Un chai partagé en Savoie pour dynamiser le vignoble
Découvrez comment un chai partagé de 900 000 euros soutient les vignerons savoyards tout en préservant leur autonomie.

900 000 euros engagés en Savoie : Le Vigneron Savoyard a inauguré un chai partagé pensé comme un accélérateur d’installation pour les vignerons, sans sacrifier leur autonomie commerciale. Piloté avec un souci d’efficacité opérationnelle et d’impact environnemental mesuré, l’équipement mutualisé renforce la compétitivité du vignoble de Chautagne et d’Apremont, tout en sécurisant la relève dans un secteur soumis à de fortes variations annuelles.
Chai partagé à 900 000 euros : un outil collectif sans renoncer à l’indépendance
Le nouvel outil de production, valorisé à 900 000 euros, a été conçu pour quarante vignerons adhérents qui conservent chacun la pleine propriété de leurs raisins, de leurs cuvées, de leurs marques et de leur commercialisation. L’approche privilégie une logique d’économies d’échelle, tout en respectant les stratégies indépendantes des domaines.
Localisé sur les terroirs de Chautagne et d’Apremont, le chai cible deux objectifs opérationnels clairs : faciliter l’installation de nouvelles exploitations et pérenniser le vignoble local face à la double pression des départs en retraite et des à-coups climatiques. Les travaux ont duré un peu plus de six mois et ont abouti à une inauguration à l’automne.
Côté capacités, la coopérative met à disposition une cuverie de 250 m², équipée de 13 cuves inox thermorégulées de 20 à 90 hectolitres, pour une capacité cumulée de 700 hectolitres. Cette dimension a été calibrée pour accueillir des évolutions ultérieures, si le nombre d’associés amenés à vinifier sur place progresse.
Chiffres clés du chai partagé en Savoie
• Investissement total : 900 000 euros
• Cuverie : 250 m² et 13 cuves inox thermorégulées
• Capacité : 700 hectolitres
• Bénéficiaires : 40 vignerons adhérents
Qui est Le Vigneron Savoyard : union coopérative et ADN entrepreneurial
La coopérative Le Vigneron Savoyard est née de la fusion, en mars 2016, des structures de Chautagne et du Vigneron savoyard d’Apremont, un rapprochement salué à l’époque comme un moyen de fédérer les forces du bassin (presse locale). Elle regroupe aujourd’hui 40 vignerons, emploie 25 salariés et réalise un chiffre d’affaires de 4,5 millions d’euros.
Le vignoble savoyard, réputé pour ses blancs comme l’Apremont et ses rouges de Chautagne, demeure un écosystème fragile, sujet aux variations de volumes. D’après les estimations nationales, un rebond de 3 % en 2025 par rapport à 2024 est anticipé, mais les prévisions restent 13 % en dessous de la moyenne des cinq dernières années (La Revue du vin de France).
L’ambition affichée de la coopérative est d’allier mutualisme et entrepreneuriat sur un périmètre qualitatif restreint, en consolidant les fondamentaux techniques tout en soutenant la montée en gamme des domaines.
Le bassin savoyard valorise notamment des cépages blancs orientés vers la fraîcheur et la tension, avec des cuvées d’Apremont largement issues de la Jacquère, et des rouges de Chautagne. Ces positionnements facilitent la lisibilité commerciale et la complémentarité des gammes au sein des adhérents.
Gouvernance et modèle économique : prestations de services et parts sociales modulaires
Le fonctionnement repose sur un modèle de prestation de services. Les coûts d’usage du chai sont mutualisés selon des règles de répartition équitables, tandis que chaque vigneron conserve ses actifs commerciaux. Un règlement intérieur encadre l’utilisation des équipements et l’organisation des flux à vendanges et hors vendanges.
À l’entrée des raisins, une pesée métrologique légale est réalisée, afin de garantir une facturation fiable et conforme. Les équipes techniques de la coopérative assurent la gestion des flux, avec un pilotage fin qui intègre les besoins spécifiques et la recherche d’efficacité collective.
Sur le plan capitalistique, les statuts ont été modifiés en juillet 2023 pour créer une nouvelle catégorie de parts sociales. L’objectif : permettre des apports partiels et rendre l’accès plus flexible à de nouveaux adhérents ou partenaires. La direction indique en outre que le site est dimensionné pour accueillir des équipements supplémentaires si le nombre d’associés augmente.
Règlement d’utilisation et facturation : des garde-fous opérationnels
Ce cadre prévoit une gouvernance claire des créneaux, des priorités techniques et des standards qualité, en particulier sur la thermorégulation et la traçabilité. Les arbitrages s’opèrent via la coopérative, tout en respectant les cahiers des charges de chaque exploitation.
La pesée réalisée avec des instruments conformes à la métrologie légale sécurise la base de facturation et la répartition des coûts. Elle garantit une équité de traitement entre adhérents, condition indispensable pour un outil mutualisé et auditable.
La création d’une catégorie de parts permettant des apports partiels abaisse la barrière financière d’entrée. Ce mécanisme favorise l’arrivée d’exploitations récentes ou de partenaires, sans diluer les droits des sociétaires historiques au-delà du prévu par les statuts.
