À San Francisco, Entrepreneurs First déploie The Bridge, une résidence de huit semaines pensée pour des fondateurs européens avant l’idée et avant l’équipe. Objectif assumé : abaisser les frictions d’entrée sur le marché américain et accélérer l’accès aux investisseurs de la Bay Area. Le pari est clair et chiffré : accélérer la formation d’équipes techniques et l’itération produit en conditions réelles.

The Bridge : une résidence immersive pour créer l’équipe avant l’idée

Entrepreneurs First (EF), investisseur en talents fondé à Londres, inaugure un format inhabituel pour l’écosystème européen. Huit semaines de résidence à San Francisco, une Hacker House pour vivre et travailler, un accompagnement intégral (hébergement, repas, formalités de visa) et une finalité précise : faire émerger des binômes ou trinômes fondateurs, alignés sur une thèse commune, avec un premier MVP validé par le marché.

Ce positionnement anticipe la phase d’idéation et de cofondation, traditionnellement lente en Europe. Il transpose dans un cadre encadré les pratiques d’itération rapide typiques de la Valley.

L’itération rapide, la confrontation terrain et le design-to-scale deviennent la norme au quotidien. EF assume le postulat qu’un ancrage américain dès l’amorçage maximise les chances de levées significatives et de croissance internationale.

  • Public cible : profils techniques européens à haut potentiel.
  • Format : résidence de 8 semaines à San Francisco, vie collective en Hacker House.
  • Livrables attendus : équipe fondatrice, idée validée, MVP, traction initiale.
  • Ressources : accompagnement logistique et mentors de l’écosystème local.

Ce que couvre EF durant The Bridge

Logement, repas, formalités de visa sont pris en charge par EF, afin de concentrer l’énergie des fondateurs sur la formation d’équipe, la recherche d’une idée forte et la validation marché.

  • Vie en communauté dans une Hacker House pour accélérer les rencontres et les itérations.
  • Accès à des mentors de la Silicon Valley, fondateurs et investisseurs.
  • Final en Demo Day devant un panel d’acteurs américains.

La majorité des échecs à l’amorçage provient d’un mauvais fit d’équipe ou d’une validation marché tardive. En forçant la création d’équipes rapidement et en testant des hypothèses sous contrainte de temps, The Bridge cherche à réduire ces risques structurels et à produire des cofondations plus robustes.

Calendrier 2026 et logistique : sélection, visas et ancrage local

La première cohorte de The Bridge est attendue en avril 2026. La sélection vise des fondateurs européens majoritairement techniques, avant la formation d’une équipe ou la formalisation d’un concept. EF gère la logistique clé, dont les formalités de visa, pour supprimer les barrières opérationnelles souvent rédhibitoires pour un séjour prolongé à San Francisco.

Sur place, le dispositif s’appuie sur des infrastructures locales et un réseau d’investisseurs de premier plan. EF a renforcé cet ancrage en ouvrant un bureau à San Francisco, matérialisant le corridor Europe-États-Unis évoqué dès 2024. L’intention est assumée : rapprocher très tôt les fondateurs européens de leurs futurs partenaires, clients et financeurs américains.

San Francisco : réseau d’investisseurs et passerelles renforcées

L’ouverture du bureau EF à South Park en mars 2024 a permis de structurer ce pont transatlantique et de lancer des initiatives pilotes, avec un focus sur l’accès direct aux investisseurs et aux communautés d’experts de la Bay Area. Plusieurs startups indiennes ont d’ailleurs déjà bénéficié des facilités de ce hub, prolongeant la logique de corridor entre l’Inde, l’Europe et les États-Unis.

EF indique prendre en charge les formalités de visa pour la résidence. Reste à prévoir, côté fondateur, les sujets classiques d’expatriation temporaire : assurance santé internationale, fiscalité personnelle et, selon le cas, structuration juridique de la future entité. La coordination avec un conseil spécialisé demeure pertinente pour éviter les frictions administratives.

