À Meucon, près de Vannes, Chenevia accélère sa mue industrielle. La jeune pousse bretonne, créée en 2021, prépare une phase décisive avec un site indoor et une collecte en obligations convertibles. Elle se positionne sur un segment sensible et encadré, celui du cannabis à usage thérapeutique et bien-être, avec une promesse : structurer une filière française durable et conforme.

Un ancrage breton au service d’une filière thérapeutique

Basée à Meucon, au cœur du Morbihan, Chenevia a été fondée en 2021 par Quentin Beauvais. L’entreprise a installé sa trajectoire dans un écosystème local actif, avec un accueil au Village by CA à Vannes, incubateur dédié aux innovations.

Ce choix d’implantation n’est pas anodin. Il ouvre l’accès à des réseaux bancaires, à des partenaires techniques et à des talents régionaux. L’entreprise s’intègre aussi au paysage biotech via son adhésion à Atlanpole Biotherapies, pôle de compétitivité mobilisant recherche et industrie dans les thérapies innovantes.

Qui est chenevia et quel est son modèle

Chenevia se dédie à la culture et à la commercialisation de produits à base de cannabis destinés à des usages thérapeutiques et de bien-être. La société insiste sur deux lignes directrices : l’innovation variétale pour répondre à des besoins ciblés et une éthique de production visant une empreinte environnementale maîtrisée.

L’approche revendiquée est pragmatique : s’aligner sur des exigences françaises et européennes strictes, tout en préparant une chaîne de valeur capable de soutenir une montée en charge industrielle, si et quand le cadre national l’autorisera pleinement.

Bon à savoir : que recouvre le cannabis thérapeutique

Le cannabis thérapeutique désigne l’utilisation de dérivés de la plante, avec des teneurs contrôlées en cannabinoïdes (principalement THC et CBD), sous forme de produits strictement encadrés. Les produits non psychotropes mettent l’accent sur des effets recherchés (analgésie, relaxation) sans altération de la vigilance. La distribution, la traçabilité et la qualité pharmaceutique sont au cœur du cadre d’accès.

Gouvernance financière : un tour de table qui s’articule

Chenevia a lancé une opération de financement participatif en obligations convertibles via la plateforme GwenneG, avec un objectif de 500 000 euros. Cette enveloppe s’inscrit dans un tour de table plus large de 3 millions d’euros, dont 80 % seraient déjà sécurisés. Les fonds doivent contribuer à la construction d’un site de production indoor dans le Morbihan (Ouest-France, septembre 2025).

Le soutien financier est renforcé par l’appui de Bpifrance et de banques et investisseurs bretons. Pour une start-up opérant dans une filière sous expérimentation, cette combinaison dette quasi-capital et partenaires institutionnels constitue un solide signal de confiance.

Focus sur l’opération en obligations convertibles

Le choix des obligations convertibles est stratégique : il mobilise une logique de prêt avec la possibilité, selon des modalités définies, d’entrer au capital. Pour l’émetteur, c’est un levier pour financer des capex industriels tout en préservant sa flexibilité de gouvernance. Pour les souscripteurs, c’est une exposition à un secteur en construction, avec un risque réglementaire assumé mais balisé par l’expérimentation en cours.

Métriques Valeur Évolution
Objectif de la collecte GwenneG (obligations convertibles) 500 000 € en cours
Tour de table global visé 3 000 000 € 80 % sécurisés
Surface du site indoor projeté 2 000 m² phase de financement
Recrutements prévus environ 20 postes d’ici trois ans
Échéance de l’expérimentation nationale 31 mars 2026 prolongation actée

Pour un projet industriel, les obligations convertibles permettent de financer l’outil de production sans dilution immédiate. Trois paramètres clés doivent être pilotés : la maturité et les conditions de conversion, les scénarios de liquidité en cas de changement de cadre réglementaire, et la soutenabilité de la dette dans le plan d’affaires. L’alignement avec les objectifs RSE peut faciliter l’adhésion des souscripteurs.

Cap industriel dans le morbihan : from pilote to scale

Le cœur du plan industriel de Chenevia repose sur la construction d’un site indoor de 2 000 m² dans le Morbihan. L’objectif : garantir une culture contrôlée, avec une qualité constante, dans un cadre sécurisé. La logistique et les procédés sont pensés pour répondre à des spécifications thérapeutiques, incluant la traçabilité et la conformité aux normes françaises.

Cette unité vise aussi la réduction de l’empreinte carbone par la maîtrise des intrants et l’optimisation énergétique. La société met en avant un modèle écologique, en phase avec l’écosystème Atlanpole Biotherapies, qui promeut des innovations à impact mesuré et durable.

Feuille de route industrielle et emploi local

Dans les trois ans, l’entreprise prévoit le recrutement d’une vingtaine de collaborateurs. Les métiers attendus couvrent l’agronomie, l’assurance qualité, la production et des fonctions support. Un tel plan d’embauche, couplé à un outil de 2 000 m², place Chenevia dans une trajectoire de structuration industrielle, à l’échelle régionale d’abord, avec un potentiel d’élargissement si le cadre national évolue.

  • Montée en charge progressive pour stabiliser les rendements et les protocoles qualité.
  • Investissements dédiés aux équipements de culture, de séchage et de conditionnement.
  • Partenariats locaux envisagés pour les services techniques et la maintenance.

Indoor vs serres : effets opérationnels

Un site indoor permet de mieux contrôler température, hygrométrie et photopériode, avec un impact direct sur la constance des profils de cannabinoïdes. Le revers est énergétique. La réponse technique repose alors sur l’optimisation des systèmes CVC, l’éclairage performant et le pilotage fin des cycles culturaux, afin d’aligner qualité, sécurité et maîtrise des coûts.

