7,5 milliards de dollars : c’est le volume d’économies que TotalEnergies veut capter d’ici 2030. À Paris, le groupe a précisé le 29 septembre 2025 un plan qui réduit ses investissements nets d’un milliard de dollars par an, tout en conservant une croissance de production de 4 % par an jusqu’en 2030. Objectif déclaré : freiner l’endettement malgré le ralentissement des cessions.

7,5 milliards de dollars d’économies : la feuille de route 2026-2030

TotalEnergies fixe un cap clair : 7,5 milliards de dollars d’économies sur 2026-2030, adossés à une baisse annuelle de 1 milliard de dollars des investissements nets par rapport à ses trajectoires précédentes. Cette discipline financière s’attaque à deux fronts simultanés : la progression de l’endettement et le ralentissement des désinvestissements qui compliquent l’équation de financement organique du groupe.

Le message aux investisseurs est explicite : le groupe entend générer des liquidités additionnelles sans renoncer à sa dynamique industrielle. La promesse réside dans des capex et des opex mieux ciblés, des partenariats renforcés et des optimisations opérationnelles pour arbitrer au plus près les marges.

Capex et opex : calibrage annoncé

Le recentrage sera sélectif. TotalEnergies privilégie les projets à forte marge dans l’amont pétrolier et gazier et protège 4 milliards de dollars par an dédiés aux activités bas-carbone via la division Integrated Power. La trajectoire retenue fait l’hypothèse d’un mix d’économies combinant capex et opex, sans divulgation granulaire par classe d’actifs, mais avec une priorité affichée à la rentabilité unitaire des projets.

Les capex regroupent les dépenses d’investissement dans les projets et actifs physiques ou digitaux (exploration, développement de champs, centrales renouvelables, réseaux électriques, systèmes). Les opex couvrent les coûts opérationnels récurrents : maintenance, logistique, achats, énergie, personnel, services. La réduction des capex influe directement sur le pipeline de projets, tandis que l’optimisation des opex améliore la marge et le cash-flow à court terme.

Production en hausse de 4 % par an : pari maintenu malgré la cure d’austérité

Le groupe conserve un objectif ambitieux : croître de 4 % par an en volume de production énergétique jusqu’en 2030. Cette trajectoire suppose une exécution robuste dans l’amont, avec une sélection accrue des projets à retour rapide et intensité capitalistique maîtrisée. Côté transition, la feuille de route maintient un socle d’investissements dans l’électricité intégrée afin d’asseoir une contribution plus visible des actifs bas-carbone dans le résultat consolidé à horizon 2030.

Integrated Power : trajectoire financière et rôle dans le portefeuille

Le budget de 4 milliards de dollars annuels est reconduit pour la branche Integrated Power. Cette division, qui agrège production renouvelable, négoce et fourniture d’électricité, doit atteindre l’équilibre en 2028 avec un ROACE de 10 % visé. À l’horizon 2030, sa contribution est projetée à 15 à 20 % des résultats du groupe, ce qui en ferait un pilier de la diversification et un amortisseur partiel de la cyclicité des hydrocarbures.

Integrated Power : ce qui change pour la création de valeur

La logique intégrée vise à capter de la marge sur toute la chaîne : origination de renouvelables, flexibilité des portefeuilles, négoce d’électricité, fourniture B2B-B2C. L’équation économique repose sur la gestion des prix de marché, la couverture, la valorisation des certificats, et des contrats long terme. La promesse de rentabilité en 2028 suppose un scale-up discipliné et des structures de coûts tenues.

Dette, cessions et coût du capital : les équilibres à tenir

La mécanique proposée vise à contenir un ratio d’endettement net en hausse ces derniers mois. D’après des analyses relayées dans la presse économique, l’indicateur est passé d’environ 8 % à 18 % en quelques mois, sous l’effet d’acquisitions et d’investissements soutenus. Le groupe se fixe comme ligne rouge de rester sous 20 % afin d’éviter une tension sur son coût du capital et préserver ses notations, A+ chez S&P Global Ratings en 2025.

Le volet cessions reste déterminant. L’objectif de 3,5 milliards de dollars de désinvestissements en 2024 a été contrarié par des opérations avortées, notamment au Nigeria et au Royaume-Uni. L’arbitrage 2026-2030 pourrait donc reposer davantage sur des ventes partielles d’actifs ou des partenariats structurants, y compris dans les renouvelables, afin de cristalliser de la valeur sans dégrader la trajectoire industrielle.

Cessions 2024 : jalons à sécuriser

Pour restaurer de la flexibilité financière, TotalEnergies doit finaliser des cessions qualifiées et au bon prix. La sélection des actifs à céder ne doit pas affaiblir les projets à marge élevée ni la montée en puissance d’Integrated Power. À court terme, la réalisation du programme 2024 conditionne les marges de manœuvre en 2026, alors que le pipeline de projets devra déjà intégrer les réductions de capex programmées.