Financements et outils : tickets EF, crédits technologiques et Demo Day

Au terme des huit semaines, les équipes constituées peuvent solliciter un financement initial allant jusqu’à 250 000 dollars. Les projets les plus convaincants peuvent ensuite accéder à des tours complémentaires, potentiellement jusqu’à 3 millions de dollars. Ce continuum financier vise à sécuriser la phase de prototypage, puis l’amorçage élargi.

Sur l’axe technologique, EF annonce un pool de 600 000 dollars de crédits auprès de partenaires stratégiques dont OpenAI, Anthropic et GitHub. Un levier précieux pour les produits en IA et en outillage développeurs, qui exigent des budgets d’inférence et d’ingénierie souvent conséquents lors des premières itérations. Le programme s’achève sur un Demo Day devant un panel d’acteurs américains, attendu comme un catalyseur de levées.

Métriques Valeur Évolution
Durée de la résidence 8 semaines N/A
Ticket initial EF Jusqu’à 250 000 $ N/A
Tours complémentaires potentiels Jusqu’à 3 M$ N/A
Crédits technologiques 600 000 $ N/A
Partenaires techniques OpenAI, Anthropic, GitHub N/A

Les crédits facilitent la phase d’exploration en IA et d’intégration d’outillage DevOps sans diluer le cash. Ils permettent d’itérer sur plusieurs pistes techniques, d’optimiser les coûts d’inférence et de sécuriser une base logicielle robuste dès l’amorçage, ce qui est déterminant pour convaincre au Demo Day.

Valorisation et traction : un différentiel mesuré pour les startups européennes

EF observe un effet prix sur les tours d’amorçage pour les startups européennes ayant intégré des programmes américains comparables à San Francisco. Les valorisations à l’amorçage seraient en hausse de 85 % côté britanniques et de 68 % côté françaises, par rapport à des trajectoires restées exclusivement européennes. Ce surcroît de valorisation refléterait l’accès rapproché aux capitaux et aux premiers clients américains.

Pour un dirigeant français, ce différentiel pose un choix d’allocation : prioriser le time-to-market aux États-Unis pour gagner un tour de table plus étoffé, ou rester ancré localement pour optimiser les dispositifs nationaux. La proposition The Bridge cherche à concilier ces deux horizons en assurant un pont opéré et financé, apte à convertir plus vite des preuves de marché en traction investissable.

Pour les fondateurs français : articulation avec la French Tech

Le programme s’inscrit dans un paysage public-privé fourni. La Mission French Tech accompagne la croissance des startups, avec notamment le label French Tech Next40/120, dont la sixième cohorte a été annoncée en juin 2025.

Le programme French Tech 2030 soutient les innovations de rupture via France 2030. EF n’entre pas en concurrence avec ces dispositifs : il propose un vecteur d’accès immédiat à l’écosystème américain, qui peut compléter les financements et labellisations françaises.

Du côté des montants agrégés, les startups françaises ont levé 8,3 milliards d’euros en 2023 (INSEE). Une proportion réduite accède toutefois directement au marché américain, d’où l’intérêt d’un programme qui transforme la mise en relation en installation temporaire et accompagnée, avec la capacité de pitcher devant des investisseurs locaux.

Le CIR et l’effet combiné avec des financements US

Le Crédit d’Impôt Recherche (CIR) a représenté environ 7 milliards d’euros en 2023. Pour une startup française, une implantation temporaire aux États-Unis n’empêche pas, selon la structure, de continuer à mobiliser des dispositifs fiscaux en France. L’arbitrage porte sur la localisation des équipes, la propriété intellectuelle et la gouvernance. Un conseil juridique et fiscal est recommandé.

  1. Vérifier la conformité des documents de levée avec les standards US et français.
  2. Anticiper les sujets KYC et anti-blanchiment côté investisseurs US.
  3. Clarifier la structure de détention et la localisation de l’IP avant signature.
  4. Consulter les recommandations de l’AMF pour tout investissement transfrontalier.

