+0,1 % au premier trimestre 2025 : l’économie française ralentit, et les budgets publicitaires s’ajustent à bas bruit. Dans les régies, l’heure est aux arbitrages défensifs, avec des fêtes de fin d’année moins télévisées et davantage digitalisées. Le luxe et l’alimentaire serrent la vis, tandis que la CTV engrange des parts de voix et capte des lignes budgétaires stratégiques.

Budgets publicitaires 2025 : arbitrages défensifs et prudence macroéconomique

La trajectoire macroéconomique confirme un environnement d’investissement plus prudent. Après une croissance du PIB de +1,4 % en 2023 puis +1,2 % en 2024, les dernières données valident une activité atone début 2025, avec +0,1 % au premier trimestre (INSEE; Direction générale du Trésor). Dans les services marketing, cela se traduit par une revue à la baisse des plans médias les plus exposés au risque de surpression budgétaire.

Le secteur publicitaire fait aussi sans l’effet dopant des Jeux Olympiques de 2024. 2025 se profile comme une année de normalisation sans catalyseur exceptionnel. France Pub table sur une croissance nulle des investissements publicitaires à l’échelle de l’année, avec même la possibilité d’une révision légèrement négative selon les signaux collectés dans la filière.

Côté secteur public, la communication de l’État est annoncée en repli. Les décisions de suspension des nouvelles dépenses jusqu’à fin 2025, suivies d’une baisse programmée de 20 % en 2026, inquiètent les agences et médias concernés, en particulier sur les campagnes d’intérêt général. Les budgets privés, eux, se concentrent sur des leviers mesurables et des achats à la performance.

Repères macro utiles aux directions marketing

Points saillants pour piloter le mix média 2025 :

  • PIB modéré : +1,2 % en 2024 après +1,4 % en 2023, consommation affaiblie.
  • Q1 2025 confirmé à +0,1 % de croissance.
  • Absence d’événement catalyseur comparable aux JO 2024.
  • Communication publique en suspension jusqu’à fin 2025, baisse de 20 % visée en 2026.

Trois implications opérationnelles se dégagent : 1) privilégier les supports à ROI observable et à optimisation en temps réel, 2) sécuriser des volumes garantis sur les opérations cœur de business plutôt que multiplier les tests, 3) réserver des fenêtres tactiques sur T4 pour capitaliser sur les pics transactionnels.

Télévision et presse : fin d’année sous pression

Les arbitrages des annonceurs se resserrent d’abord sur les médias historiques. La télévision et la presse encaissent les coupes les plus nettes pour les fêtes, selon la majorité des experts interrogés. Une grande chaîne privée reconnaît publiquement un quatrième trimestre en retrait sur les budgets. La baisse s’inscrit dans une tendance structurelle, les recettes print évoluant à la baisse conforme aux trajectoires des éditeurs.

Cette pression n’est pas conjoncturelle uniquement. Elle résulte d’une double dynamique : d’une part, un déport progressif vers les environnements digitaux à la performance, d’autre part, une utilisation plus pointilleuse des GRP et des inventaires TV, réservés aux temps forts à forte valeur de marque quand la bataille sur le court terme se joue ailleurs.

Les budgets TV et presse sont pénalisés par : 1) un coût d’entrée souvent supérieur aux canaux digitaux, 2) un temps d’activation moins agile pour des annonceurs qui décident tardivement, 3) la difficulté à relier l’exposition à des KPIs transactionnels immédiats lorsque la priorité est à la protection de parts de marché.

Alimentaire et luxe : restrictions nettes sur les activations festives

Deux verticaux clés marquent un coup d’arrêt : l’alimentaire et le luxe. Dans l’alimentaire, les coupes se voient depuis septembre 2025. Grandes marques internationales et acteurs locaux réduisent ou gèlent les mises en France. Les raisons invoquées renvoient aux incertitudes politiques et à une consommation des ménages sous contrainte de pouvoir d’achat tout au long de l’année.

Le luxe ajuste également à la baisse ses activations festives. Phénomène inédit cette année : les marques de parfum réduisent sensiblement leurs campagnes TV de Noël. Cette inflexion traduit une gestion plus stricte de la pression médias et des coûts au contact, avec un recentrage sur des formats capables de délivrer visibilité et tracking plus fin sur les intentions d’achat.

Campagnes de parfums : un repli télévisé inédit

Les parfums, habituellement moteurs de GRP en fin d’année, revoient l’exposition TV. La réallocation porte surtout vers des canaux digitaux offrant cadence, ciblage et mesure, tout en conservant une dimension image via la vidéo et la CTV. Le mix devient plus sélectif, moins massif, sans abandonner pour autant les écrans premium lors des temps forts commerciaux.

Ce que surveillent les directions financières

Dans un environnement macro qui s’essouffle, les CFO regardent en priorité :

  1. Elasticité prix vs volumes sur l’alimentaire et la beauté.
  2. Rendement incrémental de chaque euro média sur les pics T4.
  3. Capacité d’optimisation en cours de campagne pour limiter les surcoûts.

Digital, retail media et CTV : poches de résistance

Si l’ensemble du marché reste prudent, les canaux digitaux à la performance résistent mieux. Le retail media et les réseaux sociaux, majoritairement opérés par les GAFAM, devraient sortir globalement préservés. La France s’affirme parallèlement comme un pôle dynamique de CTV avec une accélération marquée du programmatique.

