20 milliards d'euros par an : c'est la promesse défendue par Gabriel Zucman pour une taxe ciblant les ultra-riches. Depuis le 15 septembre 2025, l'économiste multiplie les interventions médiatiques, de France Inter à France 5, pour pousser ce mécanisme qu'il juge décisif pour les comptes publics.

20 milliards annuels et 40 milliards à trouver : la place de la taxe dans l'équation 2026

Le gouvernement doit combler un besoin d'environ 40 milliards d'euros pour bâtir le budget 2026. Dans ce cadre, le rendement estimé de la taxe Zucman, soit 20 milliards d'euros par an selon son concepteur, pèserait lourd dans l'équilibre budgétaire. La comparaison revient souvent : ce montant représenterait près de la moitié des 44 milliards d'euros d'économies évoqués par François Bayrou pour ramener la trajectoire des finances publiques à un niveau jugé soutenable.

Le signal conjoncturel est clair : après une hausse des recettes, le déficit public s'est creusé à 168,6 milliards d'euros en 2024, soit 5,8 % du PIB, contre 5,4 % en 2023 (Insee, 28 mai 2025). Le sujet est désormais pleinement politique : le Sénat se saisit ce 17 septembre 2025 d'une proposition de loi portant cette taxe, alors que l'exécutif teste plusieurs pistes fiscales pour équilibrer le budget.

Métriques Valeur Évolution
Déficit public 2024 168,6 Md€ +0,4 pt de PIB vs 2023
Besoin budgétaire 2026 40 Md€ Estimation en cours
Rendement revendiqué de la taxe Zucman 20 Md€/an Montant contesté
Objectif d'économies évoqué par François Bayrou 44 Md€ Référence publique

Déficit 2024 : repères utiles

168,6 Md€ de déficit en 2024, soit 5,8 % du PIB. La hausse tient à des dépenses dynamiques malgré des recettes en progression, ce qui renforce la recherche de recettes nouvelles. L'ajustement budgétaire 2026 devra arbitrer entre économies, hausses ciblées et stabilité de l'investissement.

Un déficit à 5,8 % du PIB signifie que les dépenses des administrations publiques dépassent leurs recettes de 5,8 % de la richesse produite en un an. Ce ratio permet de comparer des périodes et des pays, indépendamment de la taille nominale de l'économie.

Que prévoit précisément la taxe zucman

Proposée dans un rapport publié en juin 2024, la taxe dite Zucman instaurerait un impôt minimum de 2 % sur la part de patrimoine dépassant 100 millions d'euros. L'objectif affiché est de cibler les très hauts patrimoines tout en évitant d'alourdir la charge sur les classes moyennes et l'investissement productif.

Le champ serait très concentré : environ 1 800 foyers fiscaux seraient concernés. Le trio d'économistes à l'origine du concept, Gabriel Zucman, Olivier Blanchard et Jean Pisani-Ferry, documente un déséquilibre de prélèvements entre ménages et ultra-riches.

D'après leurs calculs, la majorité des Français supporte autour de 50 % de prélèvements sur leurs revenus. Les milliardaires, eux, afficheraient un taux effectif proche de 27 %, avec un profil hétérogène au sommet de la distribution : environ 46 % pour les 0,1 % les plus aisés, mais seulement 26 % pour les 0,0002 % des patrimoines extrêmes.

La mécanique avancée est connue : les fortunes les plus élevées reposent souvent sur des actifs financiers et professionnels, peu taxés tant que les plus-values ne sont pas réalisées. La taxe vise donc un plancher d'imposition à partir d'un seuil de richesse, plutôt qu'une majoration d'un impôt existant.

Qui porte la proposition

Le dispositif a été conçu par Gabriel Zucman avec le concours d'Olivier Blanchard et de Jean Pisani-Ferry. Il s'inscrit dans un débat élargi sur l'équité des prélèvements, alors que le taux normal de l'impôt sur les sociétés a été abaissé à 25 % en 2022 pour aligner la France sur la moyenne OCDE.

Le principe consiste à appliquer une contribution minimale sur la fraction de patrimoine au-delà de 100 millions d'euros. Si, pour un patrimoine donné, la fiscalité existante produit déjà un taux effectif supérieur, la taxe n'ajouterait rien. Sinon, elle viendrait compléter pour atteindre au moins 2 %.

