Wilgo décroche 6 M€ pour réinventer les révisions scolaires
Une appli française de quiz adaptatifs finance sa R&D pour accompagner 5,5 M d’élèves du collège au lycée et viser l’Europe après le brevet.

Frappée de plein fouet par la baisse du niveau scolaire constatée dans les évaluations nationales, l’ÉdTech française Wilgo vient de sécuriser 6 millions d’euros pour transformer les devoirs en un terrain de progression motivant. Publiée le 23 juin 2025, l’annonce dévoile un tour de table orchestré par daphni et Founders Future, aux côtés de Kima Ventures, Sequoia, Better Angle, Epsilon VC et plusieurs business angels de référence.
Au-delà d’une levée, la réponse à une urgence pédagogique
Alors que 841 400 collégiens se sont présentés au diplôme national du brevet en 2024 et que leur nombre devrait de nouveau dépasser 850 000 cette année, la pression monte dès la fin mai 2025 : les épreuves de français, mathématiques et histoire‑géographie auront lieu les 26 et 27 juin. Dans ce contexte, Wilgo déploie sa version bêta, adoptée en trois semaines par plus de 60 000 élèves issus de 4 000 établissements, qui y trouvent des quiz gamifiés, des sujets de brevet blanc et des conseils de méthodologie.
Brevet 2024 : repères chiffrés
• 841 400 candidats, dont 769 176 en série générale.
• Taux de réussite : 85,6 %.
• 718 800 admis, en recul de 3,4 points vs 2023.
Source : Ministère de l’Éducation nationale.
L’histoire de wilgo : quatre dirigeants aguerris
Née fin 2024, la société réunit Édouard Nattée, ex‑fondateur de Foxintelligence revendu à NielsenIQ en 2022, Nicolas Remia (ex‑CTO), Louis Balladur (ex‑CMO) et Julie Walbaum, dirigeante chevronnée qui a passé cinq ans à la tête de Maisons du Monde. Tous partagent une conviction : l’IA générative et les sciences cognitives peuvent individualiser l’apprentissage sans alourdir le travail des enseignants.
Un tour de table représentatif des nouveaux codes du capital-risque
Menée par daphni et Founders Future, l’opération réunit aussi Kima Ventures – présent sur plus de 900 dossiers – et les fonds émergents Better Angle et Epsilon VC, tous deux spécialisés dans la pré‑seed deep‑tech. La présence de Sequoia (scout program) et d’entrepreneurs emblématiques (Thibaud Hug de Larauze, Nathalie Balla, Simon Dawlat, Amaury Sépulchre) témoigne d’un appétit intact pour les solutions éducatives à impact sociétal.
daphni : VC parisien de 350 M€ sous gestion, connu pour son concept de « VC‑as‑a‑platform ».
Founders Future : véhicule de Marc Ménasé, focus impact et consumer tech.
Kima Ventures : bras d’investissement de Xavier Niel, plus de 100 tickets par an.
Better Angle & Epsilon VC : micro‑fonds créés en 2023‑2025, très actifs en IA.
Sequoia Capital : présent via son Scout Fund Europe.
Un produit pensé dès l’origine pour l’ia et les sciences cognitives
L’application n’est pas un simple catalogue d’exercices. Chaque quiz est généré à la volée à partir d’une base de données curriculaire labellisée par d’anciens enseignants de l’Éducation nationale, puis calibré par un moteur adaptatif qui ajuste la difficulté tous les trois items. Cette approche s’appuie sur le « spaced repetition » et la théorie de la charge cognitive, deux leviers dont l’efficacité est démontrée dans les méta‑analyses de l’OCDE. Wilgo y ajoute des mécaniques de nudges : badges, barres de progression et feedbacks audio qui réduisent le décrochage.
De la 3e au bac : un marché de 5,5 millions d’élèves
Les fondateurs visent un périmètre clair : les 11‑18 ans, soit 5,5 millions d’élèves scolarisés en collèges et lycées publics et privés sous contrat. Selon la DEPP, le soutien scolaire privé représente déjà un chiffre d’affaires supérieur à 1,5 milliard d’euros par an en France, dominé jusqu’ici par Acadomia, Kartable et Nomad Education. En proposant une formule « freemium » (accès de base gratuit, modules premium à 4,99 €/mois), Wilgo table sur une conversion de 7 % de ses utilisateurs, soit un revenu potentiel de 19 M€ annuel à horizon trois ans.
Analyse concurrentielle : différenciation par la personnalisation
À la différence d’un Kartable qui mise sur le contenu exhaustif ou d’un Lalilo plutôt centré sur le primaire, Wilgo joue la carte de l’entraînement adaptatif et de la micro‑interaction. Le moteur IA consolide les données de réponse pour construire, à l’échelle d’une classe, un « heat‑map » de difficultés, que l’enseignant peut consulter gratuitement. Cette dimension collaborative, absente des solutions orientées strictement B2C, pourrait accélérer le déploiement grâce à un effet réseau avec les professeurs.
Adaptive Learning : algorithmes qui modifient le parcours d’exercices en temps réel.
Spaced Repetition : technique de révisions espacées pour optimiser la mémorisation.
Gamification : intégration de règles de jeu (scores, badges) pour renforcer l’engagement.
NLP génératif : génération de questions et de feedbacks textuels sur mesure.
Cadre réglementaire : données d’élèves et intelligence artificielle
En France, tout service numérique collectant des données pédagogiques doit respecter le RGPD et la doctrine numérique du ministère (Schéma directeur des environnements numériques de travail). Wilgo a opté pour un hébergement « SecNumCloud » et annonce l’obtention en cours du label CNIL Éducation. La startup applique déjà les AI Act Readiness Guidelines publiées en janvier 2025 pour classer son moteur adaptatif en « risque limité ».
Impact social : lutter contre le déterminisme scolaire
Plus de 20 % des collégiens de REP+ déclarent ne pas disposer d’un adulte capable de les aider dans leurs devoirs. Or, les écarts de maîtrise des compétences de base atteignent 26 points de pourcentage entre "très favorisés" et "très défavorisés" dès la 3e (enquête Cedre 2024). L’application, gratuite dans sa version essentielle, se présente comme un filet de sécurité pédagogique et non comme une charge financière supplémentaire.
Feuille de route et allocation des 6 millions d’euros
Sur le ticket levé, 55 % financeront la R&D IA (embauche de 12 data scientists et 3 psychologues cognitifs), 25 % iront au contenu (recrutement de 40 enseignants‑auteurs) et 15 % serviront à l’expansion B2B2C via des partenariats avec collectivités locales. Les 5 % restants sont fléchés vers la conformité réglementaire et l’obtention des labels qualité.
Dynamics du marché : l’edtech française malgré le ralentissement du capital-risque
Après un pic record de 7 milliards d’euros levés par la French Tech en 2024, les montants se contractent légèrement (‑17 %) mais les tours early‑stage résistent, avec un ticket médian de 2,3 M€ en avril 2025. Dans ce paysage, Wilgo figure parmi les cinq plus gros tours d’EdTech de l’année, aux côtés d’Edumapper (5 M€) et Klassroom (2,7 M€).
Ambitions européennes : un marché accessible mais fragmenté
L’équipe cible d’abord la Belgique et l’Espagne, deux pays où les programmes de 3e partagent plus de 70 % des compétences‑socle listées par l’OCDE. Pour contourner la fragmentation linguistique, Wilgo mise sur un moteur multilingue fine‑tuned sur les corpus scolaires nationaux. Les versions flamande et castillane sont prévues pour septembre 2026, suivies d’un lancement pilote en Allemagne courant 2027.
Jusqu’où peut‑on automatiser le feedback sans déshumaniser ?
Les chercheurs rappellent que l’efficacité d’un feedback ne repose pas uniquement sur sa pertinence factuelle : le ton, la temporalité et la reconnaissance de l’effort sont tout aussi essentiels. Wilgo travaille sur une couche « tutor émotionnel » qui ajuste la formulation en fonction du niveau d’anxiété détecté (analyse du temps de réponse et des modèles d’erreurs). Des tests en double aveugle avec 600 élèves démarreront en novembre 2025.
Risques et défis à court terme
Le succès dépendra de trois facteurs : la capacité à fidéliser bien au‑delà du brevet, la sécurité des données face aux cyberattaques (44 % des PME éducation/numérique ont subi un incident en 2024) et la réciprocité avec les enseignants pour éviter l’écueil d’un outil perçu comme concurrent. Un comité scientifique associant la DEPP et l’Inria a été installé pour publier un rapport annuel d’impact.
En démocratisant un coaching scolaire aussi personnalisé qu’un cours particulier, Wilgo teste la promesse d’une École vraiment inclusive , sa réussite dépendra d’un équilibre subtil entre IA, neurosciences et intelligence humaine.