Un cadre légal en évolution : l’expérimentation prolongée

Depuis mars 2021, la France conduit une expérimentation du cannabis thérapeutique placée sous l’égide du ministère de la Santé. Annoncée pour se poursuivre jusqu’au 31 mars 2026, cette prolongation offre une fenêtre de stabilisation pour les projets industriels émergents (France Inter, juin 2025).

Ce calendrier crée un double effet pour les opérateurs : temps utile pour valider des procédés, mais incertitudes persistantes sur la structuration finale du marché. Pour Chenevia, le pari consiste à préparer l’outil industriel et la conformité, sans surexposition à des hypothèses non confirmées.

Ce que l’extension change pour les acteurs

La prolongation allonge la phase de preuves, avec des conséquences concrètes :

  • Possibilité de consolider des chaînes de qualité alignées sur des standards pharmaceutiques.
  • Temps additionnel pour calibrer les volumes et ajuster les coûts de production.
  • Dialogue renforcé avec les investisseurs institutionnels sur les jalons de risque.

Les opérateurs du cannabis thérapeutique doivent anticiper des contrôles portant sur la traçabilité des lots, la sécurisation des sites, la conformité des procédés et l’authenticité des matières premières. L’intégration d’un système qualité structuré (documentation, audits internes, gestion des non-conformités) est un prérequis pour négocier la phase d’industrialisation.

Effets attendus sur la chaîne de valeur : souveraineté et empreinte

En privilégiant une production locale, Chenevia pourrait contribuer à la réduction de la dépendance aux importations, un point sensible pour les acteurs de santé. L’entreprise met en avant une démarche environnementale, avec l’ambition de minimiser son empreinte carbone grâce à des pratiques écoresponsables et à la rationalisation des flux.

Adhérer à un pôle comme Atlanpole Biotherapies renforce l’accès à des expertises utiles : bioproduction, dispositifs de qualité, réseaux de recherche. Pour une start-up, cet ancrage est un accélérateur pour structurer des protocoles reproductibles et documentés, indispensables à la confiance des prescripteurs et des autorités.

Bretagne, territoire d’essai pour une filière médicale

Le Morbihan offre un cadre propice à l’industrialisation pilote. Les infrastructures, la capacité d’attraction de talents et l’accès à des partenaires financiers locaux créent un environnement favorable. Cette géographie est un avantage compétitif pour des itérations rapides sur des lignes de production, avec une proximité des décideurs économiques et publics.

  • Écosystème d’accompagnement via incubateurs et réseaux bancaires régionaux.
  • Accès à des profils techniques en agronomie et qualité.
  • Capacité à expérimenter à l’échelle industrielle avec un coût d’implantation maîtrisé.

Indicateurs de maturité d’une filière thérapeutique

  1. Existence d’unités de production sous contrôle qualité robuste.
  2. Capacité d’approvisionnement régulier avec profils de cannabinoïdes stables.
  3. Partenariats structurants avec financeurs publics et privés.
  4. Compétences locales en assurance qualité, conformité et traçabilité.
  5. Cadre réglementaire clarifié pour l’accès des patients et la distribution.

Lecture économique : pourquoi le montage financier compte

Le recours à une collecte participative en obligations convertibles permet à Chenevia de catalyser un capital patient compatible avec un secteur régulé. Ce choix limite la dilution immédiate et s’inscrit en complément d’un tour de table majoritairement sécurisé. Dans un environnement où les jalons réglementaires conditionnent la vitesse d’exécution, la modularité du financement est un atout de gestion des risques.

L’appui de Bpifrance et d’acteurs bancaires bretons apporte une crédibilité institutionnelle. Ce signal est clé pour attirer des compétences et consolider des partenariats techniques, notamment sur des sujets de qualification d’équipements et de validation de procédés.

Capex, qualité et cadence de production : l’équation opérationnelle

La pertinence économique d’un site indoor se joue sur quelques paramètres : le rendement par mètre carré, la stabilité des profils, les coûts énergétiques et la capacité d’automatisation. Pour une cible thérapeutique, chaque lot doit satisfaire des critères de qualité documentés. Cela implique des flux bien pensés, du stockage sécurisé et un contrôle continu des conditions de culture.

  • Investir dans le monitoring temps réel pour piloter la qualité de bout en bout.
  • Structurer des plans d’échantillonnage et d’analyses adaptés aux normes françaises.
  • Mettre en place des procédures de rappel et de non-conformité dès le lancement.

De la culture à la mise à disposition en passant par la transformation, la conformité exige une documentation rigoureuse : dossiers de lot, procédures opératoires, gestion des déviations, audits internes. L’investissement initial dans ces briques immatérielles conditionne la fiabilité et la capacité à monter en cadence sans perdre en traçabilité.

Prochain jalon : de la preuve industrielle à la mise à l’échelle

Chenevia s’installe dans une dynamique claire : sécuriser ses financements, bâtir un outil de 2 000 m² et constituer une équipe d’environ 20 personnes, tout en naviguant dans une expérimentation nationale prolongée jusqu’au 31 mars 2026. La réussite passera par une exécution disciplinée et une capacité à démontrer la constance de la qualité de production.

Si l’entreprise parvient à aligner industrialisation, conformité et empreinte environnementale maîtrisée, elle pourra se placer parmi les acteurs qui compteront lors de l’ouverture d’un marché thérapeutique pleinement structuré.

À surveiller désormais : le rythme de la collecte, l’avancement du chantier industriel et la consolidation des partenariats techniques.