6 418 100 contrats signés au premier trimestre 2025 : le compteur des embauches privées en France se fige, tandis que la SNCF maintient un cap offensif sur l’emploi. Le groupe ferroviaire multiplie les ouvertures de postes, stabilise ses embauches en CDI et élargit ses filières techniques, notamment autour des énergies renouvelables. Décryptage économique, RH et opérationnel.

Marché de l’emploi 2025 : signes d’accalmie chiffrés

Les données agrégées sur l’emploi confirment un ralentissement. Après un léger reflux fin 2024, les embauches demeurent stables au premier trimestre 2025 en France métropolitaine, avec 6 418 100 contrats de travail signés dans le privé hors agriculture, intérim et particuliers employeurs. Cette stagnation reflète une prudence des entreprises, sur fond d’incertitude macroéconomique et d’arbitrages d’investissement plus sélectifs (DARES, juillet 2025).

Ce point de stabilisation intervient après les alertes de France Travail sur l’année 2024, qui anticipait moins d’embauches et une part de CDI en repli. Un marché dit “encore dynamique” au regard des niveaux d’avant-crise sanitaire, mais clairement moins porteur. La photographie 2025 confirme donc une forme d’atterrissage en douceur, sans rupture brutale mais avec des comportements d’embauche plus défensifs.

En miroir, deux sphères tirent leur épingle du jeu : les transports et les énergies renouvelables. Les besoins d’exploitation, la modernisation d’infrastructures et les agendas climatiques soutiennent l’emploi, même lorsque l’industrie ou certains services temporisent. La SNCF illustre pleinement cette divergence cyclique.

Le compteur “embauches” de la DARES agrège les contrats signés dans le secteur privé, hors agriculture, intérim et particuliers employeurs. Il inclut CDD et CDI.

Attention aux effets de composition : un volume élevé peut masquer une rotation plus forte en CDD. À l’inverse, un léger recul peut s’accompagner d’une meilleure “CDIsation” si la part des CDI progresse. Les séries trimestrielles se lisent donc en dynamique, trimestre sur trimestre, mais aussi en structure par type de contrat.

SNCF : volumes d’embauches 2023-2025 et trajectoire CDI

À rebours de la temporisation observée dans de nombreux secteurs, la SNCF maintient une cadence d’embauches élevée. Les chiffres annoncés par le groupe et ses documents de référence montrent une dynamique soutenue.

  • 2023 : plus de 25 000 nouveaux salariés en France rejoignent le groupe.
  • 2024 : 27 700 recrutements, dont 18 500 en CDI, confirmés par le rapport financier de l’entreprise.
  • 2025 : plus de 20 000 postes annoncés, avec un objectif assumé de trois embauches sur quatre en CDI, soit environ 15 000 contrats stables.

Au cumul, le groupe évoque plus de 80 000 embauches sur quatre ans, des volumes rares dans le paysage français hors grands plans industriels. Au jour de rédaction, environ 660 offres sont en ligne, dont près de la moitié accessibles sans diplôme spécifique, signalant un effort notable d’accessibilité et de formation interne.

Cette trajectoire s’explique par des besoins concrets : exploitation quotidienne du réseau, maintenance et modernisation des infrastructures, montée en gamme des systèmes, et extension de nouvelles activités liées à la transition énergétique. Les recrutements répondent à des impératifs opérationnels autant qu’à des choix stratégiques.

Lecture des chiffres RH : CDIsation et besoins de production

Les volumes annoncés pour 2024 et 2025 confirment deux lignes de force. D’abord, la stabilisation d’une CDIsation élevée qui sécurise les compétences clés dans la durée. Ensuite, un ciblage sur les métiers de production : conduite et circulation, maintenance de l’infrastructure, entretien du matériel roulant. Ces métiers, qui conditionnent la qualité de service, forment la colonne vertébrale des recrutements.

À l’échelle macro, cette politique de recrutement agit comme un stabilisateur de cycle. Elle compense partiellement l’essoufflement de l’emploi dans d’autres secteurs et maintient un socle d’embauches qualifiées. Pour le marché du travail, cela se traduit par des entrées en formation nombreuses, des upskilling techniques, et des passerelles de reconversion.

