1,1 million d’euros : la start-up lilloise 37 Degrés enclenche une nouvelle phase pour faire aboutir un boxer contraceptif masculin non hormonal, avec un cap fixé au marquage CE en 2028. À la clé, un essai clinique au CHU de Lille et une structuration commerciale pour un lancement gradué en France, puis en Europe.

37 Degrés à Lille : 1,1 M€ pour franchir l’étape clinique et viser le marquage CE en 2028

Fondée par Gaëlle Burcklé et Matthieu Gilquin, 37 Degrés développe un boxer thermique conçu pour inhiber de manière réversible la production de spermatozoïdes. L’entreprise vise l’obtention du marquage CE en tant que dispositif médical à l’horizon 2028, préalable à une commercialisation structurée. La levée de fonds en cours, à hauteur de 1,1 million d’euros dont 300 000 euros en obligations convertibles, doit financer un essai clinique au CHU de Lille et l’extension de l’équipe, aujourd’hui composée des deux cofondateurs.

Le positionnement de 37 Degrés s’aligne sur l’appétit des investisseurs pour la healthtech en France, notamment pour des solutions de santé non hormonales, non invasives et réversibles. L’entreprise revendique une stratégie disciplinée : progression clinique, montée en puissance industrielle et go-to-market phasé, d’abord via le canal digital, puis en officines pour crédibiliser l’usage. Dans le paysage national, la trajectoire s’inscrit dans une dynamique de soutien aux innovations et aux relocalisations industrielles médicales portée par France 2030, sans préjuger d’un financement spécifique à ce projet.

Chiffres clés annoncés par 37 Degrés

Les éléments chiffrés partagés par l’équipe fondatrice structurent la feuille de route économique et réglementaire.

  • Montant visé : 1,1 M€ dont 300 000 € en obligations convertibles
  • Objectif réglementaire : marquage CE en tant que dispositif médical en 2028
  • Essai clinique : CHU de Lille, 18 à 24 mois, 50 à 100 participants
  • Prix de vente estimé : autour de 25 € l’unité
  • Usage quotidien : 15 heures par jour, effet attendu après 3 mois
  • Contrôle : efficacité évaluée par spermogramme
  • Durée de vie : environ 2 ans avec un lavage hebdomadaire
  • Objectif de chiffre d’affaires : 7 M€ en 2030 avec point d’équilibre visé

Contraception thermique masculine : principe, protocole et réversibilité

Le dispositif s’appuie sur la contraception thermique masculine. Il maintient les testicules à proximité du corps via un textile technique, comparable aux tissus sportifs, avec un objectif de température testiculaire autour de 37 degrés. Cette élévation thermique inhibe la spermatogenèse.

L’équipe de 37 Degrés a structuré son approche avec un comité scientifique incluant des experts du CHU de Lille. L’effet contraceptif est attendu après trois mois d’utilisation régulière, et se confirme par un spermogramme. La méthode est réversible : la fertilité revient quelques semaines après l’arrêt.

Le protocole d’usage est clair : 15 heures par jour. Matthieu Gilquin précise la possibilité d’ajuster le port en fonction des contraintes quotidiennes, par exemple en compensant les heures manquantes la nuit si la journée a inclus la pratique de la natation. Des retours d’usage, documentés dans la presse, mettent en avant l’autonomie procurée aux utilisateurs, avec une perception d’équilibre de la charge contraceptive au sein du couple.

Sur le plan médical, la promesse se différencie des options disponibles côté masculin. Contrairement à la vasectomie, il n’y a pas d’acte irréversible; contrairement au préservatif, l’objectif est une contraception de fond en continu. C’est un pari sur une observance quotidienne bien définie, un terrain où la pédagogie et l’accompagnement du patient seront déterminants.

Port quotidien : 15 heures par jour, idéalement en continu, avec possibilité de rattrapage nocturne en cas d’interruption diurne.

Délai d’action : viser 3 mois d’usage régulier avant d’envisager un rapport sans autre méthode contraceptive, avec confirmation par spermogramme.

Réversibilité : retour de la fertilité quelques semaines après arrêt, selon les paramètres physiologiques de chacun.

Suivi : la réalisation d’un spermogramme reste la référence pour objectiver l’efficacité, notamment au démarrage.

Essai au CHU de Lille et exigences réglementaires pour un dispositif médical

La levée de fonds doit permettre de conduire un essai clinique au CHU de Lille avec un effectif de 50 à 100 hommes et une durée estimée de 18 à 24 mois. Le calendrier est calé sur 2028, année à laquelle l’entreprise vise le marquage CE. L’étude ambitionne de documenter la sécurité et l’efficacité, deux volets indispensables pour tout dossier réglementaire.