Rapport de force politique et itinéraire parlementaire

Sur le plan politique, la proposition clive. Les partis de gauche la soutiennent et ont déposé un texte au Parlement.

Les Républicains et la droite s'y opposent, privilégiant d'autres leviers sur la dépense et la compétitivité. Le bloc central composé de Renaissance, MoDem et Horizons ne valide pas la version actuelle. Dans ces rangs, on souhaite exclure les outils professionnels du périmètre et ajuster les garde-fous pour préserver l'investissement.

La journée parlementaire est dense : le Sénat examine la proposition ce 17 septembre 2025, tandis que l'exécutif teste des alternatives pour sécuriser des recettes sans détériorer l'attractivité. Les signaux envoyés par Bercy sur la stabilité fiscale et la prévisibilité des règles visent à rassurer les investisseurs et les directions financières.

Il s'agit des actifs nécessaires à l'activité économique, comme des participations de contrôle ou des équipements industriels. Les débats portent sur l'opportunité de les exclure du calcul de la base taxable afin de ne pas fragiliser les entreprises familiales, les ETI ou les start-up en croissance.

Lecture macroéconomique : ce que disent les données fiscales récentes

Deux séries chiffrées structurent le débat. Premièrement, le taux normal de l'impôt sur les sociétés a été abaissé de 33,3 % à 25 % entre 2016 et 2022, rapprochant la France des standards internationaux. Deuxièmement, l'impôt implicite des profits est, en moyenne, plus élevé pour les PME que pour les grandes entreprises, signe d'une efficacité fiscale asymétrique selon la taille des sociétés (Insee, 2 septembre 2025).

Ces éléments expliquent en partie l'appel à une taxation plus ciblée des patrimoines très élevés. Ils n'épuisent pas la question des comportements d'optimisation, encouragés par la mobilité des capitaux et la sophistication juridique, qui peuvent réduire le rendement d'une taxe mal calibrée.

Éléments de contexte réglementaire

La fiche pratique du ministère de l'Économie, mise à jour le 15 avril 2025, récapitule les ajustes fiscaux de 2024 sur la fiscalité des entreprises. Elle ne porte pas sur la taxe Zucman en tant que telle, mais confirme la poursuite d'une trajectoire de lisibilité et d'alignement international de la fiscalité du capital.

Réserves des milieux économiques : rendement incertain, risques de contournement

Le chiffre phare de 20 milliards d'euros par an est contesté. Dans une tribune publiée le 9 septembre 2025, sept économistes mettent en doute ce rendement, estimant que des mécanismes de contournement et le risque d'exil fiscal pourraient amputer la collecte. L'argument tient à la forte capacité des très hauts patrimoines à arbitrer entre domiciles fiscaux, structures patrimoniales et choix d'allocations d'actifs.

L'idée d'un exode de contribuables aisés reste une préoccupation majeure chez les opposants, qui invoquent des épisodes antérieurs. Les organisations patronales ont durci le ton : le Medef évoque une possible mobilisation en cas de relèvement de la fiscalité touchant les entreprises et l'investissement.

Plusieurs dirigeants d'opinion ont pris position. Michel-Édouard Leclerc a qualifié la taxe d'épouvantail lors d'une intervention sur RMC le 15 septembre 2025. De son côté, Nicolas Charbonneau, directeur des rédactions du Parisien, a dénoncé le mirage des taxes dans un éditorial du 13 septembre 2025.

Le débat se propage sur les réseaux, entre défense de la justice fiscale et crainte d'un effet dissuasif pour l'investissement. Au-delà des postures, la question technique clé est celle des assiettes, exemptions et seuils permettant d'atteindre la cible sans effet de bord sur le financement des entreprises.

Le rendement dépend de trois variables : la valorisation réelle des patrimoines concernés, la réponse comportementale des redevables et la coordination internationale. Des variations à la baisse sur l'une d'elles peuvent réduire substantiellement la collecte. Le calibrage précis de l'assiette et les modalités anti-abus seront déterminants.

