Comment l'agriculture française passe-t-elle à la résilience ?
Découvrez comment la production agricole française s'adapte face aux aléas climatiques et aux nouveaux défis économiques de 2024.

Le ralentissement de la valeur de la production agricole française en 2024 agit comme un révélateur. Entre pression climatique, tensions sur les intrants et attentes réglementaires, le modèle agricole entre dans une phase de recomposition. Les capitaux de long terme s’y invitent désormais comme levier d’accélération, avec un objectif clair : transformer les exploitations en systèmes circulaires et résilients, tout en préservant la performance économique.
Choc de production en 2024 et bascule vers la résilience économique
La valeur de la production agricole en France est tombée sous les 90 milliards d’euros en 2024, en recul de 7,5 pour cent sur un an, principalement sous l’effet d’aléas climatiques pesant sur les volumes et la qualité des récoltes. Ce repli, significatif au regard de la taille de la filière, agit comme un stress test grandeur nature pour les modèles de production et de financement (Insee via Franceinfo, 2025).
Au-delà du choc conjoncturel, le signal prix-risque se durcit : coûts azotés volatils, effet ciseau sur les marges et exposition accrue aux sinistres météorologiques. Les arbitrages d’investissement s’orientent vers des solutions qui stabilisent les rendements dans la durée : diversification culturale, réduction des intrants et équipements d’économie d’eau.
Pour les financeurs comme pour les exploitants, le sujet n’est plus seulement la productivité à l’hectare. Le cœur de la trajectoire de valeur bascule vers la résilience opérationnelle et la capacité à monétiser des services écosystémiques — quand la réglementation et les marchés le permettent.
Chiffre à retenir sur la campagne 2024
Moins de 90 milliards d’euros de valeur de production et -7,5 pour cent sur un an. Cette contraction rappelle la vulnérabilité des revenus agricoles aux aléas climatiques et renforce l’intérêt de modèles qui amortissent les chocs.
Empreinte azote et gaz à effet de serre : les priorités d’action
En France, le cœur des pressions environnementales agricoles se concentre sur deux fronts. D’abord, l’azote avec des surplus issus de la fertilisation et des émissions indirectes liées aux lessivages, qui affectent eau et biodiversité. Ensuite, les gaz à effet de serre non CO2 — méthane d’élevage et protoxyde d’azote — dominent l’empreinte climat de la filière.
L’empreinte azote est doublement coûteuse. Économiquement, elle expose à une dépendance aux engrais minéraux et à une inefficience technique lorsque les apports dépassent les besoins agronomiques.
Environnementalement, elle dégrade la qualité des milieux et fragilise la biodiversité. Dans ce contexte, les systèmes régénératifs — couverts végétaux, diversité culturale, réduction du travail du sol — offrent une trajectoire d’amélioration mesurable.
Certains leviers techniques se distinguent. Le piégeage du carbone dans les sols via l’augmentation de la matière organique stabilise l’humidité, accroît l’activité biologique et bufférise les chocs de température.
La fertilisation de précision réduit les pertes d’azote et améliore les marges. La gestion des effluents et des prairies permanentes diminue l’intensité des émissions unitaires en élevage.
Le surplus résulte de la différence entre les apports totaux d’azote et les exportations par les cultures. Pour le réduire sans sacrifier les rendements :
- Combiner des analyses de sol et des outils d’aide à la décision pour ajuster la dose optimale.
- Introduire des légumineuses et des couverts multi-espèces pour fixer l’azote et allonger les rotations.
- Recourir à l’application localisée et à l’épandage en conditions optimales pour limiter la volatilisation.
La séquestration est maximisée quand les systèmes privilégient :
- Des couverts permanents fréquents et une diversité végétale.
- Un travail du sol réduit pour limiter la minéralisation excessive.
- Un apport de biomasse stable, y compris effluents bien gérés et digestats.
Le suivi s’appuie sur des mesures récurrentes de carbone organique, couplées à des modèles agronomiques pour projeter les gains dans le temps.
Bon à savoir sur les émissions agricoles
La majorité des émissions agricoles hors énergie provient du méthane entérique et du protoxyde d’azote. Les progrès passent par des pratiques de nutrition animale, la gestion des effluents, la réduction des labours et une fertilisation pilotée.
