Cinq décès recensés en 2025 parmi les experts-comptables de Nouvelle-Aquitaine en lien avec des cas de burn-out, un signal rare et grave, ont été rapportés récemment. La profession, pilier de l’écosystème des PME, encaisse une pression croissante: charge normative, délais fiscaux serrés, pénurie de compétences. La riposte s’organise à l’échelle régionale avec un cap assumé: prévention, entraide et prise en compte des émotions.

Nouvelle-Aquitaine : alerte sanitaire dans la profession comptable

La Nouvelle-Aquitaine fait figure de révélateur. Cinq décès en 2025 en lien avec des cas de burn-out ont été signalés par un responsable ordinal dans un article de presse récent, mettant en lumière la vulnérabilité d’une profession exposée aux pics d’activité et à une responsabilité réglementaire élevée (France Bleu, article publié récemment). L’onde de choc dépasse le strict périmètre régional: elle interroge la soutenabilité opérationnelle des cabinets et la solidité du cadre d’accompagnement.

Le cœur du problème tient à la conjugaison de plusieurs facteurs connus des professionnels: échéances fiscales rapprochées, adaptation continue aux textes réglementaires et augmentation des attentes des clients en matière de conseil. Les professionnels libéraux, en première ligne, expérimentent une intensité de travail où l’urgence devient la norme. Le risque: voir s’installer des schémas d’épuisement qui fragilisent la prise de décision et la qualité de service.

Cette dynamique n’est pas anecdotique. Elle traduit une détérioration des conditions d’exercice, avec un impact humain immédiat et un effet macroéconomique indirect: désorganisation potentielle des chaînes de gestion dans les TPE-PME lorsque le cabinet référent vacille. À court terme, l’enjeu est double: réduire l’isolement des praticiens et mettre en place des mécanismes de soutien activables rapidement dans les territoires.

Nouvelle-Aquitaine : signaux à surveiller

Les cabinets rapportent des difficultés croissantes liées à l’intensité des délais, à la pression normative et aux attentes clients. L’agrégation de signaux faibles conduit à un risque accru d’épuisement, particulièrement dans les structures de petite taille où la mutualisation est difficile.

  • Charge de travail intensifiée autour des échéances fiscales.
  • Évolutions réglementaires fréquentes et complexes.
  • Besoin d’appuis locaux: réseaux de pairs, commissions d’écoute, relais associatifs.

Tensions du marché du travail : indicateur au plus haut depuis 2011

Le diagnostic local s’inscrit dans une photographie nationale moins connue du grand public: les tensions sur le marché du travail en 2023 ont atteint leur niveau le plus élevé depuis 2011, et se sont stabilisées à ce palier selon une analyse officielle publiée le 24 avril 2025 (DARES, 24 avril 2025). Ce niveau de tension se traduit par des difficultés de recrutement persistantes qui pèsent sur les métiers libéraux, dont l’expertise comptable.

Concrètement, l’équation opérationnelle devient délicate: lorsque les cabinets manquent de ressources expérimentées, la charge se concentre sur des équipes restreintes, amplifiant la fatigue chronique et les risques psychosociaux. Or, les attentes des entreprises clientes évoluent: plus de conseil, plus de disponibilité, plus d’anticipation. La promesse de service s’alourdit, alors même que l’offre de compétences peine à suivre.

Cette asymétrie demande une réponse coordonnée. Les relais institutionnels et professionnels se mobilisent, mais le réglage fin se joue dans l’organisation du travail: pilotage de charge, gestion des priorités, outillage numérique. Les cabinets qui sécurisent ces paramètres limitent mécaniquement le risque d’épuisement.

La DARES analyse la difficulté à recruter à partir d’indicateurs combinant les déclarations d’employeurs, les délais de recrutement et le rapport entre offres et candidatures. Lorsque cet indice progresse et se maintient à un niveau élevé, cela signale une rareté relative des compétences disponibles, une pression sur les salaires d’embauche et un risque d’surchauffe organisationnelle dans les structures en sous-effectif.