Start-up et capital-innovation : lignes rouges à ne pas franchir

La crainte d'un signal négatif pour les start-up et les investisseurs étrangers s'est cristallisée à la suite d'une tribune de quarante entrepreneurs publiée le 14 septembre 2025. Les signataires alertent sur un effet dissuasif pour la création d'entreprises et l'arrivée de capitaux, alors que certaines pépites peuvent atteindre des valorisations supérieures à 100 millions d'euros sans pour autant générer des bénéfices suffisants pour absorber une taxe annuelle.

Des voies médianes émergent. Des députés socialistes, comme Philippe Brun, suggèrent d'exclure les start-up et les outils professionnels du champ, ou d'introduire des aménagements pour les actifs productifs. Pour l'écosystème, l'atterrissage de la réforme se jouera à la précision des définitions : ce qui est confirmé comme actif productif, la façon d'évaluer des titres illiquides, et le traitement des entreprises non cotées.

Mistral ai : le point de vue de son dirigeant

Le 17 septembre 2025, Arthur Mensch, PDG de Mistral AI, s'est exprimé sur Boursorama. Il dit soutenir l'idée d'une plus grande justice fiscale, tout en s'opposant à la taxe dans sa forme actuelle. Sa ligne rouge : préserver la compétitivité française et éviter de fragiliser des entreprises innovantes qui réinvestissent massivement leurs ressources.

Points de vigilance pour l'écosystème tech

  1. Valorisations volatiles : seuils franchis rapidement lors des levées, puis ajustements, rendant l'assiette instable.
  2. Illiquidité : actions non cotées, absence de dividendes, trésorerie réinvestie dans la R et D.
  3. Concurrence fiscale : arbitrages entre hubs européens du capital-risque.
  4. Effets d'aubaine et d'évitement : structurations internationales et fondations patrimoniales.

Données distributives et justice sociale : l'argumentaire des promoteurs

Le plaidoyer en faveur de la taxe s'appuie aussi sur la dynamique des grandes fortunes. L'Observatoire des inégalités documente un bond d'environ 890 % en vingt ans pour les 500 plus grandes fortunes, passées de 124 milliards d'euros en 2003 à 1 228 milliards en 2024. Pour les partisans, le rééquilibrage n'est pas qu'un sujet budgétaire, c'est une question de cohésion et de légitimité de l'impôt.

Dans cette logique, l'outil se veut complémentaire des réformes entreprises sur l'impôt sur les sociétés. En toile de fond, les chiffres de l'Insee montrent que l'impôt implicite frappe davantage les PME que les grandes, ce qui est perçu comme un biais favorable aux structures les plus internationales et les mieux conseillées (Insee, 2 septembre 2025). Les promoteurs de la taxe y voient un moyen de corriger une partie de cette asymétrie au sein du système.

Une piste discutée consiste à déduire les actifs productifs de l'assiette, par exemple via un abattement ou une exclusion ciblée, tout en taxant la composante purement patrimoniale. L'objectif serait double : protéger l'investissement et maintenir un niveau d'imposition minimal sur les patrimoines exceptionnels.

Arbitrages budgétaires et message adressé aux entreprises

Au-delà du rendement, l'exécutif doit trancher le signal envoyé aux directions financières et aux marchés. Le ministère de l'Économie défend régulièrement la visibilité et l'attractivité du cadre français pour l'investissement, notamment productif. L'équation est délicate : financer l'ajustement budgétaire tout en évitant un choc de confiance pour les entreprises, les ETI industrielles et les acteurs du numérique.

Une voie de compromis consisterait à coupler la taxe avec des soupapes : exemptions pour les actifs clairement productifs, plafonds anti-raz-de-marée pour les entreprises en hyper-croissance, règles d'évaluation des titres non cotés limitant la cyclicité, et clauses de revue à intervalles réguliers. L'expérience récente plaide pour un calibrage précis, assorti d'un suivi statistique robuste par l'Insee et la DGFIP.

Prochain tournant au parlement

Le débat de ce 17 septembre au Sénat ouvre une séquence qui pourrait conduire à des ajustements substantiels du texte. Les points sensibles sont identifiés : définition des actifs professionnels, prévention du contournement et effets sur le financement des entreprises en croissance. Le besoin de 40 milliards d'euros pour 2026 demeurant, une partie de la réponse passera probablement par une diversification des leviers.

Les marchés, les directions financières et l'écosystème startup attendent désormais des clarifications nettes pour calibrer leur stratégie à l'horizon 2026.