Offres sans diplôme : ce que cela signifie concrètement

“Sans diplôme exigé” n’implique pas l’absence de sélection. La SNCF privilégie alors des critères d’aptitude, de sécurité, de disponibilité horaire et de motivation, complétés par des parcours de formation interne. L’entreprise finance la montée en compétences, ce qui ouvre la porte à des profils en reconversion, y compris éloignés de l’emploi.

Métiers techniques en tension et montée en compétences

La SNCF couvre environ 150 métiers, avec une dominante opérationnelle et technique. Les postes phares restent les conducteurs de train, le personnel en gare et les chefs de bord. À ces métiers de front s’ajoutent des profils très recherchés :

  • Ingénieurs et techniciens réseau pour piloter la planification, la signalisation, l’énergie et les télécoms ferroviaires.
  • Opérateurs de maintenance de l’infrastructure et du matériel roulant, essentiels à la fiabilité et à la disponibilité opérationnelle.
  • Monteurs et câbleurs, notamment pour les équipements de caténaire et la modernisation électrique.

La profondeur de ces recrutements tient aux programmes de renouvellement et d’amélioration des infrastructures, ainsi qu’à la montée en puissance d’initiatives de décarbonation. Les investissements exigent une mise à niveau constante des compétences, d’où une politique soutenue de formation initiale et continue.

La SNCF finance une formation rémunérée d’environ un an pour les futurs conducteurs. Le cursus combine théorie, simulateur, terrain et évaluation sécurité. Cette configuration permet d’intégrer des candidats sans expérience ferroviaire préalable, dès lors qu’ils présentent les aptitudes requises et les habilitations de sécurité associées.

SNCF Renouvelables : nouvelles compétences autour du solaire

Depuis juillet 2023, le groupe a lancé SNCF Renouvelables, avec l’ambition d’accélérer la production d’énergie solaire sur son patrimoine. Objectif : valoriser des sites sous-utilisés et contribuer à la transition énergétique du transport ferroviaire.

Cette activité ouvre des métiers émergents côté SNCF : installation et maintenance de panneaux photovoltaïques, supervision d’actifs, exploitation de sites et optimisation énergétique. Selon les communications de l’entreprise, ces axes doivent soutenir la décarbonation et renforcer la résilience énergétique du réseau.

Au-delà du champ technique, ces projets requièrent des compétences de pilotage industriel et de gestion d’actifs : études d’implantation, arbitrages CAPEX/OPEX, monitoring de performance, gestion des contraintes foncières et réglementaires. Cette transversalité explique la diversité des profils recherchés, du technicien au cadre d’ingénierie.

Rémunérations, plancher de paie et avantages RH

La SNCF ne publie pas un salaire médian global. Des repères concrets issus d’offres d’emploi illustrent toutefois la politique de rémunération. Un conducteur de train en Île-de-France, recruté sans diplôme ni expérience préalable, démarre autour de 38 000 à 40 000 euros bruts annuels. La montée en compétence est soutenue par une formation rémunérée d’un an.

Le groupe met également en avant un plancher de rémunération interne. Depuis 2025, l’entreprise indique qu’aucun salarié n’est payé en dessous du SMIC majoré de 10 %, soit 1 981,98 euros bruts par mois au lieu de 1 801,80 euros.

Cette orientation vise à renforcer l’attractivité et réduire le risque de précarisation des entrants. Elle s’ajoute à des primes métiers, des parcours certifiants et des mobilités internes qui facilitent l’évolution de carrière.

Repères de salaire à l’embauche à la SNCF

  • Conducteur de train (Île-de-France) : 38 000 à 40 000 euros bruts annuels à l’entrée, avec formation rémunérée.
  • Niveau d’entrée annoncé par l’entreprise : au moins SMIC + 10 % depuis 2025.
  • Rémunérations techniques dans le renouvelable : variables selon le métier et l’expérience, alignées sur les standards du secteur.

Ces éléments sont fournis à titre indicatif, issus de communications et offres du groupe. Ils peuvent varier selon l’établissement, le régime horaire et les contraintes de service.

Pour un employeur industriel public, la politique de rémunération se conçoit comme un paquet combinant salaires, stabilité, formation, certification et mobilité fonctionnelle. Dans un marché en tension sur les profils techniques, ce package a un effet fidélisant. Le coût de formation initiale est compensé par des gains de productivité sur la durée d’emploi du salarié.