Assistance confraternelle : une réponse opérationnelle de l’Ordre régional

En Nouvelle-Aquitaine, le Conseil de l’Ordre a enclenché une riposte structurée qui combine soutien psychologique, entraide de proximité et référentiels déontologiques. L’objectif: détecter tôt, orienter vite, et proposer un cadre d’écoute aux professionnels en difficulté. Ce maillage se déploie via des associations départementales et une commission dédiée.

Deux-Sèvres : association d’entraide dédiée

Dans les Deux-Sèvres, une association spécifique a été créée afin d’accompagner les professionnels exposés, victimes d’épuisement ou menacés de burn-out. L’intérêt est double: mettre à disposition des contacts de proximité et faciliter la mise en relation avec des ressources qualifiées pour une prise en charge rapide, comme l’a rapporté la presse locale récemment.

Delphine Sabatey : axe prévention depuis 2022

Présidente régionale depuis octobre 2022, Delphine Sabatey a fixé un cap: prévention et soutien psychologique, avec une commission Assistance confraternelle chargée de l’écoute active et de l’orientation. Son message est clair: reconnaître tôt les signaux d’alerte, favoriser la parole et réduire l’isolement des consœurs et confrères. Cette ligne de conduite, relayée par plusieurs médias, pose les fondations d’une politique de santé au travail durable dans la profession.

Décret n° 2012-432 : points déontologiques clés

Le code de déontologie des professionnels de l’expertise comptable, pris par le décret n° 2012-432 du 30 mars 2012, apporte un cadre aux actions d’entraide et d’éthique.

  • Articles 141 à 169: socle de la solidarité confraternelle et des règles de conduite.
  • Référentiel pour promouvoir le bien-être et la responsabilité morale dans la profession.
  • Outil d’alignement entre gouvernance régionale et pratiques quotidiennes des cabinets.

La commission dédiée s’appuie sur des bénévoles formés à l’écoute, qui réorientent si nécessaire vers des professionnels compétents. L’enjeu n’est pas de se substituer aux thérapeutes, mais d’ouvrir une porte rapidement, de dédramatiser la démarche et de proposer des pistes concrètes: pauses nécessaires, réaménagement temporaire des dossiers, prise de contact avec des relais spécialisés.

Bordeaux, 2 octobre 2025 : une assemblée générale centrée sur les émotions

Le Conseil de l’Ordre de Nouvelle-Aquitaine donne le ton avec une assemblée générale annuelle à l’Arkéa Arena de Bordeaux, le 2 octobre 2025. Le thème, « Au rythme de nos émotions », assume un virage culturel: parler ouvertement de santé mentale dans une profession réglementée, au croisement du stress décisionnel et de la responsabilité civile.

Deux voix extérieures viendront nourrir le débat: l’essayiste et philosophe Vincent Cespedes, pour ses travaux sur la société et le bien-être, et Romain Vandendorpe, ancien sportif devenu consultant en neurosciences. Leur présence atteste d’un mouvement de fond: considérer les émotions comme un indicateur de pilotage du travail, utile pour prévenir l’épuisement et renforcer la qualité de service.

La démarche s’appuie sur des données récentes qui documentent l’impact du stress dans les métiers intellectuels. Les témoignages publiés sur les réseaux sociaux confirment ce ressenti, sans valeur probante en tant que tels, mais révélateurs d’un climat émotionnel partagé dans la communauté.

À l’agenda du 2 octobre 2025

  • Lieu: Arkéa Arena, Bordeaux.
  • Thème: « Au rythme de nos émotions ».
  • Intervenants: Vincent Cespedes et Romain Vandendorpe.

Objectif: installer un dialogue professionnalisé autour des émotions et structurer des réponses opérationnelles face aux risques d’épuisement.

La régulation impose des standards de qualité et de contrôle. Or la variabilité émotionnelle influe sur l’attention, la mémoire de travail et la prise de décision. En traiter explicitement permet de prévenir les erreurs et de sécuriser la relation client, notamment lors des périodes de charge et des arbitrages sensibles.

Métier et chiffres en Nouvelle-Aquitaine : poids économique et vulnérabilités

La profession d’expert-comptable en Nouvelle-Aquitaine pèse lourd dans l’économie régionale: environ 1 800 experts-comptables inscrits, 470 stagiaires et 17 100 salariés au sein des cabinets, selon des rapports internes de l’Ordre. Cette maille de production de services porte les comptes, la fiscalité et une part croissante du conseil modernisé des PME.

