100 millions en 2025, 1,3 milliard en 2026 : l’Unédic rebat ses cartes budgétaires. Publiées le 22 octobre 2025, les nouvelles projections confirment un point d’inflexion majeur pour l’assurance-chômage, avec un léger déficit cette année qui se creuserait nettement l’an prochain. Au-delà des chiffres, c’est la soutenabilité du modèle et la répartition des efforts entre État et partenaires sociaux qui reviennent au premier plan.

Prévisions 2025-2026 : déficit atténué puis aggravé

L’Unédic revoit sensiblement sa trajectoire financière. Pour 2025, le déficit attendu est ramené à 100 millions d’euros, soit un niveau deux fois inférieur aux estimations précédentes.

En revanche, la projection pour 2026 grimpe fortement, à 1,3 milliard d’euros, marquant une dégradation marquée par rapport aux anticipations antérieures, qui étaient plus de trois fois inférieures. Ce mouvement inverse accusé sur deux exercices traduit un calibrage actualisé des hypothèses macroéconomiques et des dépenses d’indemnisation (Unédic, 22 octobre 2025).

La bascule s’explique par un faisceau de facteurs. D’abord, une croissance économique plus faible que prévu, qui freine l’emploi et la masse salariale, donc les recettes.

Ensuite, une hausse des dépenses d’allocation liée à la conjoncture et à des durées d’indemnisation qui, malgré les réformes, pourraient s’allonger pour certains profils. L’Unédic indique intégrer dans ces prévisions les effets des mesures réglementaires récentes, qui durcissent les conditions d’accès aux droits.

Chiffres clés au 22 octobre 2025

  • Déficit 2025 : 100 millions d’euros.
  • Déficit 2026 : 1,3 milliard d’euros.
  • Emploi : destruction nette envisagée de 60 000 postes en 2025.
  • Chômeurs indemnisés : environ 2,6 millions en 2025 et 2026.

Paramètres économiques et réformes : les forces qui pèsent sur les comptes

Le scénario central retient une dynamique macroéconomique atone. La croissance du PIB autour de 1 % en 2025 comprime l’assiette des cotisations et complique l’ajustement budgétaire, sur fond d’inflation persistante et de tensions géopolitiques. Le déficit public supérieur à 5 % du PIB renforce par ailleurs la contrainte sur l’action publique, avec des arbitrages plus serrés sur les transferts et affectations financières.

Les réformes de l’assurance-chômage entrées en vigueur en 2023 puis renforcées en 2024, conçues pour inciter au retour à l’emploi, ont réduit la durée potentielle d’indemnisation et introduit une modulation selon la conjoncture. Si ces mécanismes produisent un effet de ralentissement des dépenses sur certains segments, l’Unédic souligne que la dégradation de l’environnement économique pourrait en neutraliser partiellement l’impact.

Effets attendus des réformes 2023-2024

Les paramètres d’indemnisation plus restrictifs peuvent mécaniquement ralentir les entrées dans le régime ou réduire la durée de prise en charge pour certains demandeurs d’emploi. Néanmoins, l’organisme anticipe que la conjoncture pourrait allonger la durée moyenne de versement pour d’autres profils, au final stabilisant les effectifs indemnisés autour de 2,6 millions.

La modulation conjoncturelle adapte certains paramètres des droits à l’assurance-chômage à l’état du marché du travail. En période jugée favorable, la durée potentielle d’indemnisation peut être réduite afin de renforcer l’incitation à la reprise d’emploi.

L’Unédic intègre ce cadre dans ses trajectoires financières. En phase de ralentissement, l’effet d’économie est moins marqué car la hausse des indemnisations liée aux difficultés de retour à l’emploi prend le relais.

Un déficit conjoncturel reflète le cycle économique et tend à se résorber lorsque l’activité repart. Un déficit structurel traduit des déséquilibres plus profonds entre recettes et dépenses, indépendamment de la conjoncture.

Pour l’Unédic, la frontière entre les deux types de déficit conditionne le volume d’emprunts à mobiliser et la stratégie de remboursement. Plus la part structurelle est élevée, plus la pression sur les charges financières s’installe dans la durée.