Agriculture circulaire et régénératrice : cadre opérationnel et indicateurs de suivi
La circularité dépasse l’addition de bonnes pratiques. Elle se définit comme une logique de boucles appliquée aux flux de nutriments, d’eau et d’énergie, avec un objectif de non-dégradation des écosystèmes. En pratique, elle assemble quatre piliers : recyclage des nutriments, énergie renouvelable à la ferme, pilotage de l’eau et restauration de la biodiversité, sol et hors sol.
Les indicateurs publics français de l’économie circulaire documentent les avancées sur les modes de production et de consommation, utiles pour cadrer la déclinaison agricole. Le Bilan environnemental du pays relève des progrès sur la qualité de l’eau et de l’air, mais alerte sur la persistance des émissions de gaz à effet de serre et sur le repli de la biodiversité (SDES, édition 2024).
Cette tension entre signaux positifs et défis structurels explique l’intérêt croissant pour les modèles régénératifs. Ceux-ci visent un gain de productivité écologique avant rendement financier, avec des bénéfices différés mais plus stables. Les actifs agricoles sont alors gérés comme des écosystèmes vivants, où le sol est un capital à restaurer plutôt qu’un simple support de culture.
Exemple avec un producteur du lincolnshire
Un groupe maraîcher du Lincolnshire a mis en œuvre une boucle locale alliant énergie, fertilité et biodiversité. Les déchets organiques issus de la transformation sont envoyés vers des digesteurs anaérobies.
L’énergie alimente les installations et le digestat retourne aux champs comme fertilisant. La flotte s’est partiellement convertie au biométhane et à l’électrique, avec une chute des émissions logistiques proche de 90 pour cent.
Sur le plan agronomique, l’exploitation a déployé le strip-till et l’application de précision, ce qui a réduit la consommation d’azote d’un tiers, tout en limitant l’empreinte sur les sols. Des bandes fleuries, haies et abris pour pollinisateurs complètent le dispositif. La capture et la liquéfaction de CO2 constituent enfin une source additionnelle de revenus, transformant un déchet en flux valorisable.
Transposabilité au contexte français
Des projets pilotes soutenus par des dispositifs publics français testent des digesteurs à la ferme, l’usage de digestats maturés et la reconstitution d’infrastructures agroécologiques. L’objectif est d’adapter le modèle au climat, aux sols et aux cultures françaises, tout en respectant la réglementation nationale.
Capitaux et instruments : financer la transition circulaire à l’échelle
Pour ancrer ces transformations, le rôle des investisseurs de long terme est déterminant. Le capital institutionnel peut convertir des innovations ponctuelles en standards sectoriels, en apportant financements, expertise opérationnelle et gouvernance. Les investissements privilégient des trajectoires de création de valeur sur 10 à 20 ans, plutôt que des gains rapides mais fragiles.
Trois briques financières émergent. D’abord, les crédits carbone agricoles, issus de méthodologies encadrées, peuvent rémunérer la séquestration de carbone dans les sols ou la réduction d’émissions.
Ensuite, des paiements pour services écosystémiques ciblent la biodiversité et l’eau. Enfin, des contrats de performance avec acheteurs ou transformateurs sécurisent l’amortissement des investissements régénératifs.
Au plan opérationnel, la réduction du labour, les cultures de couverture et les haies labellisées pour la biodiversité diminuent l’érosion, renforcent la fertilité et stabilisent les rendements. En période d’étiage, ces pratiques améliorent la rétention hydrique des sols et contribuent à encadrer les prélèvements d’eau pour l’irrigation, un sujet de conflit d’usages récurrent en été selon les statistiques publiques.
En France, les projets de réduction et de séquestration peuvent être valorisés via des cadres méthodologiques reconnus. Pour un exploitant, les jalons clés sont :
- Un diagnostic initial des pratiques et des stocks de carbone.
- La sélection d’une méthode adaptée aux cultures et au territoire.
- Un plan de suivi et de vérification, condition d’une crédibilisation du crédit.
La valeur économique dépend du prix du crédit, des coûts de mesure et de vérification, et de la pérennité des pratiques sur la durée du projet.
Risques à surveiller pour les investisseurs
Les terres agricoles s’apprécient sur le temps long, mais l’illiquidité et les aléas opérationnels imposent un cadre de gestion de risques rigoureux. Voici les points d’attention clés à intégrer dans une thèse d’investissement.
