Accélérer, sécuriser, économiser. La jeune pousse malouine Adesio ouvre la commercialisation de son logiciel Smart Supply Manager et ambitionne d’outiller les acheteurs industriels confrontés aux ruptures et à la volatilité des prix des composants électroniques. Avec une levée de fonds de 2 millions d’euros en préparation, la start-up veut conjuguer traçabilité et accès mondial aux stocks pour transformer la fonction achats.

Smart supply manager, un cockpit pour piloter les achats de composants

Au cœur de l’offre d’Adesio, Smart Supply Manager se positionne comme un système de gestion des commandes multi-fournisseurs dédié aux acteurs des composants électroniques. L’outil répond à une double exigence qui structure désormais la politique d’achats industriels : visibilité instantanée sur les stocks et maîtrise du coût total d’acquisition.

L’application agrège en temps réel les disponibilités et prix chez des distributeurs et fabricants internationaux, tout en intégrant des garde-fous sur la traçabilité. L’objectif opérationnel est clair : réduire le cycle d’approvisionnement, améliorer le taux de service et limiter les surcoûts liés aux urgentations, retours qualité ou reconceptions.

Pour Bertier Luyt, directeur général, l’enjeu est d’aligner l’outil sur le quotidien des acheteurs : une seule interface pour consulter les stocks, comparer, sécuriser la conformité et passer des commandes fermes avec un suivi de bout en bout. La promesse se veut pragmatique : mettre fin aux jonglages de fichiers, consolidations manuelles et appels répétés aux distributeurs.

Smart supply manager : usage et bénéfices concrets

Conçu pour des équipes achats et supply chain, le logiciel vise à fluidifier le sourcing dans des filières réputées tendues comme l’automobile, l’aéronautique ou l’énergie. La plateforme concentre :

  • Un moteur de recherche multi-références avec informations de disponibilité mondiale.
  • Des alertes sur risques de rupture, anomalies de prix ou délais anormaux.
  • Des contrôles liés à la traçabilité produit, aux certifications et à l’historique fournisseurs.
  • Un suivi des commandes et des livraisons, intégré au processus d’achat du client.

Le modèle économique repose sur une commission prélevée sur les bons de commande, ce qui aligne la rémunération de la start-up sur le volume effectivement traité et la valeur générée pour le client. Les prévisions 2025 tablent sur 5 millions d’euros de commandes clients traitées pour environ 200 000 euros de chiffre d’affaires, avec une montée en charge progressive.

Connectivité aux sources d’approvisionnement mondiales

Adesio connecte son système aux API des principaux distributeurs et fabricants. Selon la direction, l’accès couvre le Top 20 des distributeurs qui concentrent plus de 80 % de la disponibilité mondiale des références, ce qui garantit une profondeur de marché suffisante pour arbitrer prix, délais et risques.

Cette interopérabilité n’est pas qu’un sujet technique. Elle constitue un différenciateur essentiel pour garantir une vision unifiée et fiable face à la fragmentation des stocks. Dans un contexte où la même référence peut se négocier à des conditions très différentes selon zones géographiques et niveaux d’urgence, la consolidation des signaux devient un avantage concurrentiel.

La plateforme interroge des API partenaires plusieurs fois par minute et tient compte des fuseaux horaires pour absorber des pics de mise à jour. Les données sont normalisées afin de comparer des informations hétérogènes.

L’algorithme remonte ensuite des propositions classées par coût total estimé, niveau de risque d’obsolescence et options logistiques. Côté client, un paramétrage permet d’exclure certaines sources si leur historique qualité ou conformité est jugé insuffisant.

Traçabilité des composants : points de contrôle prioritaires

Dans les secteurs régulés, les acheteurs exigent :

  1. Certificats de conformité et d’origine, y compris RoHS et REACH selon les cas d’usage.
  2. Historique logistique avec numéro de lot et chaîne de possession vérifiable.
  3. Gestion des obsolescences avec notifications de fin de vie et composants de remplacement validés.
  4. Preuves d’authenticité pour éviter contrefaçons et retours qualités coûteux.

Origines et gouvernance : un projet industriel ancré à saint-malo

Adesio a été portée par Bertier Luyt et Bruno Bouygues, deux profils conjuguant entrepreneuriat et industrie. La société emploie désormais 12 collaborateurs à Saint-Malo, avec une organisation qui place la R&D logicielle et la data au cœur du dispositif.

Une phase de recherche et développement de deux ans a précédé l’entrée en commercialisation. Des différences subsistent autour de la date exacte de création : l’annuaire de l’Agence API fait état d’une immatriculation en 2021, quand l’équipe place le coup d’accélérateur en 2023 avec la structuration du projet, les recrutements et l’amorçage produit. Ces temporalités ne sont pas incompatibles : elles reflètent souvent en France l’écart entre l’existence juridique et la phase d’industrialisation d’une start-up.

