Un carnet de commandes record d’Airbus assure l’avenir de l’aéronautique
Airbus atteint 8 666 avions commandés, stabilisant les perspectives industrielles en France et impactant la chaîne d'approvisionnement.

+8 666 commandes fermes à fin septembre 2025 : Airbus franchit un cap inédit et verrouille une visibilité industrielle rare dans l’aéronautique civile. Pour l’écosystème français, cette traction commerciale se traduit par des cadences en hausse, des investissements sur plusieurs sites et une exigence accrue sur la chaîne d’approvisionnement. Les chiffres donnent la tendance, la production devra confirmer.
Carnet record et visibilité stratégique pour la filière française
Le carnet de commandes d’Airbus atteint un plus-haut historique à 8 666 avions commerciaux à fin septembre 2025. La progression s’inscrit dans une trajectoire longue, marquée par l’essor du transport aérien et des gains commerciaux face à Boeing depuis les années 1990.
Repères chiffrés : 1 626 commandes en 2000, 3 552 en 2010, 7 184 en 2020, puis le seuil inédit de 8 666 en 2025. À ce niveau, le carnet représente environ dix années de production au rythme actuel, un ordre de grandeur confirmé dans la presse économique (BFM TV, 13 octobre 2025).
Cette profondeur de backlog ancre les perspectives industrielles et soutient l’activité en France, en particulier à Toulouse et Hambourg pour les monocouloirs, avec des effets d’entraînement significatifs sur l’aval de la chaîne. L’impact macroéconomique de la filière est documenté avec un excédent commercial aéronautique de +28,7 milliards d’euros en 2024, Airbus en tête (Direction générale du Trésor, 29 août 2025).
Ce que signifie un carnet équivalent à dix ans
Un tel niveau sécurise la charge des sites, renforce le pouvoir de négociation d’Airbus auprès des fournisseurs et réduit la cyclicité à court terme. Il exige toutefois :
- Une montée en cadence maîtrisée pour éviter la création de stocks en attente de moteurs ou de sous-ensembles.
- Des investissements réguliers dans les FAL et les procédés de production.
- Une priorisation fine des créneaux de livraison auprès des compagnies et loueurs.
Le carnet est une mesure de volume et de visibilité, pas du chiffre d’affaires réalisé. La reconnaissance des revenus dépend des livraisons et de la mise à disposition des appareils. Un backlog élevé se traduit par des flux étalés dans le temps et n’empêche pas les aléas opérationnels liés aux fournisseurs.
A320 et A220 : architecture du carnet et arbitrages de flotte
La structure du carnet 2025 confirme la domination des monocouloirs. La famille A320 totalise 7 099 commandes, soit 82 % du total. L’arbitrage des compagnies converge vers les versions à haute capacité et long rayon d’action, avec l’A321neo en figure de proue.
A321neo : la locomotive des monocouloirs
Introduit en 2016, l’A321neo concentre 5 283 commandes. Il représente environ les trois quarts des A320 vendus dans la période et s’impose comme l’avion de substitution du long-courrier sur certaines liaisons transatlantiques point à point. Son poids dans le mix impose une gestion de configurations plus complexes, mais offre un meilleur levier de valeur par appareil pour l’avionneur.
A320neo et A319neo : une demande plus sélective
Le A320neo enregistre 1 795 commandes, reflet d’un intérêt constant pour la capacité standard. À l’inverse, l’A319neo plafonne à 21 appareils, signe d’une contraction durable du segment des plus petits monocouloirs chez les majors et les low-cost.
A220 : un positionnement qui s’installe
Acquis en 2017, l’A220 cumule 490 commandes. Son faible coût par siège sur court et moyen-courrier en fait un outil de densification de réseau complémentaire des A320. L’industrialisation progresse sur les deux sites, mais le programme reste à une échelle inférieure à la famille A320 et exige encore une montée de cadence graduelle.
Répartition indicative des commandes fin septembre 2025
Éléments structurants communiqués :
- Famille A320 : 7 099 commandes, dont A321neo 5 283, A320neo 1 795, A319neo 21.