- Sensibilité macro : ralentissements économiques et volatilité des marchés peuvent peser sur les revenus locatifs, les valeurs d’actifs et les dividendes.
- Facteurs ESG : événements climatiques ou environnementaux défavorables peuvent dégrader la valeur et le profil de risque.
- Risque d’illiquidité : cessions longues, dépendantes du contexte local et des cycles.
- Risque locatif : défauts de paiement ou défaillances des preneurs impactent les rendements et le fonds de roulement.
- Risque réglementaire et fiscal : évolutions législatives et fiscales pouvant affecter la performance.
- Risque de change : pour des portefeuilles multi-devises, la parité influe sur la valeur en euro.
- Risque de valorisation : erreurs d’estimation des actifs ou hypothèses trop optimistes.
Points clés d’un business plan régénératif
- Modéliser l’azote et l’eau à l’échelle de la rotation pour cibler les gains d’efficacité.
- Structurer les revenus additionnels : crédits carbone éligibles, biodiversité, primes filières.
- Sécuriser les débouchés via des contrats de performance ou des cahiers des charges différenciants.
- Mesurer et vérifier pour asseoir la valorisation des impacts environnementaux.
- Aligner les incitations entre propriétaire foncier, preneur, collecteurs et financeurs.
Politiques publiques et innovation : la trajectoire française jusqu’en 2025
La France s’est dotée d’un cap dès 2015 avec le plan Agriculture – Innovation 2025. L’orientation est claire : croiser agroécologie et recherche pour accélérer l’adoption de pratiques sobres et productives. Un premier bilan a été établi en 2016, identifiant des actions structurantes pour faire pénétrer l’innovation dans les usages professionnels.
Depuis, l’écosystème d’innovation a gagné en maturité. Sur la période 2023 à 2024, les services liés au carbone et à la biodiversité se sont diffusés, portés par l’intérêt des financeurs et des acteurs de l’aval. L’enjeu aujourd’hui est double : scaler les solutions qui fonctionnent et standardiser les métriques pour rendre comparables les performances entre fermes et régions.
La publication régulière d’indicateurs publics sur l’économie circulaire et les bilans environnementaux fournit un cadrage utile pour le pilotage sectoriel, de la ferme aux filières. Les avancées sur l’eau et l’air, contrastées avec la persistance des émissions et l’érosion de la biodiversité, rappellent que les gains sont fragiles tant que les pratiques de fond ne changent pas.
Qui est van lanschot kempen investment management
Van Lanschot Kempen Investment Management est un gestionnaire d’actifs européen qui intervient notamment auprès d’investisseurs institutionnels. L’approche revendiquée consiste à considérer la terre agricole comme un actif vivant et à financer des trajectoires circulaires et régénératives adaptées au contexte local. Cette vision privilégie des horizons d’investissement longs et des partenariats opérationnels avec les exploitants.
Contacts investisseurs
Isabelle FOY — Wholesale France et Monaco — +33 06 48 67 11 10
Philippe BIGEARD — Institutionnel France — +33 06 87 20 41 27
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Risque de perte en capital : la valeur des investissements et les revenus qui en découlent peuvent varier à la hausse comme à la baisse, sans garantie. Les investisseurs pourraient ne pas récupérer le capital initial. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures et ne sont pas constantes.
Cap vers un système alimentaire robuste : investir dans la durabilité opérationnelle
Le recul de 2024 n’est pas un accident isolé, mais l’illustration d’un risque structurel croissant. L’agriculture circulaire et régénératrice apporte une réponse concrète : réduire l’empreinte azote, stocker du carbone, reconstruire la biodiversité, tout en sécurisant les revenus via des coûts moindres, des rendements plus stables et des flux additionnels issus des services écosystémiques.
Pour les entreprises et les investisseurs, le message est limpide. Le temps long redevient un avantage compétitif. En France, la dynamique publique encadre le mouvement, tandis que le capital de long terme accélère le passage à l’échelle. Le point d’équilibre se situe là où resilience opérationnelle et discipline financière se renforcent mutuellement.
En replaçant la terre au cœur de la stratégie et en finançant des boucles vertueuses, la filière agricole française peut conjuguer performance durable, sécurité alimentaire et création de valeur mesurable pour la décennie à venir.