Qui est bertier luyt

Bertier Luyt, directeur général, s’est fait connaître en lançant le FabShop, entreprise pionnière de l’impression 3D en France. Passé ensuite par le consulting, notamment en lien avec Arrow Electronics, il a observé la montée des tensions sur les chaînes d’approvisionnement électroniques. C’est ce vécu qui a nourri le concept d’Adesio : un outillage centré sur la donnée et la décision, à l’usage des acheteurs industriels.

Le rôle de bruno bouygues

Bruno Bouygues, président du groupe industriel lavallois Gys, apporte une expérience de terrain sur des chaînes d’approvisionnement complexes. La gouvernance assume une orientation très opérationnelle : livrer vite des fonctionnalités utiles à la prise de commande et documenter la qualité d’exécution.

Dans l’écosystème local, l’élan entrepreneurial est alimenté par d’autres initiatives, avec la création en 2022 à Saint-Malo d’une start-up du domaine nommée Corsaires Innovation, qui prévoit de doubler ses effectifs en 2025. Le signal est clair : la côte malouine devient un point d’appui pour des projets industrie-tech.

Un marché de 1 100 milliards d’euros, dopé par l’iot et l’ia

Le marché mondial des composants électroniques est évalué à environ 1 100 milliards d’euros, une masse critique portée par l’Internet des Objets, l’électronique de puissance et les applications d’intelligence artificielle. Les vagues de pénurie liées au Covid ont fait émerger une conviction chez les industriels : l’achat de composants est devenu stratégique, car la disponibilité de quelques pièces conditionne la sortie d’une machine complète.

En France, l’IA fait l’objet d’un soutien public constant depuis 2021, avec une politique d’innovation et de diffusion technologique structurée (Ministère de l’Économie, avril 2025). Cet appui irrigue la filière électronique, où la demande pour des capteurs, microcontrôleurs et solutions de connectivité augmente avec les projets IoT, l’automatisation et la maintenance prédictive.

Pour les acheteurs, l’effet ciseau est connu : volumes en hausse et risque de rupture permanent, alors que les besoins de certification s’intensifient. Les outils comme Smart Supply Manager entendent traiter ce double défi en croisant sources d’approvisionnement, qualité de service et conformité documentaire.

Pourquoi les coûts ont flambé sur 2021-2022

Les hausses constatées sur la période s’expliquent par des facteurs cumulés :

  1. Capacités de production concentrées et saturées, surtout pour certaines fonderies.
  2. Congestions logistiques et coûts de fret multipliés, en particulier sur certaines routes maritimes.
  3. Effets de bullwhip avec surcommandes puis annulations, perturbant la planification des acteurs.
  4. Explosion de la demande dans l’automobile, l’électronique grand public et l’énergie.

Distributeur : intermédiaire agréé par les fabricants, stocke et revend des références avec traçabilité complète.

Fabricant : conçoit et produit les composants, fixe le cycle de vie des produits et publie les notifications d’obsolescence.

Broker : acteur non agréé, utile en dernier recours mais avec un risque qualité à contrôler strictement.

EMS/OEM : assembleurs et fabricants d’équipements qui consomment les composants.

Exécution commerciale et premiers flux clients

Adesio a enclenché sa phase commerciale avec une promesse d’impact immédiat sur le taux de service et la réduction des délais. La start-up vise des verticales gourmandes en électronique : télécoms, automobile, spatial, aéronautique et énergie. L’interface, conçue pour une utilisation internationale, est brandée en anglais afin d’accélérer l’adoption chez des groupes globaux.

Exemple avec tata motors

La société a signé un contrat avec le groupe Tata Motors, acteur mondial de l’automobile, pour sécuriser l’approvisionnement en composants destinés à l’un de ses clients américains. L’intérêt de ce cas d’usage tient à la gestion multi-pays des flux et à la synchronisation des délais de livraison avec l’assemblage final. Cet exemple montre la capacité du logiciel à consolider en temps réel des options d’achat alternatives lorsque les sources classiques se tendent.

Au-delà du gain de temps dans la recherche de disponibilités, l’enjeu se mesure dans la réduction des arrêts de ligne et dans la diminution des coûts liés aux reconceptions express. Un approvisionneur outillé peut anticiper une rupture et basculer sur une seconde source qualifiée, limitant le recours à des solutions d’urgence à prix fort.

Commissionnement et implications financières côté clients

Le modèle d’Adesio repose sur une commission prélevée sur les commandes passées via la plateforme. Pour les directions financières, cela se traduit par des coûts variables directement corrélés à l’activité. L’avantage : aligner le coût de service sur les volumes effectivement traités, sans engager d’investissements initiaux lourds.

Sur le plan comptable, la dépense est rattachée au coût d’achat et peut s’analyser comme une prestation de service liée à la transaction. L’important pour les groupes est de documenter la traçabilité du processus d’achat, notamment en cas d’audit interne, de revue qualité ou de contrôle réglementaire dans des secteurs comme le spatial ou l’aéronautique.

Indicateurs à suivre pour juger l’impact d’Adesio

Pour un directeur achats, les KPI pertinents incluent :

  1. Lead time opérationnel entre demande interne et commande ferme.
  2. Écart de prix par rapport aux benchmarks de marché sur les références critiques.
  3. Taux d’annulation et niveau de retours qualité liés à la traçabilité.
  4. Taux de couverture de la nomenclature par des sources alternatives qualifiées.
  5. Part des commandes urgentes réduites trimestre après trimestre.