- A220 : 490 commandes.
- Le solde du carnet représente d’autres programmes non détaillés dans ces éléments.
Gros-porteurs : rebond confirmé de l’A350 et de l’A330neo
La reprise des lignes long-courriers post-pandémie se matérialise dans les chiffres. Airbus conforte sa position sur la large cabine avec l’A350 et la modernisation du A330 via la version neo.
A350 : la vitrine long-courrier
Le A350 totalise 705 commandes à fin septembre 2025. Pour Airbus, ce programme constitue le pivot de la reprise intercontinentale. Le positionnement haut de gamme, les performances en consommation et l’adaptabilité aux configurations densifiées soutiennent les décisions de flotte.
A330neo : un second souffle
Le A330neo enregistre 294 commandes. Il capitalise sur des coûts d’exploitation plus contenus et une base d’opérateurs historiquement large. La cadence reste inférieure aux pics passés, mais le programme bénéficie d’une demande restaurée pour des liaisons long-courriers optimisées.
Le trafic intercontinental reprend, les compagnies reconfigurent leurs réseaux, et la modernisation des flottes réduit le coût par siège. Les gros-porteurs souffrent de cycles d’investissement plus longs et d’un marché plus concentré, mais ils restent stratégiques pour capter la demande premium et cargo de valeur.
Réseau industriel : extensions de FAL et modernisation des sites européens et internationaux
Pour délivrer un carnet aussi dense, Airbus augmente ses capacités, tout en modernisant ses installations historiques. Le réseau A320 compte désormais dix lignes d’assemblage final, un jalon atteint en octobre 2025.
Toulouse : recentrage et montée en puissance
À Toulouse, deux FAL A320 sont opérationnelles, avec une ligne transférée dans l’ancien hall de l’A380 en 2023. Une seconde ligne doit suivre au printemps 2026.
Début 2024, un chantier a été lancé pour de nouveaux bâtiments dédiés à l’aménagement cabine, à la peinture et aux livraisons, avec une échéance annoncée entre fin 2028 et début 2029. Les A330 et A350 y sont assemblés exclusivement, consolidant le rôle central du site.
Hambourg : automatisation et efficacité
Le site allemand opère quatre FAL A320. Une ligne d’assemblage automatisée pour tronçons est en service depuis 2019, en soutien à la productivité et à la qualité. L’automatisation vise à limiter les goulots d’étranglement sur les sous-ensembles critiques.
Tianjin : présence renforcée en Asie
Tianjin dispose de deux FAL A320. La première a été ouverte en 2008, la seconde a été ajoutée en 2025 pour accompagner la demande régionale. Cette extension sécurise des slots de livraison plus proches des clients asiatiques, réduisant les temps logistiques.
Mobile, Alabama : doublement des capacités
Aux États-Unis, Mobile est passé à deux FAL A320 avec l’ouverture d’une nouvelle ligne en octobre 2025. L’usine, inaugurée en 2015, double ses capacités et sert également l’A220 via une ligne ouverte en 2020. L’objectif est clair : réduire les délais de livraison pour les compagnies nord-américaines et sécuriser le plan de charge.
Où sont assemblés les principaux programmes
- Famille A320 : Hambourg 4 FAL, Toulouse 2 FAL, Tianjin 2 FAL, Mobile 2 FAL.
- A330 et A350 : assemblage exclusif à Toulouse.
- A220 : Mirabel au Canada et Mobile aux États-Unis.
Cadences et livraisons : trajectoires par programme et contraintes fournisseurs
Airbus vise 820 livraisons en 2025, après 766 en 2024, et projette de dépasser le pic pré-pandémie de 863 livraisons en 2019 à l’horizon 2027. Les variations saisonnières et la disponibilité des moteurs expliquent toutefois l’écart entre production et livraisons.
Famille A320 : cap fixé à 75 appareils par mois
L’objectif de 75 livraisons mensuelles en 2027 est réaffirmé, après deux reports intervenus depuis l’annonce initiale de 2021. La cadence avait atteint 60 par mois en 2019.