Les analyses sectorielles confirment un transfert de budgets depuis l’open web vers la CTV et le social, surtout sur les objectifs haut de funnel. Le rythme des décisions reste tardif : même en programmatique, des lignes peuvent être coupées à la dernière minute, reflet d’un pilotage par la trésorerie et d’une visibilité limitée sur la demande.

Publicis : trajectoire 2025 ajustée à la hausse

Après un troisième trimestre meilleur que prévu, Publicis a relevé sa prévision de croissance organique pour 2025. Le groupe met en avant la progression de son revenu net, portée par l’exécution dans la data, la tech et le digital. Ce signal conforte l’idée que les plateformes orientées performance et la CTV captent les arbitrages positifs.

CTV en France : progression des vues +46 %

Selon les travaux récents de mesure, la France serait désormais le premier marché européen en programmatique CTV, avec une hausse de 46 % des vues publicitaires entre le premier semestre 2024 et 2025. Cette traction crée un effet d’éviction sur l’open web, en particulier lorsque les budgets sont plafonnés et que la vidéo premium offre de meilleurs indicateurs d’attention.

Approche couramment observée : 1) social pour la couverture rapide et le ciblage démographique, 2) retail media pour l’activation bas de funnel et la mesure proche de la vente, 3) CTV pour la vidéo premium et l’attention, avec montée en puissance de l’achat programmatique garantissant la brand safety et la répétition maîtrisée.

Open web et monétisation éditeurs : le virage des ventes garanties

Chez plusieurs éditeurs, le digital pèse environ 65 % des recettes. Le premier semestre 2025 a été difficile, la conjoncture se lisant dans les revenus. Sur la fin d’année, la situation se scinde en deux : les ventes garanties (environ 40 % du digital chez certains éditeurs) montrent une légère hausse sur les fêtes, tandis que le programmatique (près de 60 %) reste exposé aux restrictions, faute d’engagements fermes.

Ce contexte accélère un mouvement déjà entamé : réduire la dépendance au programmatique ouvert et favoriser des produits à réservation qui sécurisent le chiffre d’affaires. Pour 2025, plusieurs éditeurs espèrent un second semestre au moins stable par rapport à 2024, année elle-même atone, ce qui reviendrait à préserver l’essentiel en attendant une meilleure visibilité.

Métriques Valeur Évolution
Croissance du PIB 2023 +1,4 % Base de comparaison plus élevée
Croissance du PIB 2024 +1,2 % Ralentissement
Croissance T1 2025 +0,1 % Confirmée
CTV programmatique : vues publicitaires +46 % S1 2025 vs S1 2024
Part du digital chez certains éditeurs 65 % Premier semestre difficile
Ventes garanties dans le digital 40 % Légère hausse sur les fêtes
Programmatique dans le digital 60 % Restrictions possibles

Les joint business plans (JBP) permettent de sanctuariser une partie des flux entre annonceurs, agences et éditeurs. En période de coupe, la présence d’un JBP peut protéger des volumes sur des verticales et formats définis, rendant les inventaires moins exposés que le programmatique ouvert aux annulations tardives.

Calendrier commercial T4 : fenêtres de rattrapage mesurées

Malgré la prudence ambiante, le quatrième trimestre reste une période d’opportunités. Prime Days, Black Friday, Cyber Monday et Noël structurent le tempo des investissements. Les annonceurs privilégient des enveloppes tactiques, activées tardivement pour épouser la dynamique des ventes, avec un recours renforcé aux canaux digitaux capables de générer du trafic immédiat.

Autre enseignement : de nombreuses marques ont anticipé les réservations dès le premier semestre pour garantir la présence sur les inventaires premium T4, tout en gardant des poches de flexibilité sur la fin d’année. Les consommateurs, soucieux de maîtriser leur budget, ventilent leurs achats, poussant les marques à allonger leur fenêtre de prise de parole.

Repères opérationnels T4 pour directions marketing

  • Timing : maintien d’une pression stable dès début novembre pour capter la montée en puissance du Black Friday.
  • Paniers moyens : piloter les offres en fonction des signaux d’élasticité par catégorie.
  • Mix média : combiner social et CTV pour la couverture, activer le retail media pour l’intention et la conversion.
  • Agilité : garder 10 à 20 % d’enveloppe flexible pour répondre aux micro-pics de demande.

Trois leviers utiles : 1) packager des offres garanties incluant data et vidéo premium, 2) renforcer la CTV via deals programmatiques sécurisés, 3) déployer des solutions d’attention et de mesure incrémentale pour rapprocher les performances des standards retail media.

2025, année charnière sans accélération brutale

Le marché publicitaire français aborde la fin d’année dans une position d’équilibriste. Les coupes se concentrent sur la télévision et la presse, l’alimentaire et le luxe réduisent la voilure, mais la CTV et les environnements digitaux à la performance gagnent du terrain. L’hypothèse centrale d’un +0 % en 2025 par rapport à 2024 reste d’actualité pour la filière, reflet d’un cycle sans surcroît de demande massif.

Pour 2026, les acteurs innovants du digital et de la CTV pourraient sortir renforcés, à condition de prouver la valeur incrémentale sur le commerce et la marque. L’open web, lui, devra accélérer sa mutation vers plus de garanties, de mesure et d’intégration retail media.

Les prochains grands rendez-vous commerciaux diront si la prudence actuelle se transforme en point d’inflexion ou en simple palier.