Ancrage territorial : recrutements de proximité en Occitanie

Le “Train de l’emploi” en Occitanie illustre l’industrialisation du sourcing terrain. De début avril à décembre 2025, la SNCF a déployé un dispositif itinérant, avec des arrêts dans plusieurs villes, afin de rencontrer des candidats, évaluer les aptitudes et accélérer les mises en relation. L’initiative prolonge un effort engagé en 2023, où l’objectif affiché portait sur 350 recrutements dans la région.

Au-delà de la visibilité, cette démarche réduit les frictions géographiques habituelles du recrutement ferroviaire. Elle améliore le “time to hire” en rapprochant les métiers de leur bassin de vie et en expliquant sur place les contraintes d’horaires, de mobilité et d’habilitations sécurité. C’est aussi une manière de fluidifier les reconversions locales vers des métiers en tension.

Occitanie : calendrier opérationnel et objectif

Le dispositif fait escale dans plusieurs localités régionales, en lien avec les besoins du réseau et les sites techniques. Les sessions intègrent des présentations métiers, des entretiens et des ateliers, avec un accent mis sur les profils d’exploitation et de maintenance. L’objectif est double : accroître la notoriété des métiers et sécuriser des viviers locaux prêts à entrer en formation.

Le ferroviaire réclame des équipes proches des sites d’exploitation et de maintenance. Cibler une région permet d’optimiser les plannings, de sécuriser les astreintes et de limiter les coûts de mobilité. Le recrutement local améliore la fidélisation, surtout lorsque la formation initiale est lourde. C’est un levier RH et opérationnel à la fois.

Transition énergétique et partenariats sectoriels

Le verdissement de l’économie française crée un effet d’entraînement sur l’emploi. Une convention récente entre France Travail et France Renouvelables vise à accélérer les recrutements dans les métiers des énergies vertes, signée lors du colloque national 2025 au Parc Floral de Paris. La logique est claire : sécuriser les compétences pour des projets qui montent en cadence, des parcs solaires aux systèmes d’exploitation.

Pour la SNCF, engagée avec SNCF Renouvelables, ce contexte est favorable. Les passerelles formation-emploi et la montée en compétences sur site facilitent l’émergence de nouveaux viviers. Le recrutement de techniciens photovoltaïques, de superviseurs d’actifs et de profils d’ingénierie énergie répond aux mêmes standards d’exigence que les métiers historiques du rail : sécurité, fiabilité, continuité de service.

France Travail et France Renouvelables : périmètre de la convention

Le partenariat annoncé cible l’accélération des recrutements et l’adéquation formation-compétences sur la filière renouvelable, en s’appuyant sur l’écosystème de l’emploi pour détecter, qualifier et orienter les candidats. Pour les grands employeurs, ferroviaires compris, la dynamique facilite le passage de l’intention à l’embauche concrète, en réduisant les délais entre sourcing et prise de poste. Cette articulation formation-recrutement est centrale sur des métiers techniques évolutifs (francetravail.org, 2025).

Compétences transverses recherchées dans le renouvelable

  • Lecture de plans, métrologie, contrôle qualité d’installation.
  • Habilitations électriques et respect des procédures sécurité.
  • Maintenance préventive et pilotage d’outils de supervision.
  • Reporting de performance et suivi d’indicateurs d’exploitation.

Ces compétences s’articulent avec des savoir-faire ferroviaires existants, ce qui facilite les reconversions internes ou l’accueil de profils en reconversion externe.

Emploi ferroviaire : un stabilisateur du cycle

Le contraste est net. Alors que l’emploi privé marque une pause dans son expansion, la SNCF déroule un plan de recrutements massif, assorti d’une forte CDIsation et de parcours de formation internes. L’extension des activités liées au solaire renforce la portée de ces embauches, du terrain jusqu’aux fonctions d’ingénierie.

Pour les décideurs RH et les acteurs publics, l’équation est instructive : la structuration de viviers, la baisse des seuils d’accès diplôme et l’investissement formation constituent une réponse robuste à la tension sur les compétences techniques. Le ferroviaire, par sa nature capitalistique et régulée, continue ainsi de jouer un rôle d’amortisseur dans le cycle de l’emploi. À suivre, au fil des publications officielles et des réalisations opérationnelles.