Notation et financement : la surveillance des métriques

Le suivi du ratio d’endettement, des flux de trésorerie disponibles et du profil de maturité de la dette est essentiel. En toile de fond, l’AMF observe l’évolution de ces métriques financières clés. Une dégradation sensible pourrait renchérir le financement et limiter l’ampleur des rachats d’actions ou des investissements opportunistes, d’autant que le bénéfice net ajusté du troisième trimestre 2025 ressort à 3,8 milliards de dollars, soit un plus bas de quatre ans.

Le ratio d’endettement net rapporte la dette financière nette aux capitaux propres. Il synthétise la pression d’endettement sur la base de fonds propres disponible. Un palier sous 20 % est souvent perçu comme un garde-fou prudent pour des groupes cycliques. Un dépassement durable peut accroître le coût du capital, fragiliser la notation et contraindre la politique d’allocation.

Hydrocarbures vs bas-carbone : positionnement stratégique en Europe

Avec un Brent autour de 68 dollars en septembre 2025, la volatilité des prix limite l’appétit pour des capex massifs dans l’amont. Les grandes compagnies naviguent entre discipline financière et impératifs de transition.

TotalEnergies maintient ses investissements verts à 4 milliards de dollars par an, là où certains concurrents ont récentré leurs priorités sur les hydrocarbures. Ce choix confirme la volonté de bâtir un pilier électricité rentable à horizon proche, tout en protégeant la profitabilité du cœur pétrolier et gazier.

Énergies bas-carbone : curseur budgétaire et tempo de montée en charge

Selon un rapport de l’AIE publié en 2025, les investissements mondiaux dans le bas-carbone doivent doubler d’ici 2030 pour rester en phase avec la neutralité carbone. Dans ce cadre, le maintien d’un budget stable par TotalEnergies positionne le groupe comme un contributeur significatif, mais l’efficacité capitalistique des projets et la gestion du risque de marché électrique seront décisives pour capter un ROACE conforme aux attentes.

La régulation européenne s’intensifie avec le Green Deal, susceptible d’ajouter des coûts en cas de non-respect des trajectoires. En France, des dispositifs comme le Crédit d’Impôt Recherche soutiennent la R&D bas-carbone et pourraient représenter plusieurs centaines de millions d’euros par an selon les déclarations fiscales 2024 du groupe. Ces leviers publics, additionnés aux aides de France Relance pour la transition, amortissent partiellement le coût du capital des projets.

Aides publiques mobilisables en France

Plusieurs dispositifs soutiennent la transition :

  • CIR pour la R&D sur les technologies bas-carbone.
  • Financements et appels à projets du plan France Relance pour la décarbonation industrielle.
  • Accompagnement aux investissements via les guichets dédiés à l’efficacité énergétique et aux énergies renouvelables.

Ces leviers peuvent réduire le coût net des projets et sécuriser des retours alignés avec les objectifs internes, sous réserve de conformité réglementaire et d’éligibilité.

Gouvernance financière : dividende, rachats et cash-flow sous surveillance

La stratégie annoncée doit aussi concilier rémunération des actionnaires et stabilité du bilan. Le groupe anticipe la poursuite des rachats d’actions à 2 milliards de dollars en 2025 et le maintien d’un dividende à 3 euros par action tel qu’indiqué dans son rapport annuel 2024. Ces engagements seront toutefois relus à l’aune de la conjoncture des matières premières et de la vitesse de réalisation des cessions.

Si les prix ne rebondissent pas, l’arbitrage entre retour aux actionnaires, capex alloués aux projets prioritaires et trajectoire d’endettement deviendra le cœur de la gouvernance financière. C’est dans ce contexte que la phrase clé du PDG prend tout son sens.

« Nous pouvons réaliser la même croissance mais avec moins de capex et d’opex », a déclaré Patrick Pouyanné lors de la journée investisseurs du 29 septembre 2025, propos relayés par la presse économique française.

Discipline de capital : priorités et séquençage

La hiérarchie d’allocation est lisible :

  • Préserver la génération de cash des métiers amont par une stricte sélectivité des projets.
  • Continuer la montée en puissance de l’électricité intégrée avec une trajectoire de rentabilité définie.
  • Alléger l’endettement via des économies et des cessions arbitrées.
  • Servir les actionnaires par une politique de dividende et des rachats calibrés sur le cash-flow.

L’atterrissage repose sur la combinaison de quatre leviers : discipline d’investissement, efficacité opérationnelle, mix d’actifs plus résilient et partenariats ou rotations d’actifs ciblés.

Le ROACE mesure la rentabilité moyenne du capital employé. Pour une activité émergente comme Integrated Power, un ROACE de 10 % en 2028 serait un signal fort : il validerait le modèle d’intégration renouvelables-électricité et soutiendrait une part de 15 à 20 % des résultats du groupe en 2030, contribuant à la diversification des sources de cash-flow.

Calendrier et signaux à suivre jusqu’à début 2026

Le prochain test grandeur nature arrive avec les résultats du quatrième trimestre 2025 attendus en février 2026. Plusieurs indicateurs conditionneront la crédibilité du plan d’économies et l’équilibre entre dette, investissements et rémunération des actionnaires. Les marchés chercheront des preuves de progressions tangibles et d’un pilotage fin des priorités.