Château de Châtillon : usage du chai mutualisé
Le Château de Châtillon fait partie des premiers bénéficiaires du dispositif. L’accès aux équipements partagés et aux flux organisés renforce les conditions de vinification et la fiabilité du calendrier technique.
Domaine de l’Arbessieux : stratégie et résultats
Créé en 2022 par Claire Delon et Benoît Laurent, diplômés de l’Institut Agro Montpellier, le Domaine de l’Arbessieux illustre l’effet d’entraînement recherché par la coopérative. « Nous avons été séduits par le potentiel de la Chautagne et la dynamique de la coopérative. Ce chai partagé nous a permis de vinifier dans d’excellentes conditions dès nos premières vendanges. »
En remplaçant une partie du CAPEX initial par des charges d’exploitation liées à la prestation, les jeunes domaines peuvent calibrer leur montée en puissance sans immobiliser massivement des capitaux dans des équipements. La flexibilité des parts sociales complète ce schéma.
Paramètres techniques et trajectoire environnementale : sobriété et autoconsommation
Le site a été dimensionné pour allier performance thermique et sobriété énergétique : isolation renforcée, équipements économes et pilotage fin de la thermorégulation. Deux installations photovoltaïques assurent une autoconsommation partielle, afin de contenir la facture énergétique et l’empreinte carbone.
La coopérative prévoit l’intégration d’une filière de bouteilles consignées. Parallèlement, une station d’épuration intégrée gère les effluents pour limiter l’impact environnemental. Ces choix s’inscrivent dans une logique d’alignement avec des dispositifs publics qui encouragent les investissements écoresponsables en viticulture.
Le profil de charge en cave est marqué par des pics saisonniers et des besoins de froid. L’autoconsommation améliore l’équation économique quand la production PV couvre ces pointes, à compléter si besoin par du stockage, des délestages ou un lissage thermique grâce à l’inertie des cuves.
Financement et aides publiques : clé de voûte de l’investissement
L’opération a été financée à 60 % par autofinancement et à 40 % par des aides publiques attribuées par le Département de la Savoie et FranceAgriMer. Selon la direction, ces soutiens s’inscrivent dans la volonté de promouvoir des projets innovants et durables.
« Nous avons obtenu ces aides pour promouvoir des projets innovants et durables. », indique Fabien Danjoy, directeur de la coopérative.
Ces aides complètent un cadre d’intervention plus large, dont le plan national d’arrachage 2024 doté de 120 millions d’euros avec une aide de 4 000 euros par hectare pour fluidifier certains bassins en surcapacité (DRAAF Nouvelle-Aquitaine). Si la Savoie n’est pas un bassin de surproduction, cette politique nationale illustre la volonté de rééquilibrer l’offre et d’accompagner les transitions.
Au-delà du financement, la sécurisation des flux opérationnels et la maîtrise énergétique constituent des leviers de soutenabilité économique. L’ensemble concourt à abaisser le coût marginal d’installation et à stabiliser l’activité des vignerons dans un contexte de volatilité des volumes.
Marché savoyard : volatilité des volumes, rebond attendu en 2025
Le vignoble savoyard couvre environ 2 000 hectares. Il produit majoritairement des vins blancs, notamment à base de Jacquère pour l’Apremont, avec des rouges identitaires en Chautagne. Les dernières campagnes ont été tourmentées : 2023 a subi les aléas météo, 2024 s’est située plus bas encore en volume, et 2025 est annoncé en légère reprise (+3 % vs 2024 et -13 % vs la moyenne quinquennale, La Revue du vin de France).
Dans cette trajectoire, l’outil partagé apporte de la résilience : mutualisation des coûts, rationalisation des procédés et meilleure gestion des pointes. La Savoie, positionnée sur des vins alpins recherchés, peut ainsi consolider l’équilibre offre-demande sans surinvestir individuellement.
Variations de volumes riment avec tension de trésorerie, sous-utilisation d’actifs ou au contraire saturation ponctuelle. Un chai partagé permet de mieux absorber les chocs en lissant les coûts fixes et en optimisant la planification des vinifications selon les profils de maturité et de volumes.
Sur le plan de l’attractivité, la coopérative vise explicitement l’accueil d’au moins trois nouvelles installations d’ici cinq ans pour compenser les départs en retraite et maintenir le potentiel productif du bassin de Chautagne. Le dispositif est déjà actif auprès du Château de Châtillon et du Domaine de l’Arbessieux.
Capacité d’entraînement pour le vignoble savoyard
En croisant outil industriel, cadre de gouvernance et sobriété énergétique, Le Vigneron Savoyard met en place une réponse pragmatique aux défis de taille critique et de renouvellement générationnel. L’investissement, adossé à des aides ciblées, consolide un modèle où l’indépendance commerciale des vignerons est préservée et l’efficacité collective renforcée.
La réussite se mesurera à la capacité d’attirer de nouveaux profils, à la stabilité des coûts d’usage et à l’intégration des solutions environnementales prévues. Dans un marché aux volumes mouvants, l’approche mutualisée offre un avantage concurrentiel mesurable sans alourdir le risque individuel.
Un chai partagé peut être plus qu’un outil : un multiplicateur de valeur pour tout un territoire viticole.