur un concessionnaire, un assureur et des prestataires spécialisés, l’entreprise a aligné les briques techniques et juridiques.

Côté financement, les dirigeants indiquent que l’initiative représente un effort comparable à une augmentation significative, mais mieux perçu et mieux ciblé par les équipes. Les collaborateurs gagnent en pouvoir d’usage, l’entreprise renforce son attractivité, la collectivité bénéficie d’un parc moins émetteur.

Pour une PME, l’équation économique ne se résume pas au prix facial du véhicule. Trois leviers pèsent lourd dans la balance:

  • Coût total de possession inférieur en entretien: pas de vidange, moins de pièces d’usure, freins sollicités différemment.
  • Gestion du risque avec des modèles identiques: pièces, diagnostic, prêt de véhicule, tout est standardisé.
  • Productivité indirecte: moins d’aléas de mobilité, moins d’absences imprévues liées aux pannes ou à l’entretien à répétition.

En pratique, la visibilité budgétaire sur 36 véhicules identiques et un même forfait kilométrique lisse les aléas et facilite les arbitrages annuels.

Architecture du programme: leasing, bornes et règles d’usage

Le dispositif Cromes se veut simple, pour limiter les cas particuliers et les calculs interminables. Chaque DS3 est sous contrat de leasing 36 mois, avec 15 000 km par an inclus. L’assurance flotte est portée par l’entreprise. Les dépassements kilométriques, pneus et réparations de carrosserie relèvent des utilisateurs, afin de responsabiliser l’usage.

La recharge sur site est gratuite. Vingt bornes ont été installées. Sur une DS3 équipée d’un chargeur 11 kW AC, une charge complète s’effectue en quelques heures, soit une demi-journée de travail pour repartir avec une batterie pleine. Conséquence appréciée: plus d’attente, pas de files, pas d’appels en urgence pour cause de panne à l’aube.

Le choix d’un modèle unique: un standard qui simplifie tout

Uniformiser la flotte a des avantages industriels évidents. Pour le concessionnaire, les visites sont planifiées par grappe, directement sur le parking de l’entreprise. Pour l’assureur, la sinistralité s’analyse sur une base homogène. Pour les salariés, l’expérience est identique: véhicule 5 places, format urbain, autonomie comprise entre environ 330 et 400 km selon l’usage et la météo.

Le parc ne comporte aucun logo visible, hormis un numéro discret. Un parti pris qui respecte la vie personnelle des salariés et réduit les risques génériques associés aux véhicules de société visiblement identifiés.

Règles d’utilisation, lisibilité pour tous

L’entreprise a posé un cadre d’usage concis et accessible.

  • Responsabilité au volant: respect des limitations, entretien courant, remise en état si nécessaire.
  • Recharge prioritaire sur site, avec consignes partagées pour optimiser la rotation des bornes.
  • Suivi kilométrique régulier avec alertes en cas d’approche du forfait.

Résultat: pas de files d’attente à la recharge et un niveau d’incidents proche de zéro.

Métriques Valeur Évolution
Véhicules mis à disposition 36 n.c.
Salariés éligibles 46 n.c.
Taux d’adoption 78,3 % n.c.
Durée des contrats de leasing 36 mois n.c.
Forfait kilométrique annuel 15 000 km n.c.
Bornes de recharge sur site 20 n.c.

Retours d’expérience après dix mois: fiabilité, simplicité, sérénité

Après près d’un an d’exploitation, le bilan opérationnel est net: pas de défaillance majeure sur la flotte et un volume d’appels liés à des pannes de véhicule qui a disparu. La centralisation sur site a simplifié l’entretien: il suffit au concessionnaire d’intervenir en séquence, sans dispersion.

Côté salariés, l’effet le plus visible est la certaine tranquillité d’esprit rapportée par l’encadrement: un véhicule neuf, standard, silencieux, avec une recharge organisée, permet de planifier sans appréhension les allers-retours domicile-travail et les déplacements personnels autorisés.

La direction a relevé également une amélioration de la ponctualité et une baisse des imprévus de mobilité. C’est le corollaire d’un parc technique homogène, connecté et stationné chaque soir au même endroit: l’organisation gagne, la maintenance anticipe.

Euramold: vers une extension contrôlée

Cromes a racheté en 2022 un site situé en Ille-et-Vilaine, Euramold. L’hypothèse d’un déploiement similaire y est envisagée. Les dirigeants insistent cependant sur l’autonomie des entités: ce type d’avantage sera pérennisé si les objectifs opérationnels et financiers sont tenus. Le modèle n’est pas imposé. Il est répliqué s’il est soutenable.