Obtenir le marquage CE pour un dispositif médical impose de démontrer la conformité aux exigences essentielles de performance et de sécurité, et de fournir des données cliniques probantes. Dans ce cadre, 37 Degrés a d’ores et déjà intégré une contrainte forte : toute modification, même esthétique, entraîne des validations supplémentaires. La décision de proposer initialement un seul coloris vise ainsi à sécuriser la trajectoire réglementaire, avant d’élargir la gamme lorsque les jalons seront franchis.

Le calendrier de développement reflète une approche de gestion des risques. L’entreprise planifie le recrutement interne au fil de l’eau et concentre ses ressources sur le dossier clinique avant de déployer des moyens commerciaux étendus. À ce stade, la prudence demeure de mise : la fenêtre 2028 constitue un objectif et non une garantie, les délais d’évaluation pouvant évoluer selon les exigences réglementaires et les résultats de l’étude.

Le marquage CE atteste que le dispositif satisfait aux exigences réglementaires de l’UE en matière de sécurité et de performance. Pour un produit de santé, cela suppose un dossier technique étayé, des données cliniques suffisantes, une gestion des risques et un contrôle de la fabrication sur l’ensemble du cycle de vie. Le périmètre de l’évaluation dépend de la catégorie du dispositif et de la finalité revendiquée.

Pour 37 Degrés, l’essai au CHU de Lille doit apporter des données concrètes sur l’efficacité contraceptive et la tolérance, deux prérequis classiques avant une mise sur le marché.

Industriel et distribution : arbitrages coût-qualité et crédibilité en officine

Sur la chaîne de valeur, 37 Degrés a retenu un partage industriel : tricotage et découpe en France chez un partenaire, puis assemblage au Maghreb pour contenir les coûts. Ce découpage géographique répond à un double enjeu.

D’un côté, sécuriser la qualité d’un textile technique qui doit maintenir la température et la position attendues. De l’autre, obtenir un prix de vente accessible pour accélérer l’adoption. La durée de vie annoncée d’environ 2 ans en cas de lavage hebdomadaire participe de cette équation économique.

La stratégie commerciale est articulée autour de deux canaux. D’abord, le site web de l’entreprise, levier de marge et de contrôle de l’expérience utilisateur.

Ensuite, une présence en pharmacie, facteur de crédibilité pour un produit de santé grand public. Les fondateurs entendent s’appuyer sur les quatre grossistes répartiteurs en France pour le référencement, plutôt que de démarcher officine par officine, une voie plus rapide pour couvrir le territoire lors du lancement.

Ce positionnement hybride est cohérent avec la nature du produit. La vente directe en ligne peut accélérer l’adoption auprès d’early adopters, quand l’officine assure l’ancrage santé et un relais de conseil, notamment pour le suivi par spermogramme. À moyen terme, la visibilité en pharmacie pourra aussi soutenir le drive-to-web pour des achats récurrents, par exemple via des packs hebdomadaires.

Calendrier opérationnel annoncé

Les jalons envisagés par 37 Degrés structurent la route vers le marché français.

  • 2028 : objectif de marquage CE et lancement commercial à la suite
  • Essai clinique : démarrage prévu en 2028, durée 18 à 24 mois au CHU de Lille
  • Effectifs : recrutement de trois salariés d’ici 2028, puis constitution d’une force commerciale au moment du lancement
  • Distribution : site web en priorité, montée en puissance en pharmacies via les grossistes répartiteurs

Taille de marché et appétence masculine : chiffres et signaux sectoriels

Les fondateurs estiment un potentiel de 150 M€ en France, 1 Md€ en Europe et 15 Md€ dans le monde. En appui, une thèse de médecine mentionne qu’environ 30 % d’hommes se déclareraient prêts à adopter une contraception de ce type.

À l’échelle internationale, l’OMS estime que plus de 200 millions de couples recourent à la contraception, alors que l’offre masculine demeure très limitée, essentiellement préservatifs ou vasectomie. Dans cette configuration, un dispositif non hormonal et réversible comble un vide manifeste entre méthodes définitives et solutions barrière.

Des signaux confirment la dynamique de R&D. La presse a relayé des avancées sur un gel hormonal et, plus récemment, un essai réussi d’une pilule masculine relançant l’intérêt pour cette voie pharmacologique. Ces deux pistes suivent une logique complémentaire et ne s’opposent pas à l’approche thermique, dont la proposition de valeur se distingue par l’absence d’hormones et l’absence d’acte médical invasif.

En France, la demande pour des méthodes masculines progresse selon les communications publiques, portée par une plus grande sensibilisation au partage de la charge contraceptive. Le sujet dépasse la santé individuelle et touche à la responsabilité au sein du couple, dimension qui soutient l’émergence d’offres masculines alternatives.

OMS et offres actuelles : un espace à combler

Le paysage reste dominé par la contraception féminine. Les contributions masculines se concentrent sur l’usage du préservatif et, dans une moindre mesure, sur la vasectomie.