Au niveau national, les travaux statistiques confirment le rôle central des experts-comptables dans l’accompagnement des entreprises. Les dernières années ont vu une progression du nombre de cabinets, dans un contexte de transformations numériques et réglementaires soutenues. Cette extension du périmètre d’intervention s’accompagne d’un paradoxe: plus la valeur ajoutée de conseil s’élargit, plus la pression temporelle sur les équipes s’intensifie lorsqu’un recrutement échoue ou prend du retard.

Rôle auprès des PME selon l’INSEE

Les experts-comptables constituent un levier d’appui pour les TPE-PME: tenue des comptes, obligations fiscales, mais aussi aide aux décisions de gestion. Les données nationales récentes soulignent ce rôle clé, la fonction de tiers de confiance s’étant renforcée avec la digitalisation progressive des processus et la sophistication des besoins des dirigeants.

Chiffres clés en Nouvelle-Aquitaine

  • Profession: environ 1 800 experts-comptables inscrits.
  • Filière: environ 470 stagiaires en formation.
  • Emploi: environ 17 100 salariés dans les cabinets.

Ce socle humain structure l’appui aux entreprises régionales et conditionne la continuité de service lors des périodes de tension.

Organisation, outils et prévention : pistes concrètes à déployer

Des recommandations consolidées émergent. Elles ne prétendent pas résoudre d’un trait les sujets de fond, mais offrent un socle de réduction des risques. Les retours du terrain convergent: l’organisation, les compétences et les outils constituent le triptyque d’une prévention efficace.

  • Organisation: calibrer les portefeuilles, clarifier les priorités, formaliser les limites de charge. Les cabinets gagnent à instaurer des points réguliers d’allocation de dossiers et des arbitrages rapides en période d’afflux.
  • Compétences: favoriser des formations ciblées en gestion du stress et en communication assertive, pour donner des repères de régulation émotionnelle et de gestion des situations difficiles avec les clients.
  • Outils: recourir à l’IA et à l’automatisation pour les tâches répétitives à faible valeur ajoutée. L’objectif est d’alléger les flux, pas de substituer l’expertise humaine dans les arbitrages finis.
  • Gouvernance: inscrire la santé au travail à l’ordre du jour des comités de direction et des instances ordinales, avec des indicateurs de suivi et des plans d’action activables rapidement.

La politique publique encourage ces chantiers. Les orientations portées par le ministère du Travail visent à sensibiliser les organisations professionnelles aux enjeux de prévention et à l’outillage des risques psychosociaux. La traduction concrète se joue au niveau des Ordres régionaux et des cabinets, au plus près du terrain.

  1. Cartographier la charge: visibilité hebdomadaire des dossiers volumineux et des délais, pour un arbitrage réactif.
  2. Instaurer un sas de parole: créneaux dédiés d’écoute entre pairs ou avec un référent interne formé.
  3. Outiller les routines: modèles, checklists et automatisations pour les tâches récurrentes à faible risque, afin de préserver l’énergie cognitive.

La parole de l’Ordre régional

La présidente régionale, Delphine Sabatey, rappelle l’importance d’« orienter et d’aider à apaiser les maux en incitant à se confier », une position relayée par les médias locaux. Cet axe rejoint l’esprit de l’Assistance confraternelle et la logique de solidarité professionnelle inscrite dans la déontologie.

Un signal pour l’ensemble des professions réglementées

Ce qui se joue en Nouvelle-Aquitaine dépasse la seule expertise comptable. La mise en place de relais d’écoute, l’élévation du débat autour des émotions et l’intégration d’outils d’allègement de charge dessinent un cadre d’action réplicable à d’autres professions à forte intensité normative.

La suite se jouera dans la capacité des organisations à pérenniser ces dispositifs, à mesurer leur impact et à professionnaliser la prévention. L’assemblée générale du 2 octobre 2025 servira de test grandeur nature: installer une culture qui protège les personnes, sécurise le service rendu et renforce la confiance des entreprises clientes.

La santé des professionnels est une condition de la qualité économique: la reconnaître, c’est agir pour la continuité et la fiabilité du service aux entreprises.