Le coût total de possession d’une compacte électrique intègre le loyer, l’assurance, l’entretien, les pneumatiques, la recharge et la dépréciation. Trois points à rappeler:

  • Énergie: la recharge sur site, socialisée, diminue les coûts variables d’usage pour le salarié.
  • Entretien: pas de vidange ni d’embrayage. Révisions plus espacées et simplifiées.
  • Valeur résiduelle: le leasing transfère une partie du risque de revente au loueur, lissant la dépense dans le temps.

Chaque entreprise doit toutefois simuler son TCO avec ses profils d’usage. Des écarts importants peuvent exister entre trajets urbains, périurbains et longue distance.

Le contexte marché et réglementaire qui soutient la décision

La dynamique nationale aide les entreprises qui s’équipent en véhicules électriques. Les flottes professionnelles pèsent désormais lourd dans les immatriculations: près de 4 livraisons sur 10 en 2025 ont concerné des clients professionnels, confirmant le rôle moteur des entreprises dans la transition du parc (Journal des Flottes, juillet 2025).

La trajectoire énergétique nationale a également soutenu l’adoption. La production d’énergie primaire en 2023 a rebondi, atteignant 1 420 TWh, soit une hausse de 13,3 % sur un an, portée par plusieurs filières, dont un redressement des disponibilités électriques et une progression des renouvelables (SDES, mars 2025).

Sur le plan fiscal, les véhicules zéro émission bénéficient d’un traitement plus favorable que les thermiques. Le plafond d’amortissement fiscal des voitures particulières dites propres est plus élevé que celui des véhicules fortement émetteurs. S’ajoutent des dispositifs territoriaux pour les infrastructures de recharge, qui allègent l’investissement initial quand des bornes sont installées sur site.

Un mot sur l’avantage en nature et la recharge au travail

Mettre un véhicule à disposition des salariés constitue un avantage en nature. Son évaluation peut suivre des barèmes forfaitaires ou des frais réels, selon la politique de l’entreprise et la nature de l’usage.

La question de la recharge au travail a fait l’objet de tolérances et d’ajustements récents. Les entreprises doivent donc sécuriser leurs choix avec leurs conseils paie et fiscalité, afin d’anticiper toute évolution réglementaire et d’éviter une requalification.

Fiscalité et comptabilité: points techniques à ne pas négliger

Les règles se lisent au prisme du droit fiscal et social. Trois rappels utiles:

  • Amortissements: les plafonds de déductibilité sont plus favorables pour les véhicules zéro émission que pour les thermiques fortement émetteurs.
  • Avantage en nature: attention au mode d’évaluation retenu, à l’usage privé et au suivi carburant ou électricité.
  • Borne de recharge: immobilisation amortissable, avec possibilités d’aides dédiées selon le lieu d’installation et l’usage.

Un cadrage en amont avec l’expert-comptable et le prestataire de mobilité évite les mauvaises surprises à la clôture.

L’évolution des tolérances sur la recharge au travail, les barèmes et les modalités de valorisation incitent à documenter précisément l’usage. Recommandations pratiques:

  • Politique claire d’attribution et d’usage, signée par les salariés.
  • Traçabilité des kilomètres professionnels et personnels si la voiture sort du périmètre strictement professionnel.
  • Veille réglementaire trimestrielle avec l’expert paie pour ajuster le traitement social si nécessaire.

Ce suivi simple sécurise l’entreprise en cas de contrôle et clarifie les règles pour tous.

Impact rh et opérationnel: un avantage qui vaut plus que sa ligne comptable

Au-delà des coûts, Cromes a visé un bénéfice social immédiat. Une voiture à cinq places, neuve, simple d’usage, c’est une contrainte logistique en moins. L’effet s’est diffusé dans les équipes: moins d’absences fortuites liées à la mobilité, moins d’imprévus, plus de sérénité.

Sur un marché de l’emploi tendu, l’effet marque employeur n’est pas anodin. Dans l’industrie, la concurrence pour certaines compétences rend tout avantage concret décisif. Proposer une voiture électrique gratuite se distingue des grilles de primes classiques et matérialise un engagement environnemental crédible, mesurable, vécu par les salariés au quotidien.

Recruter et fidéliser: l’effet club plutôt que l’effet catalogue

Dans les PME, la multiplication d’avantages individuels peut finir par brouiller le message interne. Cromes a pris l’angle inverse: un avantage collectif, identique pour un grand nombre, qui fédère. La démarche a également été participative: l’écoute initiale des irritants de mobilité a permis d’ajuster le dispositif avant son lancement.

L’entreprise affirme que le coût global de l’opération est comparable à une hausse de rémunération d’ampleur. Mais le bénéfice perçu par les équipes paraît supérieur, parce qu’il efface une dépense de tous les jours et qu’il s’accompagne d’une expérience d’usage qualitative.

