À Wizernes, Wizpaper enclenche une procédure de redressement judiciaire pour tenter de sauver son outil industriel et ses 140 salariés. La papeterie-cartonnerie, relancée en 2019 sur l’ancien site d’Arjowiggins, cherche à se donner du temps pour identifier un investisseur capable de sécuriser l’activité. Un signal fort, dans un secteur fragilisé par la flambée énergétique et un choc climatique en 2023.

Wizpaper à Wizernes : l’entreprise sollicite un redressement judiciaire

La direction de Wizpaper a annoncé à ses équipes sa décision de demander l’ouverture d’un redressement judiciaire. La requête a été déposée le 24 septembre 2025 auprès du tribunal de commerce de Lille, après information du Comité social et économique. L’objectif affirmé est clair : protéger l’actif industriel, suspendre le poids des dettes, et ouvrir une fenêtre pour la recherche d’un repreneur crédible.

Calendrier procédural et objectif recherché

La décision du tribunal de commerce de Lille est attendue dans la semaine suivant le dépôt, potentiellement d’ici fin septembre 2025. La procédure envisagée ouvre, si elle est accordée, une période d’observation destinée à dresser un diagnostic de l’entreprise, calibrer les besoins financiers et sonder le marché pour une reprise partielle ou totale.

L’option d’un plan de redressement par continuation reste théoriquement ouverte si la capacité de financement et la viabilité sont démontrées. Selon la presse locale, la société a officialisé sa démarche auprès des salariés et des autorités compétentes (La Voix du Nord, 23 septembre 2025).

Impact immédiat sur les 140 salariés

Une procédure de redressement judiciaire a pour effet de maintenir l’activité dans l’immédiat. Les contrats de travail sont, par principe, poursuivis tant que la poursuite d’activité est autorisée.

Pour les équipes, l’enjeu est double : préserver la continuité de production et stabiliser les flux de trésorerie, tout en créant les conditions d’une éventuelle reprise. L’incertitude sociale est réelle, mais la procédure vise précisément à offrir une alternative à une cessation brutale.

Ce que permet un redressement judiciaire

Le redressement judiciaire vise à donner de l’air à une entreprise en difficulté. Concrètement, il permet :

  • La suspension des poursuites relatives aux dettes antérieures au jugement d’ouverture.
  • La poursuite d’activité sous contrôle du tribunal et de l’administrateur judiciaire, lorsqu’il est nommé.
  • La recherche de solutions : plan de redressement par continuation, plan de cession, ou arrêt ordonné si aucune solution n’est viable.

D’une friche Arjowiggins à Wizpaper : trajectoire industrielle depuis 2019

Wizpaper est née de la reprise, en 2019, d’un site emblématique de l’industrie papetière française. L’ancienne papeterie Arjowiggins avait cessé son activité, laissant un vide industriel et social dans le Pas-de-Calais. La famille Bréban, à travers le groupe BePaper, a racheté le site de Wizernes pour lui donner une nouvelle vocation orientée vers les papiers pour cartonnerie.

Arjowiggins : héritage social et industriel

La fermeture d’Arjowiggins avait marqué la région en entraînant des suppressions d’emplois et une perte de savoir-faire. La transformation du site en Wizpaper a permis de conserver une partie des compétences, de remettre en marche la production et d’inscrire la plateforme industrielle dans l’écosystème de l’emballage. Cette requalification s’est faite dans un contexte concurrentiel intense, avec l’objectif de servir les industries du carton et de l’emballage.

BePaper et la famille Bréban : repositionnement vers la cartonnerie

Les Bréban, déjà actifs via la reprise d’Arque International dans l’emballage, ont orienté Wizpaper vers des produits destinés à la cartonnerie. Les premières années ont traduit un redémarrage réussi, avec un chiffre d’affaires de 67,6 millions d’euros en 2022. Cette trajectoire a confirmé la pertinence du repositionnement, jusqu’au choc énergétique et à l’aléa climatique qui ont mis sous pression la structure de coûts et l’outil industriel.

Les papiers destinés à la cartonnerie servent de couche intermédiaire ou de couverture pour la fabrication de cartons ondulés ou plats. Leurs débouchés couvrent l’emballage de biens de consommation, l’e-commerce, l’agroalimentaire et la logistique. En période d’inflation, les donneurs d’ordre privilégient des approvisionnements fiables, sensiblement indexés sur l’énergie et le transport.

