Praysbee révolutionne la pulvérisation viticole avec Wulp
La start-up Praysbee lève 3M€ pour Wulp, sa technologie de pulvérisation verte. Retrofit rapide, dérives réduites et économies d'intrants.

Contribuer à la revitalisation économique du secteur viticole français tout en limitant l’usage des pesticides n’est pas un défi anodin, surtout dans la région de Cognac. Selon les informations relayées par Charente Libre, la start-up Praysbee entend s’imposer comme un fer de lance de cette nouvelle ère, grâce à une levée de fonds de 3 millions d’euros et une technologie révolutionnaire de pulvérisation baptisée Wulp.
Un secteur vitivinicole en tension
Depuis plusieurs années, la filière vitivinicole française traverse une période troublée. Les changements dans les habitudes des consommateurs, la pression réglementaire pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires et la concurrence internationale accrue sont autant de facteurs qui fragilisent ce secteur historique. De surcroît, les fluctuations économiques mondiales, la montée en puissance de la transition écologique et les coûts de production en hausse complexifient davantage la donne.
Dans cette ambiance, la Nouvelle-Aquitaine occupe une place centrale. Première région viticole d’Europe, elle réunit un ensemble de vignobles très réputés, à commencer par l’emblématique Cognac. Le terroir charentais, dont l’histoire se mêle aux grandes maisons de spiritueux, cherche lui aussi à réconcilier performances économiques et respect de l’environnement, tout en maintenant la qualité du produit. La Région met donc en place divers soutiens financiers et programmes expérimentaux pour préparer l’avenir à long terme.
Parmi ces initiatives, le vaste plan VitiRev s’impose comme un catalyseur. Sa vocation est d’accompagner les exploitations vers la réduction, voire la suppression, de certains traitements chimiques, grâce à des innovations alliant respect de la biodiversité et optimisation des processus de production. Praysbee s’inscrit pleinement dans cette perspective. Forte de sa technologie Wulp, la start-up charentaise souhaite démontrer qu’il est possible de combiner réduction des intrants, compétitivité et nouvelles opportunités pour un secteur en crise.
VitiRev, un programme ambitieux
VitiRev réunit plus de 130 partenaires institutionnels et privés. Doté de 133 millions d’euros, il cherche à bâtir une viticulture durable en Nouvelle-Aquitaine et aspire à ce que 100 % des vignobles régionaux adoptent des solutions alternatives aux pesticides d’ici 2030.
De fait, l’annonce de la levée de fonds de Praysbee tombe à point nommé. En infusant un vent d’innovation, cette jeune pousse corrobore les efforts en cours tout en présentant une réponse concrète face à l’urgence environnementale et économique. Sa solution, bien plus modulaire que les dispositifs de pulvérisation habituels, est vue comme un atout pour tous les viticulteurs soucieux de répondre aux réglementations croissantes et d’améliorer leurs marges.
Praysbee à Cognac: qui est cette start-up?
Implantée dans la ville mondialement associée à la production de spiritueux, Praysbee a été fondée en 2021 par Olivier Bonnefond. Son idée initiale: proposer un véritable bond en avant technologique pour réduire l’impact écologique de la viticulture, à un coût abordable pour tous. Consciente que les conditions climatiques se durcissent et que le cadre réglementaire devient plus exigeant, l’équipe porte une ambition simple: une pulvérisation phytosanitaire plus propre et plus respectueuse de la biodiversité.
Ces deux dernières années, Praysbee a attiré l’attention de divers acteurs institutionnels et industriels, convaincus que la technologie Wulp jetait les bases d’une réforme en profondeur des pratiques viticoles. Le système est en bonne partie fabriqué localement, ce qui s’accorde avec la volonté de développer une réelle économie circulaire dans la région. Cette production de proximité contribue également à limiter les coûts logistiques et à soutenir l’essor d’emplois qualifiés autour de Cognac.
Le fondateur, ingénieur de formation, a su constituer autour de lui une équipe multidisciplinaire, mêlant des compétences en agronomie, en robotique, en mécanique de précision et en développement commercial. Cette transversalité se traduit concrètement dans la conception de Wulp, un dispositif au pilotage moderne, mais qui se veut peu énergivore et simple d’installation. En effet, l’approche Praysbee ne vise pas à révolutionner complètement l’outil de production: au contraire, la start-up garantit un rétrofit rapide sur les pulvérisateurs déjà existants.