Gouvernance et prélèvement de l’État : la demande de révision pour 2026

Le bureau de l’Unédic annonce l’envoi d’un courrier au gouvernement pour solliciter une révision du prélèvement opéré par l’État sur les ressources de l’assurance-chômage en 2026. Ce prélèvement, destiné à contribuer au financement du budget public, est perçu par les partenaires sociaux comme un obstacle à l’équilibre et à la capacité de pilotage des comptes.

Dans son communiqué du 22 octobre 2025, l’organisme paritaire insiste sur la nécessité de préserver les capacités financières du système, tout en maintenant l’orientation d’accompagnement des demandeurs d’emploi. Cette démarche s’inscrit dans un climat de tensions accrues entre gestionnaires paritaires et exécutif sur la gestion des fonds, une situation relayée par la presse économique et sociale.

Ce que demandent les partenaires sociaux

Sans entrer dans le détail d’un chiffrage public à ce stade, les représentants syndicaux et patronaux convergent sur un objectif : rééquilibrer la contribution de l’assurance-chômage aux finances publiques pour limiter l’effet de ciseaux entre recettes sous pression et dépenses dynamiques. La requête porte autant sur le montant que sur le timing du prélèvement en 2026, afin de réduire son impact au moment où le déficit est appelé à s’amplifier.

Le prélèvement consiste en un transfert financier depuis les ressources de l’assurance-chômage vers le budget public. Il vise notamment à contribuer à des politiques de l’emploi ou à des besoins budgétaires généraux. Dans la conjoncture actuelle, sa réduction ou son rééchelonnement en 2026 fait partie des leviers évoqués par l’Unédic pour atténuer la dégradation du solde.

Lecture rapide pour COMEX et DRH

  • 2025 : déficit marginal, trajectoire révisée favorable par rapport aux précédentes estimations.
  • 2026 : déficit à 1,3 milliard d’euros. Risque d’alourdissement des charges financières avec les emprunts.
  • Gouvernance : demande formelle de revoir le prélèvement de l’État en 2026.
  • Emploi : -60 000 postes en 2025 attendus, reprise des créations à partir de 2027.

Marché du travail : signaux contradictoires et pressions persistantes

Pour 2025, l’Unédic anticipe une destruction nette de 60 000 emplois, conséquence d’un ralentissement de l’activité et de restructurations sectorielles dans l’industrie et les services. Les créations nettes ne reprendraient qu’en 2027, avec une progression modérée.

Les données publiques confirment l’orientation d’un marché de l’emploi moins porteur en début d’année 2025. L’INSEE relève un taux de chômage à 7,4 % au premier trimestre 2025, quasi stable, pour 2,4 millions de chômeurs au sens du BIT, soit +64 000 sur un trimestre (INSEE, Informations rapides du 16 mai 2025). La DARES dénombre par ailleurs 5,738 millions d’inscrits à France Travail en catégories A, B et C au premier trimestre 2025, en hausse de 4,5 % sur un trimestre.

INSEE et DARES : photographie des tensions

Les séries statistiques soulignent des disparités territoriales et générationnelles. Le chômage des jeunes reste au-dessus de la moyenne nationale.

Certaines zones rurales et territoires ultramarins connaissent des difficultés spécifiques, accentuant la pression sur les dispositifs d’accompagnement. Lestée par ces dynamiques, la courbe d’indemnisation pourrait rester élevée malgré les changements réglementaires.

Selon l’Unédic, environ 2,6 millions de personnes devraient être indemnisées en 2025 et 2026. Cette stabilité recouvre des mécanismes compensés : entrées en indemnisation en léger repli, mais durée moyenne potentiellement plus longue pour certaines catégories, du fait des règles et de la conjoncture.

  • Catégorie A : sans emploi et tenus de faire des actes positifs de recherche.
  • Catégorie B : activité réduite courte.
  • Catégorie C : activité réduite longue.

Ces catégories décrivent des situations vis-à-vis du marché du travail et ne se confondent pas avec le périmètre des chômeurs au sens du BIT.

Dette et financement : retour aux marchés à un coût renchéri

L’endettement de l’Unédic demeure élevé, conséquence notamment du choc de 2020-2021.