Sur des compactes électriques dotées d’un chargeur embarqué 11 kW AC:

  • Une borne 11 kW délivre environ 50 à 60 kWh en 5 à 6 heures.
  • Une DS3 électrique peut être rechargée sur un créneau d’une demi-journée, typiquement entre deux postes.
  • Vingt bornes suffisent à alimenter un parc de 36 véhicules si la rotation est bien organisée.

Cette organisation évite les charges rapides coûteuses et limite la sollicitation du réseau aux heures de pointe.

L’histoire et la trajectoire de cromes: une pme industrielle qui oriente ses choix sur l’usage

La décision est dans la continuité de l’ADN maison. Cromes fabrique des outillages pour l’injection plastique et se positionne sur des livrables à forte précision industrielle. En 2022, l’entreprise a étendu son ancrage territorial avec le site Euramold en Ille-et-Vilaine, qui reste dirigé de façon autonome.

En choisissant d’investir dans la mobilité, Cromes a appliqué à sa gestion interne ce qu’elle défend auprès de ses clients: la standardisation intelligente, la maîtrise de la chaîne de valeur et un pilotage serré des coûts cachés. L’homogénéité du parc automobile répète ce principe.

Un projet d’origine perçu comme “fou”, devenu la nouvelle routine

Aux yeux des pairs, financer, assurer et gérer un parc proche de 40 véhicules pour une PME pouvait sembler disproportionné. L’entreprise a avancé par paliers: cadrage avec un concessionnaire, contractualisation d’un leasing collectif, calibrage des bornes, puis ajustements pendant les premiers mois d’usage.

La réussite tient à l’alignement opérationnel: un seul modèle, des règles lisibles, une maintenance sur site, une recharge gratuite organisée. L’ensemble a évité les dérives administratives que l’on associe souvent aux flottes d’entreprise.

Pourquoi la standardisation compte en industrie

Qu’il s’agisse d’outillage ou d’automobile, la répétabilité réduit les coûts opérationnels.

  • Temps d’arrêt limités: un même diagnostic pour tous, une même logistique de pièces.
  • Formation simplifiée: un seul mode d’emploi, une seule courbe d’apprentissage.
  • Achats rationalisés: meilleurs prix sur volume, relations fournisseurs consolidées.

C’est un levier d’exécution et un gage de stabilité budgétaire dans la durée.

Échéances et pistes d’amélioration: évaluer, ajuster, amplifier

Le contrat de leasing court jusqu’en 2026. À cette date, Cromes tirera un bilan consolidé des dépenses directes et des gains indirects. Le faisceau d’indicateurs suivis inclura la sinistralité, la disponibilité du parc, la satisfaction des utilisateurs et l’impact sur la ponctualité.

Plusieurs pistes sont déjà à l’étude. L’entreprise envisage d’intégrer une production locale d’énergie, via des panneaux solaires pour une part de la recharge. Un tel équipement renforcerait la résilience énergétique du site et réduirait l’empreinte carbone des kilomètres parcourus, conformément aux objectifs nationaux de neutralité à l’horizon 2050.

Euramold: conditions pour un déploiement raisonné

Le site d’Ille-et-Vilaine pourrait suivre, si les indicateurs du pilote sont au rendez-vous. Les dirigeants restent clairs: l’avantage est conditionné à la performance opérationnelle et financière, et il s’inscrit dans un cadre de gestion qui évite les effets d’aubaine.

Le modèle se veut reproductible, pas imposé. Il est appelé à évoluer avec la réglementation, l’évolution du coût de l’électricité, la montée en gamme des batteries et les arbitrages budgétaires de l’entreprise.

Un levier rh et financier qui inspire les pme

La décision de Cromes illustre une tendance de fond: les flottes d’entreprise constituent l’un des canaux les plus efficaces pour accélérer l’adoption du véhicule électrique. Lorsqu’elles sont bien pensées, ces flottes ne sont pas un coût pur. Ce sont des outils de gestion sociale, de maîtrise budgétaire et de différenciation employeur.

À l’échelle bretonne, l’exemple fournit aux dirigeants de PME industrielles un cas concret: concentrer l’effort sur un irritant clairement identifié, structurer un dispositif lisible, standardiser les paramètres, puis piloter l’exécution au plus près du terrain. La mobilité, souvent subie, peut redevenir un atout maîtrisé pour l’entreprise comme pour les salariés.

Au-delà des chiffres, l’initiative de Cromes montre comment une PME peut transformer une contrainte quotidienne en avantage compétitif et social, en alignant standardisation industrielle, rigueur budgétaire et bénéfice tangible pour les équipes.