Le succès de Praysbee repose en partie sur un maillage scientifique et technique fort. De la miniaturisation des pièces électroniques jusqu’à l’optimisation de la pression exercée sur le liquide de pulvérisation, chaque détail a été pensé pour limiter les pertes, réduire la dérive et économiser de l’énergie. Cette expertise intégrée marque un progrès notable par rapport à certains pulvérisateurs classiques, jugés énergivores et bruyants.
Avec environ quinze collaborateurs à ce jour, l’entreprise se prépare désormais à changer d’échelle. Les commandes augmentent, la notoriété croît, et Praysbee se retrouve face à une demande plus forte que prévu. Dès lors, investir et renforcer son tissu industriel devient indispensable pour entamer une diffusion à plus large échelle, en France comme à l’international.
Des investisseurs de poids misent sur Wulp
En juillet 2025, Praysbee a finalisé une levée de fonds de 3 millions d’euros auprès de deux partenaires financiers majeurs: Demeter Investment Managers et le fonds régional NACO (Nouvelle-Aquitaine Co-Investissement), géré par M Capital. Ce soutien, particulièrement spectaculaire pour une jeune pousse créée à peine quatre ans plus tôt, valide l’idée selon laquelle la start-up apporte une réponse fiable et réaliste aux défis de la viticulture.
Demeter Investment Managers, gestionnaire du fonds VitiRev Innovation, oriente ses financements vers des technologies permettant de faire progresser la transition énergétique et écologique. Praysbee figure ainsi dans un portefeuille d’entreprises profondément engagées dans l’agritech et l’environnement. De son côté, NACO renforce l’ancrage régional de la nouvelle pépite, confirmant la volonté institutionnelle de soutenir les projets capables de dynamiser le tissu économique local.
Qui est Demeter?
Créé en 2005, Demeter est un acteur de référence du capital-investissement européen, focalisé sur la transition écologique. Son portefeuille couvre un large spectre de solutions, allant de l’efficacité énergétique à l’économie circulaire, en passant par l’agroalimentaire. Demeter ambitionne d’accélérer la R&D et la mise sur le marché d’innovations jugées structurantes.
L’opération de financement intervient à un moment stratégique, alors que Praysbee passe de la phase R&D à la production industrielle. Les fonds injectés se traduiront par un doublement de la capacité de production, un renforcement de la force commerciale et un approfondissement de la recherche, notamment sur la robotisation avancée. Cette dynamique devrait également favoriser de nouvelles embauches, dans les domaines techniques et commerciaux pour répondre à la croissance des commandes.
Si Praysbee concrétise ses promesses, la technologie Wulp pourrait être déployée dans d’autres régions viticoles de l’Hexagone, ainsi qu’à l’international. L’intérêt des viticulteurs espagnols et portugais, confrontés à des problématiques semblables, est déjà palpable. La mutualisation d’expériences, associée à des financements adaptés, pourrait bien entraîner l’émergence d’une filière européenne de la pulvérisation propre.
Un système ingénieux de pulvérisation verte
Au cœur des innovations de Praysbee se trouve Wulp, une technologie brevetée développée pour remplacer ou moderniser les turbines utilisées dans la pulvérisation phytosanitaire. Par essence, le Wulp projette le liquide de traitement sans assistance d’air, grâce à un système d’oscillation calibrée qui réduit au maximum toute source de dérive. Autrement dit, le produit pulvérisé parvient plus précisément au niveau des feuilles et grappes, limitant considérablement les pertes dans l’air ou au sol.
Cette avancée s’avère décisive pour les viticulteurs soumis à de nouvelles règles. La dérive phytosanitaire, qui entraîne une dispersion incontrôlée des molécules chimiques, se situe désormais au cœur des débats de santé publique et de biodiversité. Les organismes de recherche soulignent depuis longtemps que des systèmes mal calibrés polluent durablement les zones voisines, les cours d’eau ou même les habitations proches des vignes. Wulp se veut, au contraire, un outil précis et économe.