Choc énergétique et inondation de 2023 : un double coup d’arrêt

L’entreprise fait face à une détérioration rapide de ses comptes à partir de 2022. Deux facteurs exogènes expliquent l’essentiel du décrochage récent : la hausse des coûts de l’énergie et une inondation qui a endommagé le site en novembre 2023.

Coûts de l’énergie en hausse depuis 2022

Le choc énergétique s’est traduit par une augmentation significative des dépenses pour les industriels intensifs en énergie. Selon des rapports sectoriels, les coûts énergétiques de l’industrie papetière en France ont doublé en moyenne entre 2021 et 2023, amenant une compression des marges et la remise à plat de nombreux contrats d’approvisionnement. Pour une papeterie-cartonnerie, la facture d’énergie pèse sur la pâte, le séchage, la vapeur et l’électricité nécessaire à la continuité de l’outil.

Inondation de novembre 2023 et arrêt de l’outil

L’inondation de novembre 2023 a mis un coup d’arrêt à la production en provoquant des dommages matériels. Les intempéries survenues dans le Pas-de-Calais ont été reconnues en catastrophe naturelle par les autorités locales, ouvrant droit à des dispositifs d’aide.

Dans les faits, les réparations et la reprise des opérations n’ont pas suffi à résorber la perte d’activité à court terme. Le chiffre d’affaires est tombé à 33,6 millions d’euros en 2023, soit une contraction de moitié par rapport à 2022.

Chiffres clés communiqués par la direction

  • Effectif : 140 salariés.
  • Chiffre d’affaires 2022 : 67,6 millions d’euros.
  • Chiffre d’affaires 2023 : 33,6 millions d’euros.
  • Événement climatique : inondation en novembre 2023, reconnue en catastrophe naturelle par les autorités locales.
  • Procédure envisagée : demande de redressement judiciaire déposée le 24 septembre 2025.
Métriques Valeur Évolution
Chiffre d’affaires 2022 67,6 M€ n.c.
Chiffre d’affaires 2023 33,6 M€ -50,3 %
Effectif 140 n.c.
Coûts énergétiques sectoriels 2021-2023 x2 en moyenne Hausse marquée
Statut procédural Demande de RJ déposée Décision attendue

Pistes de relance et attractivité du site de Wizernes

La direction met en avant la possibilité d’un rebond par reprise, à condition d’un apport en fonds encore à préciser. Le site dispose d’un ancrage géographique stratégique à proximité de Lille, avec une ouverture logistique vers l’Europe du Nord. C’est un atout circonstanciel pour adresser des flux transfrontaliers et des clients export.

Atouts industriels et logistiques du site

Wizernes bénéficie d’une base industrielle opérationnelle dédiée au papier pour cartonnerie, d’équipes spécialisées et d’un réseau local de sous-traitants. La localisation dans le Pas-de-Calais permet une connexion aux corridors logistiques nord-européens. Ces éléments peuvent réduire les délais de remise en route pour un repreneur, par rapport à une reconstruction ex nihilo.

Repreneur recherché : profils possibles et attentes

Un repreneur industriel, financier ou un consortium sectoriel pourrait étudier la reprise. Les exigences usuelles dans ce type d’opération incluent la remise à niveau de l’outil après l’inondation, l’optimisation de la facture énergétique et la sécurisation d’un carnet de commandes post-restructuration.

La direction évoque un potentiel de viabilité à long terme si des capitaux frais sont injectés. À ce stade, aucun nom de repreneur n’a été confirmé publiquement.

Dans un dossier de reprise de papeterie-cartonnerie, les points d’attention portent sur :

  • Qualité de l’actif industriel : état des machines, besoins de CAPEX, délais de relance.
  • Structure des coûts : énergie, achats de pâte et intrants, maintenance.
  • Base clients : visibilité des volumes, indexation contractuelle, mix produit.
  • Assurances et risques : couverture des sinistres passés et conditions futures.
  • Environnement territorial : disponibilité des compétences et soutien des acteurs publics.