L’ouverture d’un troisième pilier masculin, réversible et non hormonal, pourrait rééquilibrer l’arsenal contraceptif, à condition de satisfaire trois critères : efficacité objectivée, tolérance satisfaisante et adhésion durable au protocole d’usage. C’est précisément l’objet des travaux cliniques à venir.

France 2030 : un levier indirect pour la healthtech

Sans annoncer de financement dédié à 37 Degrés, les orientations nationales sur l’innovation en santé et la relocalisation d’activités pharmaceutiques et médicales contribuent à un environnement porteur. Ce cadre met en cohérence les objectifs industriels et sanitaires, notamment autour de la fiabilité d’approvisionnement et de la montée en gamme technologique. Un projet de contraception masculine non hormonale s’insère dans cette logique d’innovation de santé publique, avec un bénéfice attendu en termes d’autonomie contraceptive et de prévention.

Adoption potentielle : une thèse de médecine évoque 30 % d’hommes prêts à s’engager dans une contraception de ce type, un vivier significatif pour un produit de santé grand public.

Signal public : la Journée mondiale de la contraception met en avant la diversification de l’offre et l’augmentation de la demande pour des solutions masculines en France, un indicateur utile pour calibrer le lancement national (source : Ministère de la Santé).

R&D internationale : des avancées médiatisées sur un gel hormonal et une pilule masculine laissent entrevoir un élargissement du pipeline, sans impacter l’intérêt pour des méthodes non hormonales.

Modèle économique et 2030 en ligne de mire

37 Degrés positionne son produit à un prix d’environ 25 € l’unité. Compte tenu de l’usage quotidien, les premiers clients pourraient privilégier des packs hebdomadaires, ce qui augmente la valeur du panier et facilite la rotation du stock.

À l’échelle de l’entreprise, l’objectif est un chiffre d’affaires de 7 M€ en 2030, avec atteinte de l’équilibre à cet horizon. Cette cible est cohérente avec une montée en charge progressive : validation clinique, obtention du CE, ouverture du canal e-commerce, puis ouverture du réseau officinal.

Côté ressources humaines, la feuille de route prévoit un renforcement de l’équipe pour passer de deux cofondateurs à trois salariés d’ici 2028, puis le déploiement d’une force commerciale au moment du lancement. La séquence limite la charge fixe avant le feu vert réglementaire et concentre les moyens sur les jalons les plus critiques. À ce stade, la thèse industrielle mise sur une fabrication à coûts maîtrisés et un mix de canaux capable d’absorber une demande en croissance.

Unit economics envisagés et canaux de marge

La vente directe via le site web devrait optimiser la marge brute et accélérer l’apprentissage client au démarrage. La présence en pharmacie viendra soutenir la crédibilité du produit, avec un effet réputationnel clé pour un dispositif de santé intimement lié à la vie reproductive. Le ciblage des grossistes répartiteurs vise à capitaliser sur des coûts de distribution mutualisés et une vitesse d’exécution supérieure au démarchage officinal au détail.

Sur l’axe réglementation-business, l’équipe fondatrice a intégré l’impact de la stabilité du design sur le time-to-market. Le maintien d’un coloris unique à court terme limite les revalidations et sécurise la cadence. Une politique de modifications incrémentales post-CE permettra, si les ventes répondent, d’enrichir la gamme sans retarder la mise sur le marché initiale.

Risque réglementaire : la trajectoire 2028 dépend des résultats cliniques et du traitement du dossier par les autorités compétentes. Les délais peuvent varier.

Adoption utilisateur : l’efficacité est conditionnée à un port quotidien de 15 heures. L’adhésion au protocole sera un facteur critique de succès commercial.

Échelle industrielle : la combinaison fabrication France + assemblage au Maghreb doit préserver les performances techniques et la constance de production à mesure de la montée en volume.

Ce que 37 Degrés peut changer dans la charge contraceptive

Un dispositif masculin non hormonal, réversible et contrôlable par l’utilisateur a le potentiel de rééquilibrer la charge contraceptive au sein du couple. La réussite du projet dépendra de trois briques indissociables : un signal clinique clair au CHU de Lille, une lecture réglementaire favorable pour le marquage CE en 2028 et une exécution industrielle et commerciale disciplinée.

Si ces jalons sont franchis, 37 Degrés pourrait s’imposer sur un segment encore peu couvert, à la croisée de l’innovation de santé publique et d’un marché en expansion. Le sujet ne se limite plus à la technique : il engage la place des hommes dans la prévention des grossesses non désirées et ouvre, par la même occasion, un terrain d’affaires nouveau pour la healthtech française.

À suivre : l’essai au CHU de Lille et la séquence réglementaire diront si la promesse de la contraception thermique masculine devient une réalité de marché.