Contrairement à un système à turbine, Wulp applique une oscillation rythmée. L’angle, la pression et la fréquence d’oscillation sont configurés pour optimiser le contact entre le brouillard de pulvérisation et la plante. On évite ainsi la dispersion non ciblée qui caractérise parfois les équipements à air projeté, tout en réduisant sensiblement les nuisances sonores.
Par ailleurs, la légèreté est un argument fort. En pesant moins de 15 kg une fois installé, le Wulp n’alourdit pas le pulvérisateur existant, préservant les sols et limitant la sollicitation des tracteurs. Cette préoccupation est loin d’être anecdotique, car de nombreux vignobles subissent déjà un tassement accentué des terrains, préjudiciable à la croissance régulière de la vigne.
Exemple Cognac: retombées concrètes
Dans la zone de Cognac, plusieurs exploitations ont rejoint le réseau de démonstration de Praysbee pour contrôler la Zone de Non-Traitement (ZNT). Avant l’adoption du Wulp, bon nombre de viticulteurs devaient respecter une distance de sécurité d’au moins 20 mètres par rapport aux habitations voisines. Avec l’homologation du système par le ministère de l’Agriculture, la ZNT est réduite à 5 mètres, car la dérive chute de plus de 90 %.
Le résultat est double: les domaines n’ont plus à sacrifier autant de rangs de vigne aux abords des maisons, ce qui représente un gain de rentabilité. Parallèlement, les nuisances sonores durant le traitement sont plus faibles, ce qui contribue à une acceptation locale plus large. Ainsi, l’adoption de Wulp peut améliorer sensiblement les relations entre exploitants et riverains, souvent tendues par les enjeux de sécurité et de bruit.
Exemple Bordelais: cap sur la réduction des intrants
Le dispositif Wulp n’intéresse pas que les producteurs de spiritueux. Dans la région de Bordeaux, un viticulteur a rapporté avoir pu diminuer l’usage total de produits phytosanitaires de 30 % grâce à la meilleure précision de pulvérisation. Cette réduction ne tient pas seulement à la limitation de la dérive, mais aussi à la capacité d’optimiser le positionnement des jets sur la feuille, d’où une moindre nébulisation directionnelle.
D’un point de vue économique, cette baisse du volume de produits et la moindre consommation de carburant (jusqu’à 66 % de GNR en moins comparé à un appareil utilisant une turbine) se traduisent par une réduction globale des coûts d’exploitation. L’amélioration de la marge, même légère, peut se révéler décisive pour un domaine cherchant à se moderniser et à survivre dans un contexte pérenne.
La dérive est définie comme la fraction du produit pulvérisé qui s’échappe de la zone ciblée, sous l’effet du vent, de la volatilisation ou d’une inadéquation technique. Réduire la dérive diminue non seulement l’exposition des populations avoisinantes, mais aussi la pollution des cours d’eau et des sols. C’est un critère clé pour l’obtention ou le maintien de labels environnementaux.
ZNT, énergie et compétitivité: des enjeux opérationnels
La technologie Wulp répond aux exigences réglementaires qui se durcissent en France, notamment sur la Zone de Non-Traitement. Des arrêtés récents imposent des distances plus importantes entre les vignes et les riverains, ce qui provoque des tensions dans les zones les plus habitées. Les viticulteurs qui s’équipent d’appareils homologués pour baisser la dérive obtiennent toutefois un abaissement de la ZNT, souvent jusqu’à 5 mètres.
Ce gain n’est pas négligeable, puisqu’il permet de conserver plus de surfaces productives. Or, dans un secteur déjà soumis à une crise de la consommation et à un recul du prix de vente, chaque rang compte. Les alternatives existantes, comme les panneaux récupérateurs, peuvent limiter la ZNT à 3 mètres, mais impliquent un investissement souvent nettement plus onéreux (des sommes parfois supérieures à 50 000 euros). La solution de Praysbee, évaluée à environ 16 000 euros, représente un choix jugé plus accessible.