Papier-carton en France : courants de fond et comparaison sectorielle

L’industrie papetière française traverse un cycle défavorable, sous l’effet conjugué de la concurrence internationale, d’une demande volatile et des prix de l’énergie. La production du secteur a reculé de 15 % entre 2022 et 2023, un signal puissant de fragilité. Les conséquences se lisent dans les difficultés financières d’acteurs de différentes tailles et dans les restructurations annoncées.

Production nationale en recul en 2023

La baisse de production traduit des arbitrages de volumes, des arrêts temporaires de machines et des stratégies d’optimisation des coûts. Les industriels ont cherché à limiter les effets de la flambée énergétique par des renégociations d’achat, des investissements d’efficacité, ou des arrêts ciblés quand les prix rendaient la production non rentable. Ces mesures réduisent les pertes mais peuvent dégrader la présence commerciale et la fidélité des clients.

Cas Wizpaper dans la dynamique du marché

Wizpaper s’insère dans ce mouvement sectoriel, avec une vulnérabilité aggravée par l’inondation de 2023. Le choc cumulatif a réduit sa capacité à amortir la hausse des coûts variables. Le passage sous redressement judiciaire cherche à couper la spirale, protéger les actifs et préserver l’emploi local, à un moment où les comparables de la filière papier-carton montrent des résultats inégaux selon l’exposition énergétique et la solidité des portefeuilles clients.

Repères sectoriels à garder en tête

  • Coûts énergétiques fortement orientés à la hausse sur 2021-2023 pour l’industrie papetière.
  • Production nationale en repli de 15 % entre 2022 et 2023.
  • Cartonnerie exposée aux cycles de l’e-commerce, de l’agroalimentaire et de la grande distribution.

Procédure collective : leviers juridiques et points de vigilance pour Wizpaper

Sur le plan juridique, le redressement judiciaire est régi par le Code de commerce. Il vise à organiser la gestion d’une entreprise en difficulté pour permettre sa poursuite, l’apurement du passif et, si possible, la sauvegarde de l’emploi. Les parties prenantes clés sont la direction, l’éventuel administrateur judiciaire, les organes de la procédure et les créanciers.

Effets usuels de la procédure sur l’exploitation

En pratique, l’entreprise peut continuer à produire sous contrôle de la juridiction, avec un suivi serré de la trésorerie et des commandes. Les dettes antérieures sont gelées pendant la période d’observation, tandis que les dettes postérieures doivent être réglées pour maintenir la confiance des fournisseurs. L’enjeu est de démontrer la capacité à tenir un plan de charge et à éviter l’érosion du capital client.

Créanciers, assurances et continuité des services

Pour un industriel, la négociation avec les créanciers opérationnels est déterminante. Elle conditionne l’accès aux intrants, les échéanciers de paiement, et la remontée en cadence. Les dossiers d’assurance liés à l’inondation de 2023 restent, par nature, un paramètre important pour la remise en état et la couverture des risques futurs. L’addition de ces facteurs pèse sur le pilotage de court terme.

Cette phase permet de :

  • Établir un diagnostic complet de l’activité et du besoin en fonds de roulement.
  • Tester la continuité sur un volume d’affaires réaliste, sans rupture d’approvisionnement.
  • Recevoir les marques d’intérêt de repreneurs et affiner les scénarios de sauvegarde.
  • Stabiliser la relation avec les équipes, clients et fournisseurs.

À l’issue, les options classiques sont un plan de redressement par continuation, un plan de cession ou, si aucune solution n’est viable, la liquidation judiciaire.

Dernière ligne droite à Lille : ce qui se joue pour l’écosystème local

La décision du tribunal de commerce de Lille est déterminante pour l’avenir de Wizpaper, de ses 140 salariés et de ses partenaires territoriaux. Les signaux adressés par la direction et relayés par la presse locale indiquent la recherche active d’un repreneur. La fenêtre procédurale peut favoriser l’émergence d’une solution si les prérequis industriels et financiers sont réunis.

Au-delà du seul dossier, c’est la capacité régionale à préserver des capacités industrielles stratégiques dans la filière papier-carton qui est en jeu. La stabilisation d’un site positionné sur la cartonnerie, au cœur d’un bassin productif et logistique majeur, demeure un enjeu industriel et d’emploi majeur pour le Pas-de-Calais.

Prochaine étape cruciale : l’ordonnance du tribunal, attendue rapidement, fixera le cadre opérationnel des semaines à venir.