Ces points visent à sécuriser une term sheet rapide après Demo Day et à éviter des renégociations coûteuses.

Qui est Entrepreneurs First : modèle d’investissement talent-first

Fondé en 2011 à Londres par Alice Bentinck et Matt Clifford, Entrepreneurs First revendique le statut de talent investor : investir dans des individus avant l’idée, accélérer la formation de cofondateurs, puis financer la naissance de la startup. L’organisation a consolidé ses opérations européennes autour d’un hub londonien, avec notamment une équipe de scouts à Paris couvrant des écosystèmes comme Munich, Stockholm et Zurich.

Le portefeuille revendiqué dépasse 500 entreprises, pour une valorisation agrégée d’environ 13 milliards de dollars. En mars 2024, EF a ouvert un bureau à South Park, à San Francisco, pour intensifier le corridor entre l’Europe, l’Inde et les États-Unis. Des initiatives antérieures, notamment un programme à Bückeburg en Allemagne et un format Launch lancé à San Francisco en 2024, ont servi de rampe de test avant The Bridge.

ADN et réseau : ce que recherche EF chez un fondateur

EF privilégie les profils techniques à haut potentiel, capables d’explorer plusieurs pistes de produits en peu de temps. Les qualités recherchées : intensité d’exécution, curiosité technique, capacité à converger vers un use case différenciant, et ouverture à un co-leadership. The Bridge amplifie ce filtrage en le combinant à un environnement où mentors, investisseurs et premiers clients sont à portée immédiate.

Cohortes prévues et taille des promotions

EF envisage plusieurs cohortes annuelles de 40 à 50 participants pour The Bridge. L’ambition : créer un dealflow régulier d’équipes européennes prêtes à lever en dollars, tout en maintenant une exigence élevée sur le fit d’équipe et la qualité d’exécution.

  • Moment d’entrée : pré-Idée, pré-Équipe, pour The Bridge, contre post-création souvent en accélérateur.
  • Immersion : résidence collective à San Francisco, avec prise en charge logistique complète.
  • Focus : formation d’équipe et validation ultra-rapide, plutôt que croissance d’un produit déjà existant.
  • Sortie : Demo Day orienté investisseurs US, avec tickets potentiels plus élevés à l’amorçage.

Pour les dirigeants français : structuration, fiscalité et effet de levier

Pour un dirigeant ou DAF français, l’intérêt de The Bridge se lit à travers trois prismes. D’abord, la vitesse d’exécution en l’IA et la deep tech, avec des crédits technologiques qui réduisent le coût d’exploration.

Ensuite, la qualité du réseau investisseur et mentor, susceptible de produire des tours plus rapides et plus profonds. Enfin, la compatibilité avec les dispositifs nationaux en France, du CIR aux programmes French Tech, sous réserve d’une structuration juridique et fiscale cohérente.

Les sujets sensibles restent classiques : lieu d’hébergement de la propriété intellectuelle, modalités de détention des titres, répartition des rôles fondateurs et accords de cofounders. Les recommandations de l’AMF rappellent l’importance de valider, avant toute levée, les exigences légales et de conformité pour éviter les blocages KYC, les clauses de rattrapage défavorables ou les incompatibilités réglementaires entre France et États-Unis.

Un test grandeur nature pour la French Tech à San Francisco

The Bridge apparaît comme un accélérateur de destinées entrepreneuriales européennes à l’heure où l’IA polarise l’attention des investisseurs américains. Les retours observés sur la valorisation à l’amorçage, notamment pour des profils français et britanniques, suggèrent un effet prix significatif à l’issue d’une immersion locale. Reste à éprouver, dès avril 2026, la capacité du dispositif à créer des équipes durables et à convertir l’accès réseau en traction commerciale.

Pour les fondateurs français, la fenêtre est double : capitaliser sur les outils nationaux et saisir une exposition américaine structurée. C’est un enjeu d’arbitrage, d’exécution et de timing. Le verdict se jouera au Demo Day et dans les term sheets qui suivront.