Avant d’être commercialisés, les équipements de pulvérisation doivent subir une série de tests officiels pour mesurer le pourcentage de dérive. Un système certifié à 90 % de réduction se traduit souvent par l’autorisation de ramener la ZNT de 20 mètres à 5 mètres. Cette procédure implique des organismes agréés par le ministère de l’Agriculture et confère une véritable reconnaissance administrative.
Parallèlement, l’abaissement de la consommation en Gazole Non Routier (GNR) colle parfaitement à l’objectif national de réduire l’empreinte carbone. De nombreux viticulteurs s’inquiètent de l’augmentation du coût des carburants, et une réduction de 66 % fait écho aux priorités de rentabilité et de durabilité. En limitant le poids de la machine et en améliorant le ciblage, Wulp se place dans la droite ligne des plans d’économie d’énergie à l’échelle agricole.
Si l’on considère en plus la question de la santé des opérateurs, il est utile de souligner que moins de dérive signifie moins de risques de contamination directe. Bien que les pulvérisateurs modernes intègrent déjà des cabines protectrices, une diminution de la dispersion de produits chimiques reste un atout majeur pour la sécurité au travail.
Une ambition nationale et internationale
Avec plus de 70 demandes de démonstration enregistrées en 2025, Praysbee confirme que l’intérêt n’est pas cantonné au seul bassin charentais. Des producteurs du Languedoc, de la Vallée du Rhône et même de Champagne se sont déclarés prêts à tester l’efficacité de Wulp. Aux dires du fondateur Olivier Bonnefond, la start-up a pour objectif de doubler sa production à l’horizon 2026 afin de répondre aux besoins croissants du marché.
Praysbee commence aussi à se faire un nom auprès des exploitations ibériques. En Espagne et au Portugal, des investissements dans les systèmes de pulvérisation de dernière génération émergent également. Les conditions climatiques particulièrement chaudes, combinées à une proximité souvent immédiate entre vignes et zones urbaines, incitent les viticulteurs à s’équiper de matériels plus propres. La commercialisation d’une solution réplicable et facile à installer favorise ainsi l’idée de partenariats internationaux.
En parallèle, la direction n’exclut pas de décliner la technologie dans d’autres cultures verticales, comme l’arboriculture. Bien qu’il s’agisse pour le moment d’une piste secondaire, la logique reste la même: diminuer la dérive, réduire les intrants et générer des économies d’énergie, tout en maintenant un niveau de performance compétitif.
Vers un horizon d’innovations
La levée de fonds de Praysbee illustre la volonté de dynamiser l’investissement en agritech dans une région particulièrement concernée par les enjeux climatiques et sociétaux. Wulp devient un emblème d’une transition agroécologique plus large, où la rentabilité doit s’allier à la préservation de la biodiversité. Dans l’ensemble, l’entreprise propose un virage concrètement abordable, alliant recherche avancée en robotique et souci du terrain.
De futures améliorations, déjà à l’étude, permettront d’intégrer des fonctionnalités d’automatisation, comme l’ajustement automatique du volume de pulvérisation au stade de développement de la vigne. De plus, il est prévu de renforcer la connectivité et la collecte de données, afin de fournir des indicateurs de performance aux viticulteurs: volumes de produit économisés, émissions carbone, évolution de la santé des vignes, etc.
Le programme VitiRev Innovation
VitiRev Innovation est un fonds spécifiquement créé pour financer des solutions vertueuses dans la viticulture. Il intervient sur différents volets: réduction des pesticides, adaptation au changement climatique, robotique de pointe… Cette dynamique régionale, soutenue par l’État via France 2030, rend possible l’émergence de projets disruptifs comme celui de Praysbee.
Bien entendu, face à la montée en puissance de l’exigence environnementale, l’adhésion des exploitants ne dépend pas uniquement de l’innovation technologique: les mentalités, les modèles économiques et la formation jouent un rôle tout aussi déterminant. Les start-up qui parviendront à avancer dans un esprit de pédagogie et d’accompagnement pourraient bien cristalliser l’assentiment général. Le succès de Praysbee attestera de la pertinence d’une telle démarche.
L’épopée de Praysbee reflète la capacité d’une région à se mobiliser autour d’un enjeu commun: réinventer la pulvérisation pour une viticulture plus respectueuse de la planète et pérenne économiquement.