Indicateurs de suivi : grille de lecture pour investisseurs et prêteurs

  • Cessions d’actifs et qualité des multiples obtenus par activité.
  • Ratio d’endettement à maintenir sous 20 % afin d’éviter un renchérissement du financement.
  • Capex nets et traçabilité des 1 milliard de dollars d’économies annuelles annoncées.
  • Performance d’Integrated Power sur marge, volumes commercialisés et équilibre opérationnel à l’approche de 2028.
  • Sensibilité aux prix des matières premières, avec un Brent récemment proche de 68 dollars en septembre 2025 (EIA, septembre 2025).

La prudence reste de mise, d’autant que le bénéfice net ajusté du T3 2025 s’est établi à 3,8 milliards de dollars, un plus bas depuis quatre ans. Le plan d’économies doit donc se traduire en cash-flow libre documenté, sans obérer la croissance annoncée de la production.

Les joint-ventures et farm-downs permettent de réduire l’intensité capitalistique tout en gardant l’accès aux projets. Dans les renouvelables, la cession de participations minoritaires contre des engagements d’of-take ou d’exploitation sécurise un flux de revenus tout en libérant du capital. L’enjeu est de préserver les droits économiques et la capacité d’exécution.

Contexte sectoriel et capteurs réglementaires : ce qui peut encore bouger

Le plan de TotalEnergies intervient alors que le Brent a évolué sous les 70 dollars le baril en septembre 2025 et que les majors arbitrent différemment leurs portefeuilles. Là où certains concurrents, comme ExxonMobil ou Chevron, ont réduit leur exposition aux renouvelables pour reconcentrer leurs capitaux sur les hydrocarbures, TotalEnergies choisit de maintenir une enveloppe bas-carbone tout en resserrant la discipline financière dans l’amont.

Au plan européen, les exigences climatiques se durcissent. Le coût de la non-conformité pourrait augmenter avec l’extension des marchés carbone, des normes de reporting et des seuils d’émissions. Pour un énergéticien intégré, la combinaison d’actifs flexibles, de contrats long terme et de dispositifs publics d’appui est devenue centrale dans la gestion du risque réglementaire.

France : leviers fiscaux et industriels activables

En France, le groupe peut actionner le CIR pour ses travaux de R&D bas-carbone, avec un niveau déclaré de bénéfice fiscal évalué à plusieurs centaines de millions d’euros par an en 2024. Le plan France Relance et les fiches d’aides à la transition écologique proposent des cofinancements et accompagnements techniques. Ces instruments renforcent la bancabilité des projets, un atout dans un cycle de prix des hydrocarbures plus incertain.

Deux chiffres pivots confirmés

Le plan d’économies vise 7,5 milliards de dollars sur 2026-2030, avec une réduction de 1 milliard de dollars par an des investissements nets. La croissance de production ciblée demeure 4 % par an jusqu’en 2030, malgré le ralentissement des cessions d’actifs et l’effort de désendettement (Boursorama, 29 septembre 2025).

Focus entreprise : qui est TotalEnergies aujourd’hui

TotalEnergies est un énergéticien intégré du CAC 40 opérant sur toute la chaîne de valeur des hydrocarbures et de l’électricité. Son modèle articule l’amont pétrolier et gazier, le raffinage-chimie, le marketing et, plus récemment, une activité d’Integrated Power qui combine renouvelables, flexibilité et fourniture d’électricité.

Le groupe a présenté ces dernières années des résultats robustes, avec un bénéfice record en 2023, avant le repli marqué de son résultat ajusté au troisième trimestre 2025. Cette volatilité souligne l’intérêt d’un portefeuille diversifié, mais aussi la nécessité d’une discipline d’investissement et d’une trajectoire bas-carbone capable de délivrer des retours compétitifs.

Gouvernance et engagement de transition

La communication financière récente insiste sur des objectifs graduels plutôt que sur une rupture brutale de modèle. La progression par paliers de l’électricité intégrée et la protection des projets à haut rendement énergétique soulignent une approche pragmatique de la transition, centrée sur la rentabilité et la soutenabilité financière.

Avec un Brent aux environs de 68 à 70 dollars récemment, l’amont reste rentable mais moins permissif aux dépassements de capex. Une baisse prolongée des prix imposerait des arbitrages plus stricts et pourrait décaler certaines cessions. À l’inverse, un rebond offrirait une fenêtre pour accélérer la désendettement et le déploiement d’Integrated Power.

Cap stratégique assumé, exécution sous surveillance

Le plan de TotalEnergies combine discipline financière et ambition industrielle. En défendant 4 % de croissance de production tout en serrant capex et opex, le groupe cherche à desserrer la contrainte d’endettement sans altérer son profil de croissance. La réussite tiendra à la précision de l’exécution : cessions au bon moment, projets amont à forte marge et montée en puissance contrôlée d’Integrated Power.

Prochain rendez-vous clé : les résultats du quatrième trimestre 2025 attendus en février 2026. Les investisseurs guetteront des signaux tangibles de génération de cash et d’avancées sur les cessions, tout en surveillant l’atterrissage de la division électrique. La promesse est tracée, la preuve par les chiffres doit suivre.