Le mois de septembre 2025 marque un signal positif, avec 59 A320 livrés, contre 41 en septembre 2024. Des contraintes liées aux moteurs demeurent un facteur d’incertitude, mais le réseau des dix FAL offre un socle industriel pour converger vers la cible.
A220 : montée en puissance graduelle
Le programme se fixe un objectif de 14 appareils par mois en 2026, après une moyenne de 6,2 en 2024 et 7 sur les neuf premiers mois de 2025. L’écosystème fournisseurs de l’A220 reste plus restreint que celui de l’A320, ce qui réclame un pilotage strict de la supply chain.
A330 : consolidation avant relèvement de cadence
La cadence est prévue à cinq appareils par mois en 2029, contre quatre en septembre 2025. Ce niveau demeure en deçà des sommets de 108 livraisons annuelles en 2012-2013, mais reflète une approche mesurée et adaptée à la demande long-courrier actuelle.
A350 : objectif d’accélération confirmé
Sur l’A350, l’objectif est de 12 appareils par mois en 2028, à comparer à une moyenne de cinq en 2024. L’enjeu sera de synchroniser les sous-traitances de structures et d’équipements cabine premium, qui exigent des cycles plus longs.
Les A320neo peuvent être motorisés par CFM International ou Pratt & Whitney. Des difficultés d’approvisionnement et des arbitrages industriels sur certains sous-composants ont provoqué des retards, générant des avions assemblés mais en attente de moteurs. Ces aléas expliquent les décalages ponctuels entre production et livraisons.
Malgré ces tensions, les signaux publiés confirment la tenue des objectifs annuels, une dynamique rappelée par l’administration économique française fin août 2025 (Direction générale du Trésor, 29 août 2025).
Diversification et innovation : A400M sécurisé et trajectoires bas-carbone
La solidité d’Airbus s’appuie aussi sur des programmes hors aviation commerciale. Côté défense, la production de l’A400M est assurée jusqu’à fin 2028 à la suite d’une lettre d’intention signée en juin 2025 entre la France, l’Espagne, Airbus et l’OCCAR. Ce flux garantit une charge industrielle complémentaire et stabilise certains maillons de la supply chain.
Sur le volet environnemental, Airbus investit dans des innovations de décarbonation : carburants alternatifs et hydrogène. L’objectif est d’aligner la trajectoire de la flotte avec les exigences européennes et la pression croissante des financeurs et assureurs. Ces investissements accompagnent la diversification industrielle et pourraient à terme améliorer la résilience réglementaire et l’accès au financement.
A220 et A400M : deux piliers complémentaires
- A220 : renforce l’offre sur les segments courts et moyens courriers, utile pour densifier des réseaux à coûts unitaires réduits.
- A400M : flux industriel militaire en production jusqu’à fin 2028, stabilisateur de charge et de compétences techniques spécifiques.
Les nouvelles FAL, les transferts d’installations et les lignes automatisées permettent de lisser les flux et de réduire les temps d’attente entre postes. Ils améliorent la qualité, compressent les cycles et sécurisent la montée à 75 A320 par mois, tout en préparant la compatibilité avec les nouvelles architectures cabine ou les évolutions moteurs.
Cap industriel 2027 : marge de sécurité à construire
Airbus dispose d’un carnet exceptionnel et d’une feuille de route industrielle consolidée. À court terme, la réussite tiendra à la fiabilité des fournisseurs stratégiques, aux recrutements qualifiés sur les sites clés et à la capacité à absorber les pics d’activité sans générer d’en-cours immobilisés. L’écart positif observé sur les livraisons de septembre 2025 est un bon signal, mais l’objectif 2027 exigera une discipline d’exécution constante.
Sous l’angle économique et industriel, l’avionneur a enclenché l’essentiel : extension des FAL, modernisation des halls, diversification maîtrisée et clarification des cadences cibles. Reste à sécuriser la régularité des moteurs et des systèmes pour convertir un backlog record en appareils livrés au rythme visé et maintenir l’avantage compétitif européen sur la décennie.
La trajectoire est tracée, la cadence fera la différence.