En France, les politiques d’achats structurées s’appuient sur des contrats-cadres et des procédures anticorruption. Un outil centralisé facilite l’auditabilité des négociations et des décisions, utile pour répondre aux exigences de contrôle interne. Les groupes soumis à Sapin II veillent à tracer les interactions avec les fournisseurs, à segmenter les risques et à outiller les relances, ce qu’une plateforme intégrée permet d’harmoniser.

Financement en cours et plan d’implantations à l’international

Pour soutenir la commercialisation et accélérer l’ouverture de marchés, Adesio prépare une levée de fonds de 2 millions d’euros, dont 1,5 million en private equity. La société a présenté son dossier investisseurs à l’événement Start-up on the Beach fin juin 2025 à Saint-Malo. L’écosystème local montre par ailleurs sa capacité de financement, comme le prouve la levée de 1,1 million d’euros réalisée depuis 2021 par la start-up malouine Angel (Ouest-France, juin 2025).

Les fonds seront fléchés vers des bureaux commerciaux dans des zones clés de fabrication électronique : Corée du Sud, Chine et États-Unis. L’objectif est d’assurer un SAV en proximité pour des clients mondiaux, tout en conservant le cœur technologique en Bretagne. Adesio prévoit d’installer ses propres serveurs en région et recherche un nouveau siège à Saint-Malo pour accompagner l’augmentation d’effectifs.

Ce choix d’hébergement en France répond à des enjeux de souveraineté de la donnée et de performance. Il s’inscrit aussi dans une logique de fiabilité opérationnelle : maîtriser l’infrastructure réduit les dépendances et facilite les montées de version, les certifications et la sécurisation des accès API fournisseurs.

Héberger en France c’est d’abord conserver la maîtrise des flux et du support de proximité. Cela simplifie la conformité avec les exigences des clients tricolores, réduit la latence pour certaines intégrations industrielles et permet un contrôle accru des plans de reprise d’activité. Pour un outil au cœur de l’approvisionnement, la continuité de service et la protection de la donnée d’achat deviennent un levier commercial.

French tech, cadre réglementaire et effets d’entraînement

Adesio évolue dans un environnement où les politiques publiques soutiennent l’innovation technologique. Le Ministère de l’Économie a ouvert en avril 2025 les candidatures pour la 6e promotion du programme French Tech Next40/120, vitrine de l’ambition française pour faire émerger des leaders mondiaux. Sans être citée, la start-up pourrait à terme bénéficier d’un tel accompagnement si sa trajectoire de croissance se confirme (Ministère de l’Économie, avril 2025).

Sur le plan réglementaire, la traçabilité et l’auditabilité progressent dans les critères d’achats. Les grandes entreprises en Europe se préparent à des obligations renforcées de diligence raisonnable dans leurs chaînes de valeur, ce qui renforce l’intérêt pour des solutions centralisant documents, certificats et historique fournisseurs. Dans l’électronique, la lutte contre les contrefaçons et les composants non conformes est un enjeu de sécurité industrielle autant que de conformité.

Ce cadre favorise des acteurs capables de donner de la preuve et non seulement de la donnée. Les fonctionnalités de journalisation des choix d’achat, de gestion des listes de fournisseurs approuvés et de suivi de la fin de vie produit deviennent différenciantes. L’angle d’Adesio est ici lisible : documenter, qualifier et sécuriser pour faire gagner du temps aux acheteurs, aux qualiticiens et aux contrôleurs internes.

Ancrage local et dynamique sectorielle

Le territoire malouin bénéficie d’un effet réseau entre entrepreneurs, industriels et financeurs. La présence de projets connexes et la visibilité d’événements dédiés à l’investissement facilitent le passage à l’échelle. Pour une start-up deeptech appliquée à l’approvisionnement, l’alliance entre compétences logicielles et retours d’expérience industriels se révèle décisive pour convaincre des donneurs d’ordre internationaux.

Cap sur les achats industriels de nouvelle génération

À mesure que les chaînes d’approvisionnement électroniques se complexifient, l’arbitrage des acheteurs se déplace vers des outils offrant une vision unifiée et une exécution traçable. Adesio propose une réponse ciblée sur ce besoin, avec des premières références, une levée de fonds en cours et un plan d’expansion international articulé autour d’un SAV local et d’une technologie maintenue en Bretagne.

La suite dépendra de la capacité à convertir la profondeur de stock et la traçabilité en gains financiers tangibles pour les industriels, tout en consolidant l’écosystème de partenaires et d’API. Les achats électroniques entrent dans une phase de professionnalisation accélérée, et l’émergence d’outils comme Smart Supply Manager laisse entrevoir des pratiques plus efficaces et documentées.

Entre data, conformité et exécution, Adesio s’insère dans la nouvelle grammaire des achats électroniques, où la visibilité sur les stocks devient un avantage compétitif autant qu’un gage de résilience.