À partir de 2026, l’organisme prévoit de recourir de nouveau aux marchés pour se financer, dans un environnement de taux d’intérêt plus élevés. Selon des données mises en avant le 22 octobre 2025, cette configuration pourrait alourdir les charges financières annuelles de plusieurs centaines de millions d’euros si aucun correctif n’est adopté.

Le risque est clair : un effet boule de neige si la hausse du coût de la dette se combine au creusement du solde. D’où l’insistance sur une gestion prudente des flux de trésorerie et sur des choix de financement compatibles avec les objectifs de désendettement fixés par les accords interprofessionnels.

Charges financières en hausse : un paramètre à part entière

Dans les trajectoires actualisées, la ligne des intérêts n’est plus marginale. Un relèvement durable des rendements à l’émission élève la charge annuelle et réduit la flexibilité budgétaire en cas de choc. La question de la maturité des emprunts et du profil d’amortissement devient une pièce importante de la stratégie, au même titre que l’évolution des recettes et des dépenses d’indemnisation.

  • À court terme : renchérissement des émissions nouvelles et des roulages d’échéances.
  • À moyen terme : augmentation de la part des intérêts dans le budget, effet ciseaux si les recettes stagnent.
  • Pilotage : arbitrage entre maturités, volumes d’émission et profil des flux de trésorerie pour lisser la charge.

Entreprises et directions financières : impacts salariaux et RH à surveiller

La trajectoire Unédic 2025-2026 n’est pas qu’un sujet macro. Elle nourrit les hypothèses des DRH et DAF sur les coûts du travail, l’abondement de la politique de l’emploi et le calendrier des recrutements. Dans un cycle d’activité atone, les plans d’embauche pourraient être étalés, tandis que l’investissement en formation reste présenté par les pouvoirs publics comme un levier central pour fluidifier les transitions professionnelles.

La consolidation des budgets passera par un suivi fin des tensions sectorielles et de la productivité. Le maintien d’un socle de compétences dans l’industrie et certains services à forte intensité de savoir-faire devient stratégique, y compris pour amortir d’éventuels à-coups sur l’emploi en 2026.

Ce que retiennent les directions financières

Trois lectures dominent côté finance d’entreprise.

  • Visibilité limitée à 12-18 mois : priorité aux scénarios prudents pour l’évolution de la masse salariale.
  • Coût du capital plus élevé : impact indirect via l’augmentation des taux qui affecte l’ensemble des acteurs, y compris l’Unédic.
  • Dialogue social : la séquence 2026 sur le prélèvement et la gouvernance de l’assurance-chômage peut influencer les anticipations sur les charges futures.
  • Budgets : intégrer un scénario central d’activité modérée pour 2026, avec sensibilité sur les volumes d’embauche.
  • Compétences : cibler la formation sur les métiers en tension pour réduire les délais de recrutement.
  • Organisation : renforcer la mobilité interne afin d’amortir les fluctuations sectorielles.

Ces axes ne constituent pas des obligations réglementaires. Ils visent à outiller le pilotage en période de visibilité réduite.

Points de vigilance pour 2026

  • Revue du prélèvement de l’État : un ajustement allégerait mécaniquement le déficit du régime.
  • Marché de l’emploi : si le ralentissement se prolonge, les dépenses d’indemnisation resteront soutenues.
  • Coût de la dette : charges financières accrues en cas de nouvelles émissions à taux élevés.

Ce que vise l’Unédic d’ici 2026 : cap et points d’appui

La séquence ouverte par la publication du 22 octobre 2025 met au centre la viabilité financière du régime paritaire, sans renoncer à sa mission de protection. Prochaine étape : un dialogue formalisé avec l’exécutif sur le prélèvement de 2026 et, plus largement, sur le calibrage des paramètres du régime. L’enjeu est d’éviter une spirale d’endettement tout en garantissant l’accompagnement des demandeurs d’emploi.

Pour les entreprises, la période appelle à la discipline budgétaire et au pilotage fin des recrutements, avec une attention particulière aux compétences rares. Les partenaires sociaux, eux, veulent sécuriser des marges de manœuvre suffisantes pour traverser un cycle peu porteur. La clé réside dans une gouvernance resserrée et des arbitrages rapides pour prévenir un alourdissement durable des déficits.

Le cap 2026 se jouera sur un triptyque désormais explicite : trajectoire macro, calibrage